Chapitre 58 |
Le roi, entendant ces choses merveilleuses et voyant la bonne
volonté de son armée, leva les yeux au ciel et dit
: «Seigneur, c'est en votre honneur et pour vous servir
que j'entreprends ce voyage ; je me recommande à vous,
moi et les miens.» Et il ajouta : «Eh bien ! puisque
Dieu le veut et que vous le voulez, partons, sous la garde et
avec la grâce de Dieu, de madame sainte Marie et de toute
la cour céleste, et allons en Sicile.» Et tous
s'écrièrent : Aur ! aur ! (1). Et ils
s'agenouillèrent et chantèrent à haute voix
le Salve Regina.
Cette même nuit on expédia les deux barques pour
la Sicile avec cette bonne nouvelle. Le lendemain, le roi fit
tout embarquer, hommes, chevaux et tout ce qui était
à terre ; et le dernier qui s'embarqua ce fut lui. Quand
l'embarquement fut terminé, ce qui fut l'affaire de trois
jours, les deux autres barques siciliennes armées s'en
retournèrent, pour dire qu'elles avaient vu le roi
d'Aragon mettre à la voile. Que Dieu nous envoie un
contentement pareil à celui que l'on éprouva en
Sicile à l'arrivée de cette nouvelle ! Mais
laissons le roi faisant bonne route pour la Sicile et parlons
des Sarrazins d'Alcoyll
(2).
(1) Cri des
arabes adopté par les almogavares et par ceux qui
grossissaient leurs rangs. C'est, comme je l'ai
déjà dit, le huzza des Anglais et le houra
des peuples du nord. |
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(2) Ces
mêmes faits sont racontés avec moins de
détails, mais aussi d'une manière plus
impartiale, dans la chronique catalane de Bernat
Desclot. |