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Une représentation de Garamantes sur la mosaïque de Zliten ?
Dès sa découverte, Salvatore Aurigemma a proposé une identification des suppliciés de la damnatio ad bestias, et par voie de conséquence une hypothèse de datation de la mosaïque de l'amphithéâtre. Voici le résumé de sa thèse, telle qu'elle est exposée dans sa monographie I mosaici di Zliten, Roma-Milano (1926)
Les suppliciés de Zliten sont peut-être des Garamantes
Aurigemma fait d'abord remarquer que les suppliciés exposés aux bêtes sauvages sont tous différenciés des autres protagonistes de la venatio par leur nudité (les autres sont vêtus) et une couleur de peau jaune foncé (et non pas rose comme celle des autres personnages). Le supplicié attaché à un poteau a un nez aquilin et une petite barbe en pointe ; et tous les condamnés ont les cheveux noirs. Mais il ne s'agit manifestement pas d'Ethiopiens ou d'autres peuples de race noire. Aurigemma propose donc de les identifier comme des peuples du Fezzan actuel, les antiques Garamantes.
Qui sont les Garamantes ?
Il s'agit d'un peuple de la lisière du Sahara, au sud de la côte libyenne, maître du commerce caravanier avec le centre de l'Afrique (Soudan et Ethiopie en particulier), et contrôlant par conséquent le commerce de l'or, de l'ivoire, des plumes d'autruche, des fourrures de bêtes fauves et des esclaves.
Mais ses relations avec ses voisins de la côte étaient loin d'être pacifiques : les razzias vers les villes prospères des Syrtes étaient habituelles. Des expéditions punitives contre les Garamantes étaient donc elles aussi monnaie courante, et en cas de capture, ils étaient suppliciés comme des prisonniers de guerre. Aurigemma en cite deux cas, en 241 av.JC (Polybe, I, 84, 8) et en 168 av. JC (Liv. Epit. 51 ; Val. Max. II, 7, 13-14).
Les expéditions romaines contre les Garamantes sous l'Empire
- L'expédition de Lucius Cornelius Balbus, qui aboutit à leur défaite et au triomphe du proconsul le 27 mars 19 av.JC ; une ambassade est envoyée à Rome à Auguste.
- La guerre menée par les Romains, de 17 à 24 apr.JC, sous Tibère, contre le Numide Tacfarinas, et dans laquelle les Garamantes sont les alliés des Numides ; cette guerre est achevée par le proconsul P. Cornelius Dolabella.
- En 70 apr.JC, une querelle oppose Oea (Tripoli) et Leptis Magna ; Oea appelle les Garamantes à l'aide, et ceux-ci organisent une expédition punitive contre Leptis. Tout le territoire est mis à sac, et il faut l'intervention du légat de Numidie Valerius Festus pour que tout rentre dans l'ordre. Tacite raconte ainsi cet épisode (Hist. IV, 50) :
Ensuite [Festus] apaisa les discordes d'Oea et de Leptis. Commence entre paysans pour des denres et des troupeaux mutuellement ravis, cette querelle, d'abord lgre, se poursuivait la fin sur des champs de bataille. Ceux d'Oea, infrieurs en nombre, avaient appel eux les Garamantes, nation indompte et ppinire fconde de brigands, toujours prts piller leurs voisins. Leptis tait dans la dtresse, et, les campagnes tant au loin ravages, les habitants tremblaient derrire leurs murailles. Enfin survinrent nos cohortes et nos escadrons : les Garamantes furent battus et le butin repris, except celui qu'un ennemi vagabond avait emport jusqu' ses huttes inaccessibles et vendu dans l'intrieur des terres.
L'hypothèse d'Aurigemma
Après avoir évoqué une autre expédition romaine en 85-86 apr.JC, mais contre les Nasamons et non pas les Garamantes, puis l'expédition géographique de Septimius Flaccus et Julius Maternus à la fin du Ier s. apr.JC, Aurigemma se demande laquelle des expéditions guerrières rappelées ci-dessus pourrait avoir donné lieu au supplice de Garamantes prisonniers de guerre, au cours du spectacle de damnatio ad bestias que représente la mosaïque de Zliten, et il conclut à la vraisemblance de celle de 70, grâce à d'autres critères de datation comme la coiffure de la joueuse d'orgue hydraulique, qui lui semble d'origine flavienne. Cette hypothèse a été accueillie comme une pure conjecture par René Cagnat et par les autres chercheurs qui ont par la suite travaillé à la datation de la mosaïque.