© Charles Cavenel
Venatio et damnatio ad bestias
La frise de l'amphithéâtre court sur quatre
côtés, répartis deux à deux :
- les côtés nord et sud représentent
un munus,
c'est-à-dire un combat de gladiateurs,
spectacle phare de la journée, qui se
déroulait l'après-midi
- les côtés est et ouest sont consacrés aux représentations entrecroisées d'une venatio (spectacle du matin) et d'une damnatio ad bestias (spectacle de midi). Malheureusement, alors que la frise du côté oriental nous est parvenue en excellent état, ce n'est pas le cas de celle du côté ouest, qui est très dégradée.
La frise du côté est
La frise du côté ouest
Scènes de venatio
Les spectacles de
venatio étaient la grande attraction
de l'amphithéâtre le matin. Il s'agissait de
chasses conduites par des
bestiarii contre des bêtes sauvages,
souvent exotiques, ou bien encore de combats de bêtes
entre elles.
Sur la frise orientale, en haut à gauche, un chien
poursuit une antilope, tandis que plus bas, un autre chien
rabat un daim vers un chasseur armé d'un
épieu.
Au milieu, une curieuse scène représente un
nain barbu qui semble jouer avec un sanglier
domestiqué, peut-être en lui lançant des
fruits. Il s'agit probablement d'un intermède
burlesque comme celui d'un cirque, destiné à
introduire un peu de légèreté dans des
spectacles ordinairement sanglants.
A droite, une chasse au cerf est sur le point de s'achever :
la bête est blessée au flanc, poursuivie par une
chienne, et va être abattue par un chasseur qui tient
dans la main droite un couteau à large lame.
© Aurigemma, 1926 |
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Plus loin, un onagre agonise, transpercé par un épieu (venabulum) ; des flots de sang coulent sur le sable, de ses flancs et de ses narines. |
Quant aux détails de la frise ouest, ils sont bien
ruinés, à l'exception d'une remarquable et
atroce chasse aux autruches. Tandis que celle de gauche
s'enfuit, attaquée par un chien, celle de droite vient
d'être décapitée par un bestiaire, et son
sang gicle en arc-de-cercle.
© Gérard Coulon |
Scènes de damnatio ad bestias
C'est surtout pour ses représentations d'une
damnatio ad bestias que la mosaïque de Zliten est
célèbre dans le monde entier.
Les exécutions de condamnés à mort
pouvaient être associées, comme c'est le cas
ici, aux scènes de venatio du matin : la mise
à mort s'effectuait alors avec le concours de
bêtes sauvages, et on l'appelait damnatio ad
bestias (condamnation à être exposé
aux bêtes). Il pouvait aussi arriver que le supplice
fasse l'objet de reconstitutions mythologiques au cours de
spectacles complexes mettant en scène des héros
légendaires qui avaient subi des morts violentes
(Hercule sur son bûcher, Orphée
dévoré par un ours, etc). Vers midi, on mettait
enfin aux prises des paires de combattants peu ou pas
armés, qui étaient chargés de simplement
s'entretuer, pendant que le peuple s'ennuyait et
réclamait du sang pour se divertir.
La damnatio ad bestias de Zliten vaut surtout par son
exceptionnelle qualité documentaire, esthétique
et narrative.
Article de René Cagnat |
A gauche de la frise orientale, deux condamnés
à mort, qu'Aurigemma a identifiés comme des
Garamantes, sont
exposés à l'attaque de panthères
d'Afrique sur des petits chars auxquels ils sont
ligotés ; des deux bestiaires qui s'affairent pour
veiller au bon déroulement du supplice, celui du fond
agite un fouet et un chiffon pour exciter la
panthère.
Plus loin, au milieu de la frise, un ours brun et un taureau
s'affrontent : tous deux sont liés l'un à
l'autre par une corde et une chaîne, ce qui a mis les
deux animaux en rage. Un condamné, entièrement
nu, a pour mission de séparer les deux fauves en
détachant de son bâton l'anneau qui unit les
deux liens, mais la position de l'homme, qui risque d'attirer
sur lui la fureur des bêtes, suggère son
appréhension.
© Charles Cavenel |
A droite, un bestiaire armé d'un fouet pousse un
autre supplicié fou de terreur vers un lion
gigantesque et agressif. Au-dessus du fauve, une lacune de la
mosaïque suggère le cadavre d'un autre
malheureux.
© Gérard Coulon |
De telles représentations de supplices ne sont pas rares dans les mosaïques d'Afrique du Nord ; mais celle-ci intéresse particulièrement Aurigemma parce qu'elle lui semble évoquer un événement historique auquel le propriétaire de la maison semblait attacher de l'importance, peut-être parce qu'il en aurait été le munerarius, l'organisateur.