Introduction - Préambule

  Introduction Intro 2
     

Il est des hommes auxquels la mort a donné une renommée que l'obscurité de leur vie ne semblait pas leur promettre ; il des peuples qui n'ont dû leur célébrité qu'il leurs défaites ; il est des villes qui ne sont devenues fameuses que par leur destruction. Tel fut le sort de Pompéi, d'Herculanum, de Stabies ; villes peu importantes de la Campanie, à peine eussent-elles laissé dans l'histoire un nom inconnu et sans gloire ; un volcan depuis longtemps endormi se réveille, les engloutit, et l'immortalité leur est acquise.

Ces villes, en effet, ne furent le théâtre d'aucun de ces grands événements qui vivent dans la mémoire : la catastrophe qui les détruisit, les monuments précieux que cette catastrophe même nous a conservés depuis tant de siècles en les mettant à l'abri des injures du temps et des hommes, leur assurent un intérêt que réclameraient vainement les restes de tant de villes bien autrement célèbres dans les annales de l'histoire.

Une ville qui a été ensevelie sous une pluie de cendres, dont l'emplacement est resté longtemps inconnu, dont le désastre même s'était presque effacé du souvenir des hommes, et qui, après 1700 ans, sort tout entière de ses ruines, n'est-ce pas le plus beau monument que l'antiquité ait légué à notre âge, le plus grand spectacle qu'elle ait réservé à l'admiration des artistes, à l'étude des savants, à la curiosité des voyageurs ?

L'antiquité à Pompéi n'est plus cette antiquité vague, reculée, incertaine, cette antiquité des livres, des commentateurs, des antiquaires ; c'est l'antiquité réelle, vivante, en personne si l'on peut dire ; on la sent, on la voit, ou la touche. Le secret de la vie publique et privée des anciens nous est tout à coup dévoilé, non plus par des inscriptions isolées, des statues incertaines, des bas-reliefs, des médailles, dont l'explication est souvent un problème, mais par le matériel entier de l'existence, depuis la distribution des demeures jusqu'aux moindres ustensiles de ménage, depuis les plus précieuses collections de livres et de tableaux jusqu'aux approvisionnements de vin, d'huile, de pain et de fruits. C'est comme une longue nuit de dix-huit siècles au matin de laquelle on retrouverait chaque chose dans l'état où on l'aurait laissé la veille. M. le baron Taylor écrivait à son ami Charles Nodier : «Si un contemporain d'Auguste revenait sur la terre, il pourrait s'écrier : Salut, ô ma patrie ! ma demeure est la seule sur la terre qui ait conservé sa forme, et jusqu'aux moindres objets de mes affections ; voici ma couche, voici mes auteurs favoris ; mes peintures sont encore aussi fraîches qu'au jour où un artiste ingénieux en orna ma demeure. Parcourons la ville ; allons au théâtre ; je reconnais la place où pour la première fois j'applaudis aux belles scènes de Térence et d'Euripide».