CRYPTA (κρύπτη, κρυπτή)

  1. De là vient notre mot crypte, qui cependant ne donne qu'une idée fort inexacte de l'objet que le même terme présentait à l'esprit des Grecs et des Romains. L'ancienne crypta se rapproche surtout de notre cloître avec lequel elle avait la plus grande ressemblance. C'était, en effet, une galerie longue et étroite, de niveau avec le sol (et non souterraine comme on le suppose communément), fermée des deux côtés par des murs et recevant le jour d'une série de fenêtres pratiquées dans un des murs latéraux qui l'entouraient ou dans tous les deux. Des constructions de cette espèce étaient souvent élevées comme édifices publics pour la commodité de la population ; dans les campagnes des personnes riches (Senec. de Ira, III, 18) ; comme dépendance de grandes maisons, ou promenades réunies à un théâtre (Suet. Cal. 58) ; très communément encore, comme nous l'apprenons pas des inscriptions nombreuses (Muratori, Inscript. p. 481, 4 ; Reines. Syntagm. Inscrit. II, 28), elles étaient réunies à un portique ou colonnade ouverte. Elles procuraient un asile agréable quand la chaleur ou le mauvais temps rendaient un abri souhaitable por une population oisive et amollie par le luxe. Les prétoriens mêmes avaient une crypta adjacente à leur camp permanent de Rome. Elle fut démolie par les ordres d'Adrien, quand il essaya de réformer la discipline de ce corps (Spart. Hadr. 10).

La gravure ci-jointe, avec celle qui suit, donnera une idée exacte de la nature de l'ancienne crypta. Elle représente le plan d'un édifice public construit par la prêtresse Eumachia à Pompéi, et consistant en une crypta, un porticus et un chalcidicum. Ces diverses parties de l'édifice sont énumérées dans une inscription fixée sur la muraille extérieure au-dessus de l'entrée principale. Les trois corridors, ou cloîtres marqués AAA, constituent la crypta. Ils sont entourés de trois côtés par un mur décoré de fresques ; à l'intérieur, on voit les fenêtres qui ouvraient sur une colonnade voisine (porticus), marquée BBBB, qui, à son tour, enferme une large area centrale C. Des restes considérables d'une construction semblable se voient encore sur l'emplacement de l'ancienne Capoue, près de l'amphithéâtre ; et on trouvera un specimen de ces cloîtres, annexés à un théâtre, dans le fragment qui contient le plan du théâtre de Pompéi, au mot theatrum.

  1. Les cloîtres fermés, semblables pour le dessin et l'emplacement à celui que nous venons de décrire, entouraient ordinairement, au lieu de colonnades ouvertes, les cours intérieures des villas et des fermes romaines, et servaient à conserver le grain, les fruits, les produits enfin qui demandaient à être préservés de l'humidité sans être entièrement privés d'air. Aussi Vitruve, en donnant le plan d'une villa modèle, recommande fort sagement de construire des galeries couvertes (cryptae) dans l'intérieur des fermes pour de tels produits, et de placer les étables ainsi que les magasins pour les denrées moins faciles à détériorer dans la cour découverte du vestibule, vestibulum (Vitruv. VI, 5, 2 ; comparez Varro, R.R. I, 57).



    La figure ci-dessus donne une vue des débris de la villa de L. Arrius Diomedes dans le faubourg de Pompéi, et montre très clairement le caractère et la nature des bâtiments qui en dépendaient. A main gauche, il ne reste qu'une partie des fondations ; mais l'aile droite et le centre subsistent presque en entier, et de plus on voit derrière une portion du premier étage de la villa. De là part un escalier, encore complet, qui conduit dans la crypta, laquelle, comme on ne manquera pas de le remarquer, n'est pas une cave souterraine, mais un bâtiment au niveau du sol, avec des fenêtres ouvrant sur une cour carrée, entourée dans l'origine par les autres étages bâtis au-dessus des cloîtres.
  1. Quand les fenêtres étaient fermées avec leurs volets de bois, tout le corridor devait former une voûte longue, étroite et sombre ; de là vient que le mot crypta, dans un langage poétique et métaphorique, fut transporté, par une acception dérivée, à des passages souterrains de différentes sortes : ainsi le grand égoût, qui traversait le quartier de Suburra et continuait la Cloaca maxima de Rome, est appelé Crypta Suburrae (Juv. V, 106) ; le tunnel qui passe sous les rochers entre Naples et le Pausilippe, maintenant la grotte de Pausilippe, est appelé Crypta Neapolitana (Petr. Fragm. 13 ; Seneca, Ep. 57) ; et la crypta devant laquelle Quartilla offre son sacrifice (Petr. Sat. 16, 3) peut se rapporter à cette grotte ou à un cloître contigu à sa maison et à ses jardins, comme ceux que nous avons décrits.
  1. Ecurie pour les chevaux et les chars dans un cirque (Sidon. Carm. XXIII, 319). Voyez la gravure et l'article au mot carcer, 2.