Les auteurs de la décadence gréco-latine et leurs épigones médiévaux parlent amplement de cet argument, mais avec des différences significatives. Dictys, en bon « grec », sans tout à fait parler des événements mythiques antécédents, présente Paris comme un bourreau des coeurs féminins qui profite de l'absence de Ménélas pour séduire Hélène au coeur même de son palais, à Sparte ; le « troyen » Darès en fait la suite naturelle de la vengeance de Priam à cause de l'enlèvement de sa soeur Hésione, et paraît justifier Pâris ; de plus, le coup de foudre est réciproque et arrive dans l'île de Cythère, dédiée à Aphrodite, mais dans le temple d'Apollon et Artémis. Suivant ses traces, Joseph of Exeter traite ce geste fatal avec un registre tragique et une forte condamnation morale ; quant à Benoît de Sainte-Maure et Guido delle Colonne, ils amplifient les aspects pathétiques de cette histoire d'amour si renommée et imitée des littératures du monde entier.


Dictys de Grèce - Ephemerides belli Troiani, I, 3

Per idem tempus Alexander Phrygius, Priami filius, cum Aenea aliisque ex consanguinitate comitibus, Spartae in domum Menelai hospitio receptus, indignissimum facinus perpetrauerat. Is namque ubi animaduertit regem abesse, quod erat Helena praeter caeteras Graeciae faeminas miranda specie, amore eius captus, ipsamque et multas opes domo eius aufert, Aethram etiam et Clymenam Menelai adfines, quae ob necessitudinem cum Helena agebant. Postquam Cretam nuncius uenit, et cuncta quae ab Alexandro aduersus domum Menelai commissa erant, aperuit, per omnem insulam, sicut in tali re fieri amat, fama in maius diuulgatur : expugnatam quippe domum regis, euersumque regnum, et alia in talem modum singuli disserebant.

Dans le même temps, Alexandre de Phrygie, fils de Priam, accompagné d'Enée et de plusieurs de ses parents, se rendait coupable d'un grand attentat à Sparte et dans le palais de Ménélas, où il avait été reçu comme hôte, et traité tomme ami. Aussitôt après le départ du roi, épris d'amour pour Hélène, qui surpassait en beauté toutes les femmes de la Grèce, il l'enleva, et avec elle tous les trésors qu'il put emporter. Cette princesse fut accompagnée dans sa fuite par Aetra et Clymène, parentes de Ménélas, attachées à son service. La nouvelle du crime commis par Alexandre contre la maison de Ménélas parvint bientôt en Crète ; et la renommée, qui se plaît ordinairement à grossir les objets, publia que le palais du roi avait été détruit, son empire renversé, et répandit d'autres bruits aussi funestes.


Darès le Phrygien - De excidio urbis Troiae, 9-10

[9] Interea tempus superuenit : naues aedificatae sunt. Milites superuenerunt, quos Alexander et Deiphobus in Paeonia legerant ; et ubi uisum est posse nauigare, Priamus exercitum alloquitur : Alexandrum Imperatorem exercitui praeficit, mittit cum eo Deiphobum, Aeneam, Polydamantem. Imperatque Alexandro, ut primum Spartam accedat, Castorem et Pollucem conueniat, et ab his petat, ut Hesiona soror eius reddatur, et satis Troianis fiat. Quod si negassent, continuo ad se nuntium dirigat, ut exercitum in Graeciam possit mittere. Posthaec Alexander in Graeciam nauigauit, adducto secum duce eo qui cum Antenore iam nauigauerat. Non multos ante dies, quam Alexander in Graeciam nauigauit, et antequam in insulam Cytheream accederet, Menelaus rex ad Nestorem Pylum proficiscens, Alexandro in itinere occurrit, et mirabatur regiam classem quo tenderet. Utrique occurrentes aspexerunt se inuicem, inscii quo quisque iret. Castor et Pollux ad Clytaemnestram ierant, secum Hermionam neptem suam Helenae filiam abduxerant. Argis Iunonis dies festus erat his diebus, quibus Alexander in insulam Cytheream uenit, ubi ad fanum Veneris Dianae sacrificauit. Hi qui in insula erant mirabantur regiam classem, et interrogabant ab illis qui cum Alexandro, qui essent, quid uenissent. Responderunt illi a Priamo rege legatum missum ad Castorem et Pollucem, ut eos conueniret.

Après un certain espace de temps, plusieurs vaisseaux furent mis en état de tenir la mer, et l'on vit arriver les soldats qu'Alexandre et Déiphobe avaient levés en Péonie. Lorsque la saison parut favorable à la navigation, Priam harangua son armée dont il donna le commandement à Alexandre. Déiphobe, Enée et Polydamas furent nommés pour accompagner ce jeune prince, qui, avant son départ, reçut de Priam l'ordre de s'approcher d'abord de Sparte, et de se rendre auprès de Castor et de Pollux pour leur redemander Hésione et la réparation des outrages dont les Grecs s'étaient rendus coupables envers les Troyens. Le roi ordonna de plus, qu'en cas de refus, il lui enverrait un courrier, afin qu'il pût faire partir aussitôt une armée pour la Grèce. Après avoir reçu ces ordres, Alexandre mit à la voile, emmenant avec lui le pilote dont s'était servi Anténor. Quelques jours avant d'arriver sur les côtes de la Grèce, et comme il cinglait vers l'île de Cythère, il rencontra Ménélas qui se rendait à Pylos auprès de Nestor. Le roi de Sparte ne vit pas sans étonnement dans ces parages une flotte étrangère dont il ignorait la destination. Ces dent princes, qui tenaient une route inconnue à l'un et à l'autre, s'étant approchés, se considérèrent avec beaucoup de curiosité. Comme dans le même temps on célébrait à Argos une fête en l'honneur de Junon, Castor et Pollux s'y étaient rendus avec Hermione, leur nièce et fille d'Hélène, pour visiter Clytemnestre, leur soeur et femme d'Agamemnon. Dans la même circonstance, Alexandre aborda à l'île de Cythère, où il y avait un temple de Vénus, et offrit, aussitôt après être descendu sur le rivage, un sacrifice à Diane. A la vue de la flotte royale, les habitants de l'île sont frappés d'étonnement, et demandent aux compagnons d'Alexandre de quel pays ils sont, quel est leur dessein. Ceux-ci répondent que leur chef a été envoyé par le roi Priam auprès de Castor et de Pollux, pour s'entretenir avec eux d'une affaire importante.

[10] At uero Helena, Menelai uxor, cum Alexander in insula Cytherea esset, placuit ei eo ire. Qua de causa ad littus processit, ubi Dianae et Apollinis fanum est : ibi rem diuinam Helena facere disposuerat. Quod ubi nuntiatum est Alexandro, Helenam ad mare uenisse, conscius formae suae, in conspectu eius ambulare coepit, cupiens eam uidere. Helenae nuntiatum est, Alexandrum Priami regis filium ad oppidum, ubi Helena erat, uenisse. Quem etiam ipsa uidere cupiebat. Et cum se utrique respexissent, ambo, forma sua incensi, tempus dederunt ut gratias referrent. Alexander imperat, omnes ut in nauibus sint parati : nocte classem soluant, de fano Helenam eripiant, secum eam auferant. Signo dato fanum inuaserunt, Helenam inuiolatam eripiunt, in nauem deferunt, et cum ea mulieres aliquas depraedantur. Quod oppidani cum uidissent, diu pugnauerunt cum Alexandro, ne Helenam eripere posset. Quos Alexander fretus multitudine sociorum superauit, fanum exspoliauit, homines secum quamplurimos captiuos duxit, in nauim imposuit, classem soluit, domum reuerti disposuit, in portum Tenedon peruenit, ubi Helenam moestam alloquio mitigauit, patri rei gestae nuntium misit. Menelao postquam in Pylo nuntiatum est, cum Nestore Spartam profectus est, ad Agamemnonem fratrem misit Argos, rogans ut ad se ueniat. Interea Alexander ad patrem suum cum praeda peruenit, et rei gestae ordinem refert.

Alexandre n'avait pas encore quitté l'île de Cythère, lorsqu'Hélène, femme de Ménélas, s'y rendit pour offrir à Diane et à Apollon un sacrifice dans un temple élevé sur le rivage de la mer. A cette nouvelle, le prince troyen accourut, et comme il savait bien qu'il était fort beau de visage, il se mit à se promener devant la princesse, avec un égal désir de la voir et d'en être vu. On avait aussi annoncé à Hélène qu'Alexandre, fils de Priam, se trouvait dans la ville où elle était, et depuis ce moment elle désirait ardemment de le voir. Ils se virent, et tous deux, frappés d'une admiration réciproque pour leur beauté , se considérèrent longtemps avant de se complimenter, selon l'usage établi entre des personnes de leur rang. Alexandre épris d'amour pour cette belle reine, forme le dessein de l'enlever: en conséquence, il ordonne à ses soldats de se tenir prêts sur la flotte, de lever l'ancre à l'entrée de la nuit, ensuite d'enlever Hélène, et de l'emporter du temple sur les vaisseaux. Au signal convenu les soldats entrent dans le temple, enlèvent Hélène sans lui faire aucun mal, la transportent sur la flotte et avec elle quelques femmes de sa suite. Au bruit de cette violence, les habitants de la ville s'assemblent et font de longs efforts pour s'y opposer; mais Alexandre, aidé de ses soldats, les met en fuite, pille le temple, fait conduire un grand nombre de prisonniers sur ses vaisseaux, et met à la voile dans le dessein de retourner en Phrygie. Arrivé dans le port de Ténédos, il met tous ses soins à consoler Hélène, et informe le roi , son père, de ce qu'il vient de faire. Lorsque Ménélas apprit à Pylos l'enlèvement de la reine, son épouse, il se rendit à Sparte avec Nestor, et envoya à Argos prier son frère Agamemnon de se rendre auprès de lui. Cependant Alexandre arriva chez Priam avec sa proie, et lui fit le récit de son exploit.


Le poète anglais Joseph of Exter n’oublie ni Déiphobe ni Énée parmi les compagnons de Pâris, ni l’ordre de Priam de se borner au rachat d’Hésione : mais prophéties et prières sont impuissantes à arrêter le destin de Troie et son fatal exécutant. L’absence de Ménélas et d’Hermione rend tout plus facile, et Cythère est le théâtre de ce coup de foudre et de l’enlèvement fatal. La rencontre des deux amants est racontée suivant les modèles du Moyen Age, mais avec un subtil érotisme.

Josephus Iscanus, Daretis Ylias, III 181-316 passim

Profectio Paridis ad rapiendam Helenam
Hector in arma Friges comites per cerula fratri
Ire iubet, certantque rates stipare secuti
Peonide duce Deiphebo, quin ipse Dyones
Spes Anchisiades cum Polidamante secundo
Iungit opes... Iamque effractas rapiebat harenas
In pelagus classis humerosque manusque secuta,
Cum tandem exclamans aditis Cassandra relictis
Fata aperit turbatque Friges. At seva morantes
Impellit Lachesis pinus uncosque tenaces
Rumpit et intento percellit flamine vela.
Ultimus in socias fatalis predo carinas
Provehitur multum Priamo frustraque rogatus,
Ne quicquam temere, victori supplicet hosti,
Hesione contentus eat; sin reddere raptam
Velle negent, bellum intentet. Sic format iturum
Venturosque Friges accepto interprete spondet.
Vix in conspectum Paridi patuere Cithera,
Cum patrias permensus aquas ad Nestora casu
Atrides molitus iter, Simoontide pinu
Perspecta secum volvit, qui, quo, unde ; stupentque
Alternis reges figentes lumina velis.
En, qua fata fide rerum discrimina nectant:
Hostis adest, Menelaus abest geminosque Lacones
Hermione sibi nacta duces Agamennonis urbem
Visum ierat matrem cupide visura secundam;
Plebs quoque Iunoni celebrem confluxerat
Argos Ludificum ductura diem, pontusque vacabat
Et tellus exuta viris. Sic omnia casus
Expediit ventura potens victrixque Dyone.
Prodit in abruptum pretentis insula saxis
Mirtigere sacrata dee, pars ima recessu
Abditiore iacens refugos falcatur in arcus
Depressos furata sinus. Huc litore blando
Freta Frigum pubes puppes agit. Ipse propinquas
Sanguine sacrifico Latoidos irrigat aras
Princeps et larga cumulat promissa securi.
Ergo Citheriacas preceps it fama per urbes
Priamiden venisse Parim, plebs undique portus
Occursu complet. At pollens ore Lacena
Ignotos visura viros ad litora gressus
Dirigit acclinemque freto defertur Heleam.
Postquam Helenes Paridi patuit presentia, classem
Deserit ac forme fidens et conscius oris
Huc illuc gressum librans, qua Tindaris ibat,
Indefessa vagis incessibus ocia texit
Certantesque offert vultus, incendia nutrit
Mutua captatumque brevi lucratur amorem.
Quippe nec ad cursum preceps nec segnior equo
Librato gestu formam iuvat, auctus in armos,
In caput erectus. Tenero delibat harenam
Incessu figitque oculo mirante Lacenam
Oblitosque gradus sistit; suspectus haberi
Mox metuens transfert celeres ad cetera visus,
Ceu stupeat, quicquid spectat. Moderantius illa
Obliquos vultus et non ridentia plene
Ora gerit totasque velit cum pectore nudo
Ostentare genas, sed castigator adultos
Comprimit excessus animi pudor, egraque mixtus
Pulsat corda metus. Sentit Paris, ardet et audet,
Promissorque ingens facilis presagia prede
Ducit Amor. Dum signa iuvant, dum nutus oberrat,
Interpres cordisque vagi presentior index
Leno oculus taciti garrit preludia voti.
Ut vero explicitas peregrini Tindaris auri
Blandicias hausit complutaque murice vela
Conspexit, quid agat, heret, prebere rogatas
Prompta manus cogique volens. At turba precandi
Stipatrix iuveni fas invidet. Inclite predo,
Ne propera! Dabit illa manus, manus aurea vincet.
Plus opibus, minus ore potes. Cicerone secundo
Non opus est, ubi fantur opes. Quin ipsa rapinis
Blanditur Fortuna tuis: urbs, aura, Lacena,
Nuda, favens, facilis cepturn iuvat. Urbis Helea
Nomen. In hanc pelagus undis declivibus actum
Proxima litoreis delambit tecta procellis
Et medias impingit aquas clauditque profundo.
Hic Latonigenis cognatas struxerat aras
Prisca fides. Iubet hic noctem regina propinquam
Excubiis hilarare sacris, templum ipsa superbum
Prima petit solitoque deos implorat honore.
Res cupido perlata Frigi, temeraria sancit
Consilia indulgetque aditus in vota secundos
Pollicito maiore Venus. Rapere haut mora nuptam
Victor et imbelles populari destinat aras.
Tantaque precipitem pulsat lascivia rnentem,
Vix noctem exspectat suspenso vespere credens
Zelotipum Titana suis livere secundis.

Raptus Helene
Fregerat hesperias radiis languentibus undas
Phebus et astrorum medio poscebat in alto
Nauta diem; tellus, aer, mare celsa remenso
Consopita deo, strepitu defuncta silebant
Undique et in teneros nutabant ocia sompnos.
At Paris obsequio noctis presentius audet
Inpaciens differre deos, Veneremque secutus
Primus ad inbelles thiasos et debile vulgus
Armatum maturat iter, ludentia turbat
Fana ferox. Non, hospes, Hymen, non coniuga sacra,
Hospicii non obstat honos, non ultor iniqui
Asperior tutela deus? Temere omnia preceps
Aspernata Venus, nil respectura decorum
In facinus votumque ruit. Rapit ergo Lacenam
Tendentemque manus et leta fronte vocantem
Dardanus aut rapitur potius. Gratare tropheis,
Predo, tuis, agnosce deos ! Post aspera multa
Excidium lucratus abis revehisque parerrti,
Quas nollet peperisse, faces. Heu, perdite, nescis,
Quas tecum clades, quantos fugiente turnultus
Classe refers. Tuque, Herculea corruptior unda,
Bellorophonteo flagrantior igne, sereno
Certa minus, thalamos linquis, Ledea, iugales
Et spreto tociens iterum querenda marito
Numquam rapta fugis. Nunc, o Lilibea vorago,
Latratus Siculi, Libicus tenor et, quod in omni
Sevit triste mari, mixtis huc confluat undis,
Has infestet aquas primosque ultrice procella
Amplexus medium solvat mare! Multa nocentes
Mutat, si vetitis velox occurrerit ausis.
Postquam exempta quies et mesto pulsa fragore
Inscia turbatas hausere silentia voces,
Aure prius mensi, fremitus ubi et unde tumultus,
Armati cognata petunt oracula cives.
Hic tritas stridere liras, hic pocula cernunt
Effuso calcata deo, funalia lucem
Ponere et effracto lacrimari lampada vitro.
Mirati, qua clade nova iocunda sileret
Relligio, que causa pios inopina tumultus
Flexerit, advertunt alias ad litora lites
Et toto sonuisse mari: “Quo, perfide leno,
Hospicii temerator, abis? Sic digna rependis,
Regales predate thoros?” Hiis nobile vulgus
Excitum arma fremit raptaque superstite turba
Invadunt Frigios. Illi nec pandere vela
Molirique fugam cessant nec iungere bello
Dignantur dextras contempta paupere pugna.
Sola tamen tumidos pertemptat gloria captis
Iniectare manus, proprium cum quisque tropheum
Ostentare paret aut cive aut virgine rapta.

Hélène se repent tardivement, ou du moins le laisse croire à Pâris qui redouble ses cadeaux et l’emmène à Troie : tout le monde s'en réjouit, sauf Cassandre que Priam fait enfermer. L’atmosphère paraît typique des anciennes tragédies grecques, mais naturellement la seule source est Ovide.

Josephus Iscanus, Daretis Ylias, III 319-395 passim

Ecce redit Paphie meritus virgulta corone
Victrices vinctura comas Tenedoque potitus
Iam minus audentem solatur predo Lacenam,
Iam tandem patrie memorem. Sed gnarus adulter
Pollicitis fluxum meche sancire favorem
Et fictos lenire metus, ebur aggerat Indum,
Thura Sabea, Mide fluvios et vellera Serum.
Ac mundi maioris opes, quodque educat aer
Iocundum, pontus clarum vel fertile tellus,
Hec faciles emere thoros, domuere rebelles
Amplexus, pepigere fidem. Non iam oscula reddit,
Non reddenda negat Helene, sed pectore toto
Incumbens gremium solvit, premit ore, latentem
Furatur Venerem, iamque exspirante Dyone
Conscia secretos testatur purpura rores.
Proh scelus! An tantis potuisti, pessima, votis
Indulsisse moras exspectabatque voluptas
Emptorem ? 0 teneri miranda potentia sexus!
Precipitem in lucrum suspendit femina luxum
Nec nisi conducto dignatur gaudia risu.
Res hilarat vulgata Friges, Priamoque sereni
Clarescunt vultus, rugas rarescere sentit
Infelix, animi morbus dolor, improba paulum
Cedit hiems mentis, voto dux augure sperat
Reddendam Hesionen, Helenam si reddat Achivis.
Nondum Segeas portu digressus harenas
Dardanus attigerat, meritos mentita triumpbos
Obvia pompa subit. Pars curru vecta superbo
Aerium suspendit iter, pars cetera casum
Haut metuens gressu vestigia paupere texit
Obsequio contenta pedum, et - que cura novorum !-
Inachiam visura nurum plebs currit hanela
Contemptrix opere, nutricis et immemor artis
Nec lucri meminit, predam dum spectet amenam.
At cui sublimes humeros proceraque colla
Invidit natura brevis, vel desuper altis
Incumbit tectis vel recto calce fatigat
Articulos humilesque gradus suspendit in altum.
Hoc populo dederat vulgati fama decoris
Certamen mirandi Helenam. Subit illa pudice
Ora gerens, oculis nusquam vaga, voce faventi
Spectantum pudibunda parum mixtoque nitore
Sidereas neutrata genas.

Vaticinium Cassandre
At regia vates
Ut venisse Parim certo Cassandra relatu
Audit et adductam monstrum fatale Lacenam,
Ad tripodas questura fugit ramosque loquaces
Ore premit poscensque deum non irrita longum
Fatis plena redit. Claretque interprete vultu
Extorti vindicta dei, furiosa potestas
Imbelles vexat artus. Cervice rotata,
Crine umbrante humeros, oculis spargentibus ignem
Et facie perdente fidem nunc livida vitrum,
Nunc flammata facem superat, nunc pallida buxum.
Tali se mediis procerum tot milibus infert
Ore furens tremulosque gradus vix ebria figit
Atque ita Tindaridem cernens:”Tune illa iuvenca,
Que saltus ingressa novos presepe paternum
Incesta liquisse fuga taurumque iugalem
Diceris et nostros petis importuna maritos ?
Ite, viri, deus ite iubet, pontoque vel igne
Maternas abolete faces, ne dira sequatur,
Quam cecini, clades ! Sic paucis questa quiescit,
Expediuntque deum suspiria longa relictum.
Hiis hilares herent animi, totusque faventum
Sopitur fremitus. Favissent agmina vatis
Imperio! Motas reverentia principis iras
Obruit indignisque datur Cassandra catenis.
Rex Helenam lenit inopinaque probra gementis
Solatur blandus suspiria ; vatis hanelas
Excusat Furias celeresque ad iurgia voces
Et vicio capitis solitos sevire turnultus.
Nec mora, sollempni lascivit regia cultu
Imperiis ornata ducis tedasque pudendas
Tollit adulter Hymen. Melius caligo profunda
Pollutum mersisset opus ! Quid nomine sacro
Incestum phalerare iuvat ? Pretendit operta
Bracteolam caries, agnum lupus, ulcera bissum,
Sed Famam fraus nulla latet. Non una duorum
Esse potest ; nam prima fidem dum federa debent,
Alterius non uxor erit, sed preda cubilis.


Benoît de Sainte-Maure - Le Roman de Troie en prose

61. [COMENT TROYENS ENVAHISSENT LI (ou LE) TEMPLE ET PRISTRENT DAME ELENE

Quant il furent au temple venus, maintenant firent bousine soner et commencierent a ocirre et detrenchier quant qu'il ateignoient. Paris s'en vint maintenant la ou s il quida trover Elaine et la prist, et elle ne fist mie grant samblant de contredire. Li autre alerent par tout, ociant et prenant et robant quant qu'il ateignoient ; si ne vos poroit nus dire la grant occision qui i fu faite ne le grant gaaing des prisons et d'or et d'argent et de robes. Meis ensi que il en aloient, les gens dou chastel qui estoit sus le port, Ysee estoit apellés, oïrent le bruit et la criée. Bien s'aparçurent que ce pooit estre, si saillirent sus as armes et firent lor pooir des prisons rescourre ; mes en la fin furent desconfit par les Troïens, et ensi doubla lor domages. Et quant il orent ce fait, si se retornerent a lor nés. L'endemain se partirent dou port et tant firent que il ariverent a Thenedon qui est quinze liues de Troies, si envoierent un message au roi, dont moût grant joie fu faite.

62. SI COME LES DAMES EN PRISON DEMENOIENT GRANT DUEL A THENEDON

Entandis comme il sejornerent a Thenedon, dame Elaine et les autres dames qui estoient prises avec lui faisoient merveillous duel de ce que leur seignor ne veoient et de leur terres qu'eles laissoient. Paris, a qui il en pesoit sour tous les autres, si commença a reconforter dame Elaine et dist : « Dame, trop me grieve la vie que vos menés, quar se tous le siècle fust miens, ne poroie je avoir joie tant comme vous fussiés en tel point ». Et ce meïsmes dist as autres dames, que por Deu ne se desconfortassent mie, « meis soies asseûres quar vos ne yo barons n'avrés nul mal, mes lor serés rendues et a plus grant joie serés en cest pais que la ou vos fustes nées ; quar por amor dame Elaine vos fera l'en toutes honors, quar elle sera dame de tout le pais ».

63. SI COME DAME [ELAINE] RESPONT A PARIS

« Sire, ce respont dame Elaine, moût me poise de ce qu'avenu nos est ; mais puis qu'il est ensi, je voi bien que soufrir le nos covient, quel gré que je en aie. Meis por Deu vos pri que vos nos gardés de honte et de contraire. - Dame, vostre voloir sera acompli, dist Paris, si come vos le saverés deviser ». Adonc la prist par la destre main et la fist seoir sus un faudestuel, et m encoste d'elle come por conseillier et li dist : « Dame, sachiés que quant je vos vi premièrement, je fus de vos soupris, ne ne poi torner aillors por chose qui avenist, et or voi que vostre amor m'a si lacié et soupris quar je ai mis en vos m'entente et tout mon cuer, si vos espouserai et vos serai loiaus amis des ores en avant. Et se je vos ai amené de Grèce, vos avrés assés plus biau païs et tant riche que vos diriés que le vostre est povres. Après serés de toutes gens si honorée come celle qui de tout sera dame ; quar ja chose ne voudrés que je desveulle. - Sire, fait elle, je ne sai que je die fors que assés ai ire a mon cuer tant que onques feme n'en ot plus ; et se je desdisoie vostre plaisir, poi me vaudroit. Ensi voi je bien que consentir me covient a vostre volenté, quar défendre ne m'en puis. Ce poise moi, meis se vos me portés amor et foi, vos l'avrés salve a mon pooir ». Adonc commença si fort a plorer que Paris en ot pitié moût grant, si la comença a reconforter, et celui soir la fist servir et honorer de tout son pooir. Mais ci vos lairons un poi de Paris et de Elaine et de lor compaignie et retornerons au roi Menelaus, qui ot sa feme perdue, et as ceaus de Citri, qui si malement furent domagié.

64. SI COME IL SORENT EN GRECE QUE TROIENS AVOIENT PRISE ELEINE

Or dist li Contes que Renomee, qui tost cort, ala maintenant par Grèce du grant domage que li Troïens avoient fait par le païs et cornent il avoient Elaine prise, et ce fu moût tost conté a Menelaux, dont il fu a merveilles dolent et angoissous ; si se revient maintenant en sa terre et amena avec lui le rei Nestor, qui moût estoit ses amis et que moût li pesoit de son domage. Maintenant prist Menelaux un sien message, si l'envoia a un suen toi frère, Agamenon avoit a non, moût bon chevalier et sage et a merveilles bien parlant, si que de ce n'avoit il son per en toute Grèce ; et li fist assavoir le domage que il avoit receu par les Troïens et cornent il avoit sa feme perdue. Mais atant laisse ore le Conte a parler de ce et retorne a Paris et a ceaus de Troie.

65. SI COME LE ROI PRIANT ET TOUS LES TROIENS VINDRENT A l'ENCONTRE DE PARIS ET LE REÇUIRENT A MOUT GRANT JOIE

Paris, qui a Thenedon, lui et sa compaignie, estoit, quant il virent le jour venir, si se levèrent et chargierent tout lor avoir et tous les prisons que il avoient amené de Grèce, et puis montèrent et s'en alerent moût liés et joiant envers Troie. Paris chevauche tous jours decoste dame Elaine por lui reconforter. Le rei Priant et tous ceaux de la ville qui la novelle savoient issirent hors a l'encontre et moût lor firent grant joie, quant il s'entrevirent de près, et ceaus que il menoient, les prisons et l'avoir offrirent au rei, dont il fu moût liés. Mais sur tous les autres fist grant joie a Paris. Et cil li a toutes des evres coûtées par ordre et coment il alerent et vinodrent, et quoment il avoient desconfis les Grizois - et confondu tout le pais -. Après lor mostre dame Elaine, odont le rei fu moût joiant sur toutes choses, quar il quide estre certain que por ceste ravera il sa suer et li feront li Grizois droit a sa volenté. Et maintenant se traist vers lui et la prent par la resne de son pallefreïn moût cortoisement et la comença a conforter et a dire et a promette quant que il peut, et qu'elle iert si bien venue come ocelle qui iert dame dou païs. Et tant chevauchent que il vindrent a Troies, ou la feste estoit merveillouse. Et l'endemain espousa Paris dame Elaine, si ne vosporoit l'en odire la grant joie que ceauz de Troie en firent. Li roiz Priant et la reine, qui moût estoit sage dame, et tous les fis au rei Priant firent dame Elaine moût grant honor.


Guido delle Colonne - Historia destructionis Trojae, VII, passim

... Paris et Deyfebus in lacrimis a rege obtenta licencia naves intrant. Solutis itaque funibus, subductis anchoris, et velis elevatis, in altum naves ipse in nomine deorum Iovis et Veneris in altum pelagus se impingunt, et eis felici navigacione potitis, ad sparsas Ciclades applicunt, insulas videlicet Romanie. quas dum velut ignotas robusto remige trsnsire contendunt, navigantes in ipsis circa Grecie finitima littora striccius inherendo, casus eis obviam obtulit quandam navim. in hac igitur navi rex quidam de maioribus Grecie, Menelaus nomine, navigabat, qui a duce Nestore tunc temporis evocatus apud Piram civitatem se cum ipso navigio dirigebat. Erat autem iste Menelaus Agamenonis regis frater, habens Helenam in uxorem. Hec enim Helena diebus illis mirabili speciositate vigebat, soror Castoris et pollucis regum, qui tunc in Cnestar civitate de eorum regno insimul morabantur, educentes cum eis eorum neptem Hermionam, natam ex Helena supradicta. Troiani vero dum navim ipsam inspicerent, viderunt eam ab eorum obviacione flexo remige declinare et ideo nec illi illos nec illi eos agnoscere potuerunt. Quare Troyani naves, secundis ventis afflantibus, salubri cursu divertunt et veniunt in quandam insulam nomine Cythaream... Erat autem in hac insula Cytharea quoddam templum in honorem Veneris ex antiquo constructum, mire pulchritudinis et diviciis multum plenum... Paris in comitiva multorum decenter ornatus accessit ad templum, et... oblaciones suas in multa auri et argenti copia inmensa prodigalitate profudit. Fuerat enim Paris pulchritudine multa decorus, omnes suos et etiam alios in forma precellens. Quem ut aspexerunt astantes in templo, de eius pulchritudine mirati sunt valde et de regiis aspparatibus quibus ipse inclitua apparebat... Sed loquax fama, que multas vires acquirit eundo,... ad aures Helene de pulchritudine Paridis ... pervenit... Helene animum inconsulta flagrancia concitavit ut optaret ad ipsius festivitatis sollempnia se conferre gaudia visura festiva et inspectura ducem Frigie nacionis... Quod postquam Paridi notum factum est reginam videlicet Helenam, Menelay regis uxorem, ad templum ipsius Veneris accessisse in multa comitiva suorum apparatu mirabili, Paris excellenter ornatus pervenit ad templum. Audiverat enim, fama predicante iam diu, Helenam, Castoris et Pollucis regum sororem, incredibili speciositate vigere. Quam ut vidit, invidit, dum de facili facibus accensus Veneris in Veneris templo desiderio fluctuat anxios. Et diligenter in Helenam figens intuitum siggilatim eius membra tanto decore respersa subtiliter contemplatur... Summo igitur studio Paris iuxta Helenam, modestie finibus non omissis, fit proprior et dum in eius lumina figit intuitum, Helena intuentis aspectus ex suorum aspectibus mutua relacione repensat. Placuit enim Helene forma Paridis plus quam de eo perambula predixere preconia, cum de eius forma sibi sit ipsa iudex et testis, asserens in corde suo nusquam vidisse hominem similis speciei nec qui tantum suo affectui conveniret. Numquid ergo Helena ad festiva solacia que fiebant in templo flectit intuitus aut ad aliena colloquia vertit caput. Sane inspiciendi Paridem aviditate correpta curis tota deprimitur, ad aliud inspectura sua lumina non retorquens. Quam dum Paris percipit sibi suis luminibus blandientem, gaudet suos radios visuales visualibus Helene radiis commisceri, et sic per mutuas et placidas visiones sibi invicem consonantes communis amoris vehementiam manifestant, et dum ambo cogitant in seipsis qualiter eorum unusquisque alteri sue intencionis archana revelet, ausus est Paris per intersigna vocis vicaria primicias exsolvere voti sui. Sed Helena, tamquam ardore tunc excussa consimili, sentit Paridis appetitum et signa similia rependit eidem. Monet eciam nutu eum ut inter tumultus ludencium fiat sibi magis propinqus. Ad quod Paris, omni pudoris omissa caligine, sessioni Helene vicinius appropinquat, et quod signis latenter commiserat latenti tamen et submissa voce vulgavit. Et sic vacantibus aliis ad ea que iocose fiebant in templo nec advertentibus illorum insidias amatorum, unus alteri quicquid gestierat in animo resolutis in suspiria vocibus propalavit, et quicquid de optatis eorum fieri deberet inter se brevi perstrinxere sermone. Quo facto Paris ab Helena humili obtenta licencia in comitiva suorum templum exivit, quem exeuntem Helena, dum potuit eundem videre, dulcibus est aspectibus insequta. Procedente ergo Paride, letus sed amore vexatus, suas pervenit ad naves, ubi confestim omnes sui maiores exercitus ad se vocari mandavit, et ipsis cohactis in unum, sic est eos animosis vocibus alloqutus : « Dico quod, si laudabile vobis apparet, veniente noctis umbraculo, omnes in arma furtive surgamus et irruamus in templum ad depopulacionem ipsius, viros et eciam mulieres existentes in illo captos nostras deducamus ad naves et precipue Helenam, quam si captam deducere poterimus apud Troyam, ex eius capcione spes certa resultat quod ob commutacionem ipsius de facili poterit rex Priamus suam recuperare sororem... » Factum est autem quod, nocte sidera publicante et ad occasum luna vergente, Troyani sub ipsius noctis silencio arma capiunt, et armati, relictis navibus in tuta custodia armatorum, subito templum intrant, et irruentes in illos quos invenerunt in illo, ab hostili suspicione securos, in ore gladii inermes capiunt et captos adducunt ad naves, bona eorum queque diripiunt, templum spoliant et universa predantur. Reginam Helenam et omnes eius comites Paris propria manu cepit, in qua nullius resistencie contradiccionem invenit, dum animasset eam consensus pocius quam dissensus. Ducitur ergo per Paridem cum omnibus suis ad naves, et in eis ipsa dimissa sub fida custodia, Paris iterum rediit ad predam... Fit igitur finis bello et Troyani, obtenta victoria, gaudentes revertuntur ad naves, nichil preciosum relinquentes in templo, ex cuius predas multas et innumerabiles divicias quesierunt... Existente vero Paride apud Thenedon, prout ibi felix applicuit, regina Helena inter captivos alios luctuosos multa, ut videbatur astantibus, torquetur angustia, dum pectus et faciem continuis luctualibus lacrimis irrigaret et singultuosis vocibus regem virum regesque fratres, filiam et patriam natosque defleret, que crebris ululatibus inquieta nullo cibo aut potu potitur. Quod Paris pro molesto gerens et gravi, solari Helenam humilibus et piis verbis accedit. Et quia dolores eximios Helena producebat,nec eam ad consolationis spiritum Paris reducere poterat aut solamen, velut iracundia motus adversus Helenam prosiliit in hec verba : « Quid est hoc, domina, quod tam cotidiano dolore concuteris nec quiescis ? Quis est ille qui tot dolorosas voces audire per tolleranciam diu posset, cum die nocteque lamentis vaces et lacrimis ? an putas quod tibi ipsi non obsit et tue opersone non inferat detrimentum ? sane saturata esse debes tantis ex lacrimis ; si tot gustasses continuos potus aque quot lacrimas diceris sorbuisse, velud supervacue pleno de pectore iam manarent... » Ad hec Helena, detersis lacrimis, Paridi sic respondit : « Scio, domine, velim nolim, habere necesse tuas exequi voluntates, cum femina non possit potencie prevalere virili et precipue in captivitate detenta » Cui Paris : « Nobilissima domina, quecumque mandaveris, infallibiliter complebuntur ». Et ea statim per manum accepta, modica violencia intermixta, a propria sessione levavit ipsam, secum ad locum adducens ubi in maximo apparatu multa ordinata fuere ut ibi secrecius inter se de singulis conferre liceret...


Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.
Vous pouvez naviguer sur le site : Cultura e scuola
Si vous voulez lui écrire, vous pourrez le faire à cette adresse :