LXXVIII - Le grand Pompée (an de Rome 670 à 705)

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Cn. Pompeius Magnus embrassa le parti de Sylla pendant la guerre civile, et rendit à ce général de si grands services (1), qu'il gagna entièrement son amitié. Sans tirer l'épée, il reconquit la Sicile, qui était au pouvoir des proscrits (2). Quelque temps après il enleva la Numidie à Hiarbas, et la rendit à Masinissa (3). Il fut honoré du triomphe en récompense de cet exploit, quoiqu'il ne fût alors âgé que de vingt-six ans. Il n'était encore que simple particulier, lorsqu'il obligea de sortir de l'Italie le consul Lepidus, qui voulait abolir les ordonnances de Sylla. Envoyé en Espagne en qualité de préteur et à la place des consuls, il vainquit Sertorius (4). A cette expédition succéda la guerre contre les pirates. Il les extermina dans l'espace de quarante jours. Envoyé en Asie, il força Tigrane à se soumettre, et réduisit Mithridate à prendre du poison. Ensuite, par un bonheur étonnant et par la seule terreur de son nom, il pénétra chez les Albanais, les Colques (5), les Hénioques, les Caspiens (6), les Ibères (7), tous peuples du Nord ; et dans l'Orient, chez les Parthes, les Arabes et les Juifs. Il fut le premier Romain qui s'avanca jusque sur les bords de la mer d'Hircanie (8), de la mer Rouge et de celle d'Arabie. Lorsque l'empire de l'univers fut partagé, Crassus obtint la Syrie ; César, la Gaule, et Pompée, la ville de Rome (9). Après la mort tragique de Crassus, il fit donner à César l'ordre de renvoyer son armée. Forcé d'abord de sortir de Rome à l'arrivée de ce général (10), qui se déclarait son ennemi, et peu après vaincu à Pharsale, il s'enfuit auprès de Ptolémée, roi d'Alexandrie, qui le fit mourir par le conseil d'Achillas et de Pothin, ses ministres. Septimius officier dans les troupes de ce prince, exécuta cet ordre, en lui perçant le flanc de son épée, sous les yeux mêmes de sa femme et de ses enfants. Après sa mort on lui trancha la tête avec un glaive ; ce qui n'avait pas encore été pratiqué jusqu'alors (11). Le reste de son corps, abandonné sur les bords du Nil, fut brûlé par Servius Codrus, et ses cendres enfermées dans un tombeau par ce même Codrus, qui y grava cette inscription : «Ici repose le grand Pompée» (12). Achillas, ayant enveloppé sa tête d'un voile égyptien, la présenta à César avec son anneau. César ne put s'empêcher de verser des larmes à ce triste spectacle, et la fit brûler avec une grande quantité de parfums des plus précieux.

Pompée
Palazzo Spada, Rome


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(1)  Pompée avait été cause de la mort de Cinna et de celle de Carbon, ennemis irréconciliables de Sylla.

(2)  Les proscrits étaient les citoyens les plus distingués de Rome, qui s'étaient retirés en Sicile pour se soustraire à la cruauté de Sylla. Aussitôt qu'ils apprirent que Pompée s'approchait à la tête d'une armée, ils se rendirent volontairement à lui.

(3)  Il faudrait lire Hiempsal et non Masinissa. Voyez Plutarque, Vie de Pompée ; et Salluste, Fragm. hist. liv.I

(4)  Ce grand général, partisan de Marius, et l'ennemi de Sylla, après avoir battu plusieurs fois les armées romaines, envoyées contre lui, fut tué dans un repas par ses propres soldats.

(5)  Ces peuples habitaient les pays situés entre le Pont-Euxin et la mer Caspienne, aujourd'hui les Mingréliens, les Géorgiens et les Circassiens.

(6)  Ces peuples habitaient sur les bords de la mer Caspienne.

(7)  Habitants du Mont-Taurus.

(8)  Autrement la mer Caspienne.

(9)  Par le mot urbem il faut entendre ici non seulement Rome, mais de plus l'Italie jusqu'aux frontières de la gaule Cisalpine. Pompée eut encore l'Espagne pour son partage ; mais il la gouverna par Afranius et Petreius.

(10)  César avait passé le Rubicon, ruisseau qui servait de limites entre l'Italie et la province de la Gaule. Il se nomme aujourd'hui Fiumesino.

(11)  On ne s'était pas encore servi du glaive pour une pareille exécution, mais de la hache. Ce ne fut que sous les empereurs que cet instrument de mort fut mis en usage.

(12)  On lit seulement Magnus dans le texte latin, comme si Pompée n'eût été appelé que de ce surnom.