Le massacre d'Elne - Enluminure de l'Abrégé des Chroniques de France - Ms Français 4943, fol.26 (détail) - Vers 1469 - BnF
Préambule I- Empire et papauté II- Diex el vol III- Une irruption aragonaise en Languedoc (1286) IV- Abyssus abyssum invocat |
O Catalogne tu seras glorifiée dans tous les
siècles !
Anonyme de Ripoll - Guerre de 1285 (Marca
hispanica) p.571)
«Le 30 mars 1282 avait sonné à Palerme le
terrible tocsin des Vêpres Siciliennes et tous les
Français, hommes d'armes, marchands, femmes et enfants
avaient été massacrés d'abord dans Palerme,
puis à Messine, puis dans toutes les villes de la Sicile,
vengeance effroyable mais suscitée par l'oppression la
plus dure et la plus outrageante qu'une nation eût jamais
subie»
(1).
Quelques années avant que les Siciliens ne se
soulevassent, Jean de Procida, l'un des chefs de la conjuration,
s'était rendu en Catalogne et avait dit au roi Pierre III
d'Aragon : «Voudriez-vous vous venger des offenses qui
vous ont été faites dans le temps passé,
car vous avez reçu plus de honte que seigneur qui soit
dans la chrétienté ? Déjà, comme
vous savez, le roi Mainfroy a laissé le royaume de Sicile
à sa fille, qui est votre femme : et vous, faible et
lâche, vous n'avez jamais voulu venir reprendre votre dot.
Vous devriez aussi vous rappeler votre aïeul (Pierre II
mort en 1213) que les Français tuèrent
lâchement à Moret en Toulousain. Maintenant vous
pouvez vous indemniser de toutes vos pertes si vous voulez
être prévoyant et hardi».
Procida offrit au roi
d'Aragon, avec le consentement du pape Nicolas III, et ce point,
qui mérite d'être relevé eu égard aux
idées religieuses qui dominaient à cette
époque, atténue singulièrement les
prétendus torts de Pierre III, Procida, disons-nous
offrit à Pierre III la Sicile opprimée et l'or de
Michel Paléologue
(2). Certains ont prétendu que Nicolas III
était hostile à Charles d'Anjou par suite du refus
qu'avait fait ce prince de la main d'une nièce de ce
souverain pontife. Nous préférons attribuer
à cette hostilité une cause plus noble et selon
nous plus naturelle. La Papauté qui fut souvent l'appui
des opprimés et que nous avons vu lutter
obstinément contre l'influence allemande en Italie,
s'était depuis longtemps émue des maux des
Siciliens. Le pape Clément IV qui avait soutenu Charles
d'Anjou en Sicile, lui avait écrit pour lui reprocher la
conduite des Français dans cette île : «Si
ton royaume, disait le pontife, est spolié par tes
ministres, c'est à toi seul qu'on doit s'en prendre,
puisque tu as confié tous les emplois à des
brigands et à des assassins qui commettent dans tes Etats
des actions dont Dieu ne peut supporter la vue». Dans une
autre lettre Clément IV manifestant son indignation
écrivait à Charles : «Quant aux exactions
dont tu accables ton royaume et qui exaspèrent les
esprits, nous ne pouvons accepter tes excuses et te pardonner,
aussi nous t'abandonnons à ta conscience (3). Je ne sais comment,
écrivait de Viterbe le 5 mai 1269, le même pape au
duc d'Anjou, et pourquoi je t'écris encore comme à
un roi, puisque tu ne prends aucun soin de ton royaume...
après avoir été appauvri par tes brigands
de ministres le voilà aujourd'hui dévoré
par tes ennemis» (les Sarrazins) (4).
Le Pape Innocent III, agissait surtout en italien en faisant
offrir au roi d'Aragon la Sicile qu'il espérait ainsi
délivrer de l'affreuse tyrannie sous laquelle elle
était courbée ; mais quelque temps après le
voyage de Jean de Procida en Catalogne, ce pontife mourut et
à sa place fut élu à Viterbe, le 22
février 1281, grâce aux menées et aux
violences de Charles (qui entre autres choses fit forcer les
portes du conclave et enlever deux cardinaux qui étaient
hostiles au futur pape), le français Simon de Brion qui
prit le nom de Martin IV.
Pendant que s'accomplissait en
Sicile la sanglante exécution qui devait venger tant
d'opprobes et d'outrages, Pierre III avec une flotte
considérable se tenait en vue de cette île à
Alcoyll, situé sur les côtes de Barbarie, non loin
de Tunis, et il y reçut une députation sicilienne
qui vint lui offrir la couronne en lui demandant assistance ;
Pierre d'Aragon se dirigea vers Trapani où il
débarqua le 3 août 1282, se fit couronner roi de
Sicile le 2 septembre à Montréal par
l'évêque de Céfalu, et entra le 10 du
même mois à Palerme, où, dit Villani, il fut
reçu avec honneur et en grande pompe (ricevuto
a grand' honore et processione). De la puisante et
redoutable Maison de Souabe, il ne restait plus qu'une femme,
Constance, épouse du roi d'Aragon, et Martin IV
fidèle aux errements de ses prédécesseurs
et surtout obéissant aux injonctions, pour ne pas dire
plus, de Charles d'Anjou, après avoir excommunié
Michel Paléologue en 1281, excommunia l'année
suivante les habitants de Palerme et Pierre III contre lequel il
renouvela trois fois en 1283 (le Jeudi-Saint, le jour de
l'Ascension et le jour de saint Pierre et de saint Paul) sa
sentence d'excommunication, tout en déplorant de ne
pouvoir l'appeler son cher fils «quem carum filium
nominari non patitur» le déclarait incapable de
régner en Sicile et donnait son royaume d'Aragon à
Charles de Valois, second fils du roi de France Philippe III,
dit le Hardy, qu'il chargeait d'exécuter la
sentence papale (5).
«On peut citer à ce propos, dit Muntaner,
relativement à cette donation, ce dicton de Catalogne ;
quand quelqu'un dit : «je voudrais bien que ce lieu fut
à vous», l'autre répond : «il
paraît qu'il ne vous coûte pas beaucoup». Et
ainsi le peut-on dire du pape qu'il paraissait bien que le
royaume d'Aragon ne lui coûtait pas cher, puisqu'il en
faisait si bon marché
(6). Et ce fut de toutes les donations, la donation
faite pour le plus grand malheur des chrétiens».
«Il est impossible, dit à son tour de Gazanyola, de
justifier une pareille sentence dont l'exécution
n'était pas aisée» ; il ne suffisait pas en
effet d'excommunier le roi Pierre pour que Charles de Valois
fût mis ipso facto en possession du royaume
d'Aragon, et comme un des héros du poète italien
Tassoni, ce prince pouvait dire : «mais cette donation ne
vaut pas une figue, si nous n'en prenons possession avec ces
armes que nous portons» (La Secchia Rapita, chant
IV, strophe III) ; c'est ce que dut penser le pape, car
aussitôt il organisa, sous le commandement de
Philippe-le-Hardy, une croisade contre le souverain aragonnais
et envoya à cet effet en France le cardinal
français Jean Caulet ou Cholet (7).
Le roi de Majorque, Jacques,
frère du roi d'Aragon dont il avait à se plaindre,
s'était engagé à favoriser l'entrée
des Francais dans le royaume de Pierre III (ope et auxilio
Majoricarum Regis, dit l'Anonyme de Ripoll) (8) et avait comme gage de sa
promesse livré deux de ses fils, Don Jacques et Don
Sanche au roi de France : ce qui faisait chanter au troubadour
bitterois Bernard d'Auriac, dans une de ses sirventes, le
triomphe des fleurs de lis «défendus, dit-il, par
trois puissants jardiniers», faisant allusion à
Philippe-le-Hardy, à son fils Charles de Valois et au roi
Jacques de Majorque ; mais meilleur prophète fut
Philippe, fils aîné du roi de France, qui, selon
Muntaner, avait dit à son frère Charles :
«Quant au royaume d'Aragon, jamais vous n'en aurez un seul
point, car notre oncle
(9) le roi d'Aragon en est roi, et il est plus digne de
l'être que vous, et il le défendra contre vous de
telle sorte que vous pourrez bien apprendre que vous n'avez
hérité que du vent» (10).
En 1283, Eustache de
Beaumarchais, gouverneur de la Navarre, fit, à la
tête de quatre mille chevaux bardés, une irruption
en Aragon, s'avança jusqu'à quatre lieues dans
l'intérieur des terres, où il fit le
dégât, dévasta et mit tout à feu et
s'empara après une vigoureuse résistance du
château d'Ull ; mais à l'approche du roi d'Aragon
qui s'avançait contre lui à la tête d'une
armée tellement forte, que Muntaner dit : «depuis
que l'Aragon fut habité, jamais il ne se trouva un aussi
grand nombre de braves gens réunis ensemble ; et de telle
sorte qu'en vérité ils auraient suffi à
détruire, je ne vous dirai pas les forces réunies
par Eustache, mais toutes celles du roi de France
lui-même, si elles y eussent été» ;
à l'approche de cette armée, disons-nous, Eustache
de Beaumarchais rentra en France, vivement pressé par les
Aragonais qui lui firent éprouver des pertes assez
sensibles en hommes, en chevaux et en armes (11).
Le roi de France s'occupa activement pendant l'année
1284 des préparatifs d'une grande expédition
contre Pierre III et avant d'entrer en campagne il avait
réuni selon Desclot «set milia homens a cavall,
tots de paratge, dy-huit milia ballesters (arbalétriers)
de peu, e altres homens de peu be cent milia o pus. E era tan
gran lo apparellament que caix no es cosa ques dega creure, si
hom no u havia vist. E hac fet aportar per los dos anys passats
vianda per mar e per terra, tanta quanta poch». Dans ce
même temps, le roi d'Aragon luttait victorieusement en
Sicile contre Charles d'Anjou et toujours actif et vigilant se
présentait un jour de mars ou avril 1285 de très
grand matin devant Perpignan, en brisait une des portes,
pénétrait dans la ville où il fit pendre
tous les marchands français qui s'y trouvaient ainsi que
deux conseillers du roi de Majorque et surprenait dans le
château son frère, des trésors duquel il
s'empara. Mais le roi Jacques parvint pendant la nuit à
s'échapper par un égoût et se retira au
château de La Roca, laissant dans son château sa
femme, trois de ses fils et sa fille ; le lendemain, Pierre III
se rendit auprès de la reine, sa belle-soeur, et lui dit
que son mari s'était moqué de lui : «vostre
marit m'ha fet gran escarn», ajoutant qu'il n'était
pas venu pour lui enlever son royaume, mais qu'il voulait
seulement prendre ses précautions en ce qui concernait
les forteresses afin qu'il ne lui en advînt pas de
dommages dans la guerre «qu'il s'attendait à avoir
bientôt avec le roi de France ; votre mari, continua le
roi d'Aragon, m'a trompé et s'est moqué de moi et
me cause grand préjudice, mais il en cause un bien plus
grand à lui, à vous et à ses fils»,
puis il sortit laissant la reine et ses enfants sous bonne
garde. Ce même jour, sur le bruit que Pierre III avait
fait mettre à mort le roi de Majorque, Perpignan se
souleva «han gitades cadenes et barreres» contre
l'Aragonais qui, ne pouvant se rendre maître du mouvement
quitta la ville en y laissant bon nombre de ses soldats que les
Perpignanais avaient pris dans les rues, et en amenant la reine
de Majorque et ses enfants, mais à la Junquèra il
la renvoya avec sa fille et arrivé dans son royaume il
fit enfermer dans une forteresse les fils de Jacques de
Majorque.
Philippe de France
poursuivait toujours ses prépatifs : «au son de la
trompette d'indulgences du cardinal (Cholet), une grande
armée se forma, le nombre des combattants était
infini, leurs boucliers faisaient étinceler la terre et
les montagnes» ; ainsi parle l'Anonyme de Ripoll de
«ce grand ost à merveille» comme dit Guiart
et qui, d'après Chartier, se composait d'une «si
grant multitude de gens que c'estoit merveille à
veoir». Tandis que Muntaner estime au moins à
dix-huit mille chevaux bardés et à un nombre
infini d'hommes de pied, l'armée française qui
s'était formée à Toulouse, Desclot la
dénombre ainsi : sept mille six cents cavallers de
paratge, cent mille hommes de pied et au moins soixante
mille ribauds. Je ne sais si c'est l'espoir de gagner les
nombreuses indulgences que faisait miroiter le cardinal Cholet
et dont il était loin de se montrer parcimonieux, qui
avait engagé ces derniers à venir guerroyer contre
le roi d'Aragon, toujours est-il qu'il en vint de partout :
«y havia, dit Desclot, Francesos, e Picarts, e Tolsans, e
Llombarts, e Bretons, e Flamenchs, e Burgunyons, e Allemanys, e
Prohencals, e Anglesos, e Gascons. E quaix de totes gents e
lengues de christians hi ha, homens d'armes hi havia». Il
y avait également une multitude d'Italiens à la
solde du pape. Jusqu'à la reine de France, Marie de
Brabant, seconde femme de Philippe-le-Hardy, qui, avec quelques
dames de sa cour, voulut aussi avoir sa part d'indulgences, et
accompagna, dans cette intention, le roi jusqu'à
Carcassonne
(12).
Ce fut en mai 1285 que
l'armée française quitta Narbonne et se dirigea
vers le Roussillon
(13). Lorsque en arrivant à Salses, les
Français aperçurent les Pyrénées,
ils eurent une grande joie et poussèrent de grands cris,
comme si, dit Desclot, ils avaient déjà conquis
toute la terre, ne pensant même pas que personne
osât la défendre contre eux» (14).
En vertu de l'accord conclu entre lui et le roi de Majorque,
Philippe III voulut occuper Salses, ne croyant pas que cette
petite ville refusât de le recevoir, mais à peine
ses soldats s'en furent-ils approchés que les servants
des balistes les mirent en mouvement et prouvèrent aux
Français qu'ils appréhendaient
singulièrement leur visite ; ceux-ci organisèrent
alors une attaque contre la ville dont ils ne
s'emparèrent qu'après trois assauts dans lesquels
ils perdirent beaucoup de monde et eurent un très grand
nombre de blessés ; maîtres de Salses, ils en
passèrent les défenseurs et les habitants au fil
de l'épée «occiren los homens e les fembres
e ils infants que y atrobaren».
En partant de Salses le roi
de France dont l'armée s'était
considérablement grossie, la divisa en six corps, dont
nous ne donnerons pas le détail, nous contentant de
résumer les chiffres et les indications de Desclot. Les
trois cent trente-huit mille cinq cents hommes qui composaient
cette armée se divisaient ainsi : soixante mille ribauds
«sans armes, n'ayant que des bâtons», quinze
mille cavaliers, treize mille arbalétriers «tous
garnis et couverts de fer de telle sorte qu'il ne paraissait que
les yeux», six cents cavaliers «armés, tous
couverts de fer» à l'arrière-garde ; le
reste se composait d'hommes de pied ; dans ce nombre de trois
cent trente-huit mille cinq cents hommes n'étaient pas
comprises les compagnies de Toulouse, de Carcassonne, de
Beaucaire, de Lunel, de Foix, ainsi que dix ou douze mille
hommes, ou femmes et enfants qui conduisaient les quatre-vingt
mille bêtes de bétail qui suivaient l'armée,
ou de somme qui trairaient des charriots. La chronique de
Saint-Paul de Narbonne, se rapprochant des chiffres de
Desclot, évalue l'armée à plus de trois
cent mille hommes à pied ou à cheval (plus quam
trecenta millea cum pedibus, cum ad caballum), et Muntaner
écrit qu'après son entrée en Catalogne,
l'armée française qui à ce moment
était considérablement réduite, comme nous
le dirons plus loin, (par suite du départ d'un grand
nombre de croisés) se composait encore de beaucoup plus
de deux cent mille hommes de pied ou à cheval et de vingt
mille chevaux bardés. Si les chiffres que donnent les
trois chroniqueurs que nous venons de citer étaient
exacts, on comprendrait que les habitants des villes ou villages
de France que traversait l'armée s'écriassent :
«en méconnaissant, dit Muntaner, la puissance de
Dieu : «Le roi de France emmène avec lui une telle
force qu'il aura bientôt conquis toute la terre du roi
d'Aragon». Mais il nous en coûte d'accepter les
évolutions de Desclot, de Muntaner et de la chronique de
Saint-Paul, et nous préférons nous en tenir
à ce que dit Villani suivi par Mariana, d'après
lequel l'armée française se composait de vingt
mille chevaux et de quatre-vingt mille hommes de pied (15).
Le roi de France qui avait
envoyé des messagers à celui de Majorque, le vit
aussitôt arriver dans son camp où il le
reçut fort honorablement. Sans perdre de temps le
cardinal légat ordonna au malheureux Majorquin «de
la part de Dieu et des apôtres» d'avoir à
livrer au roi de France ses places fortes du Roussillon,
Perpignan et cent hommes de cette ville en otages ; Jacques
consentit à remettre aux Français les
châteaux de La Roca et de La Clusa, quant à
Perpignan, Collioure et Elne (?) il ne le pouvait, dit-il, car
ces villes s'étaient prononcées contre lui. Puis
il partit emmenant soixante cavaliers de Picardie et deux cents
servants de Toulouse ; arrivé au château de La
Roca, il y laissa, avec des vivres, quarante cavaliers et cent
cinquante servants, et alla ensuite installer au château
de La Clusa les vingt cavaliers et les cinquante servants qui
restaient, recommandant à tous de bien garder ces
châteaux pour le roi de France et pour lui, et il rentra
auprès de Philippe III. La possession du château de
La Clusa était de grande importance pour le roi de
France, car cette forteresse commandait l'entrée du
défilé ou col de Panissars par lequel Philippe
voulait tenter de pénétrer en Catalogne.
Après le départ de Jacques de Majorque, le roi de
France avait envoyé mille cavaliers accompagnés de
servants, d'arbalétriers et de lanciers pour occuper
Perpignan ; les défenseurs de cette ville les
laissèrent approcher, mais à peine furent-ils sous
les murs que les arbalétriers qui les garnissaient et qui
jusque-là avaient feint de ne pas voir les
Français, les accablèrent de traits et de pierres,
ce que voyant les soldats de Philippe III se retirèrent
«giraren las testes als cavalls» pensant que le roi
d'Aragon était dans Perpignan ; mais trouvant sur leur
route un monastère de religieuses de l'ordre de Citeaux
(16), ils y
pénétrèrent en brisant les portes et en
pillèrent l'église ; quant aux pauvres
religieuses, ils les traitèrent Dieu sait comme (17). Instruit de la
façon dont ses troupes avaient été
reçues par la capitale du royaume de Majorque, Philippe
III envoya vers cette ville le sénéchal de
Toulouse, Eustache de Beaumarchais, le même que nous avons
vu en 1283 envahir la Navarre, et le comte de Foix,
Roger-Bernard III, avec mission de demander pour l'armée
des vivres qu'il s'offrait à payer, promettant son pardon
et celui du roi de Majorque et aussi qu'il n'entrerait de
Français dans la ville que le nombre que voudraient les
habitants, menaçant, dans le cas d'un refus, de venir en
faire le siège ; n'espérant guère
être secourus par le roi d'Aragon, les Perpignanais, dont
cependant plusieurs quittèrent la ville avec leurs femmes
et leurs enfants pour se retirer sur les terres du roi d'Aragon,
les Perpignanais, disons-nous, acceptèrent les conditions
du roi de France
(18).
N'ayant plus à
s'occuper de Perpignan, les bandes françaises se
répandirent en Roussillon, portant avec elles la terreur
et la mort. Guiart nous a dépeint dans les vers suivants
les déprédations de cette soldatesque
indisciplinée :
Connestables atropelez Et rebauz (ribauts) nuz esturmelés Chacun d'entre euz chière levée S'espandent (se répandent) aval la contrée Hardiement aus aventures, Prennent les bues (boeufs) par les pastures, Les moutons, les brebis, les vaches, Es maisons joignant des estages, Resaisisent (s'au voir alons) Jumenz, poulains et estalons Et ocient (tuent), pour Fiex loiers Vilains en leurs propres foiers Huches rompent, maisons bruissent (brûlent) Vilétes de blez desgarnissent ; L'un d'eus le veut, l'autre le donne» (19) |
Le roi de France continuant sa marche arriva jusqu'au Boulou,
toujours harcelé par les troupes de Pierre qui
s'était préparé à défendre
vaillamment l'entrée de son royaume. Avant de
pénétrer en Catalogne, les Croisés devaient
se heurter à la vaillance aragonaise : dès leur
entrée en Roussillon, jusqu'à leur retour en
France, les Français eurent à combattre un ennemi,
parfois invisible, dont le suprême patriotisme leur fit
éprouver de grandes pertes, car, comme le dit Muntaner,
dont les paroles nous rappellent ce qui se passait au
commencement de ce siècle, alors que l'Espagne luttait
avec un glorieux acharnement... «Jamais il ne sortit aucun
homme de l'ost du roi de France qui ne fut pris ou
tué»
(20).
Le roi d'Aragon avait
confié la garde des cols de Banyuls et de la Massane au
comte d'Ampurias : au vol du Perthus il avait placé le
comte de Rocaberti et s'était réservé la
défense du col de Panissars. Après de longues
hésitations occasionnées par la vue des bandes
aragonaises qui garnissaient le sommet des
Pyrénées, Philippe III voulut tenter de s'emparer
du col de Panissars ; «jamais, dit Muntaner, on ne fit si
fol essai, car tout-à-coup fondirent sur son avant-garde
plus de cinquante mille hommes almogavares et varlets des
menées, de telle sorte qu'on les voyait rouler du haut de
la montagne en bas, hommes et chevaux» et Philippe, fils
aîné du roi de France, de dire à son
frère Charles : «Beau-frère, voyez avec
quels honneurs vous accueillent les habitants de votre
royaume», et à son père : «J'ai plus
à coeur votre honneur ou votre honte et votre dommage que
le pape et les cardinaux... Ils se soucient bien peu du danger
et des dommages qui vous sont réservés».
Forcés de reculer, les Français allèrent
à la suite de cette tentative infructueuse mettre le
siège devant le Boulou où commandait une femme
nommée N'Aligsen ; cette place, bien fortifiée et
vigoureusement défendue, résista à trois
assauts dans lesquels les Français perdirent beaucoup de
monde (21).
Sur le faux bruit que le roi
d'Aragon marchait contre Perpignan, Philippe III s'avança
contre cette ville, cédant aux injonctions du cardinal
auquel il représenta vainement qu'il ne voulait pas
violer la promesse qu'il avait faite aux habitants, ajoutant que
«tout prince doit être fidèle à son
serment (tenir y observar sa fe) à l'égard
de ses amis et de ses ennemis» ; mais le cardinal n'en
voulut démordre et Philippe-le-Hardy dut s'incliner ;
arrivé devant Perpignan, il en manda les principaux
habitants et leur enjoignit d'avoir à lui livrer les cent
otages qu'il avait précédemment demandés,
ce qui fut fait le lendemain ; les Français
occupèrent ensuite la ville qu'ils traitèrent en
pays conquis
(22).
Maître de Perpignan, le roi de France se mit en devoir de
s'emparer d'Elne ; son armée était si nombreuse
qu'elle occupait, nous dit Desclot, «les deux lieues
(catalanes) qui séparent Elne (de Perpignan).
«François de leurs armes s'atournent Plus joinz (nombreux), qu'espervier nest, en giez S'en vont vers la vile rangiez». |
rapporte Guiart. Arrivé devant Elne le roi de France en
envoya sommer les habitants de se rendre sans conditions ;
ceux-ci, loin de se soumettre, se préparèrent au
contraire à se défendre vigoureusement. Un
seigneur catalan, Raymond d'Urg, s'était jeté dans
Elne avec trente cavaliers, mais les déprédations
de ses hommes avaient indisposé contre eux les habitants
de la ville ; voyant ces dispositions et craignant quelque
trahison, Raymond d'Urg avec ses hommes d'armes quitta Elne
à la faveur de la nuit. «Le lendemain, dit
Guillaume de Nangis, le roy commanda que l'on alast à
l'assaut. Quant ceulx de la ville virent ce, si requistrent (se
consultèrent) et mandèrent que le roy leur donnast
respit jusques à III jours tant quil eussent parlé
ensemble et quil fussent tous d'un accord, et puis si
livreraient la ville au roy et à son commandement. Le roy
leur ottroya volentiers. En dementres (pendant) qu'il avait les
trèves et quil ne furent point assaillis, il vindrent au
plus haut de la ville et mistrent le feu sur une tour, si que le
roy d'Aragon le peust veoir, qui nestait pas moult loing
d'illec, car il avaient espérance quil les vendrait
secourre. Quant le roy aperçeut leur barat (tromperie),
si commanda tantosta l'assaut.
Le légat sermonna et prescha aus françois, et
prit tous les péchés sur lui quil avait oncques
fait en toutes leurs vies, mais quil alassent sus las anemis de
la crestienté bien et hardiement et quil ni espargnassent
riens, comme ceulx qui estaient escornmeniés et
dampnés de la foi crestienne. Quant les françois
oiren ce, si crièrent à l'assaut a pié et
à cheval et getterent et lancierent a ceulx de dedens.
Tant approuchierent des murs quil furent assés
prés : si leverent leurs eschielles contremont et
hurterent aus murs tant quil en feirent treboucher une grant
piéce et un grant quartier. Il brisierent les portes et
abbatirent leurs murs en plusieurs lieux, si se bouterent ens de
toute part. Si commencierent à crier à mort et
à occire hommes et femmes sans espargnier.
Entraren los Francesos, dit Desclot, en las sgleyes
(églises) de la vila e robaren les, e trencaren les creus
e les ymatges dels sauts que y eren, e gitaren ho tot a perdicio
; e gitaren les reliquies dels sants que y eren. E prenien los
infants petits, e batien ne les parets, e puix jahien e forcaven
les fembres vidues e poncelles e les altres, que no y guardaven
reverencia de sgleya ne de altar ; ans jahien ab elles a qui e
leix. E puix com hi havien jagut tant com volien, occien les e
nafraven les malamant».
Les Anciennes chroniques de Flandre racontent ainsi la prise
d'Elne : «La vindrent les prestres portant le corps de
Nostre-Seigneur en les mains ; et les femmes enchaintes
houlchoient (levaient) leurs draps moustrant leurs ventres, les
mères et les pères portoient les petits enffans
sur leurs testes pour estre espargniez. Mais le Cardinal qui
illec estoit monté sur son grand destrier, commanda de
par Dieu et de par l'auctorité du Pape que tous meissent
à l'espée, prestres, clercs, hommes, femmes et
enffans et absoloit tous ceulz qui les tuoient de par saint
Pierre et saint Pol : Quand tous furent mors moult fut piteuse
chose à veoir».
Si les Français
«n'épargnèrent faine filz ni fille»
comme le dit Guiart, c'est bien plus le légat du pape que
le roi de France qu'il faut accuser, car toutes les horreurs qui
se produisirent, toutes les cruautés qui se commirent
n'eurent lieu, ainsi que nous l'avons vu et comme le dit la
Chronique de Saint-Bertin, que de praecepto legati (23) : et nous
pourrions dire de la croisade de 1285 ce qu'un auteur, qui
écrit «en chrétien et au point de vue de la
vérité religieuse» (Préface, t.II) et
dont certes les paroles ne sont pas suspectes, a dit de la
guerre des Albigeois : «avouons-le aussi, les
légats du Pape se laissèrent trop aller à
fermer les yeux sur d'immenses massacres, sur des exterminations
dont le souvenir nous glace d'effroi, et durant lesquelles on
fit trop petite la part de la pitié et de la
miséricorde, trop grande celle de la rigueur ou de la
colère»
(24).
Ce fut le 25 mai 1285 que s'accomplit le massacre d'Elne, qui
eut en Europe un immense retentissement, et l'historien italien
Jean Villani, qui n'avait alors que dix ans, écrivant sur
ses vieux jours les Historie universali di suoi tempi,
nous dit dans un laconisme très expressif «et
uccisevi huomini et femine et fanciugli». Selon Guillaume
de Nangis, Desclot, Villani, Guiart, les chroniques de
Saint-Denis, Mariana, etc., un seul homme, le bâtard de
Roussillon, aurait échappé à cette
boucherie. Quelques habitants d'Elne s'étaient, suivant
ces auteurs, enfermés dans l'église, «mais
rien ne leur valut car les portes furent tantost
brisées» et ils furent tous mis à mort,
«fors que il tot seul escalier qui avait nom le bastart de
Roussillon qui monta sus le clocher du moustier si commanda le
roy qu'il fut espargné se il vouloit se rendre, tantost
il se rendi et pria que lon li sauvast la vie» (Guill. de
Nangis).
Les Français
détruisirent ensuite la ville d'Elne «dont ils
démolirent les maisons, dit Desclot, de telle sorte n'y
est pas resté pierre sur pierre «pedra sobra
altra», mirent le feu aux églises, à la
ville et se retirèrent pleins de joie et
d'allégresse»
(25).
Après avoir lu le récit des cruautés que
nous venons de rappeler on est tenté de s'écrier
avec l'auteur d'Athalie :
Quel carnage de toutes parts ! On égorge à la fois les enfants, les vieillards, Et la soeur, et le frère, Et la fille, et la mère, Le fils dans les bras de son père ! |
et l'histoire prononçant son arrêt a dit, par la
plume de Mézeray «ame vivante n'évita la
fureur du glaive».
Nous serait-il permis de
faire appel de ce jugement et d'essayer de prouver que le
massacre ne fut pas général ? Une pièce qui
n'émane ni d'un homme de guerre, ni d'un chroniqueur,
nous offre un argument à l'appui de notre opinion : c'est
tout simplement une pièce de comptabilité, l'un
des articles des Ceratae (tablettes de cire) où
Pierre Condet mentionne, sous la date du 28 mai 1285, les
dépenses faites pour les captifs d'Elne (pro expensis
captivorum Elnensium)
(26). Il nous parait surabondamment
démontré par là que la tuerie qui suivit la
prise d'Elne ne fut pas générale et que si des
prisonniers durent suivre le roi de France, ce ne devaient pas
être les moindres de la cité. Autre preuve à
l'appui de notre thèse. Par un acte de la Gallia
christiana nous apprenons qu'un clerc de Narbonne, Guillaume
Serra, qui suivait probablement l'armée française,
«se trouvait à Elne dans l'église de la
bienheureuse vierge Eulalie, lorsque cette cité fut
saccagée par l'armée de notre illustrissime
seigneur le roi de France, et lorsque j'étais
présent, dit-il, je vis briser ou détruire une
certaine caisse ou coffre en bois» renfermant des reliques
«les Français la brisèrent et la
détruisirent en ma présence et moi le
voyant» ; ce clerc ayant ramassé quelques fragments
des reliques que renfermait cette châsse s'adressa
«pour savoir à quel saint ou à quelle sainte
appartenaient ces reliques, à quelques prêtres
de cette église et à quelques autres
«personnes qui se trouvaient dans l'église»
(27). Il est
évident que si leurs jours avaient été
menacés, ces prêtres et les autres personnes ne
seraient pas restés tranquilles spectateurs de cette
scène de barbarie. Des deux documents que nous venons de
citer nous pouvons conclure que le massacre ne fut pas
général et qu'un certain nombre d'habitants d'Elne
«évita la fureur du glaive» ; et si les
chroniqueurs ont mentionné le bâtard de Roussillon
comme ayant seul échappé à la mort, c'est
à cause de la qualité de ce personnage, estimant
que le reste ne valait pas l'honneur d'être
nommé.
Pendant que les
Français assiégeaient Elne, quelques habitants de
Collioure avaient fait prévenir le roi d'Aragon qu'ils
étaient disposés à lui livrer cette ville,
sous les murs de laquelle celui-ci arriva de très grand
matin, accompagné d'un seul cavalier, avant laissé
cinquante cavaliers et mille hommes de pied qui l'accompagnaient
dans une vigne des environs ; ce fut au gouverneur de Collioure,
Arnaud de Saga, qui était dévoué au roi de
Majorque et qui avait été prévenu du
complot, que s'adressa du pied des remparts le roi d'Aragon qui
le croyait de son parti ; Arnaud de Saga feignit de ne pas le
reconnaître et l'engagea à plusieurs reprises
à s'approcher, ce que le roi fit d'abord, mais voyant
l'insistance de son interlocuteur et craignant quelque trahison,
Pierre remonta à cheval au moment même où
partait de Collioure une flèche qui lui était
destinée ; il alla aussitôt prendre les troupes
qu'il avait amenées, mit le feu aux maisons
extérieures de la ville ainsi qu'aux galères et
autres vaisseaux qui étaient dans le port et s'en revint
au col de Panissars. Arnaud de Saga fit immédiatement
prévenir le roi de Majorque qui s'empressa de se rendre
à Collioure dont cependant les habitants ne voulurent le
recevoir qu'à condition qu'il n'ouvrirait pas leur ville
aux Français
(28).
«Après cette
abominable action, dit Muntaner parlant de la prise d'Eine, les
Français restèrent bien encore quinze jours sans
savoir à quoi se décider. Le roi eut l'intention
de s'en retourner, mais Dieu (lege le
cardinal-légat) ne voulut pas». Les Aragonais
harcelaient sans cesse les Croisés, auxquels entr'autres
fois le comte d'Ampurias essaya d'enlever un convoi de vin que
portaient quinze cents bêtes de somme, mais les
Français forcés de lâcher pied
percèrent avant de se retirer toutes les outres qui
renfermaient le vin
(29).
Le cardinal commençant sans doute à comprendre
qu'il n'était pas aussi facile de s'emparer de l'Aragon
que d'en excommunier le roi, voulut essayer d'un moyen qui
devait considérablement avancer les affaires de
l'armée française, si toutefois le roi d'Aragon ne
poussait pas l'irrévérence jusqu'à refuser
d'obéir au représentant du pape. Le cardinal,
d'accord avec Philippe III, eut la singulière idée
d'envoyer des ambassadeurs à Pierre d'Aragon pour lui
ordonner «de la part de Dieu et du roi de France de ne pas
défendre le passage de Panissars et de les laisser entrer
par là dans la Catalogne qui était donnée
au roi de France et à son fils Charles».
«Certes, répondit le roi d'Aragon, il a fort peu de
chose en la terre de Catalogne celui (le pape) qui l'a
donnée à un autre, et y en a moins encore celui
(Charles de Valois) qui l'a acceptée, car mes
ancêtres l'ont conquise avec l'épée. Vous
saurez tous que qui la voudra, il lui en coûtera»
(Traduction littérale).
La fière
réponse du monarque aragonais ne comblant pas les voeux
du digne cardinal, ce fut du côté du roi de France
qu'il se tourna «en lui reprochant de dépenser son
argent et celui de l'église (30), lui rappelant au nom
de Dieu et des Apôtres qu'il avait juré de
s'emparer de l'Aragon, et lui donnant trois jours pour franchir
le col de Panissars». A ces singulières paroles le
roi Philippe qu'on a peut-être pour cela appelé le
Hardy, car rien dans sa vie ne justifie cette
épithète, répondit : «Sire cardinal,
il vous est facile à vous de dire que nous passions le
col de Panissars, et vous que vous restiez dans votre tente au
grand air. Mais nous, nous en savons plus de guerre que vous
n'en faites ; et nous savons quelles gens a Pierre d'Aragon, et
quel travail c'est de passer le col de Panissars ; et cela ne
peut pas se faire aussi facile(ment) que vous le dites.
Mais vous, qui la place des
Apôtres et de Dieu tenez, et avez avec vous six mille
cavaliers et voulez passer devant, mettez-vous le premier et moi
et tout mon monde nous vous suivrons facilement, (et nous ferons
voir) si nous y savons mourir ; et autrement cela ne se peut
faire» (Trad. littér.) (31).
Cette façon de franchir le col de Panissars ne dut
guère sourire au bouillant cardinal, car il ne pouvait se
dissimuler de combien d'impossibilités était
hérissée cette entreprise ; lorsque les
Français levaient la tête et voyaient les
aspérités et l'élévation des
Pyrénées, ils désespéraient presque
de mettre le pied en Catalogne et de leur camp ils pouvaient
voir sur ces montagnes les soldats aragonais gardant tous les
passages ; d'un autre côté bon nombre de
croisés prétendant avoir gagné les
indulgences abandonnaient l'armée en jetant auparavant
trois pierres du côté du col de Panissars, disant
que la première était pour l'âme de leur
père, la seconde pour l'âme de leur mère et
la troisième pour obtenir leur pardon, et en ayant soin,
en outre, d'emporter une poignée de terre.
Diminuée par ces départs, l'armée
française était encore affaiblie par les pertes
que les combats, la maladie et la famine lui avaient fait
éprouver. «A dont se conseillèrent les
barons, dit Chartier, par où ils pourroient passer les
montaignes et lequel chemin leur seroit plus profitable et
à moindre péril. Car les montaignes estoient si
haultes qui sembloit qu'elles tenissent au ciel» (32).
Ne pouvant franchir les Pyrénées au col de
Panissars, le roi Philippe fut obligé de chercher une
autre voie : tandis que Desclot et d'après lui Zurita
prétendent que l'abbé du monastère de
San-Pedro de Roda (Catalogne) et le chevalier Guillaume de Pau
envoyés par le roi de Majorque indiquèrent
à Philippe III un passage pour son armée,
Guillaume de Nangis et Villani, suivis par l'historien espagnol
Mariana et par Mezeray, racontent que sur les indications et
ainsi que le dit Guillaume Guiart (vers 12486 et suivants) :
Par le conseil a cel bastard (de Roussillon) Passa le roi et ses compaingnes De Pirre (Pyrénées) les hautes montaingnes Que noif (neige), ne vent, ne glace n'use. |
D'un autre côté le chroniqueur catalan Muntaner
qui, dans cette guerre, servait de sa vaillante
épée
(33) le roi d'Aragon, prétend que quatre moines
de Toulouse qui habitaient un monastère situé
près d'Argelès, dépendant de l'abbaye de La
Grasse (diocèse de Carcassonne), vinrent, l'un d'eux
étant abbé de ce couvent, trouver le roi de France
et lui indiquèrent pour franchir les
Pyrénées un passage du col de la Massane qui
était faiblement gardé.
Un complet désaccord règne sur le point de savoir
si cet abbé était celui de Valbonne, près
d'Argelès, ou bien celui de Saint-André de
Sorède, non loin d'Argelés également ; les
paroles de Muntaner tranchent péremptoirement la
question. Le monastère de Valbonne était de
l'ordre de Cîteaux, tandis que celui de
Saint-André, qui appartenait à l'ordre de
Saint-Benoît, avait été en 1109,
réuni à l'abbaye de La Grasse (Gallia
christiana, t.VI, p.1234) dont en 1285 un moine
français, Pierre Carbonerie, était
abbé.
Les religieux du couvent de
Saint-André situé dans la vallée qui
débouche sur le col de la Massane, en connaissaient
évidemment tous les sentiers, et ne l'oublions pas,
quelques-uns étaient français, entr'autres
l'abbé, ce qui donne lieu à Muntaner de
s'écrier : «Les rois d'Espagne seraient donc que
sages, s'ils ne permettaient pas qu'il y eût sur leurs
terres un seul prélat qui ne fût pas né au
royaume»
(34).
Dès que le roi de France eut entendu l'abbé de
Saint-André, il ordonna au comte d'Armagnac et au
sénéchal de Toulouse d'aller, guidés par
les religieux, occuper de nuit le col de la Massane qu'en effet
gardaient seulement cinquante hommes qui, à l'exception
de cinq, furent massacrés. Le lendemain matin, les
almogavares vinrent attaquer les Français, mais ceux-ci
se maintinrent dans les positions qu'ils occupaient. Philippe
III, pour rendre plus praticables les chemins, se hâta
d'envoyer au col de la Massane un nombre considérable de
pionniers qui, en quatre jours, établirent une large
route, et le XII des calendes de juillet (20 juin),
l'armée française pénétra enfin en
Catalogne.
Le roi de France transmit aussitôt à sa flotte qui
mouillait à Collioure, l'ordre de se transporter à
Rosas (Catalogne) et s'installa au monastère de
San-Quirico (au pied des Pyrénées espagnoles),
où il resta huit jours, attendant que son armée
fût passée et organisée en ordre de
bataille. Quoique évidemment beaucoup moins forte
qu'à son entrée en Roussillon, l'armée
française que, comme nous l'avons dit, les maladies, les
combats et les départs avaient sensiblement
diminuée, se composait encore, selon Muntaner, de vingt
mille chevaux bardés, de plus de deux cent mille hommes
de pied «sans compter tant et tant de gens de cheval et de
pied accourus pour gagner les indulgences, car il y en avait de
toute peine et faute».
Son armée disposée, Philipe III marcha
aussitôt sur la ville de Péralada où
s'était retiré le roi d'Aragon, et sous les murs
de laquelle eut lieu un petit combat : un détachement
français vigoureusement attaqué était en
grand danger et allait céder, si quelques vaillants
chevaliers français «ne fussent, dit Muntaner,
accourus bien armés et en bon ordre de bataille, car ne
pensez pas, ajoute le vieux soldat, qu'ils arrivassent comme ont
l'habitude de le faire les nôtres, sortant à mesure
qu'on les appelle, sans que l'un attende l'autre, mais d'un bon
pas, en chevaliers pleins d'assurance et de bravoure». Ce
renfort fit reculer les Aragonnais qui rentrèrent
à Péralada, n'ayant perdu, au dire de Muntaner,
«que trois cavaliers et environ quinze hommes de pied,
tandis qu'ils avaient tué plus de huit cents cavaliers et
un nombre infini de gens de pied. Que vous dirais-je !» A
la question exclamative de ce bon Muntaner, nous
répondrons que qui veut trop prouver rien ne prouve, et
pour être poli vis-à-vis d'une gaillarde
épée comme la sienne, nous dirons qu'il se
trompe... tout aussi bien que lorsqu'il nous raconte l'histoire
(?) de cette femme de Péralada, qui vêtue en homme
et armée d'une lance et d'un bouclier, fit prisonnier un
chevalier français brave et couvert de bonnes
armures.
Désespérant, faute de vivres, de pouvoir
défendre Péralada, qui avait résisté
à une attaque, le roi d'Aragon la fit évacuer par
ses habitants, la livra aux flammes et s'en alla à
Castellon de Ampurias, dont il autorisa les habitants à
se rendre au roi de France, passa ensuite à
Gérona, d'où, après avoir fait au
dévouement de sa noblesse et des populations un appel
auquel elles répondirent bravement, il fit partir les
habitants, n'y laissant que la garnison composée de cent
chevaliers, de deux mille cinq cents servants de choix, dont six
cents arbalétriers, et mit à la tête de
cette vaillante troupe Raymond Folch, vicomte de Cardone, qui
s'attacha activement à fortifier la place que le roi
avait confiée à son courage et à sa
fidélité. Pierre III alla ensuite mettre en
état de défense Besalu, puis se transporta
à Barcelone.
Après être entré dans Peralada et avoir
occupé Castellon, Philippe-le-Hardy mit le siège
devant le château de Lers qui se défendit
vaillamment et dont la reddition n'eut lieu qu'après
quatorze assauts et alors que les fossés étaient
pleins de cadavres de soldats français ; le cardinal
donna, au milieu de grandes fêtes (con grande
alegria dit Zurita), à Charles de Valois, dans ce
château, l'investiture de la Catalogne.
Tandis que la flotte
française, qui tenait toute la côte depuis Rosas
jusqu'à Blanes, incendiait San-Feliu-de-Guixols,
l'armée de terre occupait le monastère et la ville
de Rosas, Blanes, Cadaqués,etc. qui furent
saccagés ainsi que tout le pays environnant
jusqu'à Gérona, devant laquelle Philippe III mit
le siège le 28 juin. De Barcelona, le roi d'Aragon envoya
une flotte sous les ordres de Roger de Loria contre les
galères françaises qui, au nombre de vingt-cinq,
se trouvaient à Rosas dont les habitants se
révoltèrent contre les Français ;
après un terrible combat, la flotte française que
commandait Guillaume de Lodève, tomba ainsi que son chef
au pouvoir des Aragonais ; un détachement français
venu au secours de la flotte, voyant l'inutilité de ses
efforts incendia Rosas (la terra de Rosas, dit Villani)
avant de se retirer. Peu de temps après, Pierre III
sortit de Barcelona à la tête d'un parti de
cavalerie et s'en vint du côté de Gérona ;
rencontré, le 15 août, par les Français, il
se défendit avec une vaillance telle que, selon Muntaner,
il tua de sa main plus de quinze français, mais il fut en
fin de comptes obligé de se retirer (35). De son
côté le roi de France pressait vivement le
siége de Gérona (nocte ac die continue
expugnabat, dit l'anonyme de Ripoll) ; il fit construire de
grandes machines pour battre la ville et fit fabriquer de
longues échelles pour pouvoir y pénétrer ;
«et si grande était, dit l'Anonyme de
Ripoll, la dévotion, pour gagner des
indulgences, que ceux des Français qui ne pouvaient
lancer une flèche ou toute autre arme contre les
assiégés, leur lançaient une pierre en
disant : «je lance pour gagner les indulgences, cette
pierre contre Pierre d'Aragon» qu'ils n'osaient appeler
roi par suite de la défense du cardinal». La
garnison de Gérona se défendit valeureusement et
fit éprouver de grandes pertes aux Français, mais
pressée par la famine elle fut obligée de conclure
le 19 août, avec Philippe III, un accord en vertu duquel
elle devait se rendre si dans vingt jours elle ne recevait pas
de secours.
Sur ces entrefaites, la
flotte française fut derechef attaquée par les
Aragonais qui s'emparèrent de treize galères,
tuèrent plus de cinq mille hommes et firent six cent dix
prisonniers qui furent amenés au roi d'Aragon ; celui-ci
fit enfiler à une corde trois cents de ces
prisonniers qui étaient blessés et les fit
noyer ; de ceux qui restaient non blessés il en garda
cinquante prisonniers de guerre, des meilleurs et de grande
rançon, dit Desclot, et fit arracher les yeux aux
deux cent soixante autres excepté à l'un deux,
auquel il laissa un oeil et qui devait servir de guide à
ses infortunés compagnons que Pierre III avait aussi fait
enfiler à une corde et qui furent ensuite
dirigés sur le camp français. C'est tout
simplement, naïvement même et comme la chose du monde
la plus naturelle, (imitant en cela Guillaume de Nangis
racontant la prise d'Elne) que Desclot parle de ces noyades et
de ces aveuglements. Quels temps étaient-ce donc que
ceux-là ! Quel épais nuage de barbarie enveloppait
les esprits et comprimait les coeurs ! Pierre III, par cette
horrible exécution, voulait peut-être venger la
prise d'Elne, mais il n'en était pas moins aussi cruel et
aussi sanguinaire que les Français, et c'est avec regret
que nous trouvons dans l'héroïque défense de
ce monarque, que l'histoire a qualifié de Grand,
cette sanglante page. A la vue de ses malheureux soldats, le roi
de France, déjà éprouvé par la perte
de ses galères qui lui avait occasionné molta
malinconia et dolore, comme dit Villani, tomba malade et ne
se releva plus. Par suite de la destruction de leur flotte, les
Français ressentaient les étreintes de la famine,
en outre une épidémie terrible (le typhus des
armées, tel est le nom que la science a donné
à ce fléau) vint exercer sur eux ses ravages et
pénétra aussi chez les assiégés ; la
mortalité devint tellement forte qu'on ne pouvait enlever
les innombrables cadavres, soit d'hommes on de chevaux, qui
succombaient et qui donnèrent naissance à des
essaims de moucherons tan grans com una ungla, dit
Desclot, qui s'attaquaient aux hommes et aux chevaux et qui
firent périr trois ou quatre mille chevaux de prix et
plus de vingt mille autres bêtes (36). Affamée et
cruellement frappée par l'épidémie, la
ville de Gérona, que ses défenseurs
évacuèrent avec le consentement du roi d'Aragon,
(de assensu expresso domini regis nostri, dit
l'Anonyme de Ripoll ouvrit ses portes aux Français
le 7 septembre
(37).
Le roi de France malade, laissant le commandement de
l'armée à son fils Philippe, s'était,
quelques jours auparavant, fait transporter à Vilanova de
la Muga, près de Castellon, où nous le trouvons le
21 et le 22 septembre et où il s'arrêta quelques
jours : «Encore une victoire semblable et il me faudra
retourner seul», aurait pu dire, comme jadis Pyrrhus,
Philippe-le-Hardy ; sa position était
désespérée, son armée avait
été décimée par
l'épidémie, il ne lui restait plus que trois mille
chevaux, et lui-même fort probablement avait
été atteint par le fléau : autour de lui il
entendait
«De morts et de mourants cent montagnes plaintives»
il se vit donc forcé à la retraite, mais redoutant
avec raison le passage de Panissars, il essaya de prendre sa
route par Besalú, et avait dans ce but envoyé deux
mille cavaliers et quatre cents servants pour s'emparer de cette
ville qui, ainsi que nous l'avons dit, avait été
mise en état de défense par le roi d'Aragon ;
aussi lors d'un premier assaut repoussa-t-elle les
Français ; le lendemain le gouverneur de Besalú en
fit ouvrir une des portes par laquelle entrèrent dans la
ville soixante cavaliers français, mais aussitôt la
herse fut baissée et ces cavaliers faits prisonniers ;
immédiatement, le gouverneur de Besalú sortit
à la tête de la garnison, tomba vigoureusement sur
les assiégeants et les força à se
retirer.
Contraint de passer par le col de Panissars, le roi de France
envoya l'ordre aux hommes d'armes de Toulouse, Béziers,
Carcassonne, Narbonne etc., de venir à sa rencontre pour
protéger la retraite, ce que ceux-ci
s'empressèrent de faire. Les compagnies de Béziers
et de Narbonne à la tête desquelles était
Ayméric, vicomte de cette dernière ville, se
mirent en route le 21 septembre, passèrent par La Clusa
et arrivèrent jusqu'au col de Panissars (38), et le 29 du même
mois le vicomte Ayméric ordonna aux consuls de Narbonne,
par lettre écrite de Perpignan, de faire partir les
hommes d'armes retardataires qui avaient été
désignés pour aller à l'armée du roi
(ad veniendum nobiscum ad exercitum D. regis, et de leur
fournir des vivres pour quinze jours.
Le 30 septembre
l'armée française repassa les
Pyrénées, laissant dans Gérona une garnison
de deux cents cavaliers et de cinq mille servants de Toulouse
sous le commandement d'Eustache de Beaumarchais, qui, le 12
octobre suivant, fut obligé de se rendre à
condition de pouvoir avec la garnison se retirer en France. Le
roi Philippe III était porté mourant (39), peut-être mort,
dans une litière qui fut respectée par l'ordre
généreux du roi d'Aragon (magnum fuit ipsius
humanitatis, ac prudentiae signum, dit Blanca en parlant de
Pierre III) impuissant cependant à protéger le
reste de l'armée française contre les bandes
d'almogavares qui s'étaient portées sur son
passage au col de Panissars et l'écrasaient du haut des
rochers. «E jatsia, rapporte le chroniqueur Michel
Carbonell, que de la gent francesa poca s'en tonnas en llur
terra». («On n'entendit de toutes parts, dit
Muntaner, que lamentations et gémissements, car les
almogavares, varlets et gens de mer vinrent férir jusques
dans les tentes, tuant les gens et brisant les coffres : et avec
ces brisements violents des coffres, vous eussiez entendu plus
de fracas qu'à vous trouver dans une foret où
mille hommes ne seraient occupés qu'à faire tomber
le bois sous leurs coups. Des bagages et de tous les chevaliers
de l'arrière-garde, il n'en échappa aucun, tous
les hommes furent tués et tous les effets
saccagés. Pour le cardinal, je vous assure bien
qu'à partir de l'instant où il sortit de Peralada,
il ne fit autre chose que dire ses oraisons, car jusqu'à
Perpignan il était poursuivi par la terreur incessante
d'être à chaque instant égorgé et,
ajoute ironiquement notre chroniqueur, il aurait, je vous
assure, volontiers absous le roi d'Aragon de toute
pénitence et de tout péché, pourvu qu'il le
laissât sortir sain et sauf de son royaume. Que vous
dirai-je ?» Les francais traversèrent ensuite le
Perthus tout près duquel ils rencontrèrent le roi
de Majorque avec ses chevaliers et de nombreux hommes de pied du
Roussillon, du Conflent et de la Cerdagne «et tant
alèrent et cheminèrent, dit Guillaume de Nangis,
qu'il vindrent au pas de l'Ecluse» (La Cluse) et enfin au
Boulou où le roi passa une nuit et arrivèrent le
lendemain, après avoir rempli les routes de cadavres,
à Perpignan où se trouvait depuis la veille le
cardinal qui n'avait osé rester au Boulou de crainte
que les gens du roi d'Aragon ne l'envoyassent en paradis,
comme dit Muntauer, et qui était «tellement
étourdi de peur, que la peur ne put jamais lui sortir du
corps, jusqu'à ce que, peu de jours après, il en
mourut et s'en alla en paradis rejoindre tous ceux qu'il y avait
envoyés avec ses indulgences. Que vous dirai-je ?»
(40)
Le roi de France avons-nous dit plus haut était
porté mourant, peut-être mort dans une
litière : selon Muntaner, Philippe III serait
passé de vie à trépas non loin de Vilanova
de la Muga, aux environs de Peralada, dans la maison de Simon
Villanova, à la fin du mois de septembre, et son fils
aurait caché cet événement. La chronique de
Bertin dit aussi que le roi de France mourut en route, alors
qu'il se rendait à Perpignan (in itinere Perpinianum
veniens finem vitae fecit). Nous n'accepterons pas le dire
de ces chroniqueurs ; Philippe de France, pensons-nous, afin de
mieux protéger son père mourant, avait fait
répandre le bruit de sa mort : c'est ce que peuvent faire
supposer les paroles suivantes de Desclot, qui après
avoir dit que le roi de France mourut à Perpignan, ajoute
: «certains disaient qu'il mourut à Castellon,
d'autres à Vilanova, près Peralada, d'autres en
passant le col de Panissars, mais la première assertion
est la plus vraie». Comme Desclot, Guillaume de Nangis,
dans sa vie de Philippe III ainsi que dans sa Chronique
abrégée, et l'Anonyme de Ripoll, tous
trois contemporains du roi de France et d'accord avec
l'épitaphe de ce souverain, la chronique
Praeclara, une autre chronique de l'auteur de cette
dernière, celle de Saint-Paul de Narbonne, une autre
chronique anonyme, (du recueil des Historiens de France, t.XX,
p.540), et enfin la chronique de Nicolas Trevet, disent qu'il
mourut à Perpignan. C'est à cette opinion,
qu'à l'exemple de l'italien Villani et des espagnols
Zurita, Mariana et Ferreras, se sont ralliés les
historiens français, et le chroniqueur Guiart a
écrit :
Sa gent Perpignan rapassa Si gentes rois là trespassa De douleur enduit et plommé (accablé). |
Philippe III, dit 1e Père Daniel, mourut le 15 septembre,
ou le 23, ou le 6 octobre» ou tout autre jour, sommes-nous
tenté d'ajouter. Nous rejetterons la date fixée
par Muntaner qui fait mourir le roi de France à la fin du
mois de septembre et celle que donne l'Anonyme de Ripoll,
d'après lequel ce souverain serait mort le IX des
calendes d'octobre (23 septembre) ; nous n'accepterons pas non
plus la version de la chronique Praeclara qui place la mort de
Philippe III au dimanche avant la fête de saint Michel,
date qui d'après l'abbé Fleury se rapporterait au
23 septembre, par la raison que nous constatons la veille de ce
jour la présence du roi de France au camp de Villeneuve,
entre Castellon et peralada ; cette chronique ne mérite
guère créance sur ce point, car son auteur, dans
une autre de ses chroniques manuscrites, fait mourir Philippe
III à Perpignan toujours, mais le 6 octobre. Villani,
Mariana et Mézeray, d'accord avec un nécrologe de
la cathédrale de Narbonne, fixent au 6 octobre la mort du
roi de France, tandis que la Chronique de Saint-Paul, de
cette dernière ville, dit qu'il mourut la veille de la
fête de saint François, (crastinum sancti
Francisci) c'est-à-dire le 5 octobre ; aussi
accepterons-nous la date que donne Zanfliet, qui écrit :
«Philippe coeur de lion fut ravi à la
lumière à Perpignan le 5 octobre» ; c'est
cette date que portait l'épitaphe de ce prince (III novas
octobris) et que donne l'auteur d'une Dissertation sur le
tombeau de Philippe le hardi (Mercure du mois
d'août 1718) : et quoique n'étant guère
partisan du magister dixit, nous ajouterons que c'est
aussi la date qu'indiquent les judicieux et savants auteurs de
l'Histoire du Languedoc.
Arrivé donc à
Perpignan, le roi de France sentant qu'approchait le moment
où il allait comparaître devant celui qui seul
se glorifie de faire la loi aux rois et de leur donner quand il
lui plait de grandes et de terribles leçons «ne
voulut pas attendre qu'il perdît son sens et son advis,
tantost après qu'il eut reçeu toutes ses
droictures il rendit sa vie et se atquita du treu (tribut) de
nature qui est une commune debte à toute
créature» (Chartier). Il était
âgé de quarante et un ans. Ses obsèques
eurent lieu à Perpignan en grande pompe :
«Là pendant huit jours, dit Muntaner, le roi de
Majorque pourvut aux besoins de tous et chaque jour aussi il fit
chanter des messes pour l'âme du roi de France, et tous
les jours on passait en procession autour du corps et on faisait
des absoutes qui duraient jour et nuit. Le roi de Majorque fit
briller à ses dépens mille grands brandons de
cire». On sépara ensuite au moyen de
l'ébullition les os du cadavre du roi Philippe des
chairs, les premiers furent envoyés à Saint-Denis,
les secondes furent inhumées dans le choeur de la
cathédrale de Narbonne, et sur la tombe qui les
renfermait on grava l'épitaphe suivante que rapportent
Dom Vaissette et Dom de Vic
(41).
Sepultura bone memorie Philippi quondam Francorum Regis, beati Ludovici filii, qui Perpiniani calida febre Ab hac luce migravit III Non. octobris Anno Domini M.CC.LXXXV. |
Après être restés huit jours à
Perpignan, les francais se remirent en route accompagnés
jusqu'à la frontière par le roi de Majorque ; ils
étaient «en si piteux état, dit Muntaner,
que, par cent hommes il n'y en eut pas dix qui ne
périssent de maladie» tellement que, d'après
Desclot, «il en mourut bien plus de blessures, de maladie
ou de faim depuis le col de Panissars jusqu'à Narbonne
qu'il n'en était mort auparavant, et il en mourut tant
que du Boulou à Narbonne le chemin était plein de
cadavres». «Que vous dirai-je, ajoute Muntaner ;
aussi longtemps que le monde durera, on n'entendra jamais en
France et dans tout son pourtour prononcer le nom de Catalogne
qu'on ne se rappelle ce désastre» et l'Anonyme
de Ripoll de s'écrier triomphalement :
«Catalogne, tu seras glorifiée dans tous les
siècles»
(42).
Avant de clore le récit de cette funeste
expédition nous constaterons comme singularité
assez curieuse que Charles d'Anjou, dont l'oppression avait
été le point de départ et la cause de cette
guerre, en ce qu'elle avait abouti à la sanglante
tragédie des Vêpres Siciliennes, mourut à
Foggia, dans la Capitanate (Italie) le 7 JANVIER 1285 ; le pape
Martin IV, promoteur de cette inutile et sanglante lutte, et
qui, par son légat, devait prêcher la destruction
et le meurtre, suivit Charles d'Anjou au tombeau le 28 MARS
SUIVANT à Pérouse ; Perpignan vit le roi de France
vaincu, mourir le 5 OCTOBRE, tandis que Pierre III dit le Grand,
roi d'Aragon vainqueur (cum palma victoriae reversus, dit
l'Anonyme de Ripoll) rendait le dernier soupir à
Villafranca-del-Panadés le 10 NOVEMBRE de la même
année, opprimé par la mort (mors illum
opprimit, dit Mariana) à la suite d'un
«refredament» selon Muntaner.
Une formidable armée détruite, le Roussillon et
la Catalogne livrés au pillage et à l'incendie,
et, en fin de comptes, le roi d'Aragon triomphant des foudres
redoutables de la Papauté, une sanglante irruption
aragonaise l'année suivante sur les côtes du
Languedoc, du côté de Béziers, d'Agde, de
Leucate et de Narbonne, l'Ampourdan saccagé, la Cerdagne,
le Capcir et le Conflent mis à feu en 1280 et en 1288 ;
tels furent les résultats les plus clairs de cette
croisade dont Martin IV n'eût certes pas été
le promoteur s'il avait bien compris, ainsi que le dit le
bonhomme
Qu'il ne faut jamais vendre la peau de l'ours qu'on ne l'ait laissé par terre.
© S.A.S.L. des P-O.
Cet article a été publié dans le volume
XXI du Bulletin de la SASL, pp.394-454, Perpignan, 1874.
(1) Histoire de
France, par HENRI MARTIN, t.V, p. 39-40. - Voici
d'après le chroniqueur SPECIALI de quelle
façon se conduisaient les Français :
«coeperunt ministri Francorum regis agere insolentes
cum Siculis, inaudita vectigalia imponere, intolerabiles
obventiones exigere, invita nobilium feminarum et divitum
jubere conjugia, viros innoxios alios morte tradere, alios
in squalorem carceris tradere, alios deportationibus et
longis exiliis destinare, multis que vel religionis causa
reverentia dignis vel aetate gravibus vel auctoritate
verendis actualibus etiam contumeliis nullo vulgi
discremine inservire». (Cap.II) Plus loin ce
même auteur s'écrie : «Quid primum
referam ? Raptasne virgines, prostitutas violenter
conjugatas et viduas». (Cap XI). D'après
Speciali, la révolte des Siciliens aurait
éclatée le mardi après Pâques,
(Muntaner écrit que ce fut le lundi et Desclot le
mercredi), provoquée par l'insolence d'un
français. Les femmes de Palerme accompagnées
de leurs maris étaient allées, selon un
antique usage, visiter l'églse du Saint-Esprit,
située près de la ville à
Montréal. La folie (insania) des
Français leur faisait partout chercher des armes,
l'un d'eux «poussé plus que les autres par la
fureur vicieuse de la luxure porta une main
téméraire sur une femme en l'accusant de
tenir caché sous sa robe le poignard de son mari,
et témérairement il lui chatouilla le
ventre» temerarius illam in utero titillavit
(De rebus siculis ab anno Christe MCCLXXXII usque ad
annum MCCCLXXXVII (Marca hispanica), p. 602,
603, 608. Aussitôt ce français fut mis
à mort et le massacre commença et comme le
dit Mariana : «Tota insula caedes Francorum nihil
minus cogitantium uno temporis momento est facta»
(De rebus Hispaniae, Tolède 1592, 1 vol.
in-fol., p.671.) Jean Prochyta, Muntaner, Desclot,
Villani, etc., attribuent tous à la même
cause l'explosion de la haine des Siciliens. |
|
(2) Conspiration de Jean Prochyta
(Panthéon littéraire, t.I) p.741. De rebus
Hispaniae, par ALPHONSE SANCTII, Complutum (Alcala de
Henarez) 1633, in-4°, p.250 |
|
(3)
Thesaurus anecdotorum. MARTENE, t.II, p.445 |
|
(4)
Annales ecclesiastici, par Oderic RAYNALD, Rome, 1667,
in-fol. SP.) |
|
(5)
Conspiration de Jean Prochyta, p.715, 748, 749. -
VILLANI, p.210. - Aragonensium rerum commentarii,
par BLANCA, Saragosse, 1588. in-fol., p.171, 173. -
Hist. Gén. d'Espagne, par Jean de FERRERAS
(trad. de d'HERMILLY), 1750, t.IV, p.318. - Alphonse
SANCTII, p.251. - Spicilegium, etc., par D. DACHERY,
Paris, 1689, t.II, p.649. |
|
(6) «C'était donner un empire qui
ne lui avait pas beaucoup coûté à
gagner», dit Pasquier, parlant de Grégoire
VII et de l'empereur Henri IV, dans ses Recherches (liv.
III, cap. XIV) dans le chapitre intitulé :
«De l'autorité que les papes se
donnèrent sur les empereurs et les rois,
interdiction des royaumes et autres discours de même
sujet». |
|
(7) MUNTANER,
p.311. - DESCLOT (Panthéon
littéraire, t.I,) p.673 et suiv. - Praeclara
Francorum facinora (CATEL, Hist. des Comtes de
Toulouse), p.147 - Thesaurus anecdotorum, par
D. MARTENE, 5 vol. in-fol., t.III. Chronique de Saint
Bertin, p.761. - Hist. du Roussillon, par DE
GAZANYOLA. Perpignan, 1857, in-8°, p.172. |
|
(8) Le
royaume de Majorque se composait des îles
Baléares, du Roussillon, du Conflent, de la
Cerdagne et de la Seigneurie de Montpellier. Gesta
comitum Barcinonensium, scripta circa annum MCCXC a quodam
monacho Rivipullensi (Marca hispanica), p.565. |
|
(9) Philippe
III avait épousé en premières noces
Isabelle, fille de Jacques Ier, roi d'Aragon, et soeur de
Pierre III. |
|
(10) MUNTANER, p.311 |
|
(11) MUNTANER, p.320. - DESCLOT, p.651,
655 |
|
(12) (Gesta comitum Barcinonensium,
p.565. - MUNTANER, p. 333. - DESCLOT, p. 681, 682 -
Recueil des historiens de France, t.XX. Vie de
Philippe III, par Guillaume DE NANGIS, p. 529. - Id.
t.XXII, Anciennes chroniques de Flandre, p.349. -
Les grandes chroniques de France (Chroniques de
Saint-Denis par CHARTIER, Paris, 1493, 3 vol. in-fol.,
t.II, p. CXII. - Annales ecclesiastici, par
Odéric RAINAL (S.P.) an 1285, parag. 25. |
|
(13) THESAURUS, t.III, Chronique de Saint
Bertin, p.766 - VILLANI, p.228 - MARIANA, p.678. |
|
(14) DESCLOT, p.683 |
|
(15) DESCLOT, p.683-684. - MUNTANER, p.357. -
Chronique de Saint-Paul de Narbonne, publiée
dans l'Histoire des comtes de Toulouse, par CATEL,
p.169. - VILLANI, p.228. - MARIANA, p. 678 |
|
(16) Nous
pensons que Desclot est dans l'erreur, car à notre
avis ce ne peut être que du monastère des
religieuses Augustines établi à Espira de
l'Agly qu'il veut parler ; nul autre couvent de femmes ne
se montre, à notre connaissance du moins, à
cette époque aux environs de Perpignan, et
situé surtout entre cette ville et l'armée
du roi de France partant de Salses. Ce couvent, dont les
religieuses furent plus tard annexées au
monastère des chanoinesses de Saint-Sauveur de
Perpignan, existait déjà à
Espira-de-l'Agly en 1160. |
|
(17) «Ociren e nafraren gran res de les
monges, e jagueren ab aquellas a quels fovigares que
fossen belles ; que noy guardaren sgleya ne nulla res. E
puix quant havien jagut deu o dotze ab huna, batien les e
nafraven les bravament, e feyen coses ab ellas que serien
vergonya de retreer». DESCLOT, p.685. |
|
(18) DESCLOT, p.684-686.- MARIANA, p.678 |
|
(19)
Recueil des historiens de France, t. XXI. La
branche des royaux lingnages, par GUILLAUME GUIART,
p.213 |
|
(20) p.338 |
|
(21) MUNTANER, p.334. - DESCLOT, p.688. -
Anales de Aragon, par ZuRITA, 1610, 7 vol. in-fol.
t.I, p. 286. - En racontant cette tentative des
Français, tentative que seul il mentionne, Desclot
ne donne pas le nom de la place, il se contente de dire
huna vileta en lloch pla vallegada
(fortifiée) qui hera de huna dona qui havia nom
N'Aligsen de Mont-Esquiu et ce dernier mot a fait
supposer à quelques auteurs qu'il était
question du village de ce nom ; la description de Desclot
ne peut s'appliquer à Montesquiu qui, ainsi que
l'indique le nom même n'est pas en lloch pla
et dont à ce moment le châtelain et la
châtelaine étaient Bernard et Blanche de
Montesquiu. Le Boulou au contraire situé en
lloch pla et vallegada, s'adapte à la
description du chroniqueur catalan ; il faisait partie de
la seigneurie de Montesquiu et les incessantes et
laborieuses recherches de M. Alart (à l'obligeance
duquel nous devons les renseignements contenus dans cette
note) lui ont fait découvrir au Boulou l'existence
d'une famille N'Aligsen, originaire de Montesquiu. |
|
(22) ;«Prenien, dit Desclot, se tot
ço que volien, e forcaven les dones et les
donselles, e feren aqui motta de mata ventura que seria
longa cosa de retreer». - DESCLOT, p.690. - ZURITA,
t.I, p.286. |
|
(23) Inde
rex venit ad civitatem quae vocabatur janni quam rex de
praecepto legati omnino dextruxit, trucidans omnes qui
intus erant, juvenes, senes, clericos, mulieres et
parvulos. |
|
(24)
Histoire de France, par Amédée GABOURD,
t.II, p.90 |
|
(25) DESCLOT, p.691. - MUNTANER, p.335. -
Gesta comitum Barcinonensium, p.566. Vie de
Philippe III par Guillaume de NANGIS, p.592. -
VILLANI, p.228. - Grandes chroniques de Flandre, p.
349 (note) - La branche des royaux lingnages par
GUIART, p. 391. - Chronique de Saint-Bertin,
THESAURUS, t.II1), p.766. - ZURITA, t.1, p.287. -
Histoire de France par MEZERAY, 1613, 3 vol. in-fol.,
t.I, p.60. - MARIANA, p.678. - FERRERAS, t.IV, p. 353. -
Anales de Cataluna, par FELIU DE LA PEÑA Y
FARELL, Barcelone, 1709, 3 vol. in-fol, t.I, p. 000. -
Histoire de France, par le père DANIEL, t II,
p.265. - Gallia Christiana, t.VI, p.81. -
Histoire du Languedoc, par Dom VAISSETTE et DOM DE
VIC, t.IV, p.293. - Histoire des Français,
par SIMONDE DE SISMONDI, t.VIII, p.363. - Histoire de
France, par Henri MARTIN, t.V, p.39. |
|
(26)
Recueil des historiens de France, t.XXII, p.176 |
|
(27) «Et inveni in dicta ecclesia
sacerdotes dictae ecclesiae et plures alios».
(civitatis, bien entendu). - Gallia
Christiana, t.VI, p.489, inst.XVII |
|
(28) DESCLOT, p.692. - Vida del rey don
Pedro, par CASTILLO SOLORZANO, p.180 |
|
(29) DESCLOT, p. 693-694. |
|
(30) Le
pape, dit Dom Vaissette, avait accordé au roi de
France pour cette guerre la décime sur le
clergé de France. |
|
(31) DESCLOT, p.695 |
|
(32) DESCLOT, p.695. - CHARTIER, p.CXIII. |
|
(33) Dans
ses mémoires il remercie Dieu, la Sainte-Vierge et
toute la cour céleste de l'avoir fait
échapper aux périls qu'il avait courus dans
les XXXII batailles auxquelles il avait
assisté. |
|
(34) MUNTANER, p.335 |
|
(35) D'après Muntaner, en cette rencontre
l'avantage resta au roi d'Aragon ; selon Desclot qui est
plus impartial, les Français furent vainqueurs. Il
ne nous parait pas inutile d'ajouter que Muntaner est
vis-à-vis des rois d'Aragon un modèle de
fidélité, de dévouement et
d'admiration ; prompt à les louer, il ne cherche
pas même à les excuser attendu qu'il garde
sur ce qui leur est désavantageux un silence
prudent. Ce brave chroniqueur dont les discours sont
frappés au coin de sa vaillante épée
et pour qui rien n'égale l'Aragon et les Aragonais,
prête à ses compatriotes, ainsi que Desclot,
de fières et de dignes paroles que ne
démentait pas, il faut le reconnaître, la
vaillance aragonaise soutenue par le plus ardent
patriotisme. Pour n'en citer qu'un exemple, rappelons la
fière réponse de Raymond Floch à son
parent le comte de Foix, qui, envoyé par le roi de
France, lui conseillait de rendre Gérona. |
|
(36) «Erant muscae adeo venenosae quod non
poterunt equum vel jumentum aliquod aliud tangere quin
occiderent eum statim : si quod ex ista plaga pro majori
parte equi exercitus perierunt et jumenta alia infinita.
Tot fuerunt cadavera jumentorum et hominum occisorum quod
aer illorum future et putredine est infectus».
Anonyme de Ripoll, p.569-570. C'est aussi ce que
rapportent Desclot (p.720) et Villani (p.229). |
|
(37) MUNTANER, p.355 et seq. - DESCLOT, p.695 et
seq - Anonyme de Ripoll (Marca), p.560 et
seq. - Chronican Ulianenae (Marca), p.760. -
Chronique de Saint-Paul de Narbonne, p.169. -
VILLANI, p.228 et seq. - ZURITA, t.I, p.290. - Alphonse
SANCTII, p. 252. |
|
(38) «Iverunt et fuerunt nobiscum, dit le
vicomte de Narbonne, usque ad passum de Clusa et deinde
usque ad collum de Panissars, in quibus locis invenimus
serenissimum principem D. nostrum regem Francorum, cum suo
exercitu ac servitio (eorum) nos tenuimus per
contentes» - VAISSETTE, t.IV, p.80, mst.XXIII. |
|
(39) Philippe-le-Hardy qui devait mourir hors de
France, avait fort tristement inauguré son
avènement au trône ; lorsqu'il rentra en
France, après la mort de Saint-Louis, il ramenait
avec lui cinq cadavres : Celui de son père, celui
de son plus jeune frère Jean Tristan, de sa soeur
Isabelle, du mari de cette princesse, Thibaut II roi de
Navarre,et enfin celui de sa première femme, la
jeune Isabelle d'Aragon. |
|
(40) MUNTANER, p.355 et seq. - DESCLOT, p.727 et
seq. - Anonyme de Ripoll, p.570 et seq. -
Chronica den Pere, par Michel CARBONELL, p.76. -
Guillaume de NANGIS, p.559. - Praeclara Francorum
facinora (CATEL, hist. des comtes de Toulouse),
p.147. GUIART, p.CXV. - VILLANI, p.231. - ZURITA, t.I
p.297. - MARIANA, p.680. - VAISSETTE, t.IV, p.52 |
|
(41) En
août 1314 cette tombe fut transférée
dans la nouvelle église de Saint-Just. Nous
serait-il permis de dire que lors de notre dernière
visite à cette église (2 mars 1872) nous
avons été vivement affecté de trouver
les restes mutilés de ce monument historique dans
le plus déplorable état d'abandon. |
|
(42) MUNTANER, p.356 et seq. - DESCLOT, p.731 et
seq. - Guillaume DE NANGIS, p.531. - Chronique
abrégée de Guillaume DE NANGIS
(Historiens de France, t.XX) p.651. - Chronique
anonyme (Historiens de France, t.XX), p.540. -
VILLANI, p.328. - Nicolas SPECIALI, cap.VI, p.626. -
Anonyme de Ripoll, p.571 et seq - GUIART, vers 1277 et
seq. - Chronicon Nicolai Trevetti (Specilegium,
etc.) t.VIII, p. 651. - Chronique de Saint-Bertin
(Thesaurus anecdotorum, etc.) t.III, p.766 -
Chronique Praeclara, etc. p. 147. - Chronique de
Saint-Paul de Narbonne, p.169. - Veterum scriptores
collectio, par Dom MARTENE, in-fol., 1729, t.V. -
Chronique de Corneille Zanfliet, p 121. - Grandes
chroniques de France, p. CXX. - Odéric RAINAL
(s.d.) an 1285, parag. 27. - ZURITA, t.I, p.297. -
Histoire générale d'Espagne, par
FERRERAS, t.IV, p. 356. - Hist. de France, par le
P. DANIEL, t.II, p. 270. - Gallia christiana, t.VI,
p.81. - Hist. ecclésiastique, par
l'abbé FLEURY, Caen, 1781, t.XII, p.552. - Hist.
du Languedoc, t.IV, p. 48, Pr. p. 544, inst.
vit. |