XXIII - M. Furius Camillus (an de Rome 357 à 363)

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Dans le temps que Furius Camillus assiégeait la ville des Falisques (1), un maître d'école lui amena les enfants des principaux d'entre eux (2). Indigné de cette trahison, il fit lier le traître, et commanda à ses élèves de le reconduire à la ville en le frappant de verges. Les Falisques, touchés de ce grand acte de justice, se rendirent dans l'instant même à ce général. Ce grand homme soumit aussi les Véiens (3) après un siège de dix ans (4), et triompha d'eux sur un char attelé de chevaux blancs (5). Quelque temps après on lui fit un crime de cette innovation, et le tribun du peuple Apuléius, l'accusa d'avoir partagé inégalement le butin. Condamné à l'exil, il se retira dans la ville d'Ardée. Cependant les Gaulois sénonais, qui avaient abandonné leur pays à cause de sa stérilité, étaient venus mettre le siège devant Clusium, ville d'Etrurie (6). Les Romains leur envoyèrent des ambassadeurs pour sommer de se retirer (7). Au mépris du droit des gens, un de ces envoyés marcha avec les Clusiens contre les Gaulois, et tua un de leurs chefs (8). Irrités de cette action, les Gaulois demandèrent que les ambassadeurs leur fussent livrés. Sur le refus des Romains, ils marchèrent vers Rome, et taillèrent en pièces leur armée, auprès de la rivière d'Allia (9), le seize des kalendes du mois d'août. Ce jour fut mis au nombre des jours néfastes, et nommé la journée d'Allia. Après leur victoire, les Gaulois entrèrent dans Rome, où ils trouvèrent les plus illustres et les plus âgés d'entre les sénateurs, assis sur leurs chaises curules, et revêtus des marques de leur dignité. Ils les révérèrent d'abord comme des dieux ; mais, passant bientôt de la vénération au mépris, ils les égorgèrent tous jusqu'au dernier (10). La jeunesse romaine s'était retirée au Capitole avec Manlius. Assiégée par les Gaulois, cette forteresse fut délivrée par Camillus. Ce général, nommé dictateur pendant son absence (11), rassemble les débris de l'année, vaincue à Allia, surprend les Gaulois, et les taille en pièces jusqu'au dernier homme. Délivré de ses ennemis, le peuple romain voulut aller s'établir à Vêies ; mais Camillus lui fit changer de résolution (12). Ainsi, ce sauveur de sa patrie rendit la ville à ses citoyens, et les citoyens à leur ville.


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(1)  Peuples de l'Etrurie. Leur ville capitale se nommait Faléries. Virgile leur donne l'épithète d'aequos, équitables : Hi tescenninas acies, aequosque feliscos. Les Romains empruntèrent quelques-unes de leurs lois pour servir de supplément à celles des dix tables, qui alors furent au nombre de douze.

(2)  Nous ne chercherons point à deviner de quelle espèce d'enseignement ce maître d'école était chargé. Etait-ce des éléments de la langue latine ? mais, au témoignage de Suétone, on ne commença à enseigner la grammaire, en Italie, qu'à l'époque de la seconde guerre punique. Apprenait-il à lire aux enfants ? mais quels étaient les caractères dont les Falisques se servaient ? Ses fonctions avaient-elles pour objet les préceptes de la morale ? mais quel maître pour la jeunesse qu'un méchant qui livre ses élèves à l'ennemi ! N'était-ce qu'un maître de gymnastique, qui bornait ses leçons à ce qui concerne les différents exercices du corps ? c'est probable : mais que le lecteur juge et prononce lui-même.

(3)  Peuple étrusque, dont Véies était la capitale.

(4)  Ce siège n'était autre chose qu'un blocus. «Les soldats romains, dit Florus, jurèrent qu'ils ne quitteraient pas leurs retranchements sans avoir pris la ville».

(5)  Parum id, dit Tite-Live, non civile modo, sed humanum etiam visum. Jovis solisque equis aequiparari dictatorem in religionem trahebant, triumphusque ob eam unam maxime rem clarior quam gratior fuit. Ce fut une chose qui parut aussi indigne d'un homme que d'un citoyen ; on regarda même comme une impiété qu'un dictateur s'égalât à Jupiter et au soleil par la couleur de ses coursiers. Aussi ce triomphe fut-il plus éclatant qu'il ne fut agréable au peuple romain.

(6)  Les manuscrits consultés par Schott, les éditions ad usum, et celles de Pitiscus et de Juncker, disent : Etruriae, Arntzen a lu Italiae dans quelques manuscrits.

(7)  D'anciens manuscrits portent, missi a Romanis tres Fabii, et plusieurs autres, missi Roma tres Fabii. Ces deux leçons sont conformes au récit de Tite-Live. J'ai suivi les éditions ad usum, de Pitiscus et de Leipsik.

(8)  J'ai traduit ducem Senonum par l'article indéfini un, suivi de ces deux mots en français, parce que Brennus était le général en chef des Gaulois, et que ce n'est pas lui qui fut tué.

(9)  Ce fleuve est éloigné de Rome de douze milles, environ cinq lieues ; il prend sa source dans les montagnes des Crustuminiens, branche de l'Apennin, et se jette dans le Tibre. Cette défaite arriva le 16 des kalendes du mois d'août, ou le 17 juillet.

(10)  Ce massacre commença par celui de Papirius Cursor qui, de son bâton d'ivoire, avait frappé un Gaulois qui lui prenait la barbe.

(11)  Il fut nommé à cette dignité par Céditius, et du consentement de tous les sénateurs qui s'étaient retirés dans la citadelle.

(12)  Il prouva aux Romains, par un discours éloquent, qu'ils ne devaient pas abandonner une ville qui avait subsisté pendant trois cent soixante et un ans, pour un établissement dont la durée était incertaine ; et pour déterminer le peuple : «Porte-enseigne, s'écria-t-il, plante ici ton enseigne ; nous y serons fort bien, signifer, statue signum, hic optime manebimus.