LXVI - Caïus Gracchus (an de Rome 628 à 632)

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Caïus Gracchus, désigné par le sort pour gouverner la Sardaigne en qualité de préteur, abandonna, sans y être autorisé, cette île malsaine avant l'arrivée de son successeur (1). Il fut seul accusé d'être l'auteur de la révolte des habitans d'Asculum (2) et de Frégelle. Etant tribun du peuple, il porta deux lois, dont l'une avait pour objet le partage des terres, et l'autre des distributions de blé aux citoyens de Rome. On envoya, conformément à son avis, des colons dans les villes de Capoue et de Tarente (3). Pour régler le partage des terres, il prit pour adjoint, Fulvius-Flaccus ; mais il rencontra une forte opposition à ses lois de la part de Minucius Rufus, tribun du peuple. Dans cette circonstance, il se rendit au Capitole, suivi d'une foule de citoyens. Antilius officier, chargé de proclamer les ordres (4) du consul Opimius, fut tué dans le tumulte. Gracchus descendit dans le forum, et fut assez imprudent que d'appeler à lui les citoyens assemblés devant Minucius. Pour cette action, assigné à comparaître devant le sénat, il refusa d'obéir, fit prendre les armes à tous ses esclaves, et s'empara du mont Aventin. Vaincu par Opimius, il se réfugia dans le temple de la Lune, d'où il sortit bientôt pour chercher un autre asile. Le saut qu'il fit pour s'échapper lui causa une entorse au talon. Comme des soldats d'Opimius le poursuivaient, Pomponius, son ami, et P. Letorius les arrêtèrent, l'un vers la porte des Trois Jumeaux, l'autre vers le pont Sublicius, et lui donnèrent le temps de se retirer dans un petit bois, consacré à la déesse Furina (5). Ce fut là qu'il périt ou de sa propre main, ou de celle de son esclave Euphorus. On rapporte que son ami Septimuleïus (6), pour satisfaire son avarice, remplit sa tête de plomb, et la vendit à Opimius au poids de l'or.


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(1)  Les lois défendaient à un gouverneur de province d'abandonner son poste avant l'arrivée de son successeur.

(2)  Les habitants de cette ville, située dans le Picenum, et dont le nom s'est conservé dans Ascoli, s'étaient joints, comme ceux de Frégelle, aux autres peuples, soulevés contre les Romains pendant la guerre sociale.

(3)  Le dessein de ce factieux était de remplir l'Italie et les provinces d'hommes dévoués à ses intérêts.

(4)  Cet officier est nommé praeco dans le texte, un héraut. Ce mot vient de praecinendo.

(5)  On ignore l'origine de cette déesse. On célébrait chaque année une fête en son honneur, et un flamine présidait à son culte. A peine son nom était-il connu du temps de Varron ; il vient de fur. C'était la déesse des voleurs.

(6)  Suivant Pline et Valère Maxime, Septimuleïus était l'ami de Gracchus ; et, suivant Plutarque, celui d'Opimius.