LIX - Scipion Emilien (an de Rome 585 à 624) | | | |
P. Scipion Emilien, fils de Paul le Macédonique, fut adopté par Scipion l'Africain (1). Faisant la guerre en Macédoine avec son père, il poursuivit Persée après sa défaite avec tant d'opiniâtreté, qu'il ne rentra dans le camp qu'au milieu de la nuit (2). Lorsqu'il servait en Espagne, en qualité de lieutenant de Lucullus, il vainquit, auprès de la ville d'Intercatie, un Barbare qui l'avait provoqué à un combat singulier, et monta le premier sur les murs de cette ville. Tribun légionnaire en Afrique, sous M. Manilius, général de l'armée romaine, il délivra, par sa prudence et sa valeur, huit cohortes (3), cernées par l'ennemi. Ces cohortes reconnaissantes lui décernèrent une couronne obsidionale d'or.
Après son retour à Rome il demanda l'édilité (4) ; mais, au lieu de lui donner cette charge, le peuple s'empressa de le nommer consul, quoiqu'il n'eût pas encore l'âge requis par les lois (5). Revêtu de cette dignité, il passa en Afrique, assiégea la ville de Carthage, et six mois après la détruisit de fond en comble. De là il se rendit en Espagne, où il rétablit d'abord la discipline parmi les troupes (6), et s'empara ensuite par famine de la ville de Numance. Cet exploit lui fit donner le surnom de Numantin. Ami intime de Caïus Laelius, il retira de grands avantages du commerce de cet illustre Romain. Lorsqu'il allait en ambassade vers des rois, il n'était accompagné que de cet ami et de deux esclaves. Dans l'orgueil que lui inspiraient ses exploits, il répondit un jour qu'il lui semblait que Tiberius Gracchus avait été justement mis à mort ; et comme le peuple désapprouvait ces paroles par des cris : «qu'ils se taisent, dit-il, ceux dont l'Italie est la marâtre et non la véritable mère. Je les ai vendus sous la couronne» (7). Le sénat lui ayant donné pour collègue pendant sa censure, Mummius, homme paresseux : «Plût aux dieux, dit-il aux sénateurs, que vous m'eussiez donné un collègue, ou que vous ne m'en eussiez pas donné !» S'étant déclaré contre les partisans de la loi agraire, il fut trouvé mort dans sa maison. On le porta en terre la tête voilée, de peur qu'on ne remarquât sur son visage les traces livides du poison qu'on lui avait donné. Son bien était si modique qu'on ne lui trouva que trente deux livres d'argent (8) et deux livres et demie d'or (9).
| (1) Ce Scipion était fils de celui qui avait vaincu Annibal.
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| (2) Il n'était encore âgé que de dix-sept ans.
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| (3) Une cohorte était de six cents hommes. Il en fallait dix pour une légion, qui dans les derniers temps était de six mille hommes.
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| (4) L'édilité était une charge par laquelle il fallait passer pour arriver aux grandes magistratures. Il y avait à Rome trois sortes d'édiles : 1° Les édiles plébéiens qui étaient nommés par le peuple ; dans plusieurs circonstances ils étaient adjoints aux tribuns, et prenaient soin des édifices sacrés et privés ; 2° les édiles curules ou grands édiles, qui avaient droit de siéger sur une chaise curule : dans les commencements, on ne les choisissait que parmi les sénateurs ; mais dans la suite, on les prit aussi parmi les plébéiens ; ils présidaient aux jeux publics et veillaient aux réparations et à l'embellissement des temples, des théâtres, des portiques et des places publiques ; 3° les édiles céréaux qui présidaient aux approvisionnements de la ville. Le mot édile vient d'aedes.
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| (5) Scipion n'avait alors que trente-sept ans.
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| (6) Il chassa de son armée deux mille courtisanes, et ne laissa pas écouler un seul jour sans l'exercer à quelques travaux.
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| (7) A Rome, on couronnait les esclaves qu'on voulait vendre, après leur avoir coupé les cheveux.
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| (8) Selon M. Paucton, dans sa Métrologie, la livre d'argent, chez les Romains, valait à cette époque 75 1. 12 sous tournois, monnaie de France.
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| (9) A la même époque, la livre d'or valait 907 1. 4 s. monnaie de France. Ainsi l'illustre Scipion ne laissa pour toute fortune, en numéraire, que la somme de 4687 l. 4s.
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