[3 novembre 50 av.JC]
CICERON, SON FILS, SON FRERE ET SON NEVEU, A TIRON
Je croyais pouvoir supporter facilement votre absence :
décidément, je ne saurais m'y faire ; et,
malgré ce grand intérêt des honneurs qui
m'appelle à Rome, je me reproche comme un tort de vous
avoir quitté. Cependant vous aviez tant de
répugnance à vous embarquer avant le retour de
vos forces, que j'ai dû me rendre, et que je vous
approuve encore, pour peu que vous persistiez. Mais si depuis
que vous avez cessé la diète, vous vous croyez
en état de partir, vous en êtes le maître.
Je vous envoie Marion qui vous accompagnera ou qui reviendra
immédiatement, si vous devez encore retarder. -
Persuadez-vous bien que, votre santé le permettant, je
tiens sur toute chose à vous avoir près de moi
; mais que s'il faut pour votre rétablissement quelque
séjour à Patras, je ne souhaite rien tant que
votre santé. En vous embarquant sur-le-champ, vous me
retrouveriez à Leucade. Si vous aimez mieux attendre
que vous soyez plus fort, ne manquez pas de choisir pour
votre retour, bonne compagnie, beau temps et vaisseau
commode. La seule chose que j'exige de votre amitié,
mon cher Tiron, c'est de ne pas vous laisser influencer par
Marion et par ma lettre. Faites ce qu'exige votre
santé, c'est le plus sûr moyen de me satisfaire.
- Avec votre esprit, vous allez me comprendre à
merveille. Je vous aime pour vous et pour moi. L'un de ces
sentiments dit, revenez bien portant ; l'autre, revenez bien
vite ; mais le premier a le dessus. Commencez donc par vous
bien porter. De vos services sans nombre ce sera le plus
précieux.
Edition des Lettres de Cicéron - Collection des Auteurs latins de Nisard, in Oeuvres complètes de Cicéron, tome V, Paris, Firmin-Didot (1869) - Traduction de M. Defresne