XXIV - M. Manlius Capitolinus (an de Rome 363 à 370) | | | |
Manlius, qui, pour avoir défendu le Capitole, fut surnommé Capitolinus (1), n'avait que seize ans lorsqu'il entra dans l'armée en qualité de volontaire. A peine dix-sept ans s'étaient écoulés depuis cette époque, qu'il avait déjà reçu de ses chefs trente-sept récompenses militaires, et montrait sur son corps les cicatrices de trente-trois blessures. Lorsque les Gaulois se rendirent maîtres de la ville de Rome, ce fut lui qui donna à la jeunesse romaine le conseil de se retirer au Capitole. Une nuit que les ennemis tentaient d'escalader cette forteresse, averti de leurs efforts par le cri des oies, il les précipita en bas des rochers. Pour le récompenser de cet exploit, ses concitoyens lui donnèrent le titre de patron (2), une provision de blé (3) et une maison sur le Capitole. Tant d'honneur l'enfla d'orgueil : il osa accuser le sénat d'avoir détourné à son profit l'or des Gaulois (4), pendant qu'il payait lui-même, de ses deniers, les dettes des débiteurs condamnés à être les esclaves de leurs créanciers. Cette conduite le faisant soupçonner d'aspirer à la royauté, il fut mis en prison ; mais il en sortit par le voeu du peuple. Comme il persévérait dans la même conduite, et faisait naître de plus graves soupçons qu'auparavant, il fut accusé une deuxième fois. La vue du Capitole (5) fut cause qu'il ne fut d'abord ni condamné, ni absous (6). Condamné peu après dans un endroit (7) d'où cette forteresse ne pouvait être aperçue, il fut précipité de la roche Tarpéienne. Sa maison fut rasée, ses biens confisqués, et sa famille abjura son surnom, de peur qu'à l'avenir aucun de ses membres ne prît celui de Capitolinus (8).
| (1) La famille Manlia portait le surnom de Capitolina avant que Manlius eût chassé les Gaulois du Capitole, parce qu'elle demeurait sur cette colline. Après la condamnation de Manlius, on defendit par un décret, à tout patricien, de fixer son séjour dans cet endroit. Plut. Vie de Camille.
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| (2) Presque toutes les grandes familles de Rome prenaient sous leur protection un certain nombre de plébéiens, qu'elles nommaient clients. Les protecteurs prenaient le titre de patrons. Le patronnage et la clientèle étaient une des belles institutions de Rome.
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| (3) Chaque citoyen donna à Manlius ce qu'il put de blé et de vin. Dans une circonstance où tous étaient plus ou moins dans le besoin de ces objets, ce présent était le plus touchant témoignage de la reconnaissance des Romains envers leur libérateur.
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| (4) On trouve dans plusieurs éditions, cum a senatu suppressisse gallicos thesauros argueretur, leçon qui offre un sens contraire à celui des historiens. Gruter et madame Dacier pensent qu'il faut lire, cum senatum suppressisse gallicos thesauro argueret. C'est la leçon d'Arntzen.
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| (5) Nous avons préféré ob conspectum à a conspectu conformément à plusieurs manuscrits et imprimés consultés par Gruter.
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| (6) C'est le sens d'ampliatus est. Ampliare est un terme de droit qui signifie proprement, remettre une affaire à un plus ample informé.
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| (7) Dans le champ Viminal, hors de la porte Flumentane, ainsi appelée, parce que le Tibre coulait auprès.
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| (8) Il y a ici une difficulté qui embarrasse les critiques. Est-ce le prénom de Marcus, ou le surnom de Capitolinus, que la famille Manlia abjura. Schott veut que ce soit le prénom, parce que, dans la suite, on ne trouve plus Manlius précédé de Marcus, et qu'au contraire on trouve encore plusieurs fois Manlius Capitolinus. Gruter a vu dans un manuscrit cognomine juravit, ne, etc.; leçon insignifiante. Arntzen prétend que Victor a bien pu écrire cognomen au lieu de praenomen, ce qui aura engagé un glossateur peu instruit à ajouter les mots, ne quis postea Capitolinus vocaretur. Au reste, il est certain que le prénom de Marcus fut rejeté par la famille patricienne Manlia, et conservé par la plébéienne du même nom. C'est le sentiment de Spanheim, dans son livre de prast. numism. diss.10.
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