PONS (γέφυρα)


  1. Pont. Vitruve ne nous a rien laissé sur la construction des ponts ; mais les nombreux ponts romains encore subsistants témoignent de la grande habileté des constructeurs et des architectes du temps dans cette branche de l'art. La description suivante est donc faite d'après les monuments mêmes qui sont encore debout, et non d'après des livres. La chaussée (via, agger) est toujours pavée, comme les routes, de larges dalles à surface polygonale, et flanquée de chaque côté d'un trottoir (crepido) pour les piétons. Le tout est borné par un mur bas formant un parapet (pluteus), plein et non fait d'une balustrade à jour, comme ceux de nos ponts. Une porte (porta), que pouvait fermer une chaîne ou une herse (cataracta) est souvent dressée à une extrémité du pont (voyez la gravure au mot cataracta, 2), ou bien au centre et à chaque extrémité s'élève un arc de triomphe (fornix) qui pouvait aussi, en cas de besoin, servir à fermer le passage.

C'est de ce dernier cas que donne un exemple la gravure ci-jointe, qui représente le pont de Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône) dans son état actuel. Certains ponts sont étendus sur un plan presque horizontal ; d'autres, jetés sur un torrent, sont sensiblement en dos d'âne, avec une descente et une montée très raide. Les arches, dans tous les cas, forment à peu près un demi-cercle, et ont quelquefois un très grand diamètre. Une seule arche, subsistant encore à Narni, a 30m 48 d'ouverture, et part de dessus deux piliers qui s'élèvent à 44m 52 au-dessus de la rivière sur laquelle est jeté le pont. Le pont construit par Auguste à Rimini, que Palladio regardait comme le plus beau modèle qu'il eût jamais vu, a sept arches, et est horizontal au milieu, mais légèrement en pente à chacune de ses extrémités.
  1. (γέφυρα). Le pont grec primitif n'était, comme l'indique son nom, qu'une digue ou levée de terre formant une chaussée haute, comme nous en avons dans les localités sujettes aux inondations ; la petitesse des rivières, des courants d'eau de cette contrée, les rendait, pour la plupart, aisément guéables ou faciles à traverser à l'aide de quelques planches. De là vient que l'art de construire des ponts, comme celui de faire des routes et de dessécher les terres inondées, doit presque sa naissance, et du moins tous ses progrès, aux Romains, le premier peuple qui ait fait usage de l'arche dans de grandes proportions. On peut donc attribuer les ponts qui sont cités en Grèce, comme ouvrages notables et d'une certaine longueur (Plin. H.N. IV, 1, 21), aux Romains qui les y auraient exécutés après la conqueête.
  1. Pons sublicius. Pont de bois bâti sur pilotis ; on en élevait fréquemment pour rendre des services temporaires : ainsi, pour faire passer une rivière à une armée. Aussi les colonnes de Trajan et d'Antonin en donnent-elles de nombreux specimens : c'est à la dernière qu'est empruntée notre gravure.

Le fameux pons sublicius à Rome, quand on le reconstruisit après sa destruction dans la guerre contre Porsenna, fut bâti sans clous ni chevilles, afin qu'il fût aisé de retirer ou de replacer les poutres toutes les fois que les circonstances exigeraient que les communications fussent interrompues ou rétablies (Liv. I, 33 ; Plin. H.N. XXXVI, 23).
  1. Pons suffragiorum. Pont de planches, élevé temporairement à Rome dans le Champ de Mars pendant les comices, et sur lequel les votants, en sortant du septum, passaient l'un après l'autre pour jeter leurs votes, tabellae, dans l'urne, cista (Cic. ad Att. I, 14 ; Ov. Fast. V, 634). Le but de cette disposition était d'empêcher la fraude, le tumulte, l'intimidation, et d'assurer, autant que possible, la liberté du vote. Le votant recevait son bulletin des mains d'un officier placé à une extrémité du pont ; il le passait, et à l'autre bout il laissait tomber son vote dans l'urne aux suffrages, puis il sortait de l'enceinte.
Tous ces traits se retrouvent dans la figure ci-jointe, qui, d'après une monnaie consulaire, nous montre une partie de la balustrade qui entoure le septum, un votant recevant un bulletin, et un autre en train de mettre le sien dans l'urne.

  1. (epibathra, apobathra). Pont formé par une large planche allant d'une embarcation au rivage, et servant aux passagers et à l'équipage à monter dans le navire et à en descendre (Virg. Aen. X, 288).

La figure ci-jointe représente un pont de ce genre, d'après une peinture du tombeau des Nasons, près de Rome : elle sert à un cavalier à échapper à la poursuite d'un tigre, que, dans la composition originale, d'autres chasseurs entourent et pressent.
  1. Le pont d'un navire sur lequel, comme dans le specimen que nous donnons, on avait dressé des tours et des machines de guerre. Notre gravure est copiée d'un bas-relief en marbre (Tac. Ann. II, 6).
  1. Pont-levis, qu'on abaissait dans un siège, de l'étage supérieur d'une tour mobile ou de tout autre point élevé, sur les murs de la ville assiégée. Les assiégeants pouvaient ainsi y parvenir sans l'aide d'échelles (Tac. Ann. IV, 51 ; Suet. Aug. 20 ; Veg. Mil. IV, 21).
  1. Viaduc construit sur un ravin ou entre deux points élevés, deux éminences, comme celui que bâtit Caligula pour établir une relation directe entre le mont Palatin et le mont Capitolin (Suet. Cal. 22 ; Xen. Anab. VI, 5, 22).

Illustration complémentaire

Pont de Saint-Chamas, Bouches-du-Rhône (France), 2001

© Agnès Vinas