1. L'édifice
    1. Le théâtre grec
    2. Le théâtre d'Asie mineure
    3. Le théâtre romain
    4. La question du logeion

  2. Les représentations
    1. Grèce
    2. Rome

Le théâtre d'Asie mineure

Jusqu'en ces dernières années on rattachait au type hellénistique, que nous venons de décrire, un certain nombre de théâtres d'Asie Mineure : Assos, Pergame, Magnésie, Tralles, Ephèse, Priène, Termessos, Sagalassos, Pergé, Sidé, Aspendos, Aizani, etc. Mais une comparaison plus précise a révélé entre ces édifices et ceux du type hellénistique des différences essentielles. Il paraît aujourd'hui plus logique de les considérer, avec M. Dörpfeld, comme un type particulier, formant la transition entre le théâtre grec et le théatre romain. A ce titre ils méritent une étude spéciale. Malheureusement, les théatres d'Asie Mineure sont encore bien peu connus. Nous décrirons ici l'un des mieux conservés et des plus typiques : le théâtre de Termessos, en Pisidie.

  1. Le théâtre de Termessos

    Une grande partie de l'édifice est encore debout. Il était bâti sur une pente fortement déclive. Sa cavea (66 m. de diamètre) forme plus d'un demi-cercle et est divisée en deux étages par une praecinctio. L'étage supérieur n'a que 8 gradins desservis par 10 escaliers, tandis que l'inférieur en compte 18 avec 6 escaliers. A ce total de 26 gradins il faut ajouter une rangée de banquettes indépendantes à dossiers, placée au bas de la praecinctio. Celle-ci forme un couloir large de 2 m. 40, bordé d'un côté par les dossiers des banquettes, de l'autre par un mur haut de 1m 90. Au sommet de la cavea régnait une galerie couverte, dont le plafond était supporté par des piliers rectangulaires, fermée par un mur du côté extérieur, et ouverte intérieurement. L'entrée principale du public se trouvait tout au haut du théâtre au milieu du mur de clôture extérieure. Là s'ouvrait de plain-pied, sur une des places de la ville, une porte voûtée de 2m. 50 de largeur, flanquée de chaque côté d'un pilastre et de 6 demi-colonnes. Elle donne accès à un escalier monumental (4 m, de largeur au bas) qui, partageant la cavea supérieure en deux parties égales, conduisait directement à la praecinctio et de là aux gradins inférieurs. Il importe de remarquer qu'étant établi très en contre-bas des 8 gradins supérieurs, cet escalier ne les desservait pas. Et comme, d'autre part, le mur qui enveloppe la praecinctio empêchait toute communication entre les deux étages par le moyen des escaliers rayonnants, il faut admettre qu'on accédait à ces gradins d'en haut par des portes spéciales pratiquées dans l'enceinte extérieure. Entre la scène et les murs de façade de la cavea s'ouvraient primitivement deux passages latéraux (parodoi), par où l'on pénétrait dans l'orchestra. Mais, à une époque postérieure, l'aile sud de la mien ayant été prolongée, on convertit, de ce côté, le passage découvert en un couloir voûté, au-dessus duquel fut établie une loge d'avant-scène (tribunal). - L'orchestra, qui forme également plus d'un demi-cercle, était séparée des gradins par une balustrade haute de 1 m. 20 ; entre celle-ci et le premier gradin courait un passage libre d'environ 0 m. 80 de large. - Le bâtiment de la scène était, comme on l'a vu, originairement indépendant. Il mesure intérieurement 3 m. 60 de largeur sur 29 m. 40 de longueur. Ses murs sont conservés en partie jusqu'à une hauteur de 9 mètres, en sorte qu'on peut encore reconstituer l'aspect de la frons scaenae.
  2. Percée de cinq portes, elle n'avait qu'un seul ordre de colonnes en marbre blanc, les unes unies, les autres cannelées en spirale, de style composite et corinthien, hautes de 5 m. 83 (entablement non compris). Ces colonnes se dressaient sur quatre piédestaux placés entre les cinq portes, égaux en hauteur (1 m. 20) et en saillie (1 m 35), mais de longueur très inégale. Les deux qui entourent la porte centrale ont, en effet, 6 m. 11 de longueur et portent chacun quatre colonnes espacées ; les deux autres, qui n'ont que 1 m. 45, portent chacun une colonne et par derrière un pilastre.

    Au-dessus de la porte centrale l'entablement forme une ligne courbe concave, et au-dessus des autres portes une ligne brisée. Le proskènion mesure 4 mètres de profondeur et est limité, à ses deux extrémités, par des paraskènia, c'est-à-dire par deux murs, construits en pierres de très grandes dimensions, sans autre ornement que deux moulures dans la partie inférieure. Le mur de sous-scène, très bien conservé, présente un revêtement de pierres plates, décorées d'écussons et de panneaux qui imitent le travail de la menuiserie. Le proskènion avait environ 2 m. 15 de hauteur, mais ne dominait cependant que de 1 m. 85 le premier gradin, celui-ci étant lui-même surélevé de 0 m. 60 au-dessus du sol de l'orchestra. On ne saurait déterminer avec précision la date où fut construit le théâtre de Termessos. Mais la simplicité relative de la décoration architecturale du mur de scène, la présence de paraskènia très simples au lieu d'ailes richement décorées, enfin une inscription en l'honneur d'Auguste, tout cela nous reporte aux environs du Ier siècle avant J-C.

  3. Comparaison du théâtre d'Asie Mineure avec les théâtres grec et romain

    Le théâtre d'Asie Mineure constitue, avons-nous dit, un type intermédiaire entre le théètre hellénistique et le théâtre romain. Il se rattache, en effet, au premier par ses dispositions essentielles :

    1. Les théâtres asiatiques sont généralement construits sur la pente d'une colline, et non en terrain plat, comme chez les Romains.

    2. Leur cavea excède presque toujours les proportions d'un demi-cercle.

    3. L'orchestra elle-même dépasse cette mesure.

    4. Les parodoi sont ordinairement des passages ouverts (et non des corridors voûtés, comme dans le théâtre romain), de sorte que la cavea et la skènè forment deux parties indépendantes.
    5. Le bord du proskènion est toujours plus ou moins en arrière du diamètre de l'orchestra (au lieu de coïncider avec ce diamètre, comme dans le plan romain).

    Mais, d'autre part, le théâtre d'Asie Mineure diffère du type grec proprement dit par plusieurs caractères nouveaux :

    1. Par la décoration somptueuse de la frons scaenae. Celle du théâtre de Termessos, qui ne comporte qu'un ordre de colonnes, est une des plus simples. Mais ailleurs elle se compose de deux ordres superposés, que surmontent de riches entablements (Aspendos, Pergè, Aizani). La hauteur de ce mur est, en moyenne, d'une quinzaine de mètres ; les colonnes du premier étage atteignent elles-mêmes 6 à 7 mètres d'élévation, et la porte centrale 3 à 6 mètres.

    2. Par l'aspect architectural de la façade extérieure. A un moindre degré que celle de la frons scaenae, 1a décoration de cette façade est néanmoins, en général, très riche. Citons celle de Pergè, qui a encore plus de 12 mètres de haut : primitivement ornée de colonnes, elle fut transformée plus tard en un nympheum, paré de cinq grandes niches.



      Mais la plus imposante est celle d'Aspendos, haute encore de plus de 23 mètres ; avec ses cinq rangées d'ouvertures superposées, de taille et de forme diverses, dont les encadrements en pierre calcaire se détachent en vigueur sur le fond sombre du mur, elle produit une impression de grandeur et de robustesse.

    3. Par les dimensions et le mode de décoration du proskènion. En ce qui concerne, d'abord, la hauteur, le proskènion des théâtres asiatiques reste sensiblement au-dessous du proskènion hellénistique : 1 m. 60 à Aspendos, 2 m. 45 à Termessos, 2 m. 50 à Patara, 2 m. 70 à Priène, 2 m. 77 à Sagalassos, 2 m. 30 au moins à Magnésie du Méandre, en moyenne donc 8 à 9 pieds. Par contre, le proskènion d'Asie Mineure est en général beaucoup plus profond : 3 m. 60 à Aizani, 4 m. 30 à Termessos, 5 m. 70 à Sagalassos, 5 m 74 à Priène, 7 mètres à Aspendos et à Magnésie du Méandre. Enfin, la face antérieure du proskènion asiatique ne consiste plus en une série de panneaux encadrés par des demi-colonnes : c'est un simple mur en pierre, dénué de tout ornement, ou qui n'a, du moins, que la décoration architectonique ordinaire d'un soubassement. (Termessos, Sagalassos, Telmissos).

    4. Par la différence de niveau entre le sol de l'orchestra et le premier gradin. Dans la plupart des édifices d'Asie Mineure les gradins, en effet, ne descendent pas jusqu'au niveau de l'arène ; ils la dominent de 0 m. 60 à Termessos, de 0 m. 59 à Aspendos, de 1 m. 36 à Patara, de 1 m. 50 à Sagalassos. Grâce à cette disposition, la différence d'élévation entre la scène et les spectateurs les plus bas placés se trouve plus ou moins considérablement réduite.

Article d'Octave Navarre