Chapitre 64

Comment les habitants de Messine furent bien fâchés, quand ils virent les almogavares aussi mal accoutrés ; comment les almogavares, voyant cela, firent une sortie et tuèrent plus de deux mille hommes dans le camp du roi Charles ; et comment les Messinois furent honteux de leur jugement.

Chapitre 63 Sommaire

Lorsqu'on apprit à Messine que les almogavares étaient entrés dans la ville pendant la nuit, Dieu sait la joie et le réconfort qui furent par toute la cité. Le lendemain matin, les almogavares se disposèrent au combat. Les gens de Messine, les voyant si mal vêtus, les espardilles aux pieds, les antipares (1) aux jambes, les rézilles sur la tête, se mirent à dire : «De quelle haute joie sommes-nous descendus, grand Dieu ? Quels sont ces gens qui vont nus et dépouillés, vêtus d'une seule casaque, sans bouclier et sans écu ? Si toutes les troupes du roi d'Aragon sont pareilles à celles-ci, nous n'avons pas grand compte à faire sur nos défenseurs.»

Les almogavares qui entendirent murmurer ces paroles, dirent :

«Aujourd'hui on verra qui nous sommes.» Ils se firent ouvrir une porte, et fondirent sur l'armée ennemie avec une telle impétuosité, qu'avant même d'être reconnus ils y firent un carnage si horrible que ce fut merveille. Le roi Charles et ses gens crurent que le roi d'Aragon était là en personne. Enfin, avant qu'on sût avec qui on avait affaire, ceux de l'armée eurent perdu plus de deux mille des leurs, qui tombèrent sous les coups des almogavares. Ceux-ci prirent et emportèrent dans la ville tout ce qui tomba entre leurs mains, et rentrèrent sains et saufs.

Quand les gens de Messine eurent vu les prodiges qu'avaient faits ces gens-là, chacun emmena chez lui plus de deux cavaliers ; ils les honorèrent et les traitèrent bien ; hommes et femmes furent rassurés ; et cette nuit-là il se fit de si belles illuminations et de si grandes fêtes que toute l'armée ennemie en fut ébahie, affligée et effrayée.


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(1) Pièce qui couvrait de devant de leurs jambes.