Ces notes se contentent de compléter, avec ce que disent les écrivains tardo-latins, byzantins et médiévaux, la contribution d'Agnès Vinas sur Palamède classique. Mais, comme vous le verrez, ces nouveautés sont importantes.

1. Portrait de Palamède

Les portraits qu'ont fait nos auteurs de Palamède ne gardent rien de la science que les anciens lui reconnaissaient ni des inventions qu’on lui attribuait ; ils ne signalent pas non plus l'injustice de son procès et de sa mort, comme l'avaient fait les auteurs classiques.

Daretis de excidio Troiae, 13

Palamedem gracilem, longum, sapientem, animo magnum, blandum.

Palamède était grêle, élancé, sage, magnanime, complaisant.

Josephus Iscanus, Daretis Ylias, IV 142-3

Palamedes
Naupliaden tenui progressum corpore, lenem,
Magnanimum prudens animi moderatur honestas.

Benoît de S.M., Roman de Troie en prose, 71

Palamedès fu grailles et bien tailliés et de belle forme, et sur tout desiroit seignorie et honor.

Guido de Columnis, Historia destructionis Troiae, 8

Palamides autem, filius regis Nauli, forma pulcherrimus, longus et gracilis sed moderata fuit proceritate distensus, animosus ad prelia, affabilis, tractabilis, urbanus et multa dona diffundens.

2. L’expédition. La première ambassade

Darès et ses épigones Benoît et Guido paraissent remarquer son arrivée tardive, tandis que Dictys et, indirectement, Malalas affirment au contraire qu’il prit part à la guerre dès le début et le font participer à la première ambassade. Mais il avait le premier consolé Ménélas pour l’enlèvement d’Hélène. Et tous s'accordent sur son habileté militaire.

Dares, 18-19, passim

Dum Agamemnon consulit de tota re, ex Cormo aduenit Nauplii filius Palamedes, cum nauibus triginta : ille se excusauit, morbo affectum Athenas uenire non potuisse : qui aduenerit, cum primum potuerit. Gratias agunt rogantque eum in consilio esse [...]

Pendant qu'Agamemnon et son conseil délibéraient à Ténédos, Palamède, fils de Nauplius, arriva de Cormus avec trente vaisseaux. Une maladie l'avait empêché de se rendre à Athènes; mais aussitôt qu'elle le lui avait permis, il s'était mis en mer. Les chefs de l'armée reçurent cette excuse, le remercièrent, et le prièrent d'entrer dans le conseil.

Deinde cum Argiuis non constaret, exeundum ad Troiam clam noctu an interdiu foret, Palamedes suadet et rationem addit, luce ad Troiam excensionem fieri oportere, et manum hostium deduci. Itaque omnes ei assentiunt : consulto Agamemnonem praeficiunt.

Comme les Grecs étaient incertains s'ils débarqueraient de nuit ou de jour sur le rivage troyen, Palamède leur prouva par de bonnes raisons que leur descente devait se faire pendant le jour, et qu'il fallait attirer dans la plaine l'armée ennemie. Tous les chefs approuvent cet avis, et chargent Agamemnon d'en diriger l'exécution.

Dictys, Ephemerides belli Troiani, passim

[1,1] Conuenere autem Clymenae et Nauplii Palamedes, et Oeax, dicti Creteidae.

Entre les princes présents au partage, on distinguait Palamède, fils de Clymène et de Nauplius, et Oeax, appelés Crétéides.

[1,4] Quibus cognitis Menelaus, etsi abstractio coniugis animum permouerat, multo amplius tamen ob iniuriam adfinium, quas supra memorauimus, consternabatur. At ubi animaduertit Palamedes regem, ira atque indignatione stupefactum, concilio excidisse, ipse naues parat atque omni instrumento compositas terrae applicat. Dein pro tempore regem breuiter consolatus, positis etiam ex diuisione, quae in tali negotio tempus patiebatur, nauem ascendere facit : atque ita uentis ex sententia flantibus, paucis diebus Spartam peruenere. Eo iam Agamemnon et Nestor omnesque qui ex origine Pelopis in Graecia regnabant cognitis rebus confluxerant. Igitur postquam Menelaum aduenisse sciunt in unum coeunt. Et quanquam atrocitas facti ad indignationem, ultumque iniurias rapiebat, tamen ex consilii sententia legantur prius ad Troiam Palamedes, Ulysses et Menelaus ; hisque mandatur ut, conquesti iniurias, Helenam et quae cum ea abrepta erant repeterent.

Ménélas, à cette nouvelle, quoique vivement affecté de l'enlèvement de son épouse, fut encore plus irrité de la connivence perfide qu'il crut apercevoir entre le ravisseur et ses parentes. Palamède, voyant ce prince indigné et furieux sortir du conseil sans proférer un seul mot, fait approcher de terre les vaisseaux et dispose tout pour le départ. Après quelques paroles consolantes adressées au roi, il embarque à la hâte tout ce qui provenait du partage, fait monter Ménélas avec lui sur la flotte, et, secondés d'un vent favorable, ils arrivent en peu de jours à Sparte. Déjà Agamemnon, Nestor , et tous les rois descendants de Pélops, y étaient accourus. A l'arrivée de Ménélas, ils s'assemblent ; et quoique l'atrocité de l'action leur inspiràt une profonde horreur et les portât â une prompte vengeance, cependant, après avoir délibéré mûrement, ils résolurent d'envoyer d'abord à Troie, en qualité de députés, Palamède, Ulysse et Ménélas, avec ordre de se plaindre de l'injure, et de redemander Hélène ainsi que tous les trésors enlevés.

[1,6] Interim apud Troiam legatorum Palamedes, cuius maxime ea tempestate domi bellique consilium ualuit, ad Priamum adit conductoque concilio primum de Alexandri iniuria conqueritur, exponens conmunis hospitii euersionem. Dein monet, quantas ea res inter duo regna simultates concitatura esset, interiaciens memoriam discordiarum Ili et Pelopis aliorumque qui ex causis similibus ad internecionem usque gentium peruenissent. Ad postremum, belli difficultates contraque pacis commoda adstruens, non se ignorare ait quantis mortalibus tam atrox facinus indignationem incuteret ; ex quo auctores iniuriae ab omnibus derelictos impietatis supplicia subituros. Et quum plura dicere cuperet Priamus medium eius interrumpens sermonem, « Parcius, quaeso, Palamedes, inquit ; iniquum enim uidetur, insimulari eum qui absit : maxime quum fieri possit, uti quae criminose obiecta sunt, praesenti refutatione diluantur. » Haec atque alia huiusmodi inferens, differri querelas ad aduentum Alexandri iubet. Videbat enim ut singuli, qui in eo concilio aderant, Palamedis oratione mouerentur; ut taciti uultu tamen admissum facinus condemnarent; quum singula miro genere orationis exponerentur, atque in sermone Graeci regis inesset quaedam permixta miserationi uis. Atque ita eo die consilium dimittitur. Sed legatos Antenor, uir hospitalis, et praeter caeteros boni hunestique sectator, domum ad se uolentes deducit.

Sur ces entrefaites, Palamède, un des députés qui s'étaient rendus à Troie, prince à qui sa valeur dans les combats et sa sagesse dans les conseils avaient mérité la plus grande confiance, se rend au palais de Priam. Là, devant le conseil assemblé, il se plaint du crime d'Alexandre, représente les droits de l'hospitalité indignement violés par lui, observe qu'une telle action est capable de réveiller la haine entre les deux nations, rappelle le souvenir des discordes qui, pour de semblables causes, divisèrent jadis les maisons d'llus et de Pélops, et d'autres familles encore, discordes qui ont entraîné les peuples dans des guerres désastreuses. Il met sous les yeux de Priam les dangers et l'incertitude des combats, les avantages et les douceurs de la paix, l'assure qu'un forfait aussi odieux ne manquera pas d'exciter l'indignation de toute la terre, de priver ses auteurs de tout secours humain, et de les conduire à une perte inévitable, digne récompense de leur détestable impiété. Il se préparait à continuer lorsque Priam l'interrompant, lui dit : « Modérez-vous, je vous prie, Palamède; il n'est pas juste d'accuser un absent. Il peut bien arriver que ce grand crime dont on le charge soit suffisamment détruit dans sa réplique lorsqu'il sera présent. » Sous ce prétexte et d'autres semblables, il ordonne de suspendre l'examen de l'affaire jusqu'à l'arrivée d'Alexandre. Il voyait bien, par l'effet du discours de Palamède sur chacun des conseillers, que l'on condamnait généralement, sans ces pendant oser rien dire, d'action de son fils. En effet, le prince grec avait exposé ses plaintes avec un art admirable ; il avait répandu dans son discours un intérêt touchant bien capable de produire l'effet désiré. L'assemblée se sépara ainsi ce jour-là. Ensuite Anténor, homme généreux, et surtout ami de la justice et de la vertu, conduisit dans son palais les députés, qui l'y suivirent avec joie.

[1,16] Praeponuntur etiam campestri exercitui Palamedes cum Diomede et Ulisse, ita ut inter se diurnas uigiliarumque uices dispertiant...

Joannes Malalas, Chronographia, liber V, 110

ἐξ ἀρχῆς γὰρ μετὰ τὴν τῆς Ἑλένης ὑπὸ Πάριδος κλοπὴν εἰς τὸ Ἴλιον ἐξώρμησα σὺν Παλαμήδῃ καὶ Μενελάῳ βασιλεῖ.

Depuis le début, après l’enlèvement d’Hélène par Pâris, j’ai pris les armes contre Ilion avec Palamède et le roi Ménélas.

Dictys et Malalas ne font donc aucune allusion au retard de Palamède et à sa maladie. C'est ce que font au contraire Benoît de Sainte Maure et naturellement Guido delle Colonne, mais pas Josephus Iscanus. Tous les trois en tout cas louent sa valeur et l'aide qu'il apporte aux Achéens lors de l’arrivée à Troie.

Josephus Iscanus, Daretis Ylias, V 1-22

Ardua iam medium pulsans Latonia celum
Noctivagos librabat equos sompnoque profundo
Exarmata quies facilem spondebat ituris
Portum suadebatque dolos. Dux ipse Pelasgis
5 Nocturnum disponit iter : Non verbere pontus
Erigitur, non voce sonat, iussosque silere
Sulcat inoffensos tacito sub remige fluctus
Incessum furata ratis. Sic cede suorum
Exigua innocuum lucrari forte triumphum
10 Graiugenis, Fortuna, dabas, at Martia Naupli
Proles erubuit, fraudes et furta negavit.
Ultimus hic Danaum ter dena classe secutus
Signa ducum longaque exustus febre moratas
Inachidis excusat opes seque obice morbi
15 Tentum, quarn primum licuit, venisse fatetur.
Hanc ipsa ad vocem facies facit, aspera passo
Coniurat pallor et vultu teste merentur
Verba fidem. At sospes animus nulloque dolore
Fractior imbelles artus nervosque negantes
20 Erigit et Martem manifestum suadet Achivis.
Ocius audentem virtus animatur in iram
Iamque dolis vicisse negant.

 

Benoît de Sainte-Maure, 91-92

Si com Palamedès vint a Thenedon

Li Grizois, si come di vos ai, se tenoient encores a Thenedon. Atant vint Palamedès, qui estoit un des grans princes de Grèce, mais por la maladie qu'il ot ne pot estre a Athènes quant les autres acuillirent la mer. Quant il vint, si amena avec lui trente nés moût bien chargies et bien garnies, dont li Grizois furent moût liés et orent grant joie. Or est il voir que par mainte fois avoient il pensé d'aler assaillir la ville par nuit, mais aise n'en avoient, quar moût redoutoient et cremoient l'aprochier de la ville et dou port, et sor ce avoient maint conseil tenu. Mais un jor estoient a conseil por ceste besoigne et avoient parlé en divers sens, meis n'a mestier de retraire le conseil de chascun. Mais or poés oïr que Palamedès en dist, qui moût estoit cremus et redoutés par son sens et par sa valor et que de grant pooir estoit.

Si come Palamedès parla et dist

«Saignours, dist Palamedès, moût grant honte poons avoir dou grant dommage et dou grant sejor que nos avons ci fait, quar bien a un an que vos fustes ici, et encores n'avés Troie veûe, ne ne savés quel gent il i a. Et si devés savoir que grant loisier lor avés doné de garnir et d'enforcier la ville, et moût mostrons grant semblant de coardie. Et sachiez qu'il nos douteront moins assés : por quoi il me samble que celui qui dona le conseil de ci arester ne fist mie que sage ; quar se l'en fust adont ales tout droit a la ville o toute la navie, je ne croi pas que nos eùssons trové grant contredit a l'ariver. Et sur ce je ne dirai plus, mais faisons nos nés appareillier demain sans plus atendre et nos en alons envers la ville et nostre pooir faisons de conquerre la, quar ce nos covient il faire, que qu'il en doie avenir».

Guido de Columnis, liber IX

Et sic facta summa de predictis regibus et ducibus fuerunt numero LXVIII. Naues uero Grecorum illorum MCCXXII, preter Palamidem, filium regis Nauli, qui ultimus cum suis nauibus, ut infra proximo refertur, aduenit.

Liber XIV

Nondum enim Greci a Thenedon loco discesserant, cum inclitus ille Palamides, filius regis Nauli, cum xxx nauibus militibus onustis ibidem applicuit. De cuius aduentu Greci letati sunt ualde, quamuis de mora ipsius multum impingerent contra eum quare maturius non uenisset et precipue apud Athenas. Qui asserens fuisse se morbo grani detentum suam absenciam rationabiliter excusauit. Hic autem Palamides inter Grecos in honore maximo gerebatur, cum apud maiores Grecorum primus existeret uel secundus, potens scilicet in uirtute bellandi, discretus in omni consilio et specialiter preliorum, diuitiis plenus, et militibus opulentus. Rogant ergo eum Greci ut vnus de consiliariis statuatur. Quod Palamides gratanter annuit ad postulacionem ipsorum. Multis ergo diebus ac noctibus Greci conuenerunt in vnum et precipue maiores eorum ut certa consilia scrutarentur per que ad obsidendam Troyanam urbem possent utilius et commodius peruenire. … Ibique Greci fuissent reuera deuicti, nisi strennuus Palamides cum suis nauibus applicuisset in terram. Qui statim cum suis militibus, equis abstractis a nauibus, in bellandi desiderio et succurrendi suis equum ascendit, irruensque in bellum letale certamen instaurat. In eius enim aduentu insultant Greci, animositate resumpta, et ipse Palamides ad exterminium Troyanorum furibundus intendens in Sigamon, fratrem regis Mennonis et nepotem regis Persei qui tunc in armorum strennuitate de se mirabilia faciebat, irruit in uirtute bellandi, et inpacta in eum sua secabili lancea per medias costas eius, ipsum exenterat et ab equo prosternit extinctum. Eoque dimisso, se dirigit in crebras acies Troyanorum, disrumpit turmas, infinitos ex Troyanis interficit, qui eum uelut mortem undique metuentes, in eius congressu faciunt sibi uiam. Clamor ergo fit maximus in occisorum excidio.

Nam et Troyani Palamidis sustinere impetum non ualentes per longum terre spacium retrocedere compelluntur.

3. Le conflit avec Agamemnon.

Les auteurs classiques ont souvent mentionné la haine qu'éprouve Ulysse pour Palamède, mais pas ses relations houleuses avec Agamemnon. Un passage de Libanios laisse pourtant à penser qu’Agamemnon était le vrai meurtrier de Palamède, alors que d'ordinaire on attribue cette mort, depuis le Cycle épique, à Ulysse et son ami Diomède. Pour Darès et ses épigones, tout semble remonter à la jalousie qui oppose les deux hommes, mais pour Dictys et, plus tard, Photius, il faut remonter à l’histoire d’Iphigénie. Pour conclure, tous font une description assez minutieuse de leur conflit à propos du commandement suprême des Grecs (sauf Joseph of Exeter qui remarque plutôt les dommages de l’ambition).

Libanius, Epîtres, 791.3

ὁ δὲ Ἀτρέως ἐκεῖνος ὁ μέγας, ὁ τῶν ἡμιθέων ἡγούμενος καὶ τῆς Ὁμήρου τυχὼν φωνῆς, ἀσθενέστερα λόγου ποιήσας ἔργα τὸν Παλαμήδην ἀπέκτεινεν. ἀλλὰ νῦν τῆς ἀληθείας τὸ κράτος καὶ μετὰ τοῦ βασιλέως καὶ αὐτὴ βασιλεύει τὰ μὲν λογισμοῖς, τὰ δὲ μαντείαις εὑρισκομένη.

Dares, passim

[20] Dum induciae sunt, Palamedes non cessat seditionem facere: indignum regem Agamemnonem esse qui exercitui imperet et indoctum dixit. Ipse coram exercitu multa sua ostendit studia. Primo suam exscensionem, castrorum munitionem, uigiliarum circuitionem, signi dationem, librarum ponderumque dimensionem, exercitusque instructionem ostendit. Haec cum a se acta fuissent, non aequum esse, cum a paucis imperium datum Agamemnoni esset, eum omnibus qui postea conuenissent imperare: maxime cum omnes ingenium et uirtutem spectassent in ducibus suis.

Ce fut pendant cette trêve que Palamède se mit à exciter une sédition dans le camp : il disait que le roi Agamemnon n'était qu'un ignorant, incapable de commander une armée ; il vantait aux soldats ses connaissances et ses inventions; c'était lui qui avait dirigé la descente, fortifié le camp, placé les sentinelles, inventé le mot d'ordre, les poids et les mesures, et l'art de ranger une armée en bataille; il disait ensuite qu'après tant de services qu'il avait rendus aux Grecs, il n'était pas juste qu'Agamemnon, qui d'abord n'avait été nommé généralissime que par un petit nombre de chefs, conservât le commandement sur le grand nombre de ceux qui étaient arrivés ensuite, et qui tous, en nommant leurs généraux, avaient eu égard principalement à leur génie et à leur courage.

[25] Dum induciae sunt, Palamedes iterum non cessat de imperio conqueri. Itaque Agamemnon seditioni cessit et dicit se de hac re libenter facturum, ut quem uellent imperatorem praeficerent. Postero die populum ad concionem uocat: negat se unquam cupidum imperii fuisse: animo aequo se recipere si uellent dare: se libenter cedere: satis sibi esse dum hostes ulciscatur, et parui facere cuius id ope fiat. Iubet dicere, si cui quid placeat. Palamedes procedit, suum ingenium ostendit. Itaque Argiui imperium ei tradunt. Palamedes Argiuis gratias agit, imperium accipit, administrat. Achilles uituperat imperii commutationem.

Pendant la trêve, Palamède recommença d'entretenir de ses plaintes l'armée des Grecs, au sujet du commandement suprême qu'ils avaient décerné à Agamemnon. Ce prince crut enfin devoir céder à la sédition, et dit aux soldats qu'ils étaient libres de se choisir un autre général : « Jamais je n'ai désiré le commandement, leur dit-il, après les avoir assemblés; je recevrai pour mon successeur celui que vous désignerez; je lui cède volontiers ma place; je serai satisfait s'il nous venge des ennemis; et peu m'importe par qui nous serons vengés, pourvu que nous le soyons. Que chacun dise ici son sentiment. » Alors Palamède s'avance, vante son propre génie, et montre par ce qu'il a fait déjà ce qu'il est capable de faire encore. Frappés de son discours, les Grecs lui décernent le commandement : il les remercie, se rend à leur voeu, et commence aussitôt l'exercice de son autorité. Le seul Achille désapprouve ce changement.

[26] Interea induciae exeunt. Palamedes ornatum paratumque exercitum educit, instruit, hortatur… Palamedes Agamemnonem legatum mittit ad Thesidas: Demophoontem et Athamantem, quos legatos Agamemnon praefecerat, ut commeatus compararent, et frumentum de Mysia a Telepho acceptum supportarent. Ut eo uenit, seditionem Palamedis narrat. Illi moleste ferunt. Agamemnon dicit se moleste non ferre, sua uoluntate id factum esse. Interea Palamedes naues comparandas curat, castra munit, turribus circumdat.

La trêve expirée, Palamède fait sortir du camp son armée, munie de tout ce qui lui était nécessaire; et bien préparé au combat il la range en bataille, et l'exhorte à bien faire son devoir. [...] Palamède en profita pour envoyer Agamemnon vers les descendants de Thésée, Démophoon et Athamas, que ce même Agamemnon avait députés en Mysie, pour y rassembler et faire transporter dans le camp les vivres que Télèphe avait fournis (59). Arrivé auprès de Démophoon et d'Athamas, Agamemnon leur apprend la sédition, que Palamède a excitée contre lui. Tous deux ne peuvent contenir leur indignation; mais il les calme, en leur disant qu'il a cédé volontairement le commandement à Palamède. Cependant celui-ci rassemble des vaisseaux; il ajoute au camp de nouvelles fortifications, et l'environne de tours.

Dictys, passim

[1,19] Interim in ipsa nauigandi festinatione Agamemnon, quem a cuntis regem omnium declaratum supra docuimus, longius paulo ab exercitu progressus, forte conspicit circa lucum Dianae pascentem capream, imprudensque religionis quae in eo loco erat, iaculo transfigit : neque multo post, irane caelesti, an ob mutationem aeris corporibus pertentatis, lues inuadit : atque interim in dies magie magisque saeuiens multa millia fatigare, et promiscue per pecora atque exercitum grassari : prorsus nullus funeri modus, neque requier; uti quidquid malo obuium fuerat, uastabatur. Quibus rebus sollicitis ducibus mulier quaedam Deo plena Dianae iram fatur: eam namque ob necem capreae, qua maxime laetabatur,sacrilegli poenas ab exercitu expetere: nec leniri, priusquam auctor tanti sceleris filiam natu maximam uicariam uictimam immolauisset. Quae uox ut ad exercitum uenit, omnes duces Agamemnonem adeunt : eumque primo orare, recusantemque ad postremum cogere, uti malo obuiam properaret. Sed ubi obstinate renuere uident, nec ulla ui queunt flectere, plurimis conuiciis insecuti, ad postremum regio honore spoliauere : ac ne tanta uis exercitus sine rectore effusius ac sine modo militiae uagaretur, praeficiunt ante omnes Palamedem, dein Diomedem et Aiacem Telamonium, quartumque Idomeneum.

Pendant que les préparatifs se poursuivaient avec tant d'actîvité, Agamemnon, chef de l'expédition, s'étant un peu écarté du camp, aperçut par hasard, près d'un bois consacré à Diane, une chèvre qui paissait; et, sans songer à la sainteté du lieu, il la perça de son javelot. Aussitôt, soit effet de la colère céleste, ou de la malignité de l'air et de son influence sur les corps, une maladie affreuse se répandit dans l'armée, et devenant plus violente de jour en jour, attaqua des milliers de soldats : elle s'étendit également sur les hommes et sur les animaux. La mort porta alors ses ravages dans tous les rangs; on ne vit plus que funérailles; et tout ce qui se trouvait frappé de ce fléau était infailliblement moissonné. Les chefs ne savaient quel partî prendre, lorsqu'une femme inspirée de la divinité se présente, annonce la colère de Diane, déclare que la peste est un châtiment infligé aux Grecs par la déesse, irritée de la mort d'un animal qui faisait ses délices, et que rien ne pourrait adoucir ce fléau, si l'auteur du sacrilège n'immolait sur l'autel de Diane sa fille aînée en expiation du meurtre de la chèvre. Cet oracle vient bientôt à la connaissance de l'armée : les chefs se rendent en corps auprès d'Agamemnon. Ils emploient d'abord les prières ; sur son refus, ils Insistent, et exigent qu'il remédie au mal dont il est la cause ; ensuite le voyant déterminé et s'opposer à leur désir, et désespérant de le fléchir, ils l'accablent de reproches, et le dépouillent du commandement (34). Mais, dans. la crainte qu'une armée si nombreuse, privée de son chef, ne se débandât, ou ne commît de plus grands excès, ils nommèrent quatre commandants : Palamède le premier, après lui; Diomède, Ajax, fils de Télamon, et Idoménée. Ainsi l'armée se trouva partagée en quatre corps.

[2,14] Eadem tempestate oraculum Pythii Graecis perfertur: concedendum ab omnibus, uti per Palamedem Apollini Zminthio sacrificium exhiberetur. Quae res multis grata ob industriam et amorem uiri, quem circa omnem exercitum exhibebat, nonnullis ducum dolori fuerat. Ceterum immolatio centum uictimarum, sicuti praedictum erat, pro cuncto exercitu exhibebatur praeeunte Chryse, loci eius sacerdote...

Au même instant, on communique aux Grecs un oracle de l'Apollon pythien qui impose à tous d'accepter que Palamède offre un sacrifice en l'honneur de l'Apollon Zminthien. Cette faveur fut agréable à beaucoup parce que Palamède était un homme actif et que chacun dans l'armée avait pu profiter de son affection. Quelques chefs pourtant s'en offusquèrent . Quoi qu'on en eût, ce fut Chrysès, le prêtre local d'Apollon, qui présida à ce sacrifice qui fut offert au vu de toute l'armée et au cours duquel on procéda à l'immolation de cent victimes.

Photius, Bibliothèque 190.150-151

Ὡς Παλαμήδης ἀντ’ Ἀγαμέμνονος Ἑλλήνων βασιλεύοι· ἐν Αὐλίδι γὰρ παραγενόμενος Ἀγαμέμνων αἶγα ἀγρίαν ἱερὰν Ἀρτέμιδος κατατοξεύοι· ἀπλοίας δὲ γενομένης τοῖς Ἕλλησι χρᾷ Κάλχας λυθῆναι τὸ δεινὸν εἰ θύσειε τὴν θυγατέρα Ἰφιγένειαν Ἀγαμέμνων Ποσειδῶνι. Τοῦ δὲ μὴ ἀνασχομένου, ὀργισθέντες οἱ Ἕλληνες ἀφείλαντο αὐτοῦ τὸ κράτος, καὶ κατέστησαν βασιλέα Παλαμήδην.

Palamède commanda les Grecs en remplacement d'Agamemnon. En fait, à son arrivée à Aulis, Agamemnon abattit d’une flèche une chèvre sauvage consacrée à Artémis ; les Grecs se trouvant dans l'impossibilité de mettre à la voile, Calchas prédit que le prodige cesserait si Agamemnon sacrifiait sa fille Iphigénie à Poséidon ; quand il refusa, les Grecs furieux lui retirèrent son commandement et Palamède fut nommé roi.

Josephus Iscanus, Daretis Ylias, V 276-300

Contentio de mutando imperio
Interea stragis socie concessa sepulchris
Pax erat. Eacides cesurn lugere sodalem,
Hemonii Ysiphiden, te Creta paterna, Merion,
Quisque suos. Iamque in geminos processerat annos
280 Fedus, at in tanta, populus quam sanxit uterque,
Pace alia Inachios turbat discordia reges
Et regni dubium culmen quatit. Altera semper
lura prernens Livor et nil insigne Cupido
In socios cessisse ferens coguntque premuntque
285 Naupliadam. Ille queri, cecis quod nutet habenis
Imperium, quod non tantis inscitia curis
Plistinia accedat, quod bellis segnior usus
Quodque alio miles egeat duce. Singula texens
Obliquat proprium meriti decus, arma, paratus,
290 excubias, consulta, fidem. Sic anxius ambit
Imperium. Cecus nimium, cui sola iubendi
Gloria; et innumere veniant cum principe pestes.
Dissensu vario certat favor; hiis nova semper
295 Grata magis veterisque iugi fastidia tolli
Clamant, ast aliis notos mutasse molestum
Et longum didicisse novos ; sententia nondum
Certa ducum. Redeunt enses, et pace sepulta
Arma iterum rapiunt, congestis undique signis
Collidit Bellona viros.

Et VI 24-41:
Mutatio imperii
lamque Argiva phalanx letis iactantior armis
25 Prodierat tollitque animos celeremque triumphum
Hectore deiecto sperat. Dux digerit arma
Naupliades voti compos curasque timendas
Induit et duro fruitur miserandus honore.
Atrides regis insignia ponit et ultro
30 Exuit imperium; nec enim venisse fatetur
Iure ducis fierique satis, si principe quovis
Freta cohors redeat post diruta Pergama victrix :
Nil refert, quis, ubi, quando, sed qualiter et quid
factum. durabunt actus et transiet actor`.
35 Hiis addit se iure frui potiore Micenis
Et stabilem regnare domi. Nec signa priora
Sic ambire cupit, ut fesso pectore malit
Et vigiles lunas et duros ducere soles.
Martius Eacides mutatas solus habenas
40 Arguit. At rapto Palamedes Marte superbus
Vincere contendit titulis regemque mereri.

Benoît de Sainte-Maure, passim

115. Si come Palamedès parla moût irié a Agamenon.

Cil de Grèce sont tous jors en grant cure coment il peùssent lor henemis conquerre, et sur ce ot conseillié moût de fois et parlé en diverses manières. Mais sur tous les autres se travaille Palamedès, quar nus n'i est plus curious ne qui tant i face. Mais sachiés que moût li poise de la seignourie que Agamenon a sur lui et sur tous les autres, si en dist mainte fois grosses parolles oiant tous les princes : « Seignor, fait il, je ne sai por quel chose c'est que au plus bas home qui soit entre nous avons fait seignor et prince de si grant oevre. Et sachiés que je ne veul ne ne le ting pas asseùr, quar nos somes tels gens qui bien deùssons enlire un home de plus grant valour qu'il n'est et qui plus peùst soufrir a besoing. Et nos n'estïons encores ajosté quant il ot la bailie. Por quoi je ose bien dire que il n'est pas covenable que il ait la seignurie sus tant rois qui plus haus et de plus grant auctorité sont que il n'est. Endroit de moi ne le veu ge plus, et ce diroi je bien et por vérité ; car, se il est sage, je ne le sui mie mains et si ai plus chevaliers et gens que il n'a, et plus riches home sui que il n'est, et ausi bien saveroi je doner un grant conseil que il savroit ; et plus penable home sui que il n'est. Puis que je ai tant de ces vertus com il a, dont n'est il mie drois que il soit maistre de moi outre mon gré.» A ce fu respondu diversement, quar a icé traoit a Agamenon et as autres a Palamedès, qui moût estoit doutés. Mais a celle fois n'i ot plus fait, si vient li termes des trives.

170. Come Palamedès se plaint a conseil oiant tous les barons.

En l'ost dehors sont en grant joie et moût desirrans que le terme de la trive faillist, quar moût desiroient la bataille, puis que il n'i trovoient lor guerriour. Si avint un jour que tous les princes de l'ost furent ajosté ensemble, si se complainst mout Palamedès et dist que il ne soffreroit en nule manière d'avoir seignor sus lui ne d'estre en subjection de nul home. Et li aquant disoient que il avoit droit. Et sur ce dist il tels parolles : que il ne vit onques si faite merveille, que « vos avés fait prince sur moi sans mon assentement. Si vos di por coi ne m'est pas bel, ne droit ne me semble que Agamenon ait seignorie sus moi ne sur ma gent. Et sachiés que des or mais en avant je ne ferai riens por lui, et me poise moût de tant que je en ai fait, quar en nulle manière je ne veul que il ait maïstere sus moi ne sus ma gent, fors cele que il avoit avant de son père.»

171. Coment Agamenon respondi a conseil.

Agamenon, qui de merveillous sens estoit, respondi devant tout le barnage et dist : « Certes, biauz seignors. de ceste seignorie ne doi je pas estre blasmés de riens, quar je ne croi qu'il ait entre vos ne haut ne bas a qui je aie fait por mon pooir autre que bien. Et vos qui tel envie en avés, si devés savoir que ançois que nos eùssons vostre aide, eùme nos mestier de conseil. Si me merveil moût de vos qui devolés chose qui a tous les autres plaist. Et me menbre que quant il m'esluirent a lor prince, l'en ne vos post avoir, quar bien d'un an après n'i venistes vos. Et par la foi que je doi a tous mes amis, onques ce ne porchasai, et quant il le mistrent sus moi, plus m'en pesa que il ne m'en fu bel, quar il n'est nul si sage ne si penables que tout son sens et son travail n'i eùst bien mestier. Mais voirs est que je ai eu seignorie jusques a hores bien et en pais, la lor merci, mais des ores en avant facent autre prince et je le veul bien, quar je ne l'ai pas de héritage ne de fié, ne en seignorie ne demant je noient sur eauz, mais que amistié et compaignie, et ce que il m'avoient doné las je volentiers. Maintenant facent tel prince corne il vodront, et je aiderai par tout selonc mon pooir. »

172. Coment Agamenon parla par devant tous les princes et le peuple.

De ce furent courouciés tout li plusors, mais toutes fois rerirent assembler un grant parlement, ou tous les princes et l'autre pueple assembla . Si se leva Agamenon en pies et dist : « Biauz seignors, Dieuz le set que je onques ne fuidesirrous d'avoir sur tant de rois la seignourie, quar bien conois que assés en i a de plus digne de moi entre vos. Et por ce vos di je briefment que je nelle veul plus estre, si la donrés a qui il vos pleira, et je l'otroi moût bonement, corne celui qui volentiers se descharge.Et seul une chose désir sans plus, que nos eussons victoire sus nos henemis. Quar je n'ai volenté d'empire avoir fors de mon règne, qui miens est et sera, se Dieuz plaist, toute ma vie. Si poés faire vostre election quant vos plaira a toute ma bone volenté. Parolle des or mais qui veulle et soit oï ce que il dira ! Deuz veulle que de ce et de quant que nos avons a faire puissons ovrer a nostre honor et a nostre proufit et a la mort et a péril de nos henemis ! »

173. Coment Palamedès fu eslus a prince de toute l'ost.

Sur ce ot dite mainte parolle et doné maint divers conseil. Mais Palamedès, qui moût desiroit la seignorie, se vanta moût en disant come il estoit riches et sages et de grant porveance, si que il s'acordent a lui et en firent prince sur iaus. Mais a Achillès ne plot mie cest remuement et dit que nul bien ne lor puet avenir, et par son voloir ne fust mie ce fait, si en a moût blasmé ceaus qui en ont volu cest acort. Mais coment que il li grevast, Palamedès en ot l'empire et endementiers failli la trive. Si ajosterent ensemble cil de la ville le soir au parlement et lor sentence fu itele, que demain istront contre lor henemis. Si lor prie le roi Priant moût granment que chascuns se doie pener de vengier Hector son fil. « Et ne sai que vos die plus, fait il, mais le domage et le grant ire dont nos somes pleins parisse demain contre nos henemis, si que il ne quident que nos soions ensi plainement vencus. Et je vos di sans faille que je "m'en istrai demain aveuc vous, si lor vendrai chierement la grant doulor que il ont mise en mon cuer, quar je ne sui pas encores si a desous que mon escu soit guenchi vers yaus qui descriter me veullent. Mais ce ne plot mie as Troïens que le Roi alast en la bataille ; mais ensi le covient a estre, puis que il li plot. »

177. COMENT AGAMENON ALA EN FURRE.

…. Endementiers Palamedès, qui moût estoit de grant porpens, fist rapareillier toute la navie et traitier tous les autres afaires. Et ce meïsme firent ceauz de la cité, quar il rapareillerent lor murs et lor torrelleset regarnirent lor engins et toutes les défenses parfirent, por le grant loisir que il orent.

Guido de Columnis, passim

Liber XVI. Interim igitur Palamides multum conqueritur inter Grecos de dominio Agamenonis sic prelati. Dicit enim eum indignum tanti dominii potestate super tot reges et duces, et se asserit digniorem nec eum habere in prepositum suum uelle, cum ipse eum sibi non elegerit, nec ab omnibus regibus, qui sunt numero plus quam XXX, fuerit electus, sed a tribus tantum, preter conscienciam omnium aliorum. Sed circa hoc tunc non fuit ultra processum.

Liber XXII. Inter uero istas inducias Palamides ualde conqueritur inter reges de dominio Agamenonis. Et cum quodam die dicti reges in tentorio Agamenonis conuenissent et Palamides sua consueta uerba contra regem Agamenonem effudisset, Agamenon in sui discretione respondens, utpote qui erat in omnibus multa sapiencia moderatus, in communi audiencia tunc presencium uerbis Palamidis respondendo sic dixit: "Amice Palamides, de potestate mei regiminis hucusque michi concessa an putas me exinde multa iocunditate letari, cum ab ipso principio nec eam exquisiuerim nec eam procurauerim michi dari, cum in ipsius prelacione nulla michi emolumenta quesierim sed exinde meo spiritui et persone mee continuas curas addiderim et labores ut reges et principes et ceteri sub mea gubernacione salui in omnibus ducerentur? Et si ea me contigisset potestate carere, potuisset michi abunde sufficere esse sub alterius ducis regimine, secundum quod sufficit et suffecit cuilibet aliorum regum et principum meo esse sub ductu. Et satis puto me in meo regimine non peccasse nec aliquid dolo uel negligencia commisisse quod michi sinistre posset ascribi. Si uero in eleccione mei regiminis tuus non fuit requisitus assensus, mirari non debes, cum tunc tuo presens in mee eleccionis negocio non fuisses nec tu postmodum ad exercitum accessisses prius duos anni elapsi fuissent, in quibus si tuus fuisset expectatus assensus, adhuc forte in Athenarum portu noster exercitus resideret. Et ne forte putetur quod talis regiminis sim multum auidus et forsitan concupiscens, gratum est michi quod alius eligatur, in eleccione cuius paratus sum vna cum aliis regibus laborare et affeccione maxima consentire. Nec potes dicere, domine Palamedes, quod exercitus noster sine tuo consilio duci non ualeat, cum te absente et absque tuorum consiliorum dictamine multa in hoc exercitu acta et gesta fuerunt que satis salubriter omnibus communiter successerunt."

Et cum Agamenon suo colloquio finem adhibuisset, eo die non fuit de hoc ultra dispositum nec tractatum. Agamenon igitur circa ipsius diei uesperas per totum exercitum preconia uoce mandauit ut omnes ipsius exercitus in mane sequentis diei ad tentorium Agamenonis pro colloquio generali accederent incun(c)tanter. Factumque est quod mane facto vniuersi maiores exercitus et ceteri ad colloquium accesserunt. Quare Agamenon inter eos sic dixit: "Amici fratres, hucusque gessi regiminis uestri sarcinam, sub cuius pondere satis laboriose multipliciter insudaui, omnes salubres uias mente sollicita perscrutando per quas tam maiores quam ceteri sub mei cura regiminis salubriter ducerentur. Sed factum est permissione deorum quod sub me(e) gubernacionis cura per multos felices successus ad portum salubris status sumus feliciter iam deducti. Sed cum equum sit ut vniuersitas non debeat vni tantum incumbere sed equa distribucione ceteros de vniuersitate grauare qui iniuncto [h]oneri pares existant et qui sub eius pondere non succumbant, cum iam tempus sit me ab ipsius [h]onere regiminis releuare quod super humeris meis tot annis incubuit inconcusse, et ut aliquem de regibus et principibus eligamus, qui, per debitas uicissitudines distribucione facta, nos salubriter regat et sua discretione gubernet."

Agamenonis igitur colloquio fine facto, placuit astantibus vniuersis, cum hominum sit uicium naturale frequenter de nouo do­minio gratulari et de noua mutacione gaudere, ut eorum eligeretur alius gubernator. Et ideo, eleccionis celebrato scrutinio, Palami­dem eorum elegerunt in ducem, regendi totum exercitum sibi potestate concessa. Inde est quod, colloquio dissoluto, vniuersi ad eorum se tentoria reduxerunt. Quod postquam Achilli de Agamenonis mutacione et subrogacione Palamidis per referentes innotuit, ualde sibi displicuit et irato animo inter astantes asseruit quod Agamenonis non fuit necessaria nec bona mutacio, cum nec sit ei similis nec par in discrecione regiminis subrogatus, cum mutaciones semper fieri habeant ad commoda meliora. Sed quia per tot fuerat communis eleccio celebrata, tunc inconcussa remansit.

Les différentes versions de la mort de Palamède

Nous vous renvoyons d'abord à la page sur Palamède classique, et en particulier aux témoignages du Cycle et des mythographes Hygin et Apollodore, comme de Servius.

Nous proposerons ici le récit de nos auteurs, qui font tuer le héros sur le champ de bataille par Pâris, désireux de venger son frère Déiphobe (Darès et ses épigones), ou par Ulysse et Diomède, mais avec des variantes considérables (Dictys, Quintus de Smyrne). N’oublions pas Libanios et Photius, qui paraît accepter l’opinion de Dictys à propos d’Agamemnon.

Dares, 27-29 passim

Achilles [...] aegre ferebat ademtum imperium Agamemnoni sibique Palamedem praepositum [...] Annus circumactus est. Palamedes exercitum educit, instruit [...] Palamedes occasionem nactus, impressionem in Deiphobum facit et eum obtruncat: praelium acre insurgit, ab utrisque partibus multa millia hominum cadunt. Palamedes in prima acie uersatur hortaturque ut praelium fortiter gerant. Contra eum Sarpedon Lycius occurrit eumque Palamedes interficit. Eo facto laetus in acie uersatur. Cui exultanti et glorianti Alexander Paris sagitta collum transfigit. Phryges animaduertunt, tela coniiciunt atque ita Palamedes occiditur. Rege occiso, Argiui cedunt, Troiani persequuntur, castra oppugnant, naues incendunt, cuncti impressionem faciunt, turpiter Achiui terga uertunt, in castra confugiunt [...] Argiui in castris Palamedis scientiam, aequitatem, bonitatem, clementiam lamentantur… Agamemnon [...] Palamedem magnifico funere effert.

[27] Achille [...] moins que jamais ne peut supporter qu'Agamemnon ait été dépouillé du commandement de l'armée, et qu'à lui-même on ait préféré Palamède. [...] Une année se passa ainsi. [28] Palamède fait avancer ses troupes hors du camp et les range en ordre de bataille. [...] Palamède saisit une occasion favorable, se jette sur Déiphobe et lui coupe la tête. Les combattants s'animent de plus en plus les uns contre les autres, et le trépas vole dans les rangs des deux armées. Palamède, toujours à la tête de celle qu'il commander, ne cesse de l'exhorter à combattre avec courage. Sur ces entrefaites, Sarpédon s'avance contre lui, et reçoit la mort. Triomphant de cet exploit, Palamède, toujours aux premiers rangs, insulte les Troyens. Alexandre, dans le moment même où il montre le plus d'insolence et de joie, lui lance un trait qui lui perce le cou de part en part. Cet exploit de Pâris ranime le courage des Troyens ; de leur armée part une nuée de traits, et Palamède tombe frappé d'un coup mortel. Après la mort de leur général, les Grecs plient ; les Troyens les poursuivent, attaquent leurs vaisseaux, y mettent le feu, et menacent leur camp. [...] Retirés dans leur camp, les Grecs pleurent Palamède, et font l'éloge de ses connaissances, de son équité et de sa clémence. [...] Pendant cet intervalle, ce chef suprême des Grecs fit à Palamède de pompeuses funérailles

Dictys, [2,15]

Per idem tempus Diomedes et Ulisses consilium de interficiendo Palamede ineunt, more ingenii humani, quod imbecillum aduersum dolores animi et inuidiae plenum anteiri se a meliore haud facile patitur. Igitur simulato quod thesaurum repertum in puteo cum eo partiri uellent, remotis procul omnibus, persuadent uti ipse potius descenderet : eumque nihil de insidiis summetuentem, adminiculo funis usum deponunt; ac propere arreptis saxis, quae circum erant, desuper obruunt. Ita uir optimus acceptusque in exercitu, cuius neque consilium umquam, neque uirtus frustra fuit, circumuentus a quibus minime decuerat indigno modo interiit. Sed fuere, qui eius consilii haud expertem Agamemnonem dicerent, ob amorem ducis in exercitum; et quia pars maxima, regi ab eo cupiens, tradendum ei imperium palam Ioquebantur. Igitur a cunctis Graecis ueluti publicum funus eius crematum igni, aureo uasculo sepultum est.

A cette époque, Diomède et Ulysse formèrent le complot de perdre Palamède. Ils suivaient, dans cette occasion la pente ordinaire de l'esprit humain : lâche quand il s'agit de supporter les contrariétés, dévoré du poison de l'envie, l'homme se voit avec peine surpassé par les autres en vertus et en talents. Ils feignent donc qu'ils ont découvert un trésor au fond d'un puits, et qu'ils veulent le partager avec lui. Ils écartent ensuite les témoins, et persuadent à ce prince de descendre lui-même. Celui-ci le fait sans méfiance. Alors ils ôtent la corde, et comblent le puits avec des pierres qui étaient auprès. Ainsi périt d'une manière cruelle, et par la perfidie de ceux dont il devait avoir le moins à craindre, un homme juste, cher à toute l'armée, dont la prudence et la valeur lui avaient toujours été utiles. On ne manqua pas de soupçonner Agamemnon d'avoir eu part à ce complot. L'amour que Palamède portait aux troupes, dont une grande partie désirait d'être sous sa conduite, et parlait même de lui déférer le pouvoir suprême, donna vraisemblablement lieu à ces bruits. Ses funérailles, malgré les soins que l'on prit pour les tenir cachées, furent, pour ainsi dire, publiques ; tous les Grecs se firent un devoir d'y assister; son corps reçut les honneurs du bûcher, et ses cendres furent renfermées dans une urne d'or.

[2,29] ...ac mox uniuersi exsecrati deseruere, ob idque et memores Palamedis, quem gratum acceptumque in exercitu, haud sine consilio eius, Diomedes atque Ulisses dolo circumuentum, necauissent...

Indignés de cette conduite, ils le quittent tous, se rappelant avec amertume la mort de Palamède, prince chéri de toute l'armée, massacré indignement par Ulysse et Diomède, sans doute à l'instigation d'Agamemnon.

Quintus Smyrnaeus, Posthomerica, V 191-199

Ajax s’adresse à Ulysse, lors de la dispute pour les armes d’Achille

Ἠὲ τόδ´ ἐξελάθου, ὅτ´ ἐς Ἰλίου ἱερὸν ἄστυ
ἐλθέμεναι ἀλέεινες ἅμ´ ἀγρομένοισιν Ἀχαιοῖς,
καί σε καταπτώσσοντα καὶ οὐκ ἐθέλοντ´ ἐφέπεσθαι
ἤγαγον Ἀτρεῖδαι;Ὡς μὴ ὤφελλες ἱκέσθαι·
σῇς γὰρ ὑπ’ ἐννεσίῃσι κλυτὸν Ποιάντιον υἷα
Λήμνῳ ἐν ἠγαθέῃ λίπομεν μεγάλα στενάχοντα·
οὐκ οἴῳ δ’ ἄρα τῷ γε λυγρὴν ἐπεμήσαο λώβην,
ἀλλὰ καὶ ἀντιθέῳ Παλαμήδεϊ θῆκας ὄλεθρον,
ὃς σέο φέρτερος ἔσκε βίῃ καὶ ἐύφρονι βουλῇ.

Oublies-tu que jadis tu craignis de partir avec les Achéens conjurés pour la ville sacrée d'Ilion ? Les Atrides ont dû t'amener tremblant et refusant de les suivre. Plût aux dieux que tu ne fusses pas venu ! c'est par ton conseil que nous avons laissé dans la divine Lemnos l'illustre fils de Péan, qui poussait de tristes gémissements. Il n'est pas le seul à qui tu aies dressé des embûches ; tu as causé la mort du divin Palamède, qui t'était supérieur en courage et en sagesse.

Josephus Iscanus, Daretis Ylias, VI 115-149

Interfectio Deiphebi et Sarpedonis et Palamedis
115 Torserat astrivagum paeta in vestigia Phebum
Annua mobilitas bis senos mensa labores,
Et iam mixte acies. Solus non prodit in arma
Eacides, solus non militat obice belli
Vota herere dolens. Alios in prelia cogit
120 Naupliades faustumque suis comitantibus omen
Impete Deiphebum primo petit, utraque iacto
Tempora transadigit iaculo funusque secundum
Dat Frigio lugere duci. Rotat obvia tela
Sarpedon, quantaque cruor virtute; relictus
125 Sufficit in vulnus, vires expendit in ictum
Prodigus instandi; nec iuncta potentia fati
Prorsus abest, clipeum transit levumque cruentat
Obliquo rnucrone latus. Felicior ensis
Naupliade casuque manum meliore secutus
130 Iratis flendum superis Sarpedona fundit.
Hiis hilaris multoque aliis iactantior Ecce,
Ecce` iterat, quantos dextra victrice Gigantes
Ense palam sterno ! Quid plus testabitur ausum
Flegra Iovem, Libicus Alciden., Thesea Minos ?
135 Talis eat Danaum princeps -'. Vix ista -- nec ista
fas plenis iactasse sonis -, venit ecce sagitta
In iugulum stridens ; Paris hanc excussit in auras
Assiriis melior equaturusque Gelonos.
Dux ruit, et tenues iactatrix gloria fructus
140 Cum luctu lucrata perit, cunctique iacentem
Mixtis confodiunt hastis. At rege perempto
Non se turba regit, ceso duce tota sequentum
Debilis egrescit virtus, arma ipsa videntur
Posse minus. Sic, si ruptis moderator habenis
t45 Deciderit, turbantur equi leviora stupentes
Imperia et, subita iam libertate potiti
Ceu timeant, incerta vago vestigia cursu
Precipitant. Lege hac fugiunt, hoc ordine fusi
Graiugene.

Benoît de Sainte-Maure, passim

202. Come Deïphebus fu nafré a mort, dont il morut.

Mult i ot celui jor cruel estor et moût se traveilla Palamedès cornent cil dedens fussent desconfit, si i fist celui jor maintes bêles chevaleries. Deïphebus broiche sus lui et le fiert par mi l'escu d’une lance, si qu'a poi que il ne li fist les ardions voidier. Mais cil ne failli mie a lui, que par mi le cors li fist passer le fer de son glaive a tout le fust. Hai ! las, moût a ci froide novele a la noble roïne et au roi Priant. Si le prist Paris entre ses bras et l'en porta en la cité, o tout le tronçon dedens son cors, mais il n'estoit mie mors encores. Paris pleuroit durement et maudit l'oure que il fu nés et que il tant vit. Mais hui est le jor que il se fera ocire et dit : « Frère, après vos ne veull je vivre. » Adonc ouvre Deïphebus les iauz et dit : « Biauz frères, je vos pri sans plus que vos retornés a la bataille et me vengiés de Palamedès, quar se je savrai sa mort, m'ame en sera plus aise ; et je retendrai mon esprit tant qu'en sache la vérité. Hastésvos, que par poi le cuer ne m'esdement. ».

203. Come Paris revint en la bataille et se complaignoit durement.

Paris s'en revint en la bataille plains de doulor et ire, si qu'a grant poine pooit sor son cheval demourer. Et pleure sa grarit mescheance et la perte de son lignage, si maudit sovent Fortune et qui en lui tient espérance, et dit, si come home désespérés : « Haï ! las, por quoi doi je avoir entention que nul bien me doie venir ? Je me deûsse ocirre a mes deus mains, mais je croi que de ci a brief terme sera assés qui le fera. Ja Dieuz ne consente que je vive après mes frères ! Haï ! Ecuba, ma douce mère, com grant dolors vos atent et quel angoisse vos avrés quant vos verres mors vos fils ! Biau dous père, quel confort avrés jamais ? Haï ! las, coment somes mors et confondus ! Biauz dous frères, por vostre mort somes en grant doulor, et por ce ferai je volentiers mon pooir d'acomplir vostre volenté. Et miauz ameroie je a morir que je ne vos venge de fin cuer. Sache Palamedès que se je le truis, que a l'un de nos deus iert la guerre finee. » Ensi dolent et ensi pensif et ententif de soi vengier s'en vint Paris en la bataille, son arc tendu en sa main.

204. Coment Palamedès ocist le roi Sarpendon.

Palamedès estoit devant tous les autres et faisoit grans domage as Troïens et grant poine i metoit a bien guier sa gent, et crioit a haute vois : « Frans chevaliers, esvertûés vos, quar a poi desfort les avrons desconfis. » Li Troïens se défendent moût asprement, si que il n'i partirent dou champ plain pié, mais sans faille grant domage i reçuirent de lor gent. Le roi Sarpendon, qui devers Troïens estoit, jeunes hom et vaillant durement, vit le tornoi si doulourous et le grant domage que Palamedès faisoit et coment il avoit Deïphebus mort, si en ot au cuer grant ire. Se li court sus le branc d'acier en la main et le fiert sur le heaume, que tout li embarre en la teste. Mais Palamedès li en rendi mout tost le gueredon, que la cuisse o toute la genoilliere li abati jus. Et cil cheï mort de sa selle a terre.

205. Coment Paris ocist Palamedès.

Quant rois Sarpendon fu mort, assés i ot grant noise, quar Grisois en sunt moût resbaudi, si se penerent moût d'avoir le cors ; mais ce ne peut estre, que Palamedès les domage de tout son pooir. Si dura la chace jusques près des fossés. Mais quant Paris choisi Palamedès, si point vers lui et l'avisa bien et trait par grant aïe, si ne li fist nul autre mal, mais que la maistre vaine de la gorge li trencha por desous la ventaille et l'abati mort en mi la preisse. Mult fist Paris biau cop et moût greva ses henemis et lor fist domage grant. Et quant Grizois virent mort lor soverain prince, si en furent esmaiés tous les plus hardis. Et Troïens pristrent cuer et hardement, si que Grizois furent desconfis et mult grant perte firent de lor gent…

208. [Coment Agamenon fu reileù emperor.]

« Saignor,» fait il, « ensi est avenu que mout avons perdu en ceste bataille ; meis non porquant encores devons penser coment nos puissons avoir victoire. Voirs est que Palamedès est mors, qui a merveilles estoit bon cheveteines et bien nos savoit governer. Mais vos savés bien que sans prince ne poons nous estre, qui soit nostre principal governeour, et por ce loë ge que sans plus attendre en soit un esleû. Et se vos mon conseil en volés croire, vos i metrois Agamenon, quar de tel office ne sot unques nus tant come il seit, et tant qu'il nos governa ne nos avient onques se bien non. » A ce s'acorderent tuit et maintenant en firent seignor. Si pores hui meis oïr la trezime bataille.

Guido de Columnis, Libri XXIII-XXV, passim

Rex autem Priamus in Palamidem irruit, ipsum ab equo uiolenter prosternit, et eo prostrato dimisso, furibundus se ingerit inter Grecos. Multos ex Grecis interficit, multos uulnerat et prosternit. Multa fecit eo die rex Priamus de persona sua que quasi incredibilia facta sunt, ut homo tam senilis etatis potuisset tam bellicose sic uiriliter commisisse…. Palamides sui regiminis curam habens omnes Grecorum naues que cum exercitu Troyam aduenerant intueri et reparari mandauit, ut in refeccionis earum opere possent salubrius conseruari, et ut eas habilius in eorum occurrentibus necessitatibus paratas haberent.

Sed Palamides et Dyomedes cum xx milibus pugnatorum succurrunt Grecis, Troyanis occurrunt, necnon et cum eis strennuus Thelamonius Ayax… Paris autem, uerbis uulnerati fratris auditis, in multa doloris angustia, moribundo fratre relicto, festinat ad bellum totus aspersus in lacrimis pre dolore, dum post mortem Deyfebi fratris sui amplius uiuere non affectet. Palamidem igitur studiose querit inter acies bellatorum, Palamidem inuenit contra regem Sarpedonem uiriliter preliantem. Rex enim Sarpedon Palamidem inuaserat, et dum ipsum interficere conaretur, Palamides in ipsum regem Sarpedonem furibunde irruit ense nudo, cum quo sic grauiter uulnerauit ipsum in femore quod femur eius diuisit ab inguine. Et statim rex Sarpedon cecidit interfectus. Paris autem, uidens tam grave mortalitatis exitium quod Palamides in Troyanos sic crudeliter committebat, adeo quod iam eos ad fugam de necessitate compulerat in multis dispendiis occisorum, tenso arcu suo in suorum fortitudine brachiorum, Palamidem acutis aspectibus intuendo in quo loco sue persone posset ipsum letaliter magis offendere, quadam in ipsum venenata emissa sagitta, ipsum percussit in gula, sic quod per venam eius organicam transiens ipsum protinus interfecit. Quare Palamides preceps mortuus peruenit in terram. Exclamant Greci, anxiantur, et dolent in tanti morte ducis eorum. Et stupefacti illico campum deserunt, et fuge precipiti se committunt, et usque ad eorum castra fugiendo perueniunt. Quos Troyani in ore gladii letaliter persequntur… In castris uero Grecis de morte Palamidis planctus fit maximus, et eius corpore tradito sepulture, Greci conueniunt, et cum sine ducis industria esse non possent, de consilio Nestoris communiter acceptato regem Agamenonem in eorum ducem exercitus et principem iterum elegerunt.

Mais sur la mort de Palamède, Benoît et Guido trouvèrent dans leur sources (Darès et Dictys, mais aussi Hygin et Servius) les deux différentes versions : comment les concilier ? Voyons ce que raconte Guido à propos des Retours, les anciens Nóstoi du Cycle.

Guido, Liber XXXII, passim

Eo autem tempore quidam rex erat in Grecia nomine Naulus, qui regnum in Grecia magne latitudinis et longitudinis possidebat. Cuius regni situs ex latere septentrionalis plage longo maris pelago iungebatur, dum ex eodem latere haberet rupes excelsas, quarum radices ambiebat pelagus inporrectum, et multos ex eodem latere iuxta se haberet scopulos montuosos. Hic rex Naulus tempore Troyani belli habebat duos filios, quorum antegenitus Palamides in suo nomine uocabatur, alius minor eo uocabatur Oectus. Hic Palamides multa sui strennuitate uigebat, dum esset uir fortissimus et animosus in bello et equestris milicie multa fama preclarus. Hic ad Grecorum exercitum in multarum nauium copia et suorum multorum militum comitiua in apparatu maximo potenter accessit, cum nullus rex in Grecia maius regnum haberet nec tantis diuiciis opulentum. Hunc Palamidem Greci in imperatorem tocius exercitus statuerunt, Agamenone ab eius cura principatus amoto. Qui Palamides demum in conflictu belli mortuus expirauit, vt de hiis omnibus et de eo satis est supra loco suo relatum. Sed quidam, quibus aliorum placet interitus et qui semper in eorum maliciis gloriantur, regi Naulo et eius fili Oecto de morte Palamidis falsis adinuencionibus et subornatis in multa ficcione commentis aliter sunt testati. Dixerunt enim Palamidem non in bello peremtum sed clandestine et furtiue per Vlixem et eius socium Dyomedem de consilio Grecorum fuisse nequiter interfectum. Et ut ex eorum commentis resultaret firma credulitas, de eius interfeccione commentati sunt ficticiam formam et modum, asserentes in dictis eorum Ulixem, Dyomedem, Agamenonem et Menelaum duas falsas litteras cnnfinxisse, in quibus continebatur Palamidem cum Troyanis prodicionem exercitus tractauisse, pacta sibi a Troyanis quadam auri magna quantitate, et has litteras fecerunt ad latus cuiusdam interfecti hominis colligari. Cum autem finxissent eos scire promissam pecunie quantitatem, procurauit Vlixes cum quodam secre­tario Palamidis, pecunia sibi data, ut illam pecuniam quam Troyani promiserant Palamidi pro prodicione exercitus se daturos sub caputio lecti Palamidis si latenter abscondere procuraret. Quam cum Ulixes eidem assignasset, idem secretarius Palamidis sub caputio lecti ipsius latenter abscondit. Cum idem secretarius se ad Ulixem postea contulisset et relatum sibi extiterat in secreto qualiter per­fecerat mandatum Vlixis, Vlixes in eodem loco ipsum clandestine fecit uccidi. Quibus litteris postea per Grecos inuentis et lectis,Grecos contra Palamidem suspicionis animum concepisse dixerunt. Et cum Greci se postmodum ad tentorium Palamidis contulissent perquisituri si sic de auro rei ueritas se haberet, perquisito eius lecti capucio, inuenerunt aurum ipsum in ipso et in eo pondere quod predicte littere continebant. Quare cum Greci fident adhibuissent hiis que continebantur in litteris postea firmiorem, in .Palamidem irruere uoluerunt tamquam prodicionis actorem. Sed Palamides animose resistens contra predicta obtulit se exinde defendere per duellum equestre qualiter ipsius sceleris erat inscius et se paratum innocenciam suam bello ipso purgare. Et cum nullus Grecorum fuisset qui tunc contra eum pugnandi causa congredi uoluisset uidentibus eius emulis predictis quod per eam uiam offendere ipsum nullatenus potuerunt, Vlixes in suis sernionibus sedauit populum et curauit in tantum quod, de hiis que contra Palamidem suggesta fuerunt falsa credulitate depulsa, ut eius uideretur adiutor, Palamides fuit adhuc per eum in imperio exercitus reformatus. Addiderunt eciam predicti commentatores adinuencionihus suis quod non post multos dies Vlixes et Dyomedes secreto sunt Palamidem alloquti, asserentes sibi quod ipsi certificati sunt quod in quodam ueteri puteo erat quidam maximus thesaurus absconsus qui indubitanter poterat ab eis obtineri, de quo eum cum eis uellent esse participem, et sequenti nocte disposuerant ad predictum puteum se conferre; si placeret ei ire cum eis ad ipsum thesaurum habendum, gratum et acceptum habebant. Palamides uero eorum fraudium uelud ignarus et sola fide deceptus, ueniente nocte, cum eis ad predictum se contulit puteum, ubi collacione facta inter eos qui eorum primo descenderet, Palamides in eum se obtulit descensurum. Qui, discalciatis pedibus et superfluis uestibus reiectis a se in puteum ipsum animose descendit. Quem ut presenserunt ad yma puti peruenisse, statim eum cum lapidibus obruunt et interfecerunt eundem et ipsum mortuum in puteo dimiserunt, ad eorum tentoria sub eiusdem noctis silencio properantes.

5. La vengeance de Nauplius

Avant d’en parler, il me paraît important de mentionner ces témoignages de Strabon et Eustathe, qui lient encore une fois Cycle homérique et auteurs médiévaux : il faut rappeler que le mot νεώτεροι signifie poètes du cycle.

Strabon, Géographie, 8, 6, 2

μετὰ δὲ τὸ Τημένιον ἡ Ναυπλία, τὸ τῶν Ἀργείων ναύσταθμον· τὸ δ’ ἔτυμον ἀπὸ τοῦ ταῖς ναυσὶ προσπλεῖσθαι. ἀπὸ τούτου δὲ πεπλάσθαι φασὶ τὸν Ναύπλιον καὶ τοὺς παῖδας αὐτοῦ παρὰ τοῖς νεωτέροις· οὐ γὰρ Ὅμηρον ἀμνημονῆσαι ἂν τούτων, τοῦ μὲν Παλαμήδους τοσαύτην σοφίαν καὶ σύνεσιν ἐπιδεδειγμένου, δολοφονηθέντος δὲ ἀδίκως, τοῦ δὲ Ναυπλίου τοσοῦτον ἀπεργασαμένου φθόρον ἀνθρώπων περὶ τὸν Καφηρέα.

Sur la côte, maintenant, Nauplie succède à Téménium. Nauplie est le port ou pour mieux dire l'arsenal maritime d'Argos et l'étymologie de son nom indique effectivement un lieu d'accès facile pour les navires. On prétend que la même étymologie a donné aux mythographes modernes l'idée de créer les personnages de Nauplius et de ses fils, et qu'autrement Homère n'eût point manqué de faire figurer dans ses poèmes des héros tels que ce Palamède, mort victime d'une trahison et d'un arrêt injuste après avoir déployé tant de sagesse et un génie si inventif, tels encore que ce Nauplius, qui, [pour venger son fils], aurait attiré toute une flotte grecque sur les écueils de Capharée.

Eustathe, Commentaire de l'Odyssée I, 406

Ὅρα δὲ ὡς οἱ νεώτεροι μὲν ἀπάγξασθαι φασὶ τὴν τοῦ Ὀδυσσέως μητέρα πεπυσμένην δόλῳ Ναυπλίου Ὀδυσσέως τελευτὴν, ὃς δὴ Ναύπλιος πολλοὺς δολίως κατειργάσατο λυπηθεὶς ἐπὶ τῷ τοῦ σοφοῦ υἱοῦ Παλαμήδους θανάτῳ. ὁ δέ γε ποιητὴς λύπῃ μεταλλάξαι τὸν βίον ἱστορεῖ.

Observe que, selon les νεώτεροι, la mère d’Ulysse se pendit quand elle apprit la mort de son fils du fait de la ruse de Nauplius ; ce dernier, par cette ruse, tua beaucoup de monde, affligé qu’il était de la mort de son fils Palamède. Mais Homère dit qu’elle mourut de douleur.

Ainsi donc, la plupart des mythes sur Palamède remonteraient au Cycle, mais peu de témoignages nous sont parvenus. Cela ne constitue pas une surprise pour nous ; mais voyons le récit de la vengeance chez Dictys et les auteurs médiévaux. Darès, on l’a souvent souligné, s’arrête à la destruction de Troie.

Dictys, VI,1-2

Postquam, impositis quae singuli bello quaesiuerant, ascendere ipsi solutis anchoralibus nauigant : dein a puppi secundante uento paucis diebus peruenere ad Aegaeum mare : ibi multa imbribus uentisque et ob id saeuiente mari indigna experti, passim uti fors tulerat dispalantur. In queis Locrorum classis, turbatis per tempestatem officiis nautarum et inter se implicatis, ad postremum fulmine comminuta aut incensa est : et rex Locrorum Aiax, postquam natando euadere naufragium enixus est, reliqui tabulis aut alio leuamine fluitantes, ubi ad Euboeam deuenere, Choeradibus scopulis appulsi pereunt: eos namque re cognita Nauplius ultum ire cupiens Palamedis necem, per noctem igni elato ad ea loca deflectere tamquam ad portum, coegerat.

Aussitôt que les Grecs eurent embarqué leur butin, ils levèrent l'ancre et partirent à l'aide d'un vent favorable. Ils entrèrent bientôt dans la mer Égée, les vents et les tempêtes leur causèrent de grandes pertes et dispersèrent leurs vaisseaux. La flotte des Locriens battue par une tempête affreuse, qui fit perdre la présence d'esprit aux matelots, fut frappée de la foudre et périt par le feu. Ajax, roi des Locriens, et ceux qui l'accompagnaient, essayèrent de se sauver à la nage. Ils se soutenaient sur les débris de leurs navires, et flottaient ainsi sur les eaux, lorsqu'ils furent jetés contre les Choerades, rochers qui avoisinent l'île d'Eubée, et périrent misérablement par la perfidie de Nauplius qui, à la nouvelle de leur naufrage, voulant venger la mort de Palamède, son fils, avait fait placer pendant la nuit des feux sur ces rochers, pour que les Grecs s'y rassemblassent comme dans un port assuré.

Per idem tempus Oeax Nauplii filius, Palamedis frater, cognito Graecos ad suos remeare, Argos uenit : ibi Aegialem atque Clytemestram falsis nuntiis aduersum maritos armat, praedicto ducere eos ex Troia uxores, praelatas his. Praeterea addere ea, queis mobile suapte natura muliebre ingenium magis aduersum suos incenderetur. Ita Aegiale aduenientem Diomedem per ciues aditu prohibet: Clytemestra per Aegisthum, adulterio sibi cognitum, Agamemnonem insidiis capit eumque interficit : breuique denupta adultero Erigonen ex eo edit...

Dans le même temps, Oeax, fils de Nauplius et frère de Palamède, à la nouvelle de notre retour en Grèce, se rend à Argos. Là, par de faux rapports, il anime Ægiale et Clytemnestre contre leurs maris, et leur assure qu'oubliant leur ancien amour, ces princes amenaient avec eux des épouses troyennes; il ajoute encore tout ce qu'il croit le plus propre à exciter à la vengeance des femmes, qui naturellement sont changeantes et susceptibles de se laisser prévenir. Ainsi Diomède, à son arrivée, est-il repoussé par ses propres sujets, soulevés à l'instigation d'Aegiale : de son côté, Clytemnestre tend des embûches à Agamemnon, et le fait assassiner par Égisthe, avec qui elle s'était rendue coupable du crime d'adultère. Elle prend ensuite pour époux cet amant barbare, et donne le jour à Erigne.

Guido de Columnis. Liber XXXII passim

Et talis fuit falsi commenti globus qui de morte Palamidis Nauli regis animum patris sui et Oecti fratris sui ad credendum inuoluit. Propter quod rex Naulus et eíus filius Oectus diligentissime sunt scrutati qualiter ad uindictam necis filii et fratris eorum potenter insurgerent contra Grecos qui in ipso exercitu tunc fuerunt. Audierunt enim pro certo quod Greci ipsi (h)yemali tempore se posuerunt in mari causa ad eorum propria redeundi, qui necesse habebant transire per confinia regni sui. Mandauerunt ergo eorum hominibus ut qualibet nocte in cacumine montium existencium iuxta pelagus ignem accenderent, ut decepti Greci per noctis tenebras transeuntes, putantes se esse secus terram in qua secure se recipere possent, ibi diuerterent incauti et uelis expansis in montes ipsos et scopulos cum eorum nauibus irruerent, vbi naues ipsi subirent dissute naufragium et irrecuperabiliter deperirent. Quod et factum est. Nam in ipsis rupibus et scopulis plus quam cc Grecorum naues cum nauigantibus in eis naufragio sunt submerse. Cetere uero naues que has precedentes proxime sequebantur, cum ad locum ipsum sub eiusdem noctis tenebris peruenerunt, audito fragore nauium que inter scopulos frangebantur et eorum letali clamore qui moriebantur in mari, locum ipsum exicialem uitantes ab eo fugiunt et se inmittunt in pelagus spaciosum. Cum quibus Agamenon, Dyomedes, Menelaus et quidam alii, de quibus infra dicetur, predictum naufragium uitauerunt.

Predictus autem Oectus siue Peleus (cum esset binomius), pre­dicti regis filius Nauli, Agamenonis et Dyomedis curiose mortem affectans uel ipsorum grauia detrimenta, suo disquirit in animo qualiter eis obesse ualeat, si contingat eos salue ad propria remeare. Propter quod per speciales litteras suas et nuncium sapientem Clitemestre regine, Agamenonis uxori, pro vero et certo firmauit quod Agamenon maritus eius vnam de filiabus regis Priami duxerat in uxorem, quam diligens uehementer suum secum ducit in reg­num, ut regni sui sibi eam constituat in reginam, et Clitemestram eius ueram uxorem regno priuet et infallibiliter morti tradat. Vnde cum sibi expediat ante tempus occurrere, monet eam ut sibi caute prouideat ne suam incidat in ruinam. Credidit ergo Clitemestra uerbis Oecti et ei humiles grates reddens tacito suo conseruauit in animo qualiter se a sibi dictis insidiis uiri sui salubriter tueretur.

Factumque est quod Agamenon a periculis maris saluus euasit, perueniens in regnum suum, et Clitemestra eius uxor, que iam sibi parauerat sue necis insidias, eum ficticie leto uultu recepit. Hec autem Clitemestra in predicti sui mariti absencia matrimonii federis ipsius peccauit in legem. Nam, eius pudore postposito, matrimonialem thorum cum quodam Egisto nomine uiolauit. In cuius amore Clitemestra in tantum exarserat quod ex eo quandam susceperat filiam, que Erigona uocabatur, cui dare promiserat pro certo regnum suum, licet Egistus regie non esset originis nec ducis aut comitis nobilitate decorus, sed hoc certum est inter femineas voluptates quod cum in sui corporis deliramenta labuntur, numquam appetunt cum aliquo commisceri qui marito suo sit melior nec equalis, semper enim ad uiliora declinant. Et cum ipse honoris earum prodige facte sint, in personis suis non horrent committere uilitates, sed non nisi cum uilibus eas committunt, quam­uis cum melioribus uiris suis eciam et seipsis aut mundi maioribus committerent, scelus esse putarent. Nobilitas eciam et diuicie committentis eas non excusarent a crimine quod adulterii non fedarentur infamia et quod innocentem maritum turpi non afficiant nota riualis. In tantum igitur Clitemestra cum suo Egisto dilecto tractauit quod prima nocte qua uenerat Agamenon, dum suo soporatus dormiret in lecto, Egistus in eum irruens ipsum iugulo interemit. Quo mortuo et eius corpore tradito sepulture, non post multos dies Clitemestra Egistum duxit in virum et illum sui regni regem constituit Macenarum…

Ille idem Oectus Nauli regis filius ad Egeam Dyomedis uxorem se contulit, et eodem modo quo induxit animum Clitemestre ad cre­dendum de uiro suo ducente secum vnam ex filiabus Priami,eodem modo induxit Egeam,…que…egrum concepit animum contra Dyomedem maritum suum. Prop­ter quod, tam ob predictam causam quam ob Oecti uerba filii regis Nauli, procurauit cum Argiuis hominibus suis quod nullo modo reciperet Dyomedem, cui Egea ex tunc indixit exilium, recusans ipsum amplius in suo regno manere. Quare dictus Dyomedes coactus est exulare…

Le récit de Joseph of Exeter sur la vengeance de Nauplius est pour sa part tout à fait surprenant. Nous savons bien désormais que son modèle constant est Darès, qui pourtant s’arrête à la conclusion de la guerre de Troie sans rien dire des Retours ni de la Télégonie : au contraire ces arguments sont racontés par Benoît et Guido, qui les tirent de Dictys. Mais Joseph parle du seul Darès comme sa source (I, 25)... Donc, ou bien il a résumé Dictys lui aussi, comme Benoît, sans le dire, ou il a tiré ces arguments des scholiastes et mythographes latins.

Josephus Iscanus, Daretis Ylias, VI 908-958

Mox ubi victores audit remeare Pelasgos
Aiax Naupliades, titulos Palamede perempto
910 Fraternos abiisse dolens, livore maligno
Saucius Argolicas ad bella nefanda puellas
Provocat et sceleris causas molitus iniqui
,Heu, misere, quid sacra' inquit quid vota tot annis
Deplorata iuvant servataque iura maritis
915 et numquam temerata fides? Rediere, sed ecce
Fama nurus Frigias simul adventare, premetque
barbara servicio thalamos captiva priores.
Immo age, Lenniadum memores audete,
Pelasge, Par factum causis paribus ! Trepidatis inertes,
920 Imperat indigenis pelex regina puellis'.
Vix hec, et subitos vulgavit fama tumultus
Argolicos venisse duces. O rara deorum
In finem perducta fides ! Sis tempore longo
Faustus, sis quovis maior, quid, stulte, superbis ?
925 Ultima felices etas facit. En habet Argos
Nil bellis questus, nil equore passus Atrides ;
Victorem coniunx iugulum secat, audet adulter
Insidiis mactare ducem. Tristisque reverso
Egiale Diomede suo non oscula, risus,
930 Blandicias, sed bella movet. Similesque tumultus
molite Argolides alie vel fraude maritos
Excipiunt vel Marte negant venientibus urbes.
Ergo, ubi Graiugene pulsi civilibus armis
Cessere exiliis et devenere Corinthum,
935 Singula collatis ultum convicia bellis
Ire parant. Prohibet Nestor pacemque suorum
Consultu pociore petit ; prece flectere cives,
Non armis temptare monet, ne publica dampna
Et regno pariat lis intestina ruinam.
940 Sic dampnis bellum nullis civile soporat
Maiestas dignata preces et Marte sepulto
Femineas non passa tubas. Pietasque fidesque
In dominos antiqua redit, sua cuilibet ultro
Regna patent. Patriamque Samon delatus Ulixes,
945 Sirenum modulos, Siculum rnare, Monicha passus
Hospicia, Antiphatis mensas et pocula Circes,
Dulichios tandem fines tenet inque pudicas
Penelopes post multa redit connubia tedas.
At fati presaga quies horrendaque visa
950 Thelegoni gladios cognataque tela minantur.
Sic Circes despector obit, sic victima nati,
Sed senio validus, Asie sed victor opime.
Postquam Tindaridem patrias remeasse Micenas
Claruit, occurrit densis Europa catervis
955 Plistiniam mirata nurum flagrantque videre
Eversorem Asie vultum. Quin ipsa superbit
Accendisse duces, lacerasse in prelia mundum,
Infamem forme titulum lucrata pudende.


Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.
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