Symboles du pouvoir royal

L'enluminure qui représente cette assemblée de 1225 est donc intéressante à double titre :

• D'abord elle n'a pas été commanditée par la monarchie, puisqu'elle évoque un fait que le manuscrit de Poblet, à peu près contemporain du Llibre verd, occulte de son côté. C'est le Consell de Cent de la cité de Barcelone qui fait ici collationner tous les privilèges qui lui ont été accordés depuis l'année 1025. En illustrant l'assemblée de Tortosa, il insiste sur les limites du pouvoir royal, et l'obligation qu'a ce dernier de tenir compte de l'avis (et du soutien financier) des trois ordres (braços) qui composent la Cort : noblesse, clergé et gens des villes. Cette enluminure est donc une réponse à celles de la monarchie : certes, le roi trône en hauteur, certes il porte la couronne et le sceptre, mais il doit discuter avec les gens qui l'entourent et qui argumentent en comptant sur leurs doigts ou qui approuvent en levant la main.
  
  
• D'autre part, l'image permet de poser à nouveau le problème de la représentation réaliste d'un personnage un siècle après l'événement qu'elle est censée illustrer. Le roi qui trône ici n'a rien du jouvenceau qui en 1225 se lançait dans l'aventure. Si nous devions formuler une hypothèse, nous dirions qu'il a problablement plutôt l'allure de Pere IV le Cérémonieux, le souverain régnant à l'époque de fabrication du premier tome du Llibre verd. Nous aurons l'occasion de donner un autre exemple de cette superposition de personnages sur les enluminures à propos de Jaume III de Majorque.