[44 av. JC]
A TIRON.
Quoi donc ! Cela ne convient pas, dites-vous. Au contraire ;
et même il faut mettre : A SON CHER TIRON. Cependant je
l'effacerai si vous craignez l'envie, dont, pour mon compte,
je me suis toujours fort peu soucié. Je suis
charmé que la transpiration vous ait réussi. Si
le séjour de Tusculum vous fait le même bien,
bons Dieux, que j'en serai plus aise encore ! Si vous avez de
l'amitié pour moi, comme vous en avez en effet ou
comme vous en faites semblant à merveille, et de facon
à y réussir, je vous conjure de soigner votre
santé, cette santé que jusqu'à
présent vous avez si mal servie, pour vouloir trop
bien me servir moi-même. Vous n'ignorez pas ce qu'elle
exige : des digestions faciles, point de fatigue, un
exercice modéré, du repos d'esprit, le ventre
libre. Je vous en prie, revenez-moi, beau garçon ;
je vous en aimerai mille fois davantage, vous et Tusculum.
Engagez Parhédrus à traiter lui-même du
jardin. Cela fera peut-être impression sur le
jardinier. Ce misérable faquin donnait cent mille
sesterces pour un jardin mal abrité, sans eau, sans
clôture, sans habitation. N'est-ce pas se moquer de moi
que de me proposer une telle dépense ? Mettez-lui le
feu sous le ventre, comme j'ai fait à Mothon. Je m'en
trouve maintenant comme sur un lit de roses. Quoique je n'aie
que trop d'eau, où en est, je vous prie, l'affaire de
la fontaine Crabra ? Je vous enverrai une horloge et des
livres, s'il fait beau. Mais êtes-vous donc absolument
sans livres ? Ne composez-vous pas quelque chose de
Sophocléen ? En ce cas, montrez-le. A. Ligurius,
client de César, vient de mourir. C'était un
homme de bien, et entièrement dans mes
intérêts. Mandez-moi quand je puis compter sur
vous, et ayez bien soin de votre santé. Adieu.
Edition des Lettres de Cicéron - Collection des Auteurs latins de Nisard, in Oeuvres complètes de Cicéron, tome V, Paris, Firmin-Didot (1869) - Traduction de M. Defresne