1. Portrait
En général, on connaît peu ce personnage : et pourtant il vaut la peine de revoir les témoignages les plus importants à son sujet.
Le plus jeune des fils de Priam était si beau qu'on le croyait né des amours d'Apollon et Hécube :
Pseudo-Apollodorus Myth., Bibliotheca 3.151 |
Sa beauté fut l'objet d'un célèbre éloge de Polycrate le jeune par Ibycos :
Fragmenta 1a.39-48
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Et Athénée commente :
Deipnosophistae 2,2.105 : |
Tout en condamnant, en bon chrétien, ces amours homosexuelles, le pape Clément (Clemens romanus) faisait de Troïlus l'objet des attentions d'Apollon, comme sa soeur Cassandre :
Pape Clément Ier, Homélies, V 14-16 |
Qu'aurait-il pensé s'il avait pu lire, quelques siècles plus tard, cet étonnant commentaire de Servius à propos du seul endroit de l'Enéide où Virgile parle de lui ?
Servius, ad Aen. I 477et veritas quidem hoc habet : Troili amore Achillem ductum palumbes ei quibus ille delectabatur obiecisse : quas cum vellet tenere, captus ab Achille in eius amplexibus periit. sed hoc quasi indignum heroo carmine mutavit poeta. |
Lycophron aussi (Alexandra 307) et son scholiaste paraissent confirmer cette remarque :
Achille enleva Troïlus et puis il le posséda dans le temple d'Apollon. Ou peut-être l'attira-t-il par un cadeau et puis il le tua. |
Mais comment était vraiment Troïlus? Voilà les portraits que font de lui "nos" auteurs : il faut remarquer que Malalas ne suit pas ici sa source habituelle, Dictys, qui parlera du héros uniquement à propos de sa mort de la main d'Achille.
Joannes Malalas, Chronographia, 105Troilus corpore magno, naso pulchro, capillitio molli et porrecto, cute flava, oculis venustis, capillo nigro, barba hispida, robustus bellator et cursu velox. Daretis de excidio Troiae, 12Troilum magnum, pulcherrimum, pro aetate ualentem, fortem, cupidum uirtutis. Josephus Iscanus, Daretis Ylias IV 61-4Troilus in spacium surgentes explicat artus, Benoît de Sainte-Maure - Roman de Troie en prose, 73Troiolus fu merveillous chevaliers et grant et bien tailliés de membres, le visage cler et amiable, les iauz pleins de joie, et as armes fu tels que nus ne se peûst
apareillier a lui fors seulement Hector son frère, qui fu sires et roi des autres et d'armes portanz, meis cestui lien tient bien fraternité et compaignie. Larges et cortois
fu et moût mist son cuer en amor. Guido de Colonne, Historia destructionis Troiae VIIITroylus uero, licet fuerit corpore magnus, magis fuit tamen corde magnanimus, animosus multum sed multam habuit in sua animositate temperiem, dilectus plurimum a puellis, cum ipse aliqualem seruando modestiam delectaretur in illis. In viribus uero et strennuitate bellandi uel fuit alius Hector uel secundus ab ipso. In toto eciam regno Troye iuuenis nullus fuit tantis uiribus nec tanta audacia gloriosus. |
2. Le héros.
Son audace et sa valeur sont constamment soulignées par tous, depuis la décision d'envoyer Pâris en Grèce...
Dares, de excidio Troiae 7Troilus minimus natu, non minus fortis quam Hector, bellum geri suadebat, et non debere terreri metu uerborum Heleni, quod omnibus placuit, classem comparari, et in Graeciam
proficisci. Iosephus Iscanus, Daretis Ylias III 64-74…(Helenum) orantem haud sustinet ultra Benoît de Sainte-Maure, Roman de Troie en prose 53Come il furent tout mu. 54. Comme il s'acorderent a Troylus. Guido de Columnis, Historia destructionis Troiae VIIIAd hec igitur uerba Heleni sapientis uacillauit regis animus et titubacione repletus extitit non modicum stupefactus. Propter quod factum est inter astantes tacitum ex omni parti silencium nec erat aliquis inter eos qui presumeret in vocem sermonis erumpere. Tunc ille Troylus, ex regis filiis iunior postremo susceptus, ut uidit omnes pre multa turbacione silere, rupto silencio in hec uerba prorupit: "O viri nobiles et nimium animosi, ad quid turbamini circa plurima ad uocem vnius pusillanimis sacerdotis ? Nonne est timere proprium sacerdotum bella, uitare aggressus, quos sola pusillanimitas facit amare delicias et in sola uescendi ciborum et potus saturitate tumescere ? Quis enim sapiens pro certo tenere potest hominum consciencias ignorantes futura posse prescire deorum ? Non hoc sapientis est credere, cum hoc ex sola procedat stulticie leuitate. Pergat igitur Helenus, si timore concutitur, in templum celebrare diuina et sinat alios qui labe uerecundie obducuntur debitas in armorum conflictu exposcere ultiones. Ad quid circa eius uerba tam vana tam friuola, rex inclite, perturbaris ? iube nauigia soluere et exercitum ad iter accingere bellicosum, cum non sit ferendus de cetero tantus pudor nobis a Grecis illatus absque tallione vindicte." Et hiis dictis tacuit Troylus. Cuius animositatem et dictum astantes ceteri laudauerunt et omnes consilium eius probant, |
… jusqu'aux entreprises belliqueuses dont il est le protagoniste (pour abréger, nous citons uniquement les références de Darès) : la dernière voit Troïlus engagé contre Achille.
Dares, de excidio Troiae18. His ductoribus et exercitibus qui parabantur praefecit Priamus principes et ductores Hectorem, Deiphobum, Alexandrum, Troilum, Aeneam, Memnonem. |
3. La mort de Troilus.
Toutes les sources, classiques et médiévales, attribuent la mort de Troïlus à Achille, mais avec bien des variantes. Quelques-uns (Dictys, Malalas) paraissent le confondre avec Polydore ou Lycaon et suivre Homère, qui le fait combattre avec son frère Lycaon pour venger Patrocle ou pour obliger Priam à livrer Polyxène ; d'autres, comme le vieil Ibycos et les rhéteurs hellénistes, Darès et ses épigones, parlent expressément d'un guet-apens et d'un lâche assaut, qui exalte Troïlus et condamne Achille comme assassin ; enfin, n'oublions pas Virgile et Stace, qui semblent parler d'un duel normal, ni le singulier témoignage de Servius. Intéressant est aussi le témoignage de Plaute, le seul qui présente la mort de Troïlus comme l'une des conditions de la chute de Troie.
A) Une action de guerre normale ?
Plaute, Bacchides 953-4Ilio tria fuisse audivi fata quae illi forent exitio : Virgile, Enéide, I 478parte alia fugiens amissis Troilus armis, et Servius, ad locum (commentaire du passage précédent)parte alia scilicet templi. … fvgiens fugere volens accepto iam vulnere. amissis armis vel aetatis inbecillitate, vel vulneris dolore incipientibus… infelix multi hoc loco distinguunt et subiungunt 'puer atque inpar congressus Achilli', ut ex eo inparem ostendat, quod puer ; sed tamen etiam si iungas 'puer', unus est sensus. atqve inpar ac si diceret, etiam si puer non esset. ..fertvr eqvis trahitur… resvpinvs resupinus quo modo hastam trahebat ? sed intellegitur Achillis hastam transisse per pectus et a parte qua ferrum est a tergo trahi. inani sine rectore ; nam corpus haerebat. lora tenens tamen quamquam mortuus. |
Attention : la référence au temple, que Servius n'explique pas, est très suspecte, et paraît rappeler les vers d'Ibycos. Mais c'est au temple d'Apollon Thymbrée qu'Achille sera tué par Pâris et Déiphobe : ainsi donc, si l'on en croit Ibycos et Servius, il faut considérer que deux guets-apens ont eu lieu dans ce temple, dont Achille fut le premier auteur contre Troïlus, et la juste victime par la suite…Il en va de même pour Eustathe, cf. infra. Au contraire, Stace paraît faire allusion à la ville de Troie, édifiée par Apollon, plus qu'à son temple avec les mots moenia Phoebi. Quintus de Smyrne et Libanios font déclarer par Achille même ses entreprises, et donc aussi la mort de Troîlus.
Stace, Silves, II, 6, 33non fallo aut cantus assueta licentia ducit : Dictys, Ephemerides belli Troiani, IV 9At post paucos dies Graeci instructi armis processere in campum, lacessentes si auderent ad bellandum Troianos. Queis dux Alexander cum reliquis fratribus militem ordinat atque
aduersum pergit. Sed priusquam ferire inter se acies aut iaci tela coepere, Barbari desolatis ordinibus fugam faciunt : caesique eorum plurimi aut in flumen praecipites dati, quum hinc
atque inde ingrueret hostis atque undique adempta fuga esset. Capti etiam Lycaon et Troilus Priamidae, quos in medium productos Achilles iugulari iubet : indignatus, nondum sibi a Priamo
super his quae secum tractauerat mandatum. Quae ubi animaduertere Troiani, tollunt gemitus et clamore lugubri Troili casum miserandum in modum deflent, recordati aetatem eius admodum
immaturam : qui in primis pueritiae annis cum uerecundia ac probitate tum praecipue forma corporis amabilis atque acceptus popularibus adolescebat. Quintus de Smyrne, Posthomerica 4.146-170Il célébra ensuite au milieu d'eux les exploits immortels du grand Achille ; tout le peuple l'acclamait avec enthousiasme ; et alors, en termes choisis, il comble de louanges éclatantes ce guerrier illustre ; il dit comment il avait en naviguant vers Troie pris douze villes sur la mer et onze sur la terre ferme, comment il avait frappé Télèphe et le noble Eétion sur la terre de Thèbes ; comment il avait tué de sa lance Cycnos, fils de Posidon, Polydore, semblable aux dieux, le beau Troïle et le vaillant Asténopée ; comment il avait rougi de sang les flots du Xanthe et couvert de cadavres sans nombre le fleuve irrité, quand près de ses ondes sonores il ôta le souffle à Lycaon ; comment il avait vaincu Hector, abattu Penthésilée et tué le fils divin de l'Aurore au trône superbe. Il racontait ces grandes choses aux Argiens qui en avaient été les témoins ; il leur disait encore qu'Achille était grand et fort, que personne n'avait pu se mesurer avec lui de près, soit à la lutte, soit à la course, soit à cheval, soit à pied ; qu'il était le plus beau de tous les Danaens, qu'il était aussi le plus brave dans les combats d'Arès. Il demandait aux dieux que son fils, laissant les bords de Scyros, fût un jour semblable à lui. Posthomerica 4.418-35Aussi la noble femme de Pélée lui donna les belles armes du divin Troïle, le plus beau des enfants que dans la ville sacrée de Troie Hécube mit au jour ; inutile beauté ! la lance et la force du terrible Achille le privèrent de la vie ; comme dans un jardin plein de rosée et de fleurs, près d'un ruisseau, tombe avant d'avoir porté sa graine un lis ou un pavot que la faux tranchante a coupé ; le fer brillant ne le laisse pas venir doucement au terme de sa croissance ou durer jusqu'à la moisson prochaine, il le tranche vide et vert encore, à moitié nourri des sucs du printemps radieux : ainsi le fils de Pélée avait tué le fils de Priam, égal aux dieux par sa beauté ; il l'avait tué dans la fleur de l'âge, encore ignorant des joies de l'hymen et jouant encore avec les enfants ; la Parque l'avait entraîné dans la guerre funeste aux premiers pas de son aimable jeunesse, alors que l'audace naît dans le coeur de l'homme et que sa force augmente de jour en jour. Malalas - Chronographia, 129-130Paucis itaque diebus interjectis, patre tuo Achille nobisque Achivis Trojanos ad praelium provocantibus egressi sunt Paridis Deiphobique sub auspiciis cumque his Lycaon Troilusque et ipsi Priami filii in aciem devenerunt. Pater itaque tuus Achilles cum nobis omnibus in praelium descendens barbaros profligavit, quorum plurimi inter fugiendum in Scamandrium fluvium delapsi interierunt ; plurimi etiam vivi capti sunt. At vero Priami filii Troilus et Lycaon Achillis manu occiderunt, reliqui a nobis interfecti. Ingens autem Trojanis, Troili ob casum, luctus incessit, ut qui juvenis admodum magnique animi fuit et formae eximiae. Libanius, Declamationes 5.1.12.Eustathe - Commentarii ad Homeri Iliadem 4.897-8Et dans ce même discours et par la suite, (Priam, ou Homère) évoquant ses fils morts compta Hector comme le troisième, après Mestor pareil aux dieux et Troïlus aimant des chevaux, qui, dit-on, fut tué par Achille d'un coup de lance pendant qu'il exerçait ses chevaux au temple Thymbrée. |
B) Un guet-apens ?
Pour Ibycos, Servius et Eustathe, le guet-apens aurait eu lieu au temple d'Apollon, tandis que Darès et ses épigones le font survenir au cours d'une bataille où le
valeureux jeune est entouré par les Myrmidons et lâchement tué par Achille. Dion Chrysostome, qui refuse toute autorité à Homère et à son
Iliade, reproche à Achille son manque de valeur et son habileté aux lâches embuches nocturnes. Il faut aussi signaler l'apostrophe de Guido à Homère,
qui a exalté le couard Achille comme le héros le plus noble et le plus valeureux.
Ibicus, Fragmenta S224.4-19de Troïlus…le meurtre…en commettant un guet-apens (Achille) tua l'enfant pareil aux dieux en dehors des murailles de Troie ; il tua Troïlus en dehors de la ville, dans le temple d'Apollon Thymbrée ; ainsi donc c'est l'enfant pareil aux dieux que les dieux résidant hors de Troie (virent mourir ? firent mourir ?). Hesychius, Scholia In Iliadem, 24.257-8À partir de là Sophocle dans son Troïlus dit qu'Achille lui tendit un guet-apens pendant qu'il s'exerçait avec ses chevaux près du temple Thymbrée, et qu'il le tua. Dio Chrysostomus Soph., Orationes 11.77
Skirmishes and forays there were on the part of the Greeks, and it was thus that Troius, still a boy, perished, and Mestor and many others ; for Achilles was very skilful in laying ambushes and making night attacks. Darès, 33Dum acriter praeliatur, equus Troili saucius corruit, Troilum implicitum excutit. Eum Achilles cito adueniens occidit, et ex praelio trahere coepit. Et subtraxisset, nisi Memnon
eripuisset, et Achillem uulnere sauciasset. Achilles de praelio saucius redit. Memnon insequitur et cum multis impressionem facit. Ut respexit eum Achilles, restitit: curato itaque
uulnere, et aliquantulum praeliatus, Memnonem multis plagis occidit, et ipse uulneratus ab eo ex praelio recessit. Postquam Persarum dux occisus est, et Troianorum exercitus fusus est,
reliqui in oppidum confugerunt, portasque clauserunt : praelium nox dirimit. Postera die a Priamo legati ad Agamemnonem missi sunt, ut inducias peterent: Agamemnon ex consilii sententia
in dies XXX. inducias facit. Priamus Troilum et Memnonem magnifico funere effert : ceterosque milites utrique sepeliendos curant. Benoît de S.M., Roman de Troie en prose154. Le guet-apens d'Achillès. Mort de Troylus. Guido de Colonne, Historia destructionis TroiaeXXVI [Incipit liber xxvius de xio bello et de morte Troili et regis Menonis interfectorum.] Achilles uero antequam bellum intraret, coram se suis Mirmidonibus conuocatis, de Troilo eis grauem querelam exposuit, et ideo mandatis et precibus monet eos qualiter contra Troilum in bello debeant procedere, et eis omnibus simul iunctis, ad nichil aliud cor apponant quam ut Troilum in medio eorum includere studeant, sic quod eum firmiter ualeant detinere, et detentum non ipsum interficiant sed tamdiu ipsum impediant debellando donec ipse ad eos perueniat, qui non longe semper in bello erit remotus ab eis. Et Achilles tunc, suo colloquio fine facto, bellum ingreditur, quem sui Mirmidones insecuntur. Interea Troilus in maxima militum comitiua et in magna uirtutis audacia bellum intrat, in Grecos irruit, eos sternit, uulnerat et occidit, sic quod in breui hora factum est in sue uirtutis potencia quod Greci sunt dare terga coacti et a facie fugere Troyanorum, constituente sole meridiem ea hora, sic quod Greci quasi deuicti fugiendo precipites ad tentoria sua festinant. Tunc Mirmidones, qui erant numero duo milia pugnatorum, in bello se ingerunt animosi, simul tamen iuncti et mandati eorum domini non obliti. In Troyanos igitur in ore gladii se inmittunt et Greci campum recuperant et durum prelium committitur inter utrosque. Mirmidones autem Troilum inter bellantes sollicita mente querunt, ipsum animose bellantem inter turmas inueniunt. Tunc ipsum ex omni parte circumdant, in medio eorum ipsum constituunt. Sed ipse ex eis plurimos interfecit et infinitos ex eis letaliter uulnerauit. Verum dum nullus esset ex suis qui tunc ipsi Troilo succurreret, Mirmidones interficiunt eius equum, in eorum lanceis ipsum multi-pliciter uulnerant. Cassidem eius ab eius capite uiolenter extirpant, capucium lorice sue sibi per uiolenciam disrumpendo. Propter quod Troilus, nudato capite, exterminatis uiribus se defendit a Grecis. Tunc superuenit Achilles, qui postquam uidit Troilum habentem caput inerme et omni defensionis auxilio destitutum, in eum irruit furibundus, et nudato ense ictus ictibus cumulando caput eius crudeliter amputauit, caput ipsum proiciendo inter pedes equorum. Corpus autem eius suis manibus interceptum ad caudam equi sui firmiter alligauit, et per totum exercitum inuerecunde post equum suum crudeliter ipsum traxit. Sed O Homere, qui in libris tuis Achillem tot laudibus, tot preconiis extulisti, que probabilis ratio te induxit ut Achillem tantis probitatis titulis exaltasses, ex eo precipue quod dixeris Achillem ipsum in suis uiribus duos Hectores peremisse, ipsum uidelicet et Troilum, fratrem eius fortissimum ? Sane si te induxit Grecorum affeccio, a quibus originem diceris produxisse, verum non motus diceris racione sed pocius ex furore. Nonne Achilles fortissimum Hectorem, cui nullus in strennuitate fuit similis neque erit, proditorie morti dedit, cum Hector tunc regem quem in bello ceperat ipsum a bello extrahere tota intencione vacabat, scuto suo tunc post terga reiecto, quo quasi factus inermis tunc ad nihil aliud intendebat quam regem captum a turmis extrahere ut ipsum captiuum suis bellantibus assignaret ? Nonne si Hector tunc Achillis insidias persensisset, in defensionem suam scuto suo reuoluto uelociter se opposuisset eidem, qui Achillem multis grauare dispendiis consueuit ? Sic et fortissimum Troilum, quem non ipse in sua uirtute peremit sed ab aliis mille militibus expugnatum et victum interficere non erubuit, in quo resistenciam nullius defensionis inuenit et ideo non uiuum sed quasi mortuum hominem interfecit amplius. Nunquid Achilles dignus est laude, quem scripsisti multa nobilitate decorum, qui nobilissimi regis filium, uirum tanta nobilitate et strennuitate uigentem, non captum neque deuictum ab eo, ad caudam sui equi, dimisso pudore, detraxit ? Sane si nobilitas eum mouisset, si strennuitas eum duxisset, compassione motus nunquam ad tam uilia crudeliter declinasset. Sed ipse ad ea moueri non potuit que vere non erant in ipso. |
5. La douleur pour la mort de Troîlus.
Cette section veut faire remarquer que la mort du jeune héros fut l'objet d'un débat entre les Grecs et plus tard les Romains : si l'homme est né pour être malheureux, il vaut mieux ne point naître ou, du moins, mourir jeune. La phrase célèbre de Silène, Sophocle, Hérodote et Ménandre s'oppose à l'optimisme mesuré de la philosophie et de la religion anthropomorphe des Grecs. Les Romains aussi en débattront à partir d'une expression de Callimaque. L'épigramme de Straton apporte une conclusion pas très différente de la note de Servius, pendant que les auteurs tardo-latins et médiévaux augmentent progressivement le pathos.
Callimaque, Fragmenta inc sed.491Troïlus pleura moins que Priam. Cicéron, Tusculanes, I 94quamquam non male ait Callimachus multo saepius lacrimasse Priamum quam Troilum. eorum autem, qui exacta aetate moriuntur, fortuna laudatur. cur ? Horace, Carmina II 9, 17
Seneca, Agamemnon. 748
Plutarque, Consolatio ad Apollonium, 113En effet vraiment Troïlus pleura moins que Priam ; et celui-ci, s'il était mort plus tôt, quand son royaume et ses richesses étaient encore puissants, il n'aurait pas pleuré son fils autant qu'il le fit, dit-on. Scholia in Pindarum P 2.121c.Et Sophocle (fr. 562) à propos de Troïlus (Chœur) : J'ai perdu mon seigneur homme-enfant, enfant pour âge, homme pour sagesse. Anthologia Graeca, 12.191Nonne heri puer eras ? ita sane et ne barbae quidem hujus suberat suspicio. Quomodo venit hoc portentum, et quae prius pulchra erant pilis texit ? heu ! quid hoc prodigium ? Qui heri Troilus eras, quomodo Priamus factus es ? Dares - De excidio Troiae[34] Hecuba, maesta quod duo filii eius fortissimi Hector et Troilus ab Achille interfecti essent, consilium muliebre temerarium iniit ad dolorem suum ulciscendum. Alexandrum filium
accersit, orat, hortatur, ut se et suos fratres ulciscatur, insidias Achilli faciat, et eum nec opinantem occidat : quoniam ad se miserit, et rogauerit ut sibi Polyxena in matrimonio
daretur, se ad eum missuram Priami uerbis, ut pacem foedusque inter se firment, constituantque in fano Apollinis Thymbraei, ante portam: eo Achillem uenturum, collocuturum : ibi insidias
collocari : satis uitae suae esse si eum occiderit : quod temerarius Alexander erat, cito se promisit facturum. Benoît de Sainte-Maure - Roman de Troie en prose155. Les funerailles de Troylus. Guido de Columnis, Historia destructionis TroiaeXXVI Achille uero corpus Troili sic sine pudore trahente, postquam innotuit Paridi, Pollidame, et Henee de morte Troili, intermoritur Paris et anxiose factus est semiuiuus. Troyani uero in recuperacione corporis Troyli multum adhibuere laborem, sed illud minime rehabere potuerunt propter Grecorum multitudinem, qui pro eius recuperacione nimium restiterunt. Rex autem Menon, de morte Troili multo dolore commotus, Achillem animosus inuadit, primo obprobriosis uerbis dicens eidem: "O nequam proditor, vnde te tanta potuit exacerbare crudelitas quod tam nobilissimum, tam strennuum nobilissimi regis filium equi tui ligares ad caudam et tamquam uilissimum per terram trahere nullatenus horruisses ? Sane illud amodo non sine tue persone dampno poteris amplius amouere." Et statim in eum irruens cursu [s]celeri equi sui sic ipsum in sue ictu lancee grauiter in pectore uulnerauit quod Achilles uix se potuit sustinere, et statim extracto ense Achillem super cassidem quam gerebat in capite ictibus duris inpugnat adeo quod Achilles, grauiter uulneratus, ab equo corruit semiuiuus in terram. Propter quod Troyani corpus Troili recuperauerunt sed non sine maximo belli labore. |
L'histoire dont nous avons parlé continuera à intéresser les littératures européennes. Nous vous invitons à élargir cette recherche au moins
aux oeuvres de Boccace, Chaucer et Shakespeare qui, d'un point de vue littéraire, sont au-delà du Moyen Age.
Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.