XXI - Antonin Caracalla (an de Rome 965)

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Caracalla jeune
Musée Campana

Antonin, voulant gagner le peuple romain (1) par un présent d'une nature qui lui était jusqu'alors inconnu, lui donna un vêtement qui descendait jusqu'aux talons, et qu'on nommait caracalla (2) : ce qui lui fit donner ce surnom ; mais, parce qu'il le portait lui-même, il le nomma Antonien. Il vainquit sur les bords du Mein les Allemands, nation nombreuse qui excellait dans les combats de cavalerie. Patient, affable et paisible, il n'eut pas moins de bonheur que son père. Il épousa aussi la même femme, savoir Julie, sa belle-mère, qui le séduisit par ses charmes, et des déréglements de laquelle j'ai fait mention plus haut (3). Un jour que cette femme, qui ne rougissait de rien, s'était mise toute nue en sa présence, faisant semblant d'ignorer qu'il la voyait : «Je voudrais bien, lui dit-il, épouser ce beau corps, si cela m'était permis.
- Si vous le désirez, répondit-elle, je vous le permets». Cette réponse, pleine d'effronterie, prouvait bien qu'avec ses vêtemens elle s'était dépouillée de toute pudeur. Caracalla transporta à Rome les mystères égyptiens (4), construisit une nouvelle voie, fort large, et bâtit des thermes d'une grande magnificence. Quand ces ouvrages furent achevés, il partit pour se rendre en Syrie. Il parcourait cette province, lorsqu'il mourut (5) après un règne de six ans. Ses restes furent transportés à Rome, et, au milieu de la douleur publique, déposés dans le tombeau des Antonins (6).


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(1)  Peut-être aurais-je dû traduire adjiciens par voulant distinguer, ou ajouter aux vêtements du peuple romain, etc.

(2)  Les Romains ne portaient auparavant qu'une simple tunique, nommée calaca, qui descendait jusqu'aux genoux. C'était un vêtement ordinaire, distingué de la toge, qui se portait les jours de cérémonie, et descendait jusqu'aux pieds.

(3)  Dion Cassius et Hérodien disent que Julie était la propre mère de Caracalla. Nous aimons mieux en croire Aurelius Victor, parce qu'il ne faut pas multiplier de tels crimes sans des preuves certaines.

(4)  Les mystères d'Isis, déesse égyptienne, à laquelle il éleva un temple dans la voie Neuve, et près des Thermes qui portent son nom ; mais il n'est pas vrai que Caracalla ait introduit à Rome pour la première fois le culte de cette déesse, lequel depuis longtemps y avait été proscrit, et ensuite rétabli par Commode. Sans doute il ne fit qu'y apporter de nouvelles modifications, ou remettre en vigueur des cérémonies qui avaient été supprimées.

(5)  Les historiens ne sont pas d'accord sur les circonstances de sa mort. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il fut tué, entre Edesse et Carres, en Mésopotamie, par l'ordre de Macrin, son préfet du prétoire.

(6)  Il paraît que Victor a trop voulu ménager la mémoire de cet indigne empereur, par égard pour celle de son père.