La maison du Faune |
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Plan | Visite |
Péristyle de la maison du Faune |
Cette maison, découverte en 1830 en présence du fils de Goethe, fut entièrement déblayée dans l'espace de deux années ; elle est une des plus vastes, et, surtout pour les mosaïques, la plus richement décorée de toutes celles de Pompéi. De même que la maison de Pansa, elle occupe une île entière, formant presque un rectangle régulier de 80 mètres de long sur 35 mètres de large. La quantité considérable d'amphores qu'on y a trouvées, les emblèmes bachiques qui s'y présentent de toutes parts, semblent indiquer que son propriétaire faisait un important commerce de vins, auquel il devait sans doute son opulence. Les amphores portaient des inscriptions grecques ou latines. |
Cette habitation présente sur la rue de la Fortune
deux prothyrum 1 et 2 ouvrant sur deux atrium
distincts A B C D et F G H I, et quatre boutiques 3, 4, 5 et
6. La première avait une arrière-boutique 7 et
communiquait avec l'atrium A B C D par deux portes
aujourd'hui murées, dont l'une donnait directement
dans l'atrium et l'autre dans
l'arrière-boutique. La boutique 4, dans laquelle est
l'embouchure d'une citerne, ouvrait aussi sur
l'atrium. La boutique 5 est isolée et contient
un escalier qui conduisait à une chambre placée
au-dessus ; enfin la boutique 6 ouvrait sur le
prothyrum 2 par un petit escalier dont le palier
était formé d'un massif d'amphores
noyées dans la maçonnerie, genre de
construction dont on rencontre de nombreux exemples à
Pompéi. Mazois pense qu'il est possible que quelqu'une
des boutiques 3, 4 et 6 ait pu servir d'antichambre, tandis
que les autres étaient destinées au commerce de
vins du propriétaire. Dans le trottoir de la rue, en
avant du prothyrum 1, est incrusté dans
l'opus signinum le mot HAVE, écrit en grandes
lettres de mosaïque, composées de
carrés-longs de marbre rouge, jaune, blanc et vert. La
porte est, comme à l'ordinaire, accompagnée de
deux pilastres ; sa largeur est de 2m 90. Le
prothyrum, profond de 5m 45, était
divisé en deux parties inégales par une seconde
porte ; la plus petite, comprise entre les deux portes et
voisine de la rue, était sans ornements et restait
probablement ouverte dans la journée. On entrait dans
la seconde partie du prothyrum en gravissant deux
degrés, dans lesquels on voit encore entaillée
la place des gonds et des verrous. Le pavé est un plan
incliné montant vers la cour ; il est formé
d'un assemblage de petits triangles de marbre blanc, noir,
rouge, jaune et vert. Les murailles, comme toute celles de
l'habitation, présentent des refends en stuc
grossièrement peints à l'imitation de marbres
ici ils s'élèvent jusqu'à la hauteur de
2m 4O et sont surmontés d'une petite moulure en stuc.
Au-dessus, de chaque côté, est une corniche
saillant de 0m 40 autrefois posée sur des consoles en
forme de sphinx et de lion ; elles portent chacune une petite
façade de temple, formée de quatre colonnettes
cannelées et d'autant de pilastres placés aux
côtés d'une porte feinte, le tout en stuc.
Après avoir franchi le prothyrum, on se trouve
dans l'atrium toscan A B C D, large de 10m 70 et
profond de 11m 65. Les murailles présentent une
particularité fort remarquable : pour les
préserver de l'humidité, on avait placé
sous le stuc des lames de plomb attachées par des
clous de fer semés avec une telle profusion, qu'on en
compte près de deux cents dans un mètre
carré ; leurs têtes saillantes servaient en
même temps à retenir le stuc. Cette
précaution se retrouve dans divers autres parties de
l'édifice, et notamment dans le grand
triclinium 34. Au milieu de l'atrium est un
beau compluvium E de 3m 80 sur 2m 75, dont le fond est
formé de losanges des marbres les plus rares,
assemblés avec un art merveilleux. Au centre est un
petit piédestal creux, qui portait le charmant Faune
de bronze, haut de Om 78, l'un des plus précieux
ornements du musée de Naples.
La chambre 8, la première qui se présente
à la droite de l'atrium, est pavée en
mosaïque ; elle offre sur deux côtés et en
équerre une espèce d'estrade ayant pu porter
deux lits, élevée de 0m 06, pavée de
cubes marbres de diverses couleurs, et de 0m 03 de
diamètre. La pièce suivante 9 communiquait avec
l'atrium F G H I par une grande porte à la gauche de
laquelle est percée une espèce de
meurtrière encore fermée en partie par un verre
à vitre très épais. La pièce
voisine 10 appartient au second atrium, bien qu'ayant
une porte sur celui où nous nous trouvons. 11 et 12
sont les alae ; la première est pavée en
morceaux irréguliers de marbre imitant la
brèche ; au centre était une mosaïque
excessivement fine, aujourd'hui au musée, offrant dans
le haut un chat dévorant une caille, et au-dessous
deux canards, plusieurs petits oiseaux morts, des poissons et
des coquillages. Cette ala prenait jour sur
l'atrium voisin par une large baie. L'ala 12,
pavée de la même manière, a
conservé au centre une jolie mosaïque de 0m 60 en
carré, présentant sur fond noir trois pigeons
blancs tirant des perles d'une cassette entr'ouverte. Les
deux chambres à coucher 13 et 14 n'offrent rien de
remarquable.
Au fond de l'atrium est le tablinum 15 ouvert
presque de toutes parts ; il était orné
à l'entrée de deux grands pilastres
cannelés ; sa profondeur est de 5m 40 sur 5m 89 ; son
pavé, élevé de 0m 15 au-dessus du niveau
de celui de l'atrium, présentait à
l'entrée une sorte de seuil en mosaïque d'une
grande finesse, représentant des masques tragiques
entremêlés de guirlandes de fleurs ; ce seuil a
été porté au musée. Le milieu du
pavé est composé de losanges de marbre noir,
vert et blanc, encadrés de filets jaunes, noirs et
verts, et enfin d'une frise de mosaïque blanche et noire
; l'ensemble du pavé paraît à l'oeil
être un assemblage de dés posés sur leur
angle. A la droite du tablinum est un beau
triclinium 16 ouvert dans toute sa largeur sur le
péristyle ; c'est au milieu de son pavé qu'a
été trouvée une des plus belles
mosaïques du musée de Naples, Acratus ou
le génie de Bacchus à cheval sur une
panthère. A gauche du tablinum est une
chambre 17 ouvrant de même par une large baie, et par
une porte sur le péristyle. Au milieu de son
pavé était une autre belle mosaïque
représentant des poissons et des crustacés sur
un rocher.
Revenons maintenant au prothyrum 2 ; nous y trouvons
à gauche l'entrée d'une chambre 18 que
l'absence de toute décoration désigne comme
ayant été la loge du portier, cella
ostiarii. L'atrium F G H I est tétrastyle,
c'est-à-dire soutenu par quatre colonnes ; la hauteur
considérable de celle-ci indique que l'atrium
était du nombre de ceux qu'on nommait
displuviatum, dont les toits rejetaient l'eau dans un
chéneau qui régnait le long de la muraille au
lieu de la verser dans l'area. C'est dans l'angle de
l'atrium, à droite en entrant, que fut
découvert un des plus précieux trésors
qui aient été rencontrés à
Pompéi. Une femme qui emportait tous ses objets de
toilette, tout son mundus muliebris,
désespérant de se sauver, avait tout
laissé tomber sur le sol et s'était
réfugiée dans le tablinum ; son
squelette y fut trouvé dans une position qui
révélait son effroyable agonie ; des restes de
son léger vêtement étaient
reconnaissables autour d'elle et on put encore dessiner son
pied et sa chaussure d'après l'empreinte qu'ils
avaient laissée dans la cendre. Parmi les bijoux
abandonnés par cette infortunée étaient
deux armillae, grands bracelets d'or plats, en spirale
et en forme de serpent, deux autres bracelets aussi en forme
de serpent, mais ronds et plus légers, ainsi que
plusieurs bagues, pierres gravées et scarabées
conservés au cabinet des objets précieux.
Près de là est une chambre 19 destinée
à un hôte, puis une chambre à coucher 21
précédée de son procaeton 20. Ces
deux pièces, qui pourtant n'avaient aucune
décoration, contenaient des pieds de lit en ivoire et
plusieurs vases en bronze, parmi lesquels un charmant petit
brûle-parfums. Les pièces 10 et 22 sont les
alae ; au milieu du pavé de la dernière
est une jolie petite mosaïque d'ornement blanche et
noire ; nous avons dit que la première communiquait
avec l'atrium voisin. Aux angles 23 et 24 de
l'atrium sont deux blocs de pierre dont l'un,
placé à gauche, porta sans aucun doute un
coffre-fort, tandis qu'on croit que sur l'autre existait un
pressoir qui avait son écoulement dans la pièce
voisine 25 par un trou qui existe encore dans la muraille.
Cette pièce, dénuée de tout ornement,
peut bien en effet avoir eu une destination de ce
genre.
Toute la partie droite de l'habitation était
occupée par les communs. La pièce 26 est une
espèce d'antichambre où se trouvent deux
escaliers, l'entrée d'une petite chambre d'esclave 27
et celle d'un long corridor 28 par lequel on arrivait au
jardin sans passer par le péristyle. La chambre 29 est
encore une chambre d'esclave ; la salle 30 paraît avoir
été une buanderie, à en juger par le
large égout qui s'y trouve, aux côtés
duquel existent deux piliers en maçonnerie qui durent
porter une cuve. Viennent ensuite une petite chambre 32
précédée d'une antichambre 31, puis une
grande cuisine 33 avec un fourneau, un puits, et dans le haut
de la muraille un petit laraire ; celle-ci est
éclairée par deux fenêtres. Près
de la porte de la cuisine, dans le corridor, est un escalier,
et plus loin l'entrée d'une grande salle 34 ouverte
dans toute sa largeur sur le jardin, et dans laquelle on doit
reconnaître un triclinium de 5m 95 sur 9m 30. De
toute sa décoration, cette salle ne conserve qu'une
partie de son pavé en mosaïque ; sur sa muraille
on voit encore, ainsi que je l'ai dit, quelques restes du
revêtement de plomb. De l'atrium F G H I, un corridor
ou fauces 35, à la droite duquel se trouve une
chambre 36, donne accès au péristyle.
Celui-ci J K L M, large de 24 mètres et profond de 19m
20, avait un portique de 3m 80 de largeur, soutenu par
vingt-huit colonnes cannelées en tuf recouvert de
stuc. Ces colonnes étaient primitivement doriques,
comme le prouvent deux fragments de frise avec triglyphes
déposés sur le sol ; elles avaient
été transformées en colonnes ioniques,
mais leurs chapiteaux n'avaient pas seulement
été dénaturés et recouverts de
stuc, comme dans plusieurs autres maisons de Pompéi ;
ils avaient été entièrement
changés, ainsi que l'attestent les volutes de pierre
des deux qui subsistent encore. Dans l'area et un peu
vers la gauche se trouve, au milieu d'un petit bassin
carré, un fût cannelé de marbre blanc 37
qui portait une vasque avec un jet d'eau. Au fond du
péristyle est l'exèdre 38, dont le frontispice
était soutenu par deux colonnes corinthiennes et deux
pilastres peints en rouge. Cette exèdre ouvrait par
une baie de toute largeur sur le xyste.
Alexandre à Arbelles (détail)
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C'est dans cette pièce que fut trouvée, le 24 octobre 1831, la célèbre mosaïque représentant un Combat entre les Grecs et les Perses, et dans laquelle l'opinion la plus générale est qu'on doit voir la Bataille d'Arbelles ou celle d'Issus entre Alexandre et Darius. Cette mosaïque, le plus précieux monument en ce genre qui nous soit resté de l'antiquité, est large de 5m 40 et haute de 2m 80, sans la frise blanche qui l'entoure. On y compte 26 guerriers et 15 chevaux.
Mosaïque du Nil
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Au-dessous du sujet principal est une frise en trois
morceaux représentant un fleuve, probablement le Nil,
car au milieu de plantes aquatiques, parmi lesquelles figure
le lotus, on reconnaît plusieurs animaux propres
à l'Egypte, tels que des oies, des canards, des ibis,
un hippopotame, un crocodile, enfin un uraeus, ou
serpent à coiffe attaqué par un animal qui
paraît être l'ichneumon. Cette
mosaïque enlevée en novembre 1843 est maintenant
au musée de Naples dans la salle des marbres. Dans
l'angle du péristyle se trouve un corridor 39
conduisant au jardin N qu'entourait un superbe portique 0 P Q
R de 32 mètres sur 35m 30. Sa largeur est de 4
mètres ; il est soutenu par 56 colonnes doriques au
pied desquelles règne un caniveau en pierre conduisant
les eaux dans une citerne où l'on puisait par deux
puteal 43 et 46.
Le second est fort simple et de tuf ; le premier, qui est de
marbre et cannelé, se fermait par un couvercle dont on
voit encore les scellements. C'est à côté
de ce puteal qu'a été trouvé un
superbe trapézophore ou pied de table en marbre blanc,
précieux monument de sculpture grecque
représentant un sphinx accroupi, aujourd'hui au
musée.
H. Roux, Herculanum et Pompéi (1870), t.VII, pl. 88 |
Dans chaque colonne du portique et près du chapiteau était implanté extérieurement un clou à crochet sur lequel reposaient des tringles portant des rideaux que retenaient des anneaux également scellés dans la colonne à 0m 80 du sol. Ces rideaux défendaient ainsi de l'ardeur du soleil les promeneurs du portique. Au-dessus de celui-ci paraît en avoir régné un second d'ordre ionique dont un assez grand nombre de fûts, bases et chapiteaux ont été retrouvés et sont déposés le long du mur oriental du portique. Contre le mur opposé, on a laissé encore engagées dans la cendre une grande quantité d'amphores.
A la gauche du corridor 39 est un oecus 40 dont le pavé, en mosaïque blanche avec des filets et des méandres noirs, offre au centre une superbe mosaïque de 1m 45 en tous sens, présentant, dans un riche encadrement en forme de grecque, un admirable lion vu de face, malheureusement fort endommagé et qui, pour cette raison, n'a pu être porté au musée. De l'autre côté du corridor est une petite pièce 41 dont la muraille est d'une construction remarquable ; sous le stuc, au lieu de lames de plomb, se trouvent de grandes plaques de terre cuite de 0m 60 sur Om 50 et 0m 03 d'épaisseur, fixées par des clous en fer. Cette pièce ouvre dans toute sa largeur sur le jardin, et elle a en outre deux petites portes donnant, l'une dans le triclinium 34 et l'autre sur le corridor 28. |
Mosaïque du lion
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Dans l'angle S.-O. du péristyle existe une salle 42
aujourd'hui fermée et convertie en un
dépôt de fragments d'architecture et de
mosaïques. Enfin, au fond du jardin se trouvent deux
chambres d'esclave 45 et 46, un posticum ou porte
dérobée 47 ouvrant sur la ruelle de Mercure, un
escalier 48 conduisant aux portiques supérieurs, un
grand sanctuaire 49, devant lequel furent trouvés deux
candélabres et deux trépieds de bronze,
flanqué de deux cabinets 50 et 51, et dans lequel on a
déposé un grand nombre d'antéfixes en
terre cuite à têtes de lion provenant de la
gouttière du portique ; puis enfin, à
l'extrémité de celui-ci, deux petits laraires
en forme de niches carrées, avec chacun deux pilastres
et un fronton en stuc.
Aux nombreux objets que j'ai indiqués comme ayant
été trouvés dans cette maison,
j'ajouterai une jolie statuette en bronze de Flore, une
figurine de Silène, celle d'une prêtresse
également en bronze, quelques instruments de
chirurgie, diverses monnaies d'or, d'argent et de bronze,
deux statues demi-nature en marbre brisées, paraissant
représenter Bacchus et Paris, enfin un curieux
porte-lampe, en forme de corbeille, composé de fils de
bronze, dans lesquels sont enfilés des grains de
cristal de roche ; il est suspendu à une chaîne,
et on voit au milieu de la corbeille l'emplacement de la
lampe dont la lumière faisait scintiller les cristaux
; cette espèce de lustre est un monument unique dans
son genre.