La mort de Paris n'est pas racontée par les auteurs tardo-latins et médiévaux de façon uniforme. Darès le fait tuer par Ajax le grand, qui pourtant est blessé lui-même par Pâris, et les deux héros périssent presque simultanément (mais Ajax paraît renaître pour ses imitateurs, pour rivaliser avec Ulysse à propos du Palladium ; tandis que Dictys et le chroniste byzantin Johannes Malalas, comme Quintus de Smyrne, le font tuer par Philoctète, qui accepte son défi à coup de flèches. A la mort de Pâris succède celle de sa première femme, Oenone, qui avait refusé de soigner ses blessures et qui se tue en se pendant. Il faut remarquer que Guido ne parle pas d'Oenone, ni Benoît : peut-être ont-ils voulu donner à Hélène une importance plus grande qu'à l'ancienne amante de Pâris.


Darès le Phrygien - De excidio urbis Troiae, 35

[35] Deinde concilium conuocat : Argiuos alloquitur ; placet omnibus ut quid faciendo opus sit Dii consulantur. Mittunt continuo qui consulere debeant : qui responsum accipiunt, per Achillis progeniem finem negotii fieri. Cum haec nuntii retulissent, Aiax ait : cum Achilli filius Neoptolemus supersit, eum oportere accersiri ad exercitum, ut patrem suum ulciscatur : tandemque placet Agamemnoni et omnibus consilium. Datur negotium Menelao : hic Scyrum proficiscitur ad Lycomedem auum eius : imperat ut nepotem suum mittat. Quod Lycomedes Argiuis libenter concessit. Postquam induciae exierunt, Agamemnon exercitum eduxit, instruit, hortatur. Contra Troiani prodeunt : praelium committitur. In prima acie Aiax uersatur, clamore magno orto. Multi ex utraque parte cadunt. Alexander arcum tenens, multos interficit, Aiacis latus nudum figit. Aiax saucius per hostes persequi Alexandrum coepit : nec destitit, nisi prosterneret. Aiax fessus uulnere in castra refertur. Sagitta exemta statim moritur. Alexandri corpus ad urbem refertur. Alexandro occiso, Diomedes magno animo in hostes impressionem facit. Phryges fessi in urbem confugiunt, quos Diomedes usque in urbem persequitur. Agamemnon exercitum circa oppidum ducit, et tota nocte circa murum obsidet, et curat ut alternis uicibus diligenter uigilias agant. Postera die Priamus Alexandrum in oppido sepelit, quem magno ululatu Helena prosecuta est, quoniam ab eo honorifice tractata sit. Quam Priamus et Hecuba ut filiam aspexerunt, et diligenter curauere, quod nunquam despexisset Troianos, et Argiuos desiderasset.

Ces tristes cérémonies achevées, Agamemnon assembla son conseil, et lui adressa un discours à la fin duquel on décida à l'unanimité que les dieux seraient consultés sur le parti que l'on aurait à prendre. L'oracle répondit à ceux qui avaient été chargée de cette mission que la guerre ne serait heureusement terminée que par le fils d'Achille. Lorsqu'à leur retour, ils eurent publié cette réponse, Ajax dit au conseil que puisque Néoptolème était le fils d'Achille, on devait le faire venir à l'armée, pour qu'il tirât vengeance de la mort de son père. Cet avis ayant été adopté par Agamemnon et les autres chefs, Ménélas fut chargé de se rendre aussitôt dans l'île de Scyros, auprès du roi Lycomède, aïeul de Néoptolème, pour l'engager à laisser partir ce jeune prince pour l'armée. Lycomède consentit à cette demande, et le fils d'Achille partit avec Ménélas pour la Phrygie. Le terme de la trêve étant venu, les deux armées recommencent à se battre. Ajax se place à la tête des Grecs et pousse de grands cris. Un grand nombre de guerriers tombent bientôt sur le champ de bataille. Alexandre, armé d'un arc, donne la mort à plusieurs ennemis, et fait à Ajax une blessure dans le flanc. Tout blessé qu'il est, Ajax le poursuit au milieu des Troyens, et ne s'arrête qu'après l'avoir étendu mort. Après cet exploit, ne pouvant plus se soutenir, il se fait transporter dans le camp, où il meurt presque aussitôt que le trait a été retiré de sa blessure. Le cadavre d'Alexandre est porté dans la ville. Aussitôt après la mort de ce prince, Diomède se précipita sur les Troyens déjà fatigués, les mit en fuite et les poursuivit jusqu'au pied de leurs remparts. Agamemnon le suivit avec le reste de l'armée qu'il fit camper pendant la nuit autour de la ville, et donna l'ordre à une partie de ses troupes de veiller avec la plus grande attention, en attendant que l'autre prit sa place. Le jour suivant, le roi Priam fit inhumer Alexandre dans la ville. Hélène n'assista pas à ses funérailles sans donner des marques de la plus vive douleur. En effet, il l'avait toujours traitée d'une manière convenable. De leur côté, Priam et Hécube n'avaient jamais cessé de la regarder comme leur propre fille, ni d'avoir pour elle les égards qu'elle méritait, pour n'avoir ni méprisé les Troyens ni regretté les Grecs.


Dictys de Grèce - Ephemerides belli Troiani, IV, 19

Tunc Philocteta progressus aduersus Alexandrum lacessit, si auderet, sagittario certamine. Ita concessu utriusque partis Ulisses atque Deiphobus spatium certaminis definiunt. Igitur primus Alexander incassum sagittam contendit, dein Philocteta insecutus sinistram manum hosti transfigit, reclamanti per dolorem dextrum oculum perforat, ac iam fugientem tertio consecutus uulnere per utrumque pedem traiicit, fatigatumque ad postremum interficit : quippe Herculis armatus sagittis, quae infectae hydrae sanguine, haud sine exitio corpori figebantur.

Philoctète s'avance, et provoque Alexandre, qui lui était opposé, à un combat singulier. Ils ne devaient se servir que de l'arc. Du consentement des deux partis, Ulysse et Déiphobe déterminent l'espace nécessaire aux deux combattants. Alexandre, le premier, décocha sa flèche sans aucun succès. Philoctète fut plus heureux, et perça la main gauche de son adversaire. Celui-ci pousse un cri de douleur ; aussitôt un second trait, lancé de la main du héros, lui crève l'oeil droit. Un troisième trait lui perce les deux pieds ; il tombe à terre sans connaissance, et est achevé par Philoctète. Les flèches d'Hercule, trempées dans le sang de l'hydre de Lerne, faisaient des blessures aussi sûres que mortelles.

IV, 21 - Interim Alexandri funus per partem aliam portae ad Oenonem, quae ei ante Helenae raptum nupserat, necessarii sui uti sepeliretur perferunt. Sed fertur Oenonem uiso cadauere Alexandri, adeo commotam, uti amissa mente obstupefieret, ac paullatim per maerorem deficiente animo, concideret. Atque ita uno eodem funere cum Alexandro contegitur.

Cependant les parents et les amis d'Alexandre font sortir de la ville, par la porte opposée, le corps de ce prince pour le conduire à OEnone, qui lui avait été donnée en mariage avant l'enlèvement d'Hélène, afin qu'elle lui rendît les honneurs de la sépulture. On dit que cette princesse, à la vue du corps de son ancien époux, fut si émue, qu'elle perdit d'abord connaissance, et mourut ensuite de douleur. Ses restes et ceux d'Alexandre furent enfermés dans le même tombeau.


Johannes Malalas, Chronique, V, 110

Ulysse, dans le discours aux Grecs contre Ajax par lequel il revendique le droit d'obtenir le Palladium, évoque aussi le duel entre Pâris et Philoctète.

« Et c'est à moi aussi que vous devez la mort de Pâris [...] J'ai persuadé le héros Philoctète de défier Paris dans un duel à l'arc. Et tout de suite, Philoctète sortant parmi les rois, défie Pâris dans un duel à l'arc. A ces mots, Pâris s'élança lui aussi avec son arc, accompagné de Déiphobe, son frère. Je sortis alors moi aussi des lignes, et leur mesurai l'espace où devait se dérouler le duel. Ils tirèerent au sort : c'est à Pâris qu'il échut de tirer le premier : mais il manque son coup. Je criai à Philoctète : « Courage ! », et Philoctète tira à son tour. Il transperce la main gauche de Pâris, et juste après, d'un second tir il transperça son oeil droit. Lorsque Pâris, gémissant, se retourna, d'une autre flèche il cloue ses pieds sur ses chevilles : Pâris tombe à terre, et tous s'enfuient en traiînant son corps ; une fois entré dans la ville il fit appeler les trois enfants qu'il avait eus d'Hélène, Bunime, Corytée et Idée. Et les voyant si petits, il resta sans voix et mourut pendant la nuit. Sa première femme, OEnone, se pendit. Hélène l'épousa Déiphobe, l'autre fils de Priam, qui, comme vous le savez tous, fut torturé par Ménélas ».


Guido delle Colonne - Historia destructionis Trojae, XXVII

Item Paris multos ex Grecis vulnerat et multos occidit ex eis. Tunc ille Aiax in gentem Paridis irruit ense suo... Verum Paris hoc sustinere non valens tenso fortissimo arcu suo in Aiacem quandam sagittam venenatam emisit, cum qua letaliter ipsum inter splen percussit et costas, sic quod Aiax bene persensit quod erat ex eo vulnere infallibiliter moriturus. Ante ergo quam moriendo deficiat, querit Paridem inter turmas, Paridem invenit, et se coniungit eidem, et dicxit ei : « Paris, Paris, tu me in ictu sagitte tue crudeliter peremisti, sed antequam mortuus descendam ad inferos, tu eris michi previus et precursor. Necesse enim erat ut ab iniusto amore Helene, pro qua sunt tot nobiles interempti, illico separeris ». Et statim ense suo sic ipsum letaliter percussit in facie quod maxillas eius geminas divisit in partes et a cerebro separavit. Et confestim cecidit mortuus inter pedes equorum. Et Aiax non longe progressus mortuus expiravit... Eadem vero nocte corpore Paridis in regiam patris sui in multarumm lacrimarum effusione deducto, planctus fit maximus inter cives... et specialiter ipsius Helene que frere mortua plus quam viginti vicibus nocte illa a corpore Paridis fuit abstracta, cupiens mori cum mortuo et amplius vivere non affectans. Adeo quod rex Priamus et Heccuba in tantum sunt in anxietatis Helene excedenti dolore mirati quod, quasi dolorum propriorum obliti, dolores eorum a doloribus Helene anxiosa fomenta trahebant. Et cum viderint Helenam ob mortem Paridis tantis doloribus cruciari, ipsama caram de cetero plus quam filiam habuerunt. Quid ultra ? paratur Paridi in templo Iunonis preciosa nimium sepultura, cuius forma et serie in narrandi modo postpositis. Corpus Paridis in ea reconditum extitit et humatum.


Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.
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