Chapitre 1 - Le festin (suite)

Chapitre 1 (première partie) Sommaire Chapitre 2


Le palais s'éclaira d'un seul coup à sa plus haute terrasse, la porte du milieu s'ouvrit, et une femme, la fille d'Hamilcar elle-même, couverte de vêtements noirs, apparut sur le seuil. Elle descendit le premier escalier qui longeait obliquement le premier étage, puis le second, le troisième, et elle s'arrêta sur la dernière terrasse, au haut de l'escalier des galères. Immobile et la tête basse, elle regardait les soldats.

Derrière elle, de chaque côté, se tenaient deux longues théories d'hommes pâles, vêtus de robes blanches à franges rouges qui tombaient droit sur leurs pieds. Ils n'avaient pas de barbe, pas de cheveux, pas de sourcils. Dans leurs mains étincelantes d'anneaux ils portaient d'énormes lyres et chantaient tous, d'une voie aiguë, un hymme à la divinité de Carthage. C'étaient les prêtres eunuques du temple de Tanit, que Salammbô appelait souvent dans sa maison.

Enfin elle descendit l'escalier des galères. Les prêtres la suivirent. Elle s'avança dans l'avenue des cyprès, et elle marchait lentement entre les tables des capitaines, qui se reculaient un peu en la regardant passer.

Sa chevelure, poudrée d'un sable violet, et réunie en forme de tour selon la mode des vierges chananêennes, la faisait paraître plus grande. Des tresses de perles attachées à ses tempes descendaient jusqu'aux coins de sa bouche, rosé comme une grenade entr'ouverte. Il y avait sur sa poitrine un assemblage de pierres lumineuses, imitant par leur bigarrure les écailles d'une murène. Ses bras, garnis de diamants, sortaient nus de sa tunique sans manches, étoilée de fleurs rouges sur un fond tout noir. Elle portait entre les chevilles une chaînette d'or pour régler sa marche, et son grand manteau de pourpre sombre, taillé dans une étoffe inconnue, traînait derrière elle, faisant à chacun de ses pas comme une large vague qui la suivait.

Les prêtres, de temps à autre, pinçaient sur leurs lyres des accords presque étouffés, et dans les intervalles de la musique, on entendait le petit bruit de la chaînette d'or avec le claquement régulier de ses sandales en papyrus.

Personne encore ne la connaissait. On savait seulement qu'elle vivait retirée dans des pratiques pieuses. Des soldats l'avaient aperçue la nuit, sur le haut de son palais, à genoux devant les étoiles, entre les tourbillons des cassolettes allumées. C'était la lune qui l'avait rendue si pâle, et quelque chose des Dieux l'enveloppait comme une vapeur subtile. Ses prunelles semblaient regarder tout au loin au delà des espaces terrestres. Elle marchait en inclinant la tête, et tenait à sa main droite une petite lyre d'ébène.

Ils l'entendaient murmurer.

«Morts ! tous morts ! vous ne viendrez plus obéissant à ma voix, quand, assise sur le bord du lac, je vous jetais dans la gueule des pépins de pastèques ! Le mystère de Tanit roulait au fond de vos yeux, plus limpides que les globules des fleuves.» Et elle les appelait par leurs noms, qui étaient les noms des mois. - «Siv ! Sivan ! Tammouz, Eloul, Tischri, Schebar ! - Ah ! pitié pour moi, Déesse ! »

Les soldats, sans comprendre ce qu'elle disait, se tassaient autour d'elle, ils s'ébahissaient de sa parure ; mais elle promena sur eux tous un long regard épouvanté, puis s'enfonçant la tête dans les épaules en écartant les bras, elle répéta plusieurs fois :

«Qu'avez-vous fait ! qu'avez-vous fait !

vous aviez cependant, pour vous réjouir, du pain, des viandes, de l'huile, tout le malobathre des greniers ! J'avais fait venir des bœufs d'Hécatompyle, j'avais envoyé des chasseurs dans le désert ! » Sa voix s'enflait, ses joues s'empourpraient. Elle ajouta : «Où êtes-vous donc, ici ? Est-ce dans une ville conquise, ou dans le palais d'un maître ? Et quel maître ? le suffète Hamilcar mon père, serviteur des Baals ! Vos armes, rouges du sang de ses esclaves, c'est lui qui les a refusées à Lutatius ! En connaissez-vous un dans vos patries qui sache mieux conduire les batailles ? Regardez donc ! les marches de notre palais sont encombrées par nos victoires ! Continuez ! brûlez-le ! J'emporterai avec moi le Génie de ma maison, mon serpent noir qui dort là-haut sur des feuilles de lotus ! Je sifflerai, il me suivra ; et, si je monte en galère, il courra dans le sillage de mon navire sur l'écume des flots.»

Ses narines minces palpitaient. Elle écrasait ses ongles contre les pierreries de sa poitrine. Ses yeux s'alanguirent ; elle reprit :

«Ah ! pauvre Carthage ! lamentable ville ! Tu n'as plus pour te défendre les hommes forts d'autrefois, qui allaient au delà des océans bâtir des temples sur les rivages. Tous les pays travaillaient autour de toi, et les plaines de la mer, labourées par tes rames, balançaient tes moissons.»

Alors elle se mit à chanter les aventures de Melkarth, dieu des Sidoniens et père de sa famille.

Elle disait l'ascension des montagnes d'Ersîphonie, le voyage à Tartessus, et la guerre contre Masisabal pour venger la reine des serpents :

«Il poursuivait dans la forêt le monstre femelle dont la queue ondulait sur les feuilles mortes comme un ruisseau d'argent ; et il arriva dans une prairie où des femmes, à croupe de dragon, se tenaient autour d'un grand feu, dressées sur la pointe de leur queue. La lune, couleur de sang, resplendissait dans un cercle pâle, et leurs langues écarlates, fendues comme des harpons de pêcheurs, s'allongeaient en se recourbant jusqu'au bord de la flamme.»

Puis Salammbô, sans s'arrêter, raconta comment Melkarth, après avoir vaincu Masisabal, mit à la proue du navire sa tête coupée. A chaque battement des flots, elle s'enfonçait sous l'écume ; mais le soleil l'embaumait ; elle se fit plus dure que l'or ; cependant les yeux ne cessaient point de pleurer, et les larmes, continuellement, tombaient dans l'eau.»

Elle chantait tout cela dans un vieil idiome chananéen que n'entendaient pas les Barbares. Ils se demandaient ce qu'elle pouvait leur dire avec les gestes effrayants dont elle accompagnait son discours ; et montés autour d'elle sur les tables, sur les lits, dans les rameaux des sycomores, la bouche ouverte et allongeant la tête, ils tâchaient de saisir ces vagues histoires qui se balançaient devant leur imagination, à travers l'obscurité des théogonies, comme des fantômes dans des nuages.

Seuls, les prêtres sans barbe comprenaient Salammbô. Leurs mains ridées, pendant sur les cordes des lyres, frémissaient, et de temps à autre en tiraient un accord lugubre : car, plus faibles que des vieilles femmss ils tremblaient à la fois d'émotion mystique et de la peur que leur faisaient les hommes. Les Barbares ne s'en souciaient ; ils écoutaient toujours la vierge chanter.

Aucun ne la regardait comme un jeune chef numide placé aux tables des capitaines, parmi des soldats de sa nation. Sa ceinture était si hérissée de dards, qu'elle faisait une bosse dans son large manteau, noué à ses tempes par un lacet de cuir. L'étoffe bâillant sur ses épaules, enveloppait d'ombre son visage et l'on n'apercevait que les flammes de ses deux yeux fixes. C'était par hasard qu'il se trouvait au festin, - son père le faisant vivre chez les Barca, selon la coutume des rois qui envoyaient leurs enfants dans les grandes familles pour préparer des alliances ; mais depuis six mois que Narr'Havas y logeait, il n'avait point encore aperçu Salammbô ; et, assis sur les talons, la barbe baissée vers les hampes de ses javelots, il la considérait en écartant les narines comme un léopard qui est accroupi dans les bambous. De l'autre côté des tables se tenait un Libyen de taille colossale et à courts cheveux noirs frisés. Il n'avait gardé que sa jaquette militaire, dont les lames d'airain déchiraient la pourpre du lit. Un collier à lune d'argent s'embarrassait dans les poils de sa poitrine. Des éclaboussures de sang lui tachetaient la face, il s'appuyait sur le coude gauche ; et la bouche grande ouverte il souriait.

Salammbô n'en était plus au rhythme sacré. Elle employait simultanément tous les idiomes des Barbares, délicatesse de femme pour attendrir leur colère. Aux Grecs elle parlait grec, puis elle se tournait vers les Ligures, vers les Campaniens, vers les Nègres ; et chacun en l'écoutant retrouvait dans cette voix la douceur de sa patrie. Emportée par les souvenirs de Carthage, elle chantait maintenant les anciennes batailles contre Rome ; ils applaudissaient. Elle s'enflammait à la lueur des épées nues ; elle criait les bras ouverts. Sa lyre tomba, elle se tut ; - et, pressant son cœur à deux mains, elle resta quelques minutes les paupières closef à savourer l'agitation de tous ces hommes.

Mâtho le Libyen se penchait vers elle. Involontairerement elle s'en approcha, et, poussée par la reconnaissance de son orgueil, elle lui versa dans une coupe d'or un long jet de vin pour se réconcilier avec l'armée.

«Bois ! » dit-elle.

Il prit la coupe, et il la portait à ses lèvres quand un Gaulois, le même que Giscon avait blessé, le frappa sur l'épaule, tout en débitant d'un air jovial des plaisanteries dans la langue de son pays. Spendius n'était pas loin ; il s'offrit à les expliquer.

«Parle ! » dit Mâtho.

- Les Dieux te protègent, tu vas devenir riche. A quand les noces ?

- Quelles noces ?

- Les tiennes ! car chez nous, dit le Gaulois, lorsqu'une femme fait boire un soldat, c'est qu'elle lui offre sa couche.»

Il n'avait pas fini que Narr'Havas, en bondissant, tira un javelot de sa ceinture, et appuyé du pied droit sur le bord de la table, il le lança contre Mâtho.

Le javelot siffla entre les coupes, et, traversant le bras du Lybien, le cloua sur la nappe si fortement, que la poignée en tremblait dans l'air.

Mâtho l'arracha vite ; mais il n'avait pas d'armes, il était nu ; enfin, levant à deux bras la table surchargée, il la jeta contre Narr'Havas tout au milieu de la foule qui se précipitait entre eux. Les soldats et les Numides se serraient à ne pouvoir tirer leurs glaives. Mâtho avançait en donnant de grands coups avec sa tête. Quand il la releva, Narr'Havas avait disparu. Il le chercha des yeux. Salammbô aussi était partie.

Alors sa vue se tournant sur le palais, il aperçut tout en haut la porte rouge à croix noire qui se refermait. Il s'élança.

On le vit courir entre les proues des galères, puis réapparaître le long des trois escaliers jusqu'à la porte rouge qu'il heurta de tout son corps. En haletant, il s'appuya contre le mur pour ne pas tomber.

Un homme l'avait suivi, et, à travers les fénèbres, car les lueurs du festin étaient cachées par l'angle du palais, il reconnut Spendius.

«Va-t'en ! » dit-il.

L'esclave, sans répondre, se mit avec ses dents à déchirer sa tunique ; puis s'agenouillant auprès de Mâtho il lui prit le bras délicatement, et il le palpait dans l'ombre pour découvrir la blessure.

Sous un rayon de la lune qui glissait entre les nuages, Spendius aperçut au milieu du bras une plaie béante. Il roula tout autour le morceau d'étoffe ; mais l'autre, s'irritant, disait : «Laisse-moi ! laisse-moi ! »

«Oh non ! » reprit l'esclave. «Tu m'as délivré de l'ergastule. Je suis à toi ! tu es mon maître ! ordonne ! »

Mâtho, en frôlant les murs, fit le tour de la terrasse. Il tendait l'oreille à chaque pas, et par l'intervalle des roseaux dorés, plongeait ses regards dans les appartements silencieux. Enfin il s'arrêta d'un air désespéré.

«Ecoute ! » lui dit l'esclave. Oh ! ne me méprise pas pour ma faiblesse ! J'ai vécu dans le palais. Je peux, comme une vipère, me couler entre les murs. Viens ! il y a dans la Chambre des Ancêtres un lingot d'or sous chaque dalle ; une voie souterraine conduit à leurs tombeaux.

- Eh ! qu'importe ! » dit Mâtho. Spendius se tut. Ils étaient sur la terrasse. Une masse d'ombre énorme s'étalait devant eux, et qui semblait contenir de vagues amoncellements, pareils aux flots gigantesques d'un océan noir pétrifié.

Mais une barre lumineuse s'éleva du côté de l'Orient. A gauche, tout en bas, les canaux de Mégara commençaient à rayer de leurs sinuosités blanches les verdures des jardins. Les toits coniques des temples heptagones, les escaliers, les terrasses, les remparts, peu à peu, se découpaient sur la pâleur de l'aube ; et tout autour de la péninsule carthaginoise une ceinture d'écume blanche oscillait tandis que la mer couleur d'émeraude semblait comme figée dans la fraîcheur du matin,. Puis à mesure que le ciel rosé allait s'élargissant, les hautes maisons inclinées sur les pentes du terrain se haussaient, se tassaient telles qu'un troupeau de chèvres noires qui descend des montagnes. Les rues désertes s'allongeaient ; les palmiers, çà et là sortant des murs, ne bougeaient pas ; les citernes remplies avaient l'air de boucliers d'argent perdus dans les cours ; le phare du promontoire Hermoeum commençait à pâlir. Tout au haut de l'Acropole, dans le bois de cyprès, les chevaux d'Eschmoûn, sentant venir la lumière, posaient leurs sabots sur le parapet de marbre et hennissaient du côté du soleil.

Il parut ; Spendius, levant les bras, poussa un cri.

Tout s'agitait dans une rougeur épandue, car le Dieu, comme se déchirant, versait à pleins rayons sur Carthage la pluie d'or de ses veines. Les éperons des galères étincelaient, le toit de Khamon paraissait tout en flammes, et l'on apercevait des lueurs au fond des temples dont les portes s'ouvraient. Les grands chariots arrivant, de la campagne faisaient tourner leurs roues sur les dalles des rues. Des dromadaires chargés de bagages descendaient les rampes. Les changeurs dans les carrefours relevaient les auvents de leurs boutiques. Des cigognes s'envolèrent, des voiles blanches palpitaient. On entendait dans le bois de Tanit le tambourin des courtisanes sacrées, et à la pointe des Mappales, les fourneaux pour cuire les cercueils d'argile commençaient â fumer.

Spendius se penchait en dehors de la terrasse ; ses dents claquaient, il répétait :

«Ah !oui... oui... maître ! je comprends pourquoi tu dédaignais tout à l'heure le pillage de la maison.»

Mâtho fut comme réveillé par le sifflement de sa voix, il semblait ne pas comprendre ; Spendius reprit :

«Ah ! quelles richesses ! et les hommes qui les possèdent n'ont pas même de fer pour les défendre ! »

Alors, lui faisant voir de sa main droite étendue quelques-uns de la populace qui rampaient en dehors du môle, sur le sable, pour chercher des paillettes d'or :

«Tiens ! lui dit-il, la République est comme ces misérables : courbée au bord des océans, elle enfonce dans tous les rivages ses bras avides, et le bruit des flots emplit tellement son oreille qu'elle n'entendrait pas venir par derrière le talon d'un maître ! »

Il entraîna Mâtho tout à l'autre bout de la terrasse, et lui montrant le jardin où miroitaient au soleil les épées des soldats supendues dans les arbres :

Mais ici il y a des hommes forts dont la haine est exaspérée ! et rien ne les attache à Carthage, ni leurs familles, ni leurs serments, ni leurs dieux ! »

Mâtho restait appuyé contre le mur ; Spendius, se rapprochant, poursuivit à voix basse :

«Me comprends-tu, soldat ? nous nous promènerions couverts de pourpre comme des satrapes. On nous laverait dans les parfums ; j'aurais des esclaves à mon tour ! N'es-tu pas las de dormir sur la terre dure, de boire le vinaigre des camps, et toujours d'entendre la trompette ? Tu te reposeras plus tard, n'est-ce pas ? quand on arrachera ta cuirasse pour jeter ton cadavre aux vaulours ! ou peut-être, t'appuyant sur un bâton, aveugle, boiteux, débile, tu t'en iras de porte en porte raconter la jeunesse aux petits enfants et aux vendeurs de saumure. Rappelle-toi toutes les injustices de tes chefs, les campements dans la neige, les courses au soleil, les tyrannies de la discipline et l'éternelle menace de la croix ! Après tant de misères on t'a donné un collier d'honneur, comme on suspend au poitrail, des unes une ceinture de grelots pour les étourdir dans la marche, et faire qu'ils ne sentent pas la fatigue. Un homme comme toi, plus brave que Pyrrhus ! Si tu l'avais voulu, pourtant ! Ah ! comme tu seras heureux dans les grandes salles fraîches, au son des lyres, couché sur des fleurs, avec des bouffons et avec des femmes ! Ne me dis pas que l'entreprise est impossible ! Est-ce que les Mercenaires, déjà, n'ont pas possédé Rheggium et d'autres places fortes en Italie ! Qui t'empêche ? Hamilcar est absent ; le peuple exècre les Riches ; Giscon ne peut rien sur les lâches qui l'entourent. Mais tu es brave, toi ! il t'obéiront. Commande-les ! Carthage est à nous ; jetons-nous-y !

- Non ! dit Mâtho, la malédiction de Moloch pèse sur moi. Je l'ai senti à ses yeux, et tout à l'heure j'ai vu dans un temple un bélier noir qui reculait.» Il ajouta, en regardant autour de lui : «Où est-elle ? »

Spendius comprit qu'une inquiétude immense l'occupait ; il n'osa plus parler.

Les arbres derrière eux fumaient encore ; de leurs branches noircies, des carcasses de singes à demi brûlées tombaient de temps à autre au milieu des plats. Les soldats ivres ronflaient la bouche ouverte à côté des cadavres ; et ceux qui ne dormaient pas baissaient leur tête, éblouis par le jour. Le sol piétiné disparaissait sous des flaques rouges. Les éléphants balançaient entre les pieux de leurs parcs leurs trompes sanglantes. On apercevait dans les greniers ouverts des sacs de froment répandus, et sous la porte une ligne épaisse de chariots amoncelés par les Barbares ; les paons juchés dans les cèdres déployaient leur queue et se mettaient à crier.

Cependant l'immobilité de Mâtho étonnait Spendius ; il était encore plus pâle que tout à l'heure, et les prunelles fixes, il suivait quelque chose à l'horizon, appuyé des deux poings sur le bord de la terrasse. Spendius, en se courbant, finit par découvrir ce qu'il contemplait. Un point d'or tournait au loin dans la poussière sur la route d'Utique ; c'était le moyeu d'un char attelé de deux mulets ; un esclave courait à la tête du timon, en les tenant par la bride. Il y avait dans le char deux femmes assises. Les crinières des bêtes bouffaient entre leurs oreilles à la mode persique, sous un roseau de perles bleues. Spendius les reconnut ; il retint un cri.

Un grand voile, par derrière, flottait au vent.


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