L - P. Scipion l'Africain (an de Rome 517 à 568)

Chapitre 49SommaireChapitre 51

P. Scipion, surnommé l'Africain (1) à cause de ses exploits en Afrique, passait pour fils de Jupiter, parce qu'un serpent avait paru dans le lit de sa mère avant qu'elle le conçût, et que pendant son enfance un dragon l'avait entouré un jour de ses plis sans lui faire aucun mal. Lorsqu'il se rendait au Capitole pendant la nuit, les chiens qui gardaient ce temple n'aboyaient point contre lui. Il ne formait aucune entreprise sans être resté fort longtemps assis dans l'enceinte (2), où était placée la statue de Jupiter, comme s'il eût reçu alors une inspiration divine. A l'âge de dix-huit ans il sauva, par des prodiges de valeur, la vie à son père, au combat du Tésin. Après la bataille de Cannes, les jeunes Romains des plus illustres familles avaient pris la résolution d'abandonner l'Italie ; de sa propre autorité il les retint sous les drapeaux. Ensuite, ayant ramassé les débris de l'armée romaine, il les fit passer au travers du camp ennemi, et les conduisit à Canouse. Ayant été envoyé en Espagne en qualité de préteur à l'âge de vingt-quatre ans, il se rendit maître de la nouvelle Carthage, le jour même de son arrivée devant cette place. Pendant le pillage ses soldats trouvèrent une jeune fille d'une si grande beauté, que tout le monde accourait pour la voir. Il défendit qu'on la lui amenât, et la fit rendre à son père, et au jeune homme qu'elle devait épouser. Après la conquête de Carthage-la-Neuve, il chassa d'Espagne Asdrubal et Magon, frères d'Annibal, et conclut un traité d'alliance avec Syphax (roi de Mauritanie) et Masinissa (roi de Numidie). Après ses victoires il revint à Rome, et fut élu consul avant l'âge requis par les lois (3). Peu de temps après, du consentement de son collègue, il passa en Afrique avec une flotte nombreuse. D'abord, et dans une seule nuit, il força le camp d'Asdrubal et celui de Syphax. Cet exploit fut bientôt suivi de la défaite d'Annibal, qui venait d'être rappelé d'Italie, ainsi que de la soumission des Carthaginois à toutes les conditions qu'il lui plut de leur imposer. Après tant d'exploits cet illustre Romain voulut bien servir dans la guerre contre Antiochus, comme simple lieutenant de son frère. Antiochus lui rendit, sans exiger de rançon, son fils qui avait été fait prisonnier. A son retour à Rome il fut accusé de concussion par les Pétiliens et par Naevius (4), tribuns du peuple. Au lieu de répondre à cette accusation, il déchira, en présence du peuple, l'état des comptes qu'on lui demandait, en disant : «Ce fut à pareil jour que je vainquis Carthage : c'est une bonne action ; allons au Capitole en rendre grâces aux dieux». Après cet acte de religion, il se condamna lui-même à un exil qui dura jusqu'à sa mort. Sur le point de mourir, il pria sa femme de ne pas faire transporter son corps à Rome.

Scipion l'Africain


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(1)  Scipion l'Africain est le premier Romain qui ait revu un surnom du nom d'une province conquise par ses armes.

(2)  Le mot cella ne signifie point cet endroit reculé d'un temple, que nous nommons sanctuaire. Chez les anciens, la statue du dieu à qui le temple était dédié, était placée au milieu, dans un endroit un peu élevé et entouré d'une balustrade. Ce mot, qui dérive du grec, signifie la même chose que septum ovium, un parc de brebis.

(3)  Il fallait être âgé de quarante-deux ans pour être consul, et Scipion n'en avait que trente.

(4)  Arntzen écrit a Petilio acteo ; madame Dacier, Pitiscus et Juncker, a Petiliis ac Naevio. Ni le premier, ni les autres ne sont guère assurés de la bonté de la leçon qu'ils ont adoptée. Tite-Live lui-même est dans le doute au sujet des accusateurs de Scipion. Voici ses paroles, L 38, ch. 50 : P. Scipioni Africano, ut Valerius antias auctor est, duo Q. Petillii diem dixerant, et au chap. 56, non de accusatore convenit. Alii Naevium, alii Petillios diem dixisse scribunt. C'est pourquoi Aurelius Victor aura écrit a Petilliis, an Naevio, ainsi que le pense madame Dacier.