[43 av. JC]
Q. CICERON A SON CHER TIRON.
Me voilà fustigé de main de maître pour
mon silence. Mon frère m'en écrivait bien moins
par ménagement sans doute, ou plutôt il
était pressé. Vous, vous dites les choses tout
net surtout sur les futurs consuls. Je les connais à
fond, esprits sans ressort, blasés de plaisirs,
énervés par la débauche. S'ils ne
quittent le gouvernail, la république est
exposée à un naufrage. Ce qu'ils ont fait
pendant la campagne, en face du camp des Gaulois, est
inimaginable. Le brigand, si l'on n'y met bon ordre, va les
gagner par la communauté de vices qui existent entre
eux et lui. Il faut chercher appui dans la puissance
tribunitienne, faire appel aux bons citoyens. Pour moi, j'ai
de ces deux hommes une idée telle, que je ne
confierais pas Césène à l'un, ni
à l'autre les caves des boutiques Cossutiennes. - Je
vous l'ai déjà dit, je vous aime comme ma
prunelle ; je compte vous voir le 3 des kalendes, et,
fût-ce en plein forum, j'irai vous baiser sur les deux
yeux. Aimez-moi. Adieu.
Edition des Lettres de Cicéron - Collection des Auteurs latins de Nisard, in Oeuvres complètes de Cicéron, tome V, Paris, Firmin-Didot (1869) - Traduction de M. Defresne