Livre I, chapitre 5 |
Encore la bouquetière. - Progrès de l'amour
Le soleil pénétrait gaiement chez Glaucus et
inondait de ses rayons naissants cette belle chambre, connue
aujourd'hui, comme je l'ai déjà dit, sous le
nom de «chambre de Léda». Ils se
glissaient par une série de petites fenêtres
situées à la partie la plus haute de la
pièce et à travers la porte qui donnait sur le
jardin, que de nos jours les propriétaires
méridionaux appelleraient une orangerie. Les petites
proportions de ce jardin ne permettaient pas de s'y promener ; mais les nombreuses et odorantes fleurs dont il
était rempli favorisaient cette indolence si
chère aux habitants des pays chauds. Ces parfums,
portés par une légère brise qui venait
de la mer, se répandaient dans cette chambre, dont les
murs rivalisaient de couleurs avec les fleurs les plus
richement nuancées. Outre le diamant de cette chambre,
la peinture de Léda et de Tyndare, on voyait dans
chaque compartiment des murailles d'autres peintures d'une
exquise beauté : l'une représentait Cupidon aux
genoux de Vénus ; l'autre, Ariane dormant sur un banc,
sans se douter encore de la perfidie de Thésée.
Les rayons du soleil se jouaient çà et
là sur le pavé marqueté et sur les murs ; bien plus heureusement encore des rayons de joie
illuminaient l'âme du jeune Glaucus.
«Je l'ai donc revue, disait-il en parcourant cette
étroite chambre ; j'ai entendu sa voix ; je lui ai
parlé de nouveau ; j'ai écouté la
musique de ses chants, et elle chantait la gloire et la
Grèce. J'ai découvert l'idole si longtemps
souhaitée de mes rêves : comme le sculpteur de
Chypre, j'ai donné la vie à la forme
créée par mon imagination.»
Le monologue amoureux de Glaucus aurait peut-être duré plus longtemps ; mais, à ce moment même, une ombre se glissa sur le seuil de sa chambre : une jeune fille, à peine sortie de l'enfance, interrompit sa solitude. Elle était vêtue simplement d'une tunique blanche, qui retombait du cou jusqu'aux chevilles ; elle portait sous son bras une corbeille de fleurs, et tenait dans l'autre main un vase de bronze rempli d'eau. Ses traits étaient plus formés qu'on n'aurait pu l'attendre de son âge, mais pourtant doux et féminins dans leurs contours, et, sans être précisément beaux en eux-mêmes, ils possédaient cette beauté que donne l'expression. Il y avait dans son air je ne sais quel attrait de douce patience, d'un caractère tout à fait ineffable ; une physionomie empreinte de tristesse, un aspectrésigné et tranquille avaient banni le sourire, mais non la grâce de ses lèvres ; la timidité de sa démarche, qu'accompagnait une sorte de prévoyance, l'éclat vague et incertain de ses yeux faisaient soupçonner l'infirmité qu'elle endurait depuis sa naissance : elle était aveugle ; mais ce défaut ne s'apercevait pas dans ses prunelles, dont la lumière douce et mélancolique paraissait pure et sans nuage. |
Nydia, in Estes (1891) p.1 |
«On m'a dit que Glaucus était ici, dit-elle,
puis-je entrer ?
- Ah ! ma Nydia, dit le Grec, c'est vous ! Je savais bien que
vous me feriez la grâce de venir me visiter.
- Glaucus, en y comptant, n'a fait que se rendre justice
à lui-même, dit Nydia ; il a toujours
été si bon pour la pauvre aveugle !
- Qui pourrait agir autrement ? » répondit
tendrement Glaucus, avec l'accent d'un frère plein de
compassion.
Nydia soupira, garda un moment le silence, et sans
répondre à son observation, poursuivit ainsi :
«Il n'y a pas longtemps que vous êtes de retour ?
- C'est aujourd'hui le sixième soleil qui se
lève pour moi à Pompéi.
- Etes-vous en bonne santé ? ... Ah ! je n'ai pas
besoin de le demander : car celui-là qui voit la terre
qu'on dit être si belle, ne peut mal se porter.
- Je me porte bien ; et vous, Nydia ? ... Comme vous avez
grandi ! ... l'année prochaine vous aurez à
penser à la réponse que vous ferez à vos
amoureux.»
Une nouvelle rougeur colora les joues de Nydia ; mais, tout
en rougissant, elle fronça le sourcil. «Je vous
ai apporté quelques fleurs», dit-elle, sans rien
révéler de l'émotion qu'elle avait
ressentie, et après avoir cherché autour d'elle
une table qui était près de Glaucus, elle
ajouta en y posant les fleurs de sa corbeille : «elles
ont peu de prix, mais elles sont fraîchement
cueillies.
- Vinssent-elles de Flore même, je ne les recevrais pas
mieux, dit Glaucus avec bonté, et je renouvelle encore
le voeu que j'ai fait aux Grâces, de ne point porter
d'autres guirlandes tant que vos mains m'en tresseront comme
celles-ci.
- Et comment trouvez-vous les fleurs de votre viridarium ? Elles ont prospéré ?
- Admirablement ; les dieux lares eux-mêmes ont
dû veiller sur elles.
- Ah ! vous me faites plaisir, dit Nydia, car je suis venue
aussi souvent que je l'ai pu pour les arroser et les soigner
pendant votre absence.
- Comment vous remercier, belle Nydia ? dit le Grec. Glaucus
ne songeait guère qu'il eût laissé
à Pompéi une surveillante si fidèle de
ses fleurs favorites.»
Les mains de la jeune fille tremblaient, et son sein
s'émut doucement sous les plis de sa tunique. Elle se
détourna avec embarras : «Le soleil est bien
chaud aujourd'hui pour les pauvres fleurs, dit-elle, et elles
doivent croire que je les néglige ; car j'ai
été malade, et voilà neuf jours que je
ne suis venue les arroser.
- Malade, ma Nydia ! et pourtant vos joues ont plus
d'éclat que l'année dernière.
- Je suis souvent souffrante, reprit la pauvre aveugle d'un
ton touchant, et à mesure que je grandis, je regrette
davantage d'être privée de la vue. Mais pensons
aux fleurs.»
Aussitôt elle fit un léger salut de la
tête et, passant dans le viridarium, s'occupa d'arroser
les fleurs.
«Pauvre Nydia, se dit Glaucus en la regardant, bien dur
est ton destin ; tu ne vois ni la terre, ni le soleil, ni la
lune, ni les étoiles ; bien plus, tu ne peux pas voir
Ione.»
Ces derniers mots ramenèrent sa pensée à
la soirée de la veille, lorsqu'il fut de nouveau
interrompu dans ses rêveries par l'entrée de
Claudius. Une preuve de la vivacité avec laquelle son
amour s'était accru, et de la délicatesse de
ses nouvelles impressions, c'est que, bien qu'il n'eût
pas hésité à confier à Claudius
le secret de sa première entrevue, et l'effet qu'Ione
avait produit sur lui par sa beauté, il éprouva
actuellement une invincible aversion à prononcer son
nom. Il avait vu Ione, belle, pure, sans tache, au milieu de
la jeunesse légère et dissipée de
Pompéi, forçant les plus
débauchés au respect par le charme de sa
personne, et changeant les désirs les plus sensuels en
une sorte de contemplation idéale, comme si, par son
pouvoir intellectuel et moral, elle renversait la fable de
Circé et transformait les animaux en hommes. Ceux qui
ne pouvaient comprendre son âme, se spiritualisaient en
quelque sorte, grâce à la magie de sa
beauté ; ceux qui n'avaient pas des cœurs capables
d'apprécier sa poésie, avaient au moins des
oreilles sensibles à la mélodie de sa voix. La
trouvant aussi entourée, purifiant et éclairant
tout par sa présence, Glaucus sentit lui-même
pour la première fois la grandeur de sa nature propre
: il sentit combien étaient peu dignes de la
divinité et de ses songes, et les compagnons de ses
plaisirs passés, et les occupations auxquelles il
s'était abandonné. Un voile semblait tomber de
ses yeux. Il vit entre lui et ses convives habituels une
incommensurable distance, que lui avait cachée
jusque-là la vapeur décevante des fêtes.
Le courage qu'il lui fallait pour aspirer à Ione
l'élevait à ses yeux ; il comprit qu'il
était désormais dans sa destinée de
regarder en haut et de prendre un noble essor. Ce nom,qui
paraissait à son ardente imagination comme un
écho saint, il ne pouvait plus le prononcer devant des
oreilles vulgaires. Ce n'était plus la belle jeune
fille vue en passant, et dont le souvenir passionné
était demeuré dans son cœur. Ione était
déjà la divinité de son âme. Qui
n'a pas éprouvé ce sentiment ? O toi qui ne
l'as pas connu, tu n'as jamais aimé.
Aussi lorsque Claudius lui parla avec des transports
affectés de la beauté d'Ione, Glaucus ressentit
de la colère et du dégoût que de telles
lèvres osassent faire un tel éloge ; il
répondit froidement, et le Romain s'imagina que cette
passion s'était éteinte au lieu de s'enflammer.
Claudius le regretta à peine, car son désir
était que Glaucus épousât une
héritière beaucoup mieux avantagée du
côté de la fortune, Julia, la fille du riche
Diomède, dont le joueur espérait voir passer
l'or dans ses coffres. Leur conversation ne suivait pas un
cours aussi aisé que d'habitude, et, dès que
Claudius l'eut quitté, Glaucus se disposa à se
rendre chez Ione. En mettant le pied sur le seuil de sa
maison, il rencontra de nouveau Nydia, qui venait d'accomplir
sa gracieuse tâche. Elle reconnut son pas à
l'instant.
«Vous sortez de bonne heure, dit-elle.
- Oui ; car les cieux de la Campanie ne pardonnent pas qu'on
les néglige.
- Oh ! que ne puis-je les voir ! » murmura la jeune
fille, mais si bas que Glaucus ne put entendre sa
plainte.
La Thessalienne resta quelque temps sur le seuil, et guidant
ensuite ses pas avec un long bâton, dont elle se
servait avec une grande dextérité, elle reprit
le chemin de sa demeure. Elle s'éloigna bientôt
des rues brillantes de la cité, et entra dans un
quartier que fréquentaient peu les personnes
élégantes et graves. Mais son malheur lui
dérobait le grossier spectacle des vices dont elle
était entourée : à cette
heure-là, les rues étaient silencieuses et
tranquilles, et sa jeune oreille ne fut pas choquée
par les sons qui se faisaient entendre trop souvent dans les
repaires obscurs et obscènes qu'elle traversait
patiemment et tristement.
Elle frappa à la porte de derrière d'une sorte
de taverne. On ouvrit, et une voix rude lui ordonna de rendre
compte des sesterces qu'elle avait pu recueillir. Avant
qu'elle eût le temps de répondre, une autre
voix, accentuée d'une façon un peu moins
vulgaire, dit :
«Ne t'inquiète pas de ces petits profits, Burbo.
La voix de la petite sera bientôt redemandée aux
riches festins de notre ami, et tu sais qu'il paye à
un haut prix les langues de rossignols.
- Oh ! j'espère que non... Je ne le pense pas,
s'écria Nydia en tremblant. Je veux bien mendier
depuis l'aurore jusqu'au coucher du soleil, mais ne m'envoyez
plus chez lui.
- Et pourquoi cela ? demanda la même voix.
- Parce que... parce que je suis jeune, et
délicatement élevée, et que les femmes
avec qui je me trouve là ne sont pas une
société convenable pour une pauvre fille qui...
qui...
- Qui est une esclave dans la maison de Burbo», reprit
la voix ironiquement et avec un grossier éclat de
rire.
La Thessalienne posa ses fleurs à terre et, appuyant
sa figure sur ses mains, se mit à pleurer.
Pendant ce temps, Glaucus se rendait à la demeure de
la belle Napolitaine : il trouva Ione au milieu de ses
esclaves qui travaillaient à ses côtés.
La harpe était près d'elle, car Ione
était ce jour-là plus oisive, peut-être
plus pensive que d'habitude. Elle lui parut plus belle encore
à la lumière du jour, et dans sa simple robe,
qu'à l'éclat des lampes nocturnes et
ornée des précieux joyaux qu'elle portait la
veille ; une certaine pâleur répandue sur ses
couleurs transparentes ne lui fit pas tort, à ses
yeux, pas plus que la rougeur qui monta à son front
lorsqu'il s'approcha. Accoutumé à flatter, il
sentit la flatterie expirer sur ses lèvres en
présence d'Ione. Il comprit que ses regards en
diraient plus que ses paroles, et que ce serait amoindrir son
hommage que de l'exprimer. Ils parlèrent de la
Grèce : c'était un thème sur lequel
l'éloquence du Grec ne tarissait jamais. Il lui
dépeignit les bosquets d'oliviers aux teintes
argentées qui environ-naient encore les temples,
déjà dépouillés d'une partie de
leurs splendeurs, mais si beaux toujours, même dans
leur décadence. Il jeta un regard sur la
mélancolique cité d'Harmodius le Libre et de
Périclès le Magnifique, du haut de ces
souvenirs qui font une vaste lumière des plus sombres
obscurités. Il avait vu la terre de la poésie
justement à l'âge poétique de sa jeunesse ; et le sentiment patriotique s'associait dans son cœur
à cette effusion du printemps de la vie. Ione
l'écoutait, absorbée et muette ; ces accents et
ces descriptions avaient plus de douceur pour elle que les
adulations prodiguées par ses nombreux adorateurs.
Etait-ce une faute d'aimer un compatriote ? Elle aimait
Athènes en lui ; les dieux de sa race, la terre de ses
songes lui parlaient dans sa voix. A partir de ce moment, ils
se virent chaque jour. Dans la fraîcheur de la
soirée, ils allaient se promener sur une mer
tranquille. Ils se retrouvaient encore sous les portiques ou
dans les appartements d'Ione. Leur amour fut subit, mais
puissant. Il remplit toutes les sources de leur vie : cœur,
cerveau, sens, imagination, furent à la fois
prêtres et ministres de cette passion. Si l'on
enlève l'obstacle qui séparait deux objets
disposés à une attraction naturelle, ils se
joignent, ils se réunissent sur-le-champ. Ils ne
s'étonnaient que d'une chose, c'était d'avoir
vécu si longtemps loin l'un de l'autre. Et leur amour
était bien naturel : même jeunesse, même
beauté, même origine, même âme,
quelle poésie dans leur union ! Ils se figuraient que
les cieux souriaient à leur tendresse. De même
que ceux que l'on persécute cherchent un refuge aux
pieds des autels, ainsi l'autel de leur amour leur semblait
un asile contre les chagrins de la terre ; ils le couvraient
de fleurs ; ils ne soupçonnaient pas que des serpents
pussent se cacher sous ces fleurs.
Un soir, le cinquième à dater de leur
première rencontre à Pompéi, Glaucus et
Ione, avec une société peu nombreuse d'amis
choisis, revenaient d'une excursion autour de la baie ; leur
barque glissait légèrement sur les eaux, dont
le brillant miroir n'était brisé que par leurs
rames ruisselantes : pendant que le reste de la compagnie
s'entretenait gaiement, Glaucus, couché aux pieds
d'Ione, n'osait la regarder. Elle rompit la première
le silence :
«Mon pauvre frère ! dit-elle en soupirant ; comme il aurait savouré les délices de cette
heure !
- Votre frère, dit Glaucus, je ne l'ai pas vu.
Occupé de vous seule, je n'ai pensé à
aucune autre chose. Sans cela, je vous aurais demandé
si ce n'était pas votre frère, ce jeune homme
pour lequel vous m'avez quitté en sortant du temple de
Minerve, à Néapolis.
- C'était lui.
- Et il est ici ?
- Il y est.
- A Pompéi, et sans être constamment avec vous ? Impossible.
- Il a d'autres devoirs, répondit Ione avec tristesse
: il est prêtre d'Isis.
- Si jeune encore, prêtre d'un culte si
sévère au moins dans sa règle, dit le
Grec, dont le cœur était ardent et
généreux, et le ton de ses paroles marquait
autant de surprise que de pitié. Qui a pu le conduire
là ?
- Il était enthousiaste et plein d'une ferveur toute
religieuse ; l'éloquence d'un Egyptien, notre ami et
notre tuteur, éveilla en lui le pieux désir de
consacrer sa vie à la plus mystérieuse de nos
divinités. Peut-être, dans l'ardeur de son
zèle, la sévérité même de
ce culte eut-elle pour lui une attraction toute
particulière.
- Et il ne se repent pas ? ... Je pense qu'il est
heureux.» Ione soupira profondément, et baissa
son voile sur ses yeux. «Je désire, dit-elle
après un instant de silence, qu'il ne se soit pas trop
hâté. Peut-être, comme ceux qui attendent
beaucoup, n'a-t-il pas pu réaliser toutes ses
espérances.
- Alors il n'est pas heureux dans sa nouvelle condition. Et
cet Egyptien était-il prêtre lui-même ? avait-il intérêt à recruter pour la
troupe sacrée ?
- Non. Son seul intérêt était notre
bonheur. Il croyait faire celui de mon frère. Nous
étions orphelins.
- Comme moi», dit Glaucus avec une voix
profondément émue. Ione jeta les yeux sur lui
en ajoutant :
«Arbacès a voulu remplacer notre père ; vous le connaîtrez, il aime les gens de
mérite.
- Arbacès ! je le connais déjà. Nous
nous parlons, du moins quand nous nous rencontrons. Mais,
sans votre éloge, je ne souhaiterais pas de le
connaître davantage. Mon cœur est porté vers
ceux qui me ressemblent ; mais ce sombre Egyptien, avec son
front nuageux et son sourire glacé, me semble
attrister le ciel même. On serait tenté de
croire que, à l'instar du Crétois
Epiménide, il a dormi quarante ans dans un caveau, et
que la lumière du jour lui a paru étrange
à son réveil.
- Cependant, comme Epiménide, il est bon, sage, et
d'une humeur douce, répondit Ione.
- Qu'il est heureux d'être loué par vous ! Il
n'a pas besoin d'autres vertus pour m'être cher.
- Son calme, sa froideur, reprit Ione sans répondre
directement, proviennent peut-être de
l'épuisement de ses anciennes souffrances ; de
même que cette montagne voisine (elle montrait le
Vésuve), qui aujourd'hui semble si tranquille,
nourrissait autrefois des flammes éteintes pour
toujours.»
Leurs yeux se dirigèrent vers la montagne au moment
où Ione achevait de parler : le reste du ciel
était baigné de couleurs tendres et
rosées ; mais sur le sommet gris du volcan, au milieu
des bois et des vignes qui l'entouraient jusqu'à la
moitié de sa hauteur, s'élevait un gros nuage
noir et de mauvais augure, comme un trait sinistre dans ce
beau paysage ; une ombre soudaine et indescriptible obscurcit
leurs regards ; et, par suite de cette sympathie que l'amour
leur avait déjà enseignée, et qui leur
disait, à la plus légère émotion,
au moindre pressentiment de malheur, de chercher un refuge
l'un près de l'autre, leurs yeux abandonnèrent
en même temps la montagne, et se rencontrèrent
avec une inimaginable expression de tendresse. Qu'avaient-ils
besoin de mots pour se dire qu'ils s'aimaient !