La fille de Priam et Hécube était depuis l'époque d'Homère l'objet de l'attention des poètes, qui parlent souvent de son refus des avances d'Apollon et de la vengeance du dieu, qui lui accorda le don de prophétie mais lui refusa celui d'être crue. Nous présentons ici, en complément des autres, les témoignages de Servius et du scholiaste d'Euripide.

Virgile - Enéide, II, 246

Tunc etiam fatis aperit Cassandra futuris
ora, dei iussu non umquam credita Teucris.
A ce moment aussi, Cassandre ouvre la bouche, dévoilant l'avenir,
elle que, par l'ordre d'un dieu, les Troyens n'ont jamais crue.

Servius, ad Aen. II 246

Fatis aperit Cassandra fvtvris ne putarentur stulti, qui vati non credidissent, cito subiecit dei iussu non umquam credita Teucris. sane quidam hic fatis pro calamitatibus accipiunt. dei ivssv praecepto Apollinis, qui spe promissi coitus concessa divinatione frustratus sustulit fidem vera dicenti. dei ivssv praecepto Apollinis : qui cum amasset Cassandram, petit ab ea eius concubitus copiam. illa hac conditione promisit, si sibi ab eo futurorum scientia praestaretur : quam cum Apollo tribuisset, ab illa promissus coitus denegatus est. sed Apollo, dissimulata paulisper ira, petit ab ea, ut sibi osculum saltem praestaret : quod cum illa fecisset, Apollo os eius inspuit, et quia eripere deo semel tributum munus non conveniebat, effecit, ut illa quidem vera vaticinaretur, sed fides non haberetur.

Euripide - Andromaque, 291-299

Plût au ciel qu'elle eût jeté ce fléau par-dessus sa tête, celle qui jadis enfanta Pâris, avant qu'il pût habiter les riants coteaux de l'Ida, lorsque Cassandre, auprès du laurier prophétique, s'écriait qu'il fallait faire périr le destructeur de la ville de Priam ! A qui ne s'adressa-t-elle pas ? auquel des chefs du peuple ne demanda-t-elle pas la mort de l'enfant fatal ?

Scholia in Euripidem, Andr. 296

En effet le dieu voulait se joindre à elle, et Cassandre dit qu'elle ne se donnerait que si elle recevait en cadeau le don de prophétie. Le dieu accepta, mais elle se parjura. Alors le dieu, fâché, lui laissa le don de prophétie qu'il lui avait accordé, mais fit en sorte qu'elle ne fût pas crue : c'est ce qui arriva à propos de sa prédiction sur Pâris.


Il faut bien dire que la seule fois où Cassandre persuada les Troyens, pour leur malheur, ce fut lorsqu'elle reconnut Pâris comme son frère et le fils de Priam :

Hygin, 91

ALEXANDER PARIS

Priamus Laomedontis filius cum complures liberos haberet ex concubitu Hecubae Cissei siue Dymantis filia[e], uxor eius praegnans in quiete uidit se facem ardentem parere ex qua serpentes plurimos exisse. id uisum omnibus coniectoribus cum narratum esset, imperant quicquid pareret necaret, ne id patriae exitio foret. postquam Hecuba peperit Alexandrum, datur interficiendus, quem satellites misericordia exposuerunt; eum pastores pro suo filio repertum expositum educarunt eumque Parim nominauerunt. is cum ad puberem aetatem peruenisset, habuit taurum in deliciis; quo cum satellites missi a Priamo ut taurum aliquis adduceret uenissent, qui in athlo funebri quod ei fiebat poneretur, coeperunt Paridis taurum abducere. qui persecutus est eos et inquisiuit quo eum ducerent ; illi indicant se eum ad Priamum adducere ei qui uicisset ludis funebribus Alexandri. ille amore incensus tauri sui descendit in certamen et omnia uicit, fratres quoque suos superauit. indignans Deiphobus gladium ad eum strinxit ; at ille in aram Iouis Herc[e] insiluit ; quod cum Cassandra uaticinaretur eum fratrem esse, Priamus eum agnouit regiaque recepit.


Mais d'ordinaire, personne ne la croyait. Pourtant, les auteurs tardo-latins, byzantins et médiévaux paraissent avoir oublié ce mythe : pour eux, Cassandre est seulement la prêtresse d'Apollon, et ses avis sont différemment acceptés.

Darès. De excidio Troiae

8. Priamus dixit naves praeparandas esse, ut eatur in Graeciam : Cassandra, postquam audivit patris consilium, dicere coepit quae Trojanis futura essent, si Priamus perseveraret classem in Graeciam mittere.

Priam ordonna de préparer des navires pour aller en Grèce. Dès que Cassandre fut instruite de la résolution que son père avait prise, elle se mit à prédire tous les maux que les Troyens auraient à souffrir si Priam persévérait dans son intention d'envoyer une flotte contre les Grecs.

11. Priamus gavisus est, sperans Graecos causa recuperationis Helenae sororem Hesionam reddituros, et ea quae inde a Trojanis abstulerant. Helenam moestam consolatus est, et eam Alexandro conjugem dedit : quam ut aspexit Cassandra, vaticinari coepit, memorans ea quae ante praedixerat. Quam Priamus abstrahi et includi jussit.

Priam s'en réjouit, parce qu'il espérait que les Grecs, pour recouvrer Hélène, lui rendraient sa soeur Hésione, et tout ce qu'ils avaient enlevé aux Troyens ; et après avoir calmé l'affliction de cette princesse, il la donna pour épouse à son ravisseur, malgré les prédictions funestes que renouvela sa fille Cassandre, dès l'instant qu'elle l'aperçut. Irrité de son audace, il ordonna qu'elle fût emmenée et enfermée.

Dictys, Ephemerides belli Troiani, V, 8

Caeterum Hecuba, re cognita, placatum deos egreditur, ac praecipue Mineruam atque Apollinem, queis cum dona multa, tum uictimas opimas admouet : sed in adolendo quae sacra aris reddebantur, eodem modo restingui ignes ac repente interire uisi. Inter quae tam sollicita Cassandra, deo plena, uictimas ad Hectoris tumulum transferri imperat : deos quippe aspernari iam sacrificia, indignatos ob commissum paullo ante scelus in Apollinem. Ita tauris qui immolati erant, ad rogum Hectoris, sicuti imperabatur, apportatis, moxque igni subiecto, consumuntur cuncta.

Hécube, instruite de ce funeste présage, sort de son palais pour apaiser les dieux, principalement Minerve et Apollon ; elle charge les autels des dons les plus riches, et présente les plus belles victimes ; mais lorsqu'il s'agit de les brûler, on voit , comme la première fois, le feu s'éteindre à leur approche. Au milieu de l'inquiétude générale, Cassandre, inspirée par la divinité, ordonna de transporter les victimes au tombeau d'Hector. Les taureaux égorgés furent placés sur le bûcher, et bientôt consumés par le feu.

Benoît de Sainte-Maure, Roman de Troie en prose, passim

57. Com Cassandra la fille dou roi parla.

Or est il voirs que le rei Priant, si comme dit avons, avoit une seue fille, Cassandra avoit non, qui moût estoit sage en deviner les choses qui avenir dévoient. Quant elle entendi que Paris son frère devoit aler en Grèce, lors mostra et dist tout en plorant que Troie et tout le païs en seroit destruit et la gent toute morte et detrencie, et encontre ce ne pooit aler nus lions vivans.

Seignors, come fiere destinée il orent et coment Fortune lor fu contraire de tout son pooir, que de tant comme il furent garniz devant lor mescheance ne valut riens ! Que se Helenus ou Pantus ou Cassandra en fussent estés creûz, par aventure encores n'eùst Troies nul mal, meis encores avient il ensi por le pechié qui engigne et encombre humaine lignie ; quar plesours fois ne croit l'en a bon conseil, ains ensuit l'en avant son corage encontre vraie conscience : dont li pleseurs se trovent a la fin conchïé et engignié a péril d'ame et de cors.

65. Li roiz Priant et la reine, qui moût estoit sage dame, et tous îles fis au rei Priant firent dame Elaine moût grant honor. Mais Cassandra, la fille du rei, de la quelle nos avons parlé devant, qui tant savoit des choses qui estoient a avenir, en fist duel merveillous et commença a crier et a braire comme feme forsenee, et disoit : « Haï ! lasse gent chaitive, que menés joie de ce dont vos deûssiés plorer ! Haï ! rei Priant, qui de ceste euvre as esté conseillieres, cornent sera ton cors muez, quant tu verras tes enfant ocirre et ta ville destruire ! Et tu meïsmes en morras a grant dolour honteusement. Haï ! mère Ecuba reïne, quel dolerous domage verras encores de ta bêle porteùre ! Haï ! belle gent de Troie, ou prendreis vos tantes larmes, quant il vos convendra plorer ? Haïlas ! quel dolor de toutes dames et pucelles qui desiritees seront, et lor pères et lor barons et lor lignage livrer a mort hontouse et vilaine verront ! Haï ! noble cités de Troie, qui porra souffrir de veoir verser ces tors et ces sales et tout mètre en feu et en flambe quant qu'il verra et quant que il i avéra ? » Ensi plorant et dolosant se demenoit, et ne le voloit laissier par nul chastiement. Si la fist le rei enfermer en une chambre ou elle fu puis longuement.

Guido delle Colonne, Historia destructionis Troiae, passim

Liber V (de Priami filiabus)
Secunda uero vocabatur Cassandra, que, licet uirginea honestate polleret, in liberalibus artibus plus pollebat, habens notitiam earundem et scientiam futurorum.

Liber VI (de Paride in Graeciam mittendo)
Sed quia futura discrimina ineuitabilia fata constituunt, placuit communiter omnibus Paridem in Greciam cum nauali exercitu se conferre. Et sic, colloquio fine facto, vnusquisque recessit. Quod postquam peruenit ad Cassandre noticiam, regis filie, consilium fuisse pro certo firmatum Paridem debere in Greciam se conferre, velut infatuata, prorupit in maximos ullulatus et uocibus altis exclamans prosiliit in hec uerba : « Ha nobilissima Troye ciuitas, vnde tam dira et tam dura fata te detrahunt vt grauibus in breui sis subuertenda periculis et tuarum turrium alta cacumina dissoluantur et dentur precipitem in ruinam ? Ha infelix rex Priame, quod crimen diceris commisisse ut tui et tuorum mortem defleas hominum et perpetuas seruitutes ? Et tu, regina Heccuba, cuius sceleris es inuoluta contagio ut omnes uideas partus tuos crudeli nece succumbere ? Cur non prohibes Paridem adire Greciam, qui tante pestis futurus est causa ? » Et suis clamoribus fine facto, surgens ad regem patrem se contulit et ymbribus lacrimarum flebiliter regem patrem amonuit ut desisteret ab inceptis, tanquam illa que in sue scientie celebribus documentis futura mala preuiderat et preuisa uocibus flebilibus diuulgabat. Sed fortune aduersitas, que iam dederat suo cursui uoluntarios instinctus et motus infelices, accelerabat ad exitus, processus exinde auidos ordinando. Sane si dissuasiones Hectoris, Cassandre monitus, suasiones Heleni, subiecciones Per-thei fuissent efficaciter exaudite, perpetuis duratura temporibus, O nobilis et sublimis Troya, uigeres. Sed inexorabilia fata malorum postquam infelicia prouentura decernunt, contraria et aduersa ho-minum mentibus representant et insinuant pro acceptis.

Liber VII (de Paridis et Helenae in urbem Troiam adventu)
Quod postquam Cassandre, filie regis Priami, innotuit Paridem Helenam sibi matrimonio nexuisse, duras prorupit in uoces et que-rulos ullulatus, potenter exclamans et dicens : « Ad quid, infelices Troyani, gaudia ducitis de nupciis Paridis, ex quibus uobis tanta futura sunt mala, et per quas necem vestram et vestrorum deflebitis filiorum, quos in conspectu patrum videbitis trucidatos, et maritorum crudelia funera uiduate intuebuntur uxores ? Ha sublimis Troya, diris precipitatura ruinis, quam impie subuersa peribis ! a misere matres, quanto dolore vestrorum cordium claustra serabitis, cum de partubus vestris uiscera auelli uidebitis et membratim membra disiungi ! Ha misera Heccuba, vnde tot poteris educere lacrimas in natorum tuorum excidio, quos secabit et incidet cruentus gladius impiorum ? Ha gens ceca et dire mortis ignara, cur in violenta manu ab iniusto viro non euellitis Helenam, et eam non acceleratis restitui iusto viro antequam durus ensis acceleret et gladius acutus vestro deferueat in cruore ? Putatisne furtum Paridis sine gravi pena et acerba uindicta posse transire, per quam vobis est finale excidium prouenturum ? Ha infelix Helena, ymo dira lena, quot nobis es paritura dolores ! Pellite igitur, ciues miseri, impium funus a laribus et, dum licet, mortem pro uita uitate ». Dum hec igitur et alia duriora continuis querelis predicta Cassandra diffunderet et ad regis Priami monitus nullo modo desisteret inquieta, rex Priamus ipsam capi mandauit et in compedibus ferreis in claustro firmari. In quo dicitur Cassandram ipsam per multos dies fuisse detentam, cuius querimoniarum lamenta si fuissent Troyanis animis exaudibiliter inculcata, Troya forte minime defleuisset perpetuos casus suos, qui usque nunc hominum flebiliter emulcent auditus, nullo futuro tempore per obliuionis silencia deleturi.

Liber XVI (de altero bello)
Cassandra autem plorancium audiens gemitus et lamenta furiosas exclamat in voces dicens : « O miseri Troyani, quare uestrorum ex-cidia substinetis, que de uobis omnibus similia sunt futura ? Cur pacem Grecorum non queritis antequam gladio trucidante omnes nequiter pereatis, et nobilis ciuitas Troie detur in preceps et funditus in ruinam, et antequam paruulis matres eorum orbate perpetuas ipse et ipsi defleant seruitutes ? Sane non fuit Helena tam doloroso tam exicioso precio comparanda vt omnes usque ad vnum sub tanto martirio pereamus ». Quam dum Cassandra talibus clamoribus nullum finem inponeret, rex Priamus capi mandauit et sub firmi claustri custodia tempore multo detrudi.

Liber XXX(de sacrificiis Troianorum)
Dum Troyani uero promissam quantitatem auri et argenti et frumenti colligerent et eam in templo Minerue ponerent conseruandam donec integra posset haberi, placuit eis deo Appollini in templo ipso sollempne sacrificium celebrare in multitudine animalium occisorum. Que dum animalia ipsa super altare fuissent apposita et inmitteretur ignis ad comburendum ea ad sacrificium deputata, duo inter eos subito miracula contigerunt. Primum itaque fuit illud quod ad sacrificium nullo modo potuit ignis accendi, et cum fuisset fere decies attemptatum, ignis statim extinctus resoluebatur in fumum, sic quod nullo modo potuerunt ad sacrificium Troyani ignem accensum habere. Secundum uero miraculum fuit illud quod, dum interiora animalium ipsorum ad sacrificandum parata essent, super altare quedam aquila uolans ex aere in sue uocis clamore descendit, et irruens super altare rapacibus unguibus suis omnia interiora predicta sustulit ab altari et ea in naues Grecorum aduexit. Troyani autem stupefacti sunt ualde ad ea que sic eis uidentibus acciderunt, et in similitudine uera percipiunt per signum primi miraculi deos esse contra eos ad iracundiam prouocatos. Sed pro utroque miraculo ad significacionem eorum habendam Cassandre consilium diligenter exposcunt. Que pro primo dixit signo eis Appollinem indignatum « ex eo quod templum eius per uos in effusione sanguinis humani extitit uiolatum, cum in eo fuerit interfectus Achilles. Sed expedit propter hoc uos ire ad sepulchrum Achillis et ibi lumen accendere. De quo lumine accendetur in eorum sacrificio tale lumen quod nullatenus extinguetur ». Quod et factum est. De secundo uero miraculo Cassandra Troyanis asseruit prodicionem ciuitatis apud Grecos sine dubio esse tractatam. Sacerdos autem Calcas de hiis miraculis interrogatus a Grecis secundum signum dixit significare capcionem ciuitatis ab eis tempore ualde breui.


Mais qui était vraiment Cassandre et quel était son aspect ? Nos auteurs n'économisent ni descriptions ni adjectifs. Et le silence de Dictys est comblé par son fidèle lecteur Malalas.

Dares

4. Telamon Hesionam secum convexit. Hoc ubi Priamo nuntiatum est, Ilium petit cum Hecuba uxore et liberis Hectore, Alexandro, Deiphobo, Heleno, Troilo, Andromacha, Cassandra, Polyxena. Nam erant et alii filii ex concubinis nati ; sed nemo ex regio genere dixit esse, nisi eos qui erant ex legitimis uxoribus.

Télamon emmena Hésione. Sans délai, Priam se rend à Ilion avec sa femme Hécube et ses enfants Hector, Alexandre, Déiphobe, Hélénus, Troïle, Andromaque, Cassandre et Polyxène. Il avait eu bien d'autres enfants de ses concubines ; mais il ne reconnaissait pour membres de la famille royale que ceux qui lui étaient nés en légitime mariage.

12. Cassandram mediocri statura, ore rotundo, rufam, oculis micantibus, futurorum praesciam.

Cassandre était rousse et de taille moyenne, avait le visage rond ; des éclairs sortaient de ses yeux ; elle connaissait l'avenir.

Johannes Malalas, Chronographia 106.14

Cassandre était petite et ronde d'aspect, blanche, avec un corps viril ; elle avait un beau nez, de beaux yeux noirs, des cheveux blonds et frisés, beau cou, belle poitrine et petits pieds ; elle était calme et de noble naissance, prêtresse, prophétesse exacte, omnisciente et exercée, vierge.

Benoît de Sainte-Maure, Roman de Troie en prose

74. Cassandra fu bêle de façon, mais de clergie fu sage a merveilles, quar ele sot d'art tant que nus humains cuers en poroit plus savoir.

Guido delle Colonne

Liber VIII (de Cassandrae aspectu)
Cassandra autem fuit stature decentis, candida multum, lentiginosa facie, oculis uariis, virginitatem appetens et omnes quasi actus fugiens muliebres. Multa nouit predicere de futuris, cum in astrorum scientia et aliis liberalibus disciplinis esset potenter et patenter edocta.


Sa beauté avait charmé Apollon, mais aussi, bien entendu, de nobles mortels : déjà Homère racontait l'amour d'Othryonée, venu à Troie pour y mourir, raillé et tué par Idoménée : le jeune prince de Kabésos apportait en dot la défense de Troie, et Priam y avait consenti.

Homère, Il 13.361-382

Là, quoique grisonnant, encourageant les Danaens, Idoménée bondit sur les Troyens et les mit en fuite. Il tua en effet Othryoneus, venu de Cabèse à Troie, où, récemment, la gloire de la guerre l'avait attiré. Il demandait à Priam la plus belle de ses filles, Cassandre, gratuitement ; mais il promettait - grande tâche ! - de repousser de Troie, malgré eux, les fils d'Achéens. Le vieux Priam lui avait promis, juré de lui donner sa fille, et lui combattait sur cette promesse. Idoménée le visa de sa lance brillante et l'atteignit, comme il marchait à grands pas contre lui. La cuirasse de bronze qu'il portait n'arrêta pas le javelot, qui se planta au milieu du ventre. Othryoneus, avec bruit, tomba, et Idoménée cria triomphant : « Othryoneus, je te loue par-dessus tous les humains, si tu tiens vraiment tout ce que tu promis à Priam, issu de Dardanos. Lui t'a promis sa fille. Certes, nous pourrions, nous, te faire la même promesse, et la tenir, te donner, parmi les filles de l'Atride, la plus belle, amenée par nous d'Argos, à épouser, si avec nous tu renversais Ilion, la ville bien située. Mais suis-nous, pour que, près des vaisseaux coureurs de mer, nous traitions de ce mariage ; car nous ne sommes pas, nous non plus, de mauvais beaux-pères ! »

Et après quelque temps, la valeur du jeune héros était rappelée par Hector au lâche Pâris.

Homère - Il 13.769-73

« Misérable Pâris, si beau à voir, fou de femmes, faiseur d'oeillades, où sont, grâce à toi, Deiphobos, et Sa Force le prince Hélénos, et l'Asiade Adamas, et Asios fils d'Hyrtacos ? Où, grâce à toi, Othryoneus ? Aujourd'hui choit tout entière, depuis son faîte, l'abrupte Ilion ; aujourd'hui t'attend sûrement une chute abrupte ».


Mais le Cycle et Virgile parlent d'un autre prétendant, ou peut-être lui donnent-ils un autre nom, Corèbe :

Pausanias, Periegesis, X 27, 1-2

XXVII. [1] Léocrite fils de Polydamas, qui périt de la main d'Ulysse, est sous la cuvette. Au-dessus d'Eïonée et d'Admète, c'est le corps de Choroebus fils de Mygdon, lequel Mygdon a un magnifique tombeau sur les confins des Phrygiens et des Tectosages ; d'où il est arrivé que les Phrygiens ont eu le nom de Mygdoniens en poésie. Son fils était venu à Troie, dans le dessein d'épouser Cassandre ; mais il fut tué, selon la coutume opinion, par Néoptolème ; et selon le poète Leschée, par Diomède. [2] Au-dessus de Choroebus, on remarque les corps de Priam, d'Axion et d'Agénor.

Virgile, Enéide, II 341 sqq

addunt se socios Rhipeus et maximus armis
Epytus, oblati per lunam, Hypanisque Dymasque
et lateri adglomerant nostro, iuuenisque Coroebus
Mygdonides - illis ad Troiam forte diebus
uenerat insano Cassandrae incensus amore
et gener auxilium Priamo Phrygibusque ferebat,
infelix qui non sponsae praecepta furentis
audierit !


Viennent nous aider Rhipée et le très grand manieur d'armes,
Epytus, surgis au clair de lune ; Hypanis et Dymas
rejoignent notre flanc, ainsi que le jeune Corèbe,
fils de Mygdon, qui était justement arrivé à Troie ces jours-là,
et, brûlant pour Cassandre d'un amour insensé,
apportait à Priam et aux Phrygiens l'aide d'un gendre,
le malheureux qui n'avait pas écouté les conseils de sa fiancée,
la prophétesse !

C'est lui qui suggère à Enée de vêtir les robes des Grecs tués :

II 391 sqq

atque hic successu exsultans animisque Coroebus
« o socii, qua prima, inquit, Fortuna salutis
monstrat iter, quaque ostendit se dextra, sequamur :
mutemus clipeos Danaumque insignia nobis
aptemus. dolus an uirtus, quis in hoste requirat ?
arma dabunt ipsi ».


Lors devant ce succès, Corèbe en son coeur exulte et dit :
« Mes amis, pour la première fois, la Fortune nous montre
une voie de salut, elle se montre bienveillante, suivons-la sur cette voie :
échangeons nos boucliers et arborons les insignes
des Danaens. Est-ce ruse ou bravoure ? Qui s'en soucierait devant un ennemi ?
Eux-mêmes nous donneront des armes »

Mais il doit renoncer à ce stratagème :

II 405 sqq

ecce trahebatur passis Priameia uirgo
crinibus a templo Cassandra adytisque Mineruae
ad caelum tendens ardentia lumina frustra,
lumina, nam teneras arcebant uincula palmas.
non tulit hanc speciem furiata mente Coroebus
et sese medium iniecit periturus in agmen ;
consequimur cuncti et densis incurrimus armis.
hic primum ex alto delubri culmine telis
nostrorum obruimur oriturque miserrima caedes
armorum facie et Graiarum errore iubarum.
tum Danai gemitu atque ereptae uirginis ira
undique collecti inuadunt, acerrimus Aiax
et gemini Atridae Dolopumque exercitus omnis :


Voici que depuis le temple, depuis le sanctuaire de Minerve,
on traînait la fille de Priam, Cassandre, cheveux épars ;
elle tendait en vain vers le ciel des yeux brûlants de fièvre,
des yeux seulement, car des liens entravaient ses mains délicates.
Corèbe, fou de colère, ne supporta pas cette vision ;
il se jeta au milieu de la colonne, prêt à mourir au combat.
Tous nous le suivons, et fonçons en avant, en rangs serrés.
D'abord, du faîte du sanctuaire, nos soldats nous écrasent
de leurs traits, provoquant le plus désastreux des carnages,
trompés par l'aspect des armes et les panaches grecs.
Les Danaens alors, hurlant de colère à se voir reprendre la jeune fille,
arrivent de partout et nous attaquent : le très fougueux Ajax,
et les deux Atrides, et toute l'armée des Dolopes.

et meurt le premier sous les coups des Achéens :

II 420 sqq

illi etiam, si quos obscura nocte per umbram
fudimus insidiis totaque agitauimus urbe,
apparent ; primi clipeos mentitaque tela
agnoscunt atque ora sono discordia signant.
ilicet obruimur numero, primusque Coroebus
Penelei dextra diuae armipotentis ad aram
procumbit.


Et voilà ces hommes que, à la faveur de l'ombre d'une nuit obscure,
notre ruse avait mis en fuite et dispersés dans toute la ville,
voilà qu'ils reparaissent aussi ; ils sont les premiers à reconnaître les boucliers
et les armes trompeuses, et à remarquer l'accent discordant de nos voix.
Aussitôt, nous sommes écrasés sous le nombre. Corèbe, le premier,
succombe de la main de Pénélée, près de l'autel de la déesse,
la puissante guerrière.


Le meurtrier de ce personnage si romantique, tout à fait virgilien, n'est jamais le même dans ces différents témoignages... Seul Dictys, entre tous les auteurs tardo-latins et médiévaux, reprend ce fil rouge des amours de Cassandre, mais lui aussi nous propose un autre nom : Eurypyle, fils de Télèphe et Astyoche (une fille de Priam). Sa beauté avait été louée par Ulysse à Achille, lors de son voyage aux Enfers, entre les ennemis tués par Néoptolème :

Homère, Odyssée XI 517-22

je ne saurais dénombrer et nommer tous ceux qu'il tua en défendant les Argiens. Mais quel guerrier était le fils de Télèphe, le héros Eurypyle, qu'il tua par le bronze ! et nombre de ses compagnons Cétéens tombèrent autour de lui, à cause de présents faits à une femme ; je n'ai connu aucun autre homme plus beau après l'illustre Memnon.

Il tue Pénéléus, mais est blessé à mort par Néoptolème : une contamination tout à fait significative.

Dictys de Crète, Fragments

Il y avait beaucoup de joie et d'optimisme dans les rangs des Troyens à cause de la mort d'Achille. Ils ne s'y attendaient pas en effet... Mais voilà qu'arrivent des messagers annonçant l'arrivée d'Eurypyle, fils de Télèphe. Priam l'avait invité à venir, avant la mort d'Hector, en lui promettant la main de Cassandre et en lui envoyant la vigne dorée. Il était bien connu pour sa valeur ; il arrive avec les Myses et les Cétéens.

Dictys de Crète, Ephemerides

[4, 14] Contra apud Troianos laetitia atque gratulatio cunctis incesserat, interfecto quam metuendo hoste ; hique Alexandri commentum laudantes ad coelum ferunt, scilicet quum insidiis tantum perfecerit, quantum ne in certamine auderet quidem. Inter quae tam laeta nuncius Priamo superuenit, Eurypylum Telephi ex Moesia aduentare, quem rex multis antea illectum praemiis ad postremum oblatione desponsae Cassandrae confirmauerat.

A la nouvelle de la mort d'un ennemi si redoutable, les Troyens se livrèrent aux transports de la joie la plus vive ; loin de blâmer Alexandre, ils le louaient outre mesure d'avoir, par artifice, abattu à ses pieds un ennemi que, certainement, il n'eût osé attaquer au milieu des combats. Ce qui mit le comble à l'allégresse publique, fut la nouvelle qu'on reçut d'Eurypyle, fils de Télèphe. Ce prince arrivait de Mysie. Priam se l'était attaché par des offres très avantageuses, et venait récemment de lui promettre sa fille Cassandre en mariage).

[4,17] Itaque ex eorum sententia biduum interpositum : quo transacto, omnes duces regesque suis quisque militibus instructis exercitum ordinant, atque ad pugnam uadunt. In queis Neoptolemus regens medios, circum se Myrmidonas statuit atque Aiacem, quem adfinitatis merito parentis loco percolebat. Interim Troiani uehementer pauere; maxime quod suis in dies deficientibus auxiliis, nouus aduersum se miles pararetur cum memorando duce : tamen Eurypyli hortatu arma capiunt : is namque adiunctis secum regulis copias suas Troianis mixtas porta educit : atque ita ordinata acie medium sese locat [...] Interim Eurypylus obuium forte nactus Peneleum proturbat hasta atque interficit. Inde multo saeuior Nirea aggressus, mox obtruncat. Iamque deturbatis qui in acie steterant, medios aggrediebatur : quum Neoptolemus, re cognita, cominus aduolat deiectumque curru hostem, et ipse desiliens, impigre gladio interficit. Tum ablatum propere cadauer atque ad naues iussu eius perlatum. Quod ubi animaduertere Barbari, quibus spes omnis in Eurypylo fuerat, sine certo ordine aut rectore, fuga proelium deserunt atque ad muros reuolant : tum plurimi eorum in fuga interfecti.

D'après leur avis, on accorda donc aux troupes deux jours de repos. Cet espace de temps écoulé, tous les chefs font prendre les armes aux soldats, les rangent en bataille, et s'avancent au combat. Néoptolème, qui commandait le centre, avait avec lui Ajax et ses Myrmidons ; il honorait Ajax comme son père, à cause de la parenté qui les unissait. Cependant les Troyens étaient saisis de frayeur, en voyant qu'au moment où leurs alliés les abandonnaient, on leur opposait de nouvelles forces, commandées par un vaillant capitaine ; ensuite, encouragés par Eurypyle, ils se décident à prendre les armes. Ce dernier, soutenu des princes, fils de Priam, se présente au combat à la tête de ses troupes et des Troyens, dispose son ordre de bataille, et se place au centre. [...] Eurypyle rencontre par hasard Pénélée, le renverse d'un coup de lance, et lui donne la mort ; plus entreprenant après cette action, il atteint Nirée et lui abat la tête. Déjà il avait terrassé une multitude de guerriers, et se préparait à attaquer le centre de notre armée, lorsque Néoptolème l'apercevant, marche à lui, le précipite à bas de son char, descend lui-même du sien et lui plonge son épée dans le sein. Les Grecs aussitôt enlèvent le corps, et, par l'ordre de Pyrrhus, le portent à leurs vaisseaux. Les Barbares n'eurent pas plutôt connaissance du sort funeste d'Eurypyle, leur dernière espérance, que, sourds à la voix de leurs chefs, et fuyant dans le plus grand désordre, ils abandonnèrent promptement le champ de bataille, et gagnèrent leurs murs; mais au milieu de la confusion, la plupart d'entre eux tombèrent sous nos coups.

[4,18] Igitur postquam fusis hostibus ad naues reuertere Graeci, ex consilii sententia Eurypyli cremata ossa atque urnae condita patri remittunt, scilicet memores beneficiorum atque amicitiae. Cremati etiam per suos Nireus atque Peneleus, seorsum singuli.

Après la déroute des ennemis, les Grecs retournent à leurs vaisseaux. D'après l'avis du conseil, ils livrent aux flammes le corps d'Eurypyle, recueillent ses cendres dans une urne, et les renvoient à son père pour lui témoigner qu'ils n'avaient oublié ni son amitié ni les services qu'il leur avait rendus au commencement de la guerre. Nirée et Pénélée reçurent le même honneur de leurs compatriotes.

Et Dictys est d'ailleurs le seul à mentionner la surprenante proposition d'Hector à Ménélas lors de son ambassade à Troie :

[2,25] Quae ubi accepit Hector recordatione fraterni facinoris tristior aliquantum, suffusisque cum maerore lacrimis, Helenam tamen prodendam minime rebatur, quippe supplicem domus, et ob id fide interposita tuendam : si qua autem cum ea erepta docerentur, cuncta restituenda. Namque pro Helena Cassandram, siue Polyxenam, quam legatis uideretur, nuptum cum praeclaris donis Menelao tradendam.

A ce discours, Hector, que l'idée du crime de son frère affectait sensiblement, sentit couler ses larmes. Il ne fut pourtant pas d'avis de rendre Hélène, elle s'était, selon lui, mise sous la sauvegarde de la maison de Priam, et il y aurait de la lâcheté à lui refuser la protection sur laquelle elle avait compté. Il dit encore que si l'on avait pris avec elle des richesses qui ne lui appartinssent pas, il fallait les abandonner sans difficulté ; qu'en place d'Hélène, on pouvait offrir en mariage à Ménélas ou Polyxène ou Cassandre, au choix des députés, avec une dot digne de ce prince.

Ménélas refuse avec indignation, mais, à en juger par les paroles de Guido delle Colonne, Cassandre n'en voulut pas à son frère :

Guido delle Colonne, Liber XXII (de Hectoris sepulchro)

Corpus autem Hectoris uniuersi reges et nobiles qui erant in Troya ad regis Priami regiam, scissis uestibus et nudatis capitibus, in maximo ullulatu deferunt et deponunt. Quod postquam uidit rex Priamus, ineffabili dolore concutitur. Super corpus Hectoris sepius intermoritur. Et id sibi per breuia momenta sepius accidisset, nisi fuisset sepius a corpore Hectoris uiolenter extractus, et proinde sine dubio sue mortis exitum incurrisset. Sic et dolentes fratres eiusdem doloris casu vniuersaliter torquebantur, cum mori magis quam uiuere protinus affectarent. Quid dicetur ergo de regina Heccuba, matre sua, de eius sororibus, Polixena uidelicet et Cassandra, quid de Andromacha, eius uxore, quarum sexus fragilitas ad doloris angustias et lacrimas fluuiales facit ad longam querelarum seriem proniores ? Sane lamentaciones earum particularibus explicare sermonibus cum minime necessarium uideretur in hoc loco, utpote inutiles sunt obmisse, cum certum sit apud omnes quod, quanto he affectuosius diligebant, maiorum dolorum aculeis uexabantur. Et mulieribus sit insitum a natura quod dolores earum non nisi in multarum uocum clamore propalent et impiis et dolorosis sermonibus eos diuulgent.


Ajax fils d'Oïlée, lors du saccage de Troie, aurait été sensible au charme de la jeune prêtresse et lui aurait fait violence dans le temple même d'Athéna. Mais cette version du mythe n'est pas suivie des auteurs tardo-latins et médiévaux, qui, sauf Servius, ne parlent pas de viol mais disent que le héros tira la vierge loin de la statue de la déesse ; et pour l'un d'eux, il aurait même garanti la sécurité des femmes réfugiées dans le temple ! S'agit-il d'un malentendu ? la confusion de Guido entre les deux Ajax pourrait le laisser croire.

Darès le Phrygien

41. Andromacha et Cassandra in aede Minervae se tegunt.
Andromaque et Cassandre cherchent un asile dans le temple de Minerve.

Dictys de Crète

[5,12] Caeterum Cassandram Oilei Aiax e sacro Mineruae captiuam abstrahit.
Ajax fils d'Oïlée arrache Cassandre du temple de Minerve pour en faire sa captive.

Virgile, Enéide, I, 39-41

Pallasne exurere classem
Argiuom atque ipsos potuit submergere ponto,
unius ob noxam et furias Aiacis Oilei ?


Pallas, elle, a pu
incendier la flotte des Argiens et les engloutir dans la mer,
à cause de la faute et de la folie du seul Ajax, le fils d'Oïlée !

Servius, ad Aen. I 41

sane latenter tangit historiam ; dicitur enim Minerva in tantum ob vitiatam Cassandram in templo suo solius Aiacis poena non fuisse contenta, ut postea per oraculum de eius regno quotannis unam nobilem puellam iusserit Ilium sibi ad sacrificium mitti, et quod est amplius, de ea tribu, de qua Aiax fuerat, sicut Annaeus Placidus refert... olli Oilei. et non vacat ; nam et duo Aiaces fuerunt, et ambo furuerunt, sed ira armorum Telamonius, hic amore, qui Cassandram in templo Minervae capto Ilio stupravit.

Virgile - Enéide, II, 403-415

Ecce trahebatur passis Priameia uirgo
crinibus a templo Cassandra adytisque Mineruae,
ad caelum tendens ardentia lumina frustra,
lumina, nam teneras arcebant uincula palmas.
Non tulit hanc speciem furiata mente Coroebus,
et sese medium iniecit periturus in agmen.
Consequimur cuncti et densis incurrimus armis.
Hic primum ex alto delubri culmine telis
nostrorum obruimur, oriturque miserrima caedes
armorum facie et Graiarum errore iubarum.
Tum Danai gemitu atque ereptae uirginis ira
undique collecti inuadunt, acerrimus Aiax,
et gemini Atridae, Dolopumque exercitus omnis.


Voici que depuis le temple, depuis le sanctuaire de Minerve,
on traînait la fille de Priam, Cassandre, cheveux épars ;
elle tendait en vain vers le ciel des yeux brûlants de fièvre,
des yeux seulement, car des liens entravaient ses mains délicates.
Corèbe, fou de colère, ne supporta pas cette vision ;
il se jeta au milieu de la colonne, prêt à mourir au combat.
Tous nous le suivons, et fonçons en avant, en rangs serrés.
D'abord, du faîte du sanctuaire, nos soldats nous écrasent de leurs traits,
provoquant le plus désastreux des carnages,
trompés par l'aspect des armes et les panaches grecs.
Les Danaens alors, hurlant de colère à se voir reprendre la jeune fille,
arrivent de partout et nous attaquent : le très fougueux Ajax,
et les deux Atrides, et toute l'armée des Dolopes.

Servius, ad Aen. II 414

acerrimvs aiax Oileus sine dubio, quia Telamonius armorum iudicio superatus iam se peremerat. incertum est ergo, quando ab Aiace vitiata sit Cassandra : quod si, ut dicitur, in templo Minervae factum est, constat post stuprum Cassandram protractam.

Benoît de Sainte-Maure

[57] Andromaca la fame Hector, et Cassandra, et plusors autres dames furent traites des temples et garanties par le roy Cilex et par le roy Ajaux. Et sachiez que petit en i ot que touz et toutes ne receussent mort ainz qu'il cessassent l'ocision.

Guido delle Colonne

Liber XXX (De Cassandrae captivitate)
Cassandra uero, quasi demens effecta, sola fugit et Minerue templum intrauit, vbi suorum omnium excidium grauiter lamentatur. Thelamonius uero Ayax de templo Minerue Andromacham, quondam uxorem Hectoris, abstrahit et Cassandram et secum ducit utramque.

Liber XXXI (De morte Aiacis Oilei)
Oyleus uero Ayax, qui cum xxxii nauibus suis in predictam incidit tempestatem, omnibus nauibus suis exustis et submersis in mari, in suis uiribus brachiorum nando semiuiuus peruenit ad terram. Et inflatus pre nimio potu aque uix se nudum recepit in litore, vbi usque ad superuenientis diei lucem quasi mortuus iacuit in arena, de morte sua sperans potius quam de uita. Sed cum quidam ex suis nando similiter a maris ingluuie iam erepti nudi peruenissent ad litus, dominum eorum querunt in littore si forsitan euasisset. Quem in arena iacentem inueniunt, dulcibus uerborum fouent affatibus, cum nec in uestibus ipsum nec alio possunt subsidio refouere. Sic ergo, ut dictum est, Grecis periclitantibus contigit et Aiaci uirtute dee Minerue, que conceptam iram atrocissimam in Aiacem in eum et alios uoluit uindicare ex eo quod Cassandram a templo suo uiolenter abstraxit. Quamuis enim dictum sit quod pena suos debet tenere actores, non est nouum vt ob unius culpam dumtaxat mille non culpantes sepius arceantur.


Bien plus que Ménélas, son frère Agamemnon fut sensible au charme de Cassandre. Le mythe traditionnel parlait de Cassandre tuée par Clytemnestre à Mycènes ou à Argos, mais nos auteurs introduisent des variations significatives : la passion d'Agamemnon, les deux enfants tués eux aussi par Egisthe (cet argument peu connu remonte à Hellanique), mais surtout la libération de Cassandre et son départ avec Andromaque et Hélénus vers la Chersonèse, en suivant Néoptolème et non Agamemnon.

Darès le Phrygien

42. Antenor rogat Agamemnonem ut sibi liceat dicere. Agamemnon dicere jubet. Principio Antenor gratias Grajugenis agit, simulque commemorat Helenum et Cassandram semper patri bellum dissuasisse, Achilli sepulcrum Helenum dixisse donari, et dixit Helenum omnia scire. Agamemnon ex concilii sententia Heleno et Cassandrae libertatem dedit.

Dans ce moment, Anténor demanda à Agamemnon la permission de parler; l'ayant obtenue, il apprit aux Grecs, après leur avoir rendu grâces, qu'Hélénus et Cassandre n'avaient jamais cessé de dissuader Priam, leur père, de faire la guerre, que c'était Hélénus qui avait conseillé à ce prince d'ériger un tombeau à Achille, et qu'il était doué d'une science universelle. Agamemnon, ayant consulté le conseil sur le discours d'Anténor, donna la liberté à Hélénus et à Cassandre.

43. Agamemnon postquam profectus est, Helena, post aliquot dies, moesta magis quam alacris, domum reportatur cum suo Menelao. Helenus cum Hecuba, Andromacha, et Cassandra Chersonesum petunt.

Quelques jours après le départ d'Agamemnon, Hélène, plus triste que joyeuse, retourna en Grèce avec son époux Ménélas ; et Hélénus, accompagné d'Hécube, d'Andromaque et de Cassandre, se rendit dans la Chersonnèse.

Dictys dè Crète

[5,13] Itaque ex his prima omnium Helena sine sorte Menelao conceditur : dein Polyxena suadente Ulisse, per Neoptelemum Achilli inferias missa : Agamemnoni Cassandra datur, postquam forma eius captus quin palam desiderium fateretur dissimulare nequiuerat.

Sans tirer au sort, Hélène fut rendue à Ménélas ; ensuite, d'après l'avis du conseil Polyxène fut immolée de la main de Pyrrhus sur le tombeau d'Achille. Cassandre fut donnée à Agamemnon, qui, épris de sa beauté, faisait de vains efforts pour cacher le désir qu'il avait de la posséder.

[5,16] Per idem tempus Cassandra deo repleta, multa in Agamemnonem aduersa praenuntiat: insidias quippe ei ex occulto caedemque domi per suos compositam ; praeterea uniuerso exercitui profectionem ad suos incommodam exitialemque.

Ce fut alors que Cassandre, inspirée par la divinité, prédit à Agamemnon les malheurs qui lui étaient réservés ; qu'arrivé en Grèce, ses proches devaient lui dresser des embûches et qu'il y succomberait ; elle ajouta qu'en général le retour dans leur patrie serait fatal à tous les Grecs.

Benoît de Sainte-Maure

57. puis ont parlé de dame Heleine qu'il en feront: si se sont acordé qu'ele feust destruite, mes pour l'amour de Menelaux Ulixés parla tant et dist que ele fu respitee ; si fu Cassandra donee a Agamenon et II. autres a .II. autres roys. [58] Cassandra, la fille au roy Priant, dist bien a Agamenon que il feust certains que ses filz l'ocirroient, et a pluseurs autres dist ele ce que il leur estoit a avenir, dont aucun se douterent molt.

Guido delle Colonne

L. XXX Et Agamenon penes reges ipsos tunc in tantum institit et curauit quod sibi Cassandram, regis Priami filiam, reges ipsi in sui laboris premium consenserunt.

LXXXI (de Cassandrae oraculis)
Cassandra uero, que remanserat apud Troyam, multis exacerbata doloribus ex lapidacione matris et morte Polixene sue sororis, multos dies duxit in lacrimis, anxietatibus et lamentis. Sed demum lacrimarum ymbribus exsiccatis et ea parum a suis doloribus respirante, Greci qui intendebant a Troya recedere ab ea multum exquirunt de futuris eorum. Quibus Cassandra dixit multa mala eis debere succedere antequam in patriam recipiantur eorum. Agamenoni uero dixit ipsum interficiendum ab hiis qui sunt de domo sua. Et prout vnicuique eorum accidit sicut Cassandra uaticinata est illis presens hystoria per sequencia declarabit.

Pausanias, Periegesis, II, 16

[6] On vous montre encore la fontaine de Persée, et des chambres souterraines où l'on dit qu'Atrée et ses enfants cachaient leurs trésors. Près de là est le tombeau d'Atrée et de tous ceux qu'Agamemnon ramena avec lui après la prise de Troie, et qu'Egisthe fit périr dans le repas qu'il leur donna : j'en excepte Cassandre, car les Lacédémoniens qui habitent Amycles prétendent avoir son tombeau chez eux, et c'était un sujet de dispute entre eux et les habitants de Mycènes. Là se voit encore le tombeau d'Agamemnon et celui d'Eurymédon son écuyer ; mais Télédame et Pélops n'ont qu'une même sépulture. [7] On dit que c'était deux jumeaux que Cassandre avait mis au monde, et qu'Egisthe égorgea sans pitié pour leur enfance, après avoir trempé ses mains dans le sang de leurs pères. Je vis aussi le tombeau d'Electre ; Oreste l'avait mariée à Pylade, et selon le témoignage d'Hellanicus, elle en eut deux enfants, savoir Strophius et Médon. A l'égard de Clytemnestre et d'Egisthe, ils ont leur sépulture hors des murs : aussi n'étaient-ils pas dignes de l'avoir au même lieu qu'Agamemnon, et que ceux qui furent tués avec lui.

Johannes Malalas, Chronographie, 122.5-7

Agamemnon, avec Cassandre qu'il aimait, traversa la mer de Rhodes car il voulait arriver à la ville des Mycéniens.


Si Cassandre est jamais arrivée à Mycènes avec Agamemnon, elle y a trouvé la mort qu'ont racontée tant de poètes, et qu'elle n'a pas essayé d'éviter : connaître le futur ne sert pas à l'empêcher, elle le savait.

Hygin, 107

CLYTAEMNESTRA

Clytaemnestra Tyndarei filia Agamemnonis uxor cum audisset ab Oeace Palamedis fratre Cassandram sibi paelicem adduci, quod ementitus est ut fratris iniurias exsequeretur, tunc Clytemnestra cum Aegistho filio Thyestis cepit consilium ut Agamemnonem et Cassandram interficeret, quem sacrificantem securi cum Cassandra interfecerunt.


Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.