Daretis de excidio Troiae, 24
Agamemnon, Diomedes, Achilles, Aiax Locrus, ut uidere Hectorem non prodisse, acriter pugnauerunt multosque duces Troianorum occiderunt. Hector, ut audiuit tumultum in bello et sine
se Troianos laborare, prosiliit in bellum. Statimque Eioneum obtruncat, Iphinoum sauciat, Leonteum occidit, Stheneli femur iaculo figit: quem ut Achilles respexit et tot acerrimos duces
ab eo interfectos, animum in illum dirigebat ut illi obuius fieret. Considerabat enim Achilles, nisi Hectorem occideret, plures de Graecorum numero eius dextera perituros. Multa millia
hominum interea trucidantur. Acre praelium colliditur. Hector Polypoetem ducem fortissimum occidit et cum spoliare coepisset Achilles superuenit. Fit pugna maior, et clamor ab oppido et a
toto surgit exercitu. Hector Achillis femur sauciat. Ille dolore accepto magis eum persequi coepit, nec destitit nisi occideret. Quo interemto Troianos in fugam uertit, et maxima caede
eos usque ad portam fugauit. Cui tamen Memnon fortissime restitit, et acriter inter se certauerunt : laesi utrique discesserunt. Nox praelium dirimit. Achilles de bello saucius redit.
Noctu Troiani Hectorem lamentantur.
Agamemnon, Diomède, Achille, Ajax le Locrien, ne voyant pas Hector à la tête des Troyens, en combattirent avec plus d'ardeur, et plusieurs généraux
ennemis tombèrent sous leurs coups. Hector informé que le désordre s'est mis parmi les Troyens et que, sans lui, ils vont être repoussés,
s'échappe du palais de Priam, et s'élance sur le champ de bataille. Aussitôt il coupe la tête à Eionée, blesse Iphinoüs, tue
Léontéus, et perce la cuisse à Sthénélus d'un coup de javelot. Achille le voyant ainsi donner la mort aux plus vaillants capitaines, accourt dans
l'intention de le tuer, et de délivrer par son trépas plusieurs milliers de Grecs qui auraient encore péri de sa main. Cependant un grand nombre de guerriers tombent
de tous côtés sur le champ de bataille, et la mêlée devient de plus en plus meurtrière. Hector immole Polypète ; mais comme il se dispose à
dépouiller sa victime, il est attaqué par Achille. Alors, un terrible combat se livre entre ces deux rivaux. Des grands cris s'élèvent et de la ville et des
deux armées. Hector blesse Achille à la cuisse ; mais celui-ci, comme s'il était insensible à la douleur, redouble ses attaques, et la mort de son ennemi est
le prix de ses efforts. Après cet exploit, il se jette sur les Troyens, en fait un grand carnage, les met en déroute, et les poursuit jusqu'au pied de leurs remparts.
Toutefois Memnon ose lui résister : tous deux ils se combattent avec un courage égal et des succès égaux, et ne se quittent enfin qu'après s'être
blessés l'un l'autre. La bataille finit avec le jour. Achille rentra dans le camp, et pendant toute la nuit, les Troyens pleurèrent le trépas d'Hector.
Dictis Ephemerides belli Troiani, III
15. Nec multi transacti dies, quum repente nunciatur, Hectorem obviam Penthesileae cum paucis profectum : quae regina Amazonum, incertum pretio an bellandi cupidine auxiliatum
Priamo adventaverat. Gens bellatrix, et ob id ad finitimos indomita, specie armorum inclyta per mortales. Igitur Achilles paucis fidis adjunctis secum insidiatum propere pergit atque
hostem securum sui praevortit : tum ingredi flumen occipientem circumvenit : ita eumque et omnes qui comites regulo dolum hujusmodi ignoraverant ex improviso interficit : at quendam
filiorum Priami comprehensum mox excisis manibus ad civitatem remittit, nunciatum quae gesta erant. Ipse cum caede inimicissimi, tum memoria doloris ferox, spoliatum armis hostem, mox
constrictis in unum pedibus, vinculo currui postremo adnectit. Dein ubi ascendit ipse Automedonti imperat, daret lora equis. Ita curru concito per campum, qua maxime visi poterat,
praevolat, hostem mirandum in modum circumtrahens : genus poenae novum miserandumque.
Peu de jours après nous apprenons qu'Hector, avec une faible escorte, était sorti à la rencontre de Penthésilée, reine des Amazones, qui arrivait au
secours de Priam. Était-elle guidée par l'appât du gain, ou par le désir d'acquérir de la gloire dans les combats ? c'est ce qu'on ne sait pas. La nation
des Amazones était toute guerrière ; invincible jusqu'alors pour ses voisins, la gloire de son nom s'était répandue par toute la terre. Alors Achille se fait
suivre d'un petit nombre de soldats sur lesquels il pouvait compter, s'avance à grands pas pour surprendre l'ennemi. Hector allait traverser le fleuve, Achille l'enveloppe,
l'attaque à l'improviste, sans lui donner le temps de se reconnaître, et le tue avec toute son escorte. Cependant il fait couper les mains à un des fils de Priam,
qu'il avait pris, et le renvoie en cet état à la ville pour porter la nouvelle du combat. La vue de son plus cruel ennemi, abattu à ses pieds, et le souvenir de sa
douleur encore récente, le rendent furieux. Il dépouille Hector de ses armes, lui lie fortement les pieds, et l'attache avec une courroie derrière son char.
Bientôt il y monte lui-même, et ordonne à Automédon de lâcher les rênes de ses chevaux. Il fait voler son char à travers la plaine, et,
choisissant les endroits d'où l'on pouvait le découvrir plus aisément, il traîne après lui le corps du malheureux prince ; supplice aussi nouveau que
capable d'exciter la pitié.
16. At apud Trojam, ubi spolia Hectoris desuper e muris animadvertere, quae Graeci praecepto regis ante ora hostium praetulerant, et ille, qui excisis manibus acerbissimae rei indicium
in se ipse pertulerat, rem ut gesta erat disseruit; tantus undique versus per totam civitatem luctus atque clamor editur, ut aves etiam consternatae vocibus alto decidisse crederentur,
nostris cum insultatione reclamantibus : ac mox portis ex omni parte urbs clauditur, foedatur regni habitus atque in modum lugubrem funestumque obducta facies civitatis; quum, sicut in
tali nuntio assolet, repente concursus trepidantium fleret in eundem locum, ac statim sine ulla certa ratione per diversum fuga, nunc planctus crebri, modo urbe tota silentium ex incerto.
Inter quae et spes extremas, multi credidere cum nocte simul Graecos moenia invasuros excisurosque urbem securos interitu tanti ducis : nonnulli etiam pro confirmato habere, Achillem
exercitum, qui duce Penthesilea Priami rebus auxilio venerat, partibus suorum adjunxisse : postremo omnia adversa, hostilia, fractas ablatasque opes, nullam salutis spem interempto
Hectore haberi : quippe is solus omnium in ea civitate adversum tot milites imperatoresque hostium varia semper victoria certaverat ; fortior quam felicior, cui fama bellandi inclyta per
gentes, numquam tamen vires consilio superfuerant.
Dès que les Troyens, du haut de leurs murs, aperçurent les dépouilles d'Hector qu'on présentait à leur vue par l'ordre d'Achille, et que le fils de
Priam leur eût fait le récit du triste événement dont il portait sur lui-même des marques si cruelles, des cris de douleur n'élevèrent de
toutes parts, en si grand nombre et si perçants, que les oiseaux eux-mêmes, étourdis, semblaient tomber du ciel : les Grecs, de leur côté,
répondaient aux Troyens par les transports d'une joie insolente. Bientôt toutes les portes sont fermées; la face de l'empire est changée; un voile
funèbre s'étend sur toute la ville ; et, comme il arrive en pareille occasion, tous les citoyens éperdus se portent dans un même endroit, et bientôt
après se dispersent ; chacun s'écarte à droite et à gauche sans tenir de route certaine; tantôt l'air retentit de cris plaintifs, tantôt il
règne partout un morne silence, effet de l'incertitude. Au milieu de leur désespoir, les Troyens croient voir les Grecs, enhardis par la mort d'un si grand
général, fondre la nuit sur la ville, et renverser les murailles. D'autres se persuadent qu'Achille a entraîné dans son parti Penthésilée, avec
l'armée qu'elle amenait au secours de Priam. Enfin, tout semble tourner contre eux, tout devient leur ennemi ; leurs forces sont abattues, leurs ressources épuisées,
et la mort d'Hector les laisse sans aucun espoir de salut. Opposé presque seul à une armée formidable commandée par de vaillants généraux, Hector
avait su balancer la fortune ; il avait été plus brave qu'heureux ; mais jamais la prudence en lui n'avait abandonné la valeur : aussi son nom était-il
célèbre par toute la terre.
Johannes Malalas - Chronicon, V, 123
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et voilà la traduction latine de ce passage :
Inter cenandum vero eum rogavit Pyrrhus (cui genere etiam conjunctus erat), uti altius ab origine rem repetens, quae patri suo acciderant enarraret omnia, nihil adhuc certi de his
accepisse se maerens. His itaque Teucrus exorsus est : Victoriam illam quam de Hectore Achilles reportavit nulla aetas oblivioni datura est : qui ubi audisset Hectorem de nocte
Penthesileae reginae obviam iturum, praeoccupato ejus itinere se suosque in insidiis collocavit Hectoremque cum suis omnibus flumen traicientibus internecioni dedit ; unico dempto
quem stragi superesse voluit manibus abscisis Priamo remittendum cui Hectoris mortem annunciaret. Pater autem tuus ante lucem , Graecis interim quae acciderant omnia nescientibus,
Hectoris intermortuum corpus currui alligatum et ab equis quos ipse cum Automedonte agitavit circumtractum quam potuit maxime ad terram allisit. Priamus autem audito Hectoris fato ejulare
cum suis omnibus tantusque est in Trojano populo clamor editus Graecis interim triumphum suum clamoribus reciprocis celebrantibus, ut volucres etiam coeli consternarentur. Tum vero statim
sunt obseratae Ilii portae.
Josephi Iscani Phrygii Daretis Ilias, v.477-532
Interfectio Hectoris
Ultimus Hectoreum Polibetes senserat ensem
Altius impressum iugulo ; nec defuit augens
Supremam Fortuna manum, transegerat armos
480 Armaque, et in geminos discreto corpore truncos
Solus inoffensus clipeus restabat. Et illum
Dum victor mutare parat levamque superbus
Argolica Iunone onerat, fremit acrius illa
Marte suo facibusque Iovis, sic pronus in iram
485 Sexus, sic priscus suadet dolor. Excitat ergo
Eaciden; non ille quidem certamina tanto
Temptasset conferre viro, sed Iuno negantem
Sollicitat, stimulat Pallas pariterque precantes
prebent hec animos, hec iras, utraque vires.
490 Postquam perventum propius fisusque dearum
Robore fulmineum preceps nudaverat ensem
Eacides, trepidi cedunt hinc inde manipli,
Ipsaque sponte herent retro data prelia regum
In campi maioris opus. Mox sevus utrimque
495 Clamor, utrimque metus ; cupiunt vidisse furentes
Et vidisse timent. Facibus confligere iactis
Fulmina bina putes. Prior occupat Hector Achillem
Fraxineamque trabem vibrat; volat illa ferrumque
heu, humili nimis acta manu, nimis invida ceptis
500 Letiferis !- hostile ferit. Pudor aggerat iram
Frustrateque manus ac stricto dedecus haste
Purgasset gladio, cum vulneris acrior ira
Eacides ensem librat divumque suaque
Proturbat virtute virum. Vix Martia tandem
505 Indignante anima gelidos mens deserit artus.
Extemplo turbata Frigum laxatur inerti
Turba fuga. Trepidis violentior instat Achilles
Ac dextra maiore furit, mactantur in ipsis
Milia bellantum portis. Titonius heros
510 Obliquum pectus et respectantia terga
Obicit Eacide leditque ac leditur ipse.
Seraque vix tenebris dirimit nox bella secutis.
Heu heu, quam tenui nutant rnortalia filo !
Nil homini fixum. Fortune munera blande
515 Insidias, non dona reor, semperque timebis
Sirenum turbe similis sub sole sereno
Nubem, sub risu lacrimas, sub mele venenum.
Si tibi. res, fallit casus ; si forma, senectus ;
Si vires, morbus ; si nomen grande, litura
520 Postera ; et in nullis fati constantia donis.
Ipse etiam has inter tenui virtute procellas
Fretus homo aut languet moriens aut mortuus aret;
Horum si neutrum, certe mortalis et imos
Fraudatura dies medios metit Atropos annos.
525 Occidit, heu, spes una Frigum, Mavortius Hector
Occidit; eternos cui si natura, dedisset
Artus, ipse suos iaculandos Iupiter ignes
Ocia tracturus ultro mandasset. At illum
Imperiis sensere suis obsistere Parce,
530 Sensere et viridis crescentia fila iuvente
Collata rupere manu tutore perempto
Facture Frigiam licito maiore ruinam.
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Benoît de Sainte-Maure - Roman de Troie en prose, 163-167
163. Coment Hector assembla a ceaus de l'ost de Grèce.
Hector s'en va en la bataille, mais la preisse estoit si grant de ceaus qui fuoient que a poine pooit il issir hors. Mais il de première venue lor ocist Erupilus qui dus d'Ariende
estoit. Après encontra un autre duc de grant afaire, Exidus avoit non, si li copa li bras o toute l'espee. Adonc comença la crie moût grant, si que tout le murail de
la ville en retentissoit, que bien est Hector reconeüs. Et tant fu redoutés que maintenant se resortirent arieres tous les plus hardis. Si avoient pris Polidomas et l'en
menoient par mi la presse si grant joie faisant, et li donoient de grans cos et pesans ; mais quant il conurent Hector, qui s'ala mesler entre eauz o le bran d'acier en la main, dont il
lor cope lor testes et costés et bras, et n'i a si hardi qui atendre l'osast, si les mistrent hors dou fossé tous desconfis, ou il reçuirent merveillous domage por
l'esfort que Hector lor fist, et tant les menèrent que il les mistrent au plain.
164. Coment Hector nafra Achillès en la cuisse.
Quant Achillès vit les grans merveilles que Hector faisoit et que il lor tolloit trestous lor princes, si pensa que se il vivoit longuement, que tous seroient livrez a doulor ; et
por ce laissa toutes autres choses et dit que il n'entendra fors a lui et que jamais n'avroit joie se il de lui n'est délivres. Mais Hector a tant fait par son esfort que il a
toute la bataille remuée et a si revigorez les siens que tous sont issu hors de la ville. Si ne vit onques nus hons si fiere mortalité, si crient par la cité et as
tentes en tel manière que il semble que li siècles doive finer, si est tous li chans jonchiez de mors. Un riche duc i avoit, Polibetès ot non, qui de moût grant
pooir estoit et bons chevaliers a devise, ne onques nus hons ne vit si bel armes corne il avoit, quar son garnement estoit de fin or tout covert et de pieres preciouses. Si l'amoit
moût Achillès, por ce que sa seror li devoit doner a feme, si avoit fait le jor grant domage as Troïens, corne celui qui merveillous chevaliers estoit de sa main. Mais
Hector le consuit et le feri de son branc, si que jusques es dens le fendi. Et quant il vit son garniment si bel, si le desirra a avoir et li voloit oster. Mais Achillès i vint,
qui moût asprement le defendi, si i ot sus le cors merveillouse bataille, quar Hector et Achillès ne se feignoient mie d'ocirre l'un l'autre. Si prist Hector une espee
trenchant et en feri Achillès en mi la cuisse et li fist une grant plaie. Lors se retraistrent les plesours arieres. Achillès fu a merveilles courouciés et bien le
demoustra. Mais toutes voies fist il ses plaies bender d'une enseigne et retorna arieres en la bataille ensi nafrés, moût durement fellon. Si ageite Hector et dit que miaus
aime morir que vivre se il ne l'ocist. La bataille estoit moût dure et perillouse, si avoit Hector abatu un roi et le tenoit par la ventaille por traire le hors de la preisse, et si
estoit descovert de son escu. Et quant le cuivert l'aparçoit, qui n'entendoit a autre chose, si vait droit celle part et broiche le cheval et le fiert si que li haubers ne le pot
garantir que il ne li espandist le fege et le polmon, et le tresbucha mort a la terre tout envers.
165. Coment Achillés ocist Hector par agait.
Hay ! las, come estrange et pesans aventure et come doulourous jors est avenu a ceauz qui ses amis sont! Que puis ne firent Troïen autre chose ne autre demoure, mais tous s'en
fuirent sans nul conroi prendre, que bel lor est que l'en les ocie. Tout ensi getent escus et lances a terre et s'en vont por la mort Hector, qui desconfi les a. Et moût en sont de
doulor pasmés en mi les chans, et les chacierent Grizois jusques as portes de la cité ociant et prenant a lor voloir sans nul contredit. Et cil qui eschaperent se mistrent
par mi les portes. Mais le roi Menon s'en torna contre Achillès et l'abati moût felenessement. Mais cil ressaut sus maintenant et le fiert son escu si que il l'abati a terre.
Et le roi Menon le requiert et le feri desous son escu en mi le visage et li fist voler le heaume iï de la teste et li ensainglanta tout le visage. Et se rendirent si fier estor que
la terre ert vermeille de lor sanc. Si s'atornerent en tel manière que l'un et l'autre en furent por mort porté de la place sus son escu. Si fu Achillès portés
dedens son paveillon, et après li regarderent ses plaies, qui moût estoient perillouses ; mais toutes voies virent il que il en poroit bien garir, dont il orent moût
grant joie.
Funérailles d'Hector (v.16317-874)
166. Come tous ceaus de la vile demenerent grant deul.
Quant cil de Troies virent porter lor seignor mort, si commença la dolor si grant de tout le pueple, grans et petis, femes et enfans, come il veïssent tout destruire. Li Rois
et lis haus barons et tous les chevaliers de la ville faisoient ce meïsmes. Les dames et les puceles le plorent toutes eschevelees et crïent : « Haï ! sire
Hector, noble guerrier, qui de chevalerie avoies tous le monde pascé, et que vos nos amiez tant que vostre cors meïstes a mort por nos rescourre! Laisses! coment somes
desconseilliées, quar tout lor voloir feront de nos li mauvais henemis ! Car la défense des autres sera des or mais si petite que jamais porte n'en sera overte. Et nos
meïsmes serons menées en servage : por coi chascune doit haïr sa is vie après vostre mort ». Si dura cest plor et cist cris si grant jusques a la salle.
Et la fu la doulor si grant et si angoissouse que nus ne la poroit raconter. Si i vint le roi Priant et se pasma sus lui. Si le portèrent ses barons en une chambre si corne por
mort. Paris faisoit si grant duel que il sembloit que il se vossist ou ses deus mains ocire, et moût maudisoit l'oure que ceste bataille fu comencie et disoit : « Biauz
sire amis et vaillant sur tous autres chevaliers, qui nos sera hui mais estendiors et forteresce et qui vengera nostre perte ? Haï ! las, cornent nos devenons tuit morir après
la vostre mort, qui si fiere nos est ! Quar nus ne le poroit penser, la grant perte et le doulourous domage que hui recuit nostre parenté, qui par vos estoit défendus. Et
ores veons nos voie de nostre destruiement. Mais se Dieuz pleist, cil en morra. par qui vos estes mors, quar moi n'en chaut se il m'avoit ocis, mais que je soie de lui
vengiés ».
167. Come tous les princes estoient sus le cors.
Troylus, Deïphebus et tous ses frères, Eneas, Polidomas et tous les autres rois et princes et tous les chevaliers estoient sus le cors venus, si estoit la dolor si grant et le
plour, et la preisse si merveillouse que nus ne le poroit retraire, ne si faite ne si angoissouse dolour. Alors i vint Ecuba sa mère, Adromata sa feme, toutes ses serors et dame
Elaine, si angoissouse que ja ne s'en queïssent partir, et ne se pooient soustenir, se ne fussent que les chevaliers les portoient entre lor bras. Haï ! Dieuz, qui adonc les
veïst plorer, et braire et arachier lor biauz cheviaus, et engratiner lor tendre visage, et cheoir pasmees de grant destrece menu et sovant, grant dolor en peûst avoir :
« Biauz fils, disoit la roïne sa mère, quele atente porai je avoir des or mais ? Quar vos estïés tous mes delis, et or vos ai je perdu, quar je ne croi
pas que vos soies mors. Haï ! las, quel dolor que d'ovrir vos iauz n'avés vos nul pooir.Et ore voi ge bien, que la grant dolor et les sospirs que je avoie jor et nuit
senefioient ceste cruel mescheance. Haï ! las, come je voi la terre vermeille desous vos, par coi je croi que vos estes mors. Biaus fis, quoment puent les dieus soufrir que je ne
fuce devant vos quant vostre esprit parti et que vos ne trepassastes entre mes bras ? Laisse, que ferai des or mais au roi Priant? Qui li pora jamais faire chose dont il ait joie ? Drois
est que nos morons trestuit après vos, et que nos ne nos veons çaenspenre as mauvais henemis par qui vos avés la vie perdue. Et ja Dieu ne plaise que je vive plus
! ». Et adont cheï pasmee sur lui. Que vos diroie je de Adromata sa feme ? Tant a ploré qu'ele ne puet mot dire,etestoit si palle que miaux sembloit morte que vive.
Si en fu toute por morte portée en une chambre, sa chiere toute despecee et ses cheviaus detrais. Dame Elaine ne se feignoit pas, quar de doulor estoit palle et perse devenue ; si
en fist tant que moût en fu prisie, et grant gré li sorent tous ceaus de lignage. De Polixenain ne vos poroie je dire la merveille qu'eles faisoient chascune de soi
meïsmes, quar il n'i avoit roi ne prince qu'eles ne feïssent plorer. Et se je voloie raconter la vérité de la doulor que chascun avoit et lous comunalement, trop i
avroit a faire. Mais assi grant doulor come vos entendes l'en portèrent en une chambre et désarmèrent le cors, et l'atornerent si richement de baume et de toutes
choses olans que le cors deüst garder sans maumetre que nus hons n'en poroit la moitié descrire. Et après le covrirent d'un riche drap d'or et de pierres preciouses. Si
dura celle grant doulor toute nuit, mais si estoient espoënté qui n'i ot arme que celle nuit dormist, ainçois furent sus les murs assi grant doulors et a si grant cri
que cil de l'ost l'ooient bien, dont il estoient moût liez et avoient grant joie.
Guido delle Colonne - Historia destructionis Troiae, XXI
Tunc Paris bellum intrauit et ex parte Grecorum Achilles, qui cum suis sic potenter irruit in Troyanos quod Greci in uirtute Achillis Troyanos uertunt in fugam et Troyani sunt dare
terga coacti. In ciuitatem se recipere festinabant. Interim dum Margariton, vnum ex filiis regis Priami, intercipere conatur Achilles, dum ille sibi uiriliter restitisset, Achilles
interfecit eundem. Tunc clamor fit maximus de morte Margariton crudeliter interfecti. Thelamonius autem Troianos potenter insequitur sed Paris viriliter eosdem defendit necnon et
alii filii regis Priami naturales. Non tamen in tantum in uiribus preualuerunt eorum quin Troiani coacti precipiti fuga ciuitatem non intrassent eorum et corpus Margariton ad ciuitatem
mortuum detulerunt. Quem ut mortuum Hector audiuit, multo dolore torquetur, diligenter querit quis eum interfecerit. Quem Achillem fuisse relatum est ei. Tunc Hector quasi furibundus, in
ira ligata casside, rege patre inscio, bellum ingreditur et statim in furore suo duos magnos duces interfecit, Euripolum scilicet et ducem Astidum. Grecos deinde uiriliter impetit,
diruit, uulnerat et occidit, quem Greci illico cognouerunt in letalibus ictibus ensis sui. A facie eius aufugiunt et Troyani Grecos inuadunt et potenter ipsos expugnant. Greci uero
Pollidamam capiunt et captum educere conabantur a bello. Sed Hector ipsum liberat, qui ducentes eum in suis uiribus interfecit. Quod dum inspexisset, quidam Grecorum maximus amiratus,
nomine Leochides, in Hectorem irruit, morti tradere putans eum. Sed Hector totus exardens in iram in ipsum irruit et in furore ire sue interfecit eundem.
Achilles uero, ut uidit Hectorem tot nobiles Grecorum et infinitos alios morti sic uelociter tradidisse, suo concepit in animo quod, nisi uelociter Hector morti traderetur, nunquam Greci
aduersus Troyanos poterunt preualere. Diligenter igitur sciscitatus est in sue mentis archano qualiter incontinenti illud valeat perficere et complere. Et dum meditaretur Achilles
diligenter in hiis et Policenes dux, qui ob amorem Achillis in Grecorum subsidium se contulerat, sperans eciam quandam Achillis sororem ducere in uxorem, qui a superiori India ualde
diues aduenerat, dum inter turmas Hectori obuiasset, Hector in ipsum irruens interfecit eundem, Achille uidente. Achilles autem furibundus irruit in Hectorem, uindicare Policenes
necem intendens. Sed Hector quoddam iaculum cuius ferrum erat in eius acumine ualde secans uibrauit uiriliter in Achillem, et dum ipsum percussisset in inguine, graue sibi uulnus
inflixit. Achilles autem a bello uulneratus egreditur, sed uulnere ipso ligato redit ad bellum, eo proposito quod Hectorem morti tradat eciam si eum exinde morti tradi contingat. Hector
uero interim in quendam Grecorum regem irruerat, ipsum ceperat, et captum conabatur ipsum a turmis extrahere, scuto sibi suo post terga reiecto, ut habilius regem ipsum a turmis eripere
potuisset. Quare pectus suum discoopertum tunc gerebat in bello, scuti sui defensione destitutus. Achilles persensit Hectorem ante pectus scuti sui subsidium non habere, accepta
quadam lancea ualde forti, non aduertente Hectore, in ipsum irruit et letaliter uulnerauit in ventre sic quod eum mortuum deiecit ab equo. Rex vero Menon statim, ut uidit Hectorem
mortuum, Achillem aggreditur, ipsum ab equo deiecit et letaliter uulnerat, sic quod sui Mirmidones eum quasi mortuum ad sua deducunt in quodam scuto tentoria. Troyani uero quasi deuicti
campum deserunt, ciuitatem intrant, in quam corpus Hectoris mortuum, Grecis non resistentibus, detulerunt.
[Incipit liber xxiius de sepulcro Hectoris et de Palamide in imperatorem Grecorum assumpto.] Mortuo igitur Hectore et in ciuitate Troye eius corpore introducto, planctus fit
maximus vniuersaliter inter ciues. Non enim est aliquis ciuium qui non maluisset filium suum morti tradere pro uita Hectoris, si hoc fata uel dii pro eorum uotis salubriter statuissent.
Mulieres eciam Troyane, tam uirgines quam matrone, in earum domibus satis lugubres dies ducunt, et in querulis earum clamoribus produnt flebiles uoces suas, dicentes se ammodo cum earum
filiis et maritis indubitanter respirare non posse, cum eis, Hectore deficiente, defecerit earum firma securitas, que ab insidiis hostium eas faciebat respirare securas, cum et earum
hostes sollicite in earum et maritorum ipsarum uenerint insidiis, uel ut eas et eos intercipiant et occidant uel ut eas et earum liberos perpetue adiciant seruituti. Et sic in tanti
fletus et doloris angustiis longis diebus continue uacauerunt. Corpus autem Hectoris uniuersi reges et nobiles qui erant in Troya ad regis Priami regiam, scissis uestibus et nudatis
capitibus, in maximo ullulatu deferunt et deponunt. Quod postquam uidit rex Priamus ineffabili dolore concutitur. Super corpus Hectoris sepius intermoritur. Et id sibi per breuia momenta
sepius accidisset, nisi fuisset sepius a corpore Hectoris uiolenter extractus, et proinde sine dubio sue mortis exitum incurrisset. Sic et dolentes fratres eiusdem doloris casu
vniuersaliter torquebantur, cum mori magis quam uiuere protinus affectarent. Quid dicetur ergo de regina Heccuba, matre sua, de eius sororibus, Polixena uidelicet et Cassandra, quid de
Andromacha, eius uxore, quarum sexus fragilitas ad doloris angustias et lacrimas fluuiales facit ad longam querelarum seriem proniores ? Sane lamentaciones earum particularibus explicare
sermonibus cum minime necessarium uideretur in hoc loco, utpote inutiles sunt obmisse, cum certum sit apud omnes quod quanto he affectuosius diligebant, maiorum dolorum aculeis
uexabantur. Et mulieribus sit insitum a natura quod dolores earum non nisi in multarum uocum clamore propalent et impiis et dolorosis sermonibus eos diuulgent.
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