Mosaïque de la nymphe Cyrène - IIe/IIIe s. apr.JC - Musée de Lambèse, Algérie - Wikimedia Commons



A TELESICRATE DE CYRENE, VAINQUEUR A LA COURSE ARMEE

Pindare commence l'éloge de Télésicrate par celui de Cyrène, patrie du vainqueur. Dans la 4e et la 5e Pythiques, il avait célébré la fondation d'une colonie de Spartiates, transportée de l'île de Théra, à Cyrène, par Battus. Maintenant, en louant Télésicrate, il remonte à l'histoire fabuleuse de la nymphe Cyrène qui a donné son nom à la ville. Il raconte tous les détails de l'enlèvement de cette nymphe par Apollon, qui s'unit à elle dans les vallées de la Thessalie, et qui enfanta de lui Aristée, connu par des inventions utiles. Il vante ensuite cette nymphe comme protectrice, et la ville comme étant la patrie de plusieurs athlètes victorieux, parmi lesquels il place son heros, Télésicrate, fils de Carniade. Le poète ne s'oublie pas lui-même, et il fait sentir qu'il sait renfermer beaucoup de choses en peu de mots, et surtout saisir dans chaque sujet le mérite de l'à-propos, mérite que, par un court épisode, il fait remarquer dans la conduite d'Iolaüs, lequel choisit son temps pour sauver les enfants d'Hercule des fureurs d'Eurysthée ; cet épisode amène les louanges d'Hercule et de son frère Iphiclès. De là, le poète revient aux exploits de Télésicrate et rappelle ses nombreux triomphes dans les divers combats de la Grèce. Il veut qu'à l'exemple de Nérée, dieu des mers, qui par prudence avait cédé à la force d'Hercule, tous les concitoyens de son héros, amis ou ennemis, applaudissent à ses triomphes. Il finit par un trait de la vie d'Alexidème, antique aïeul de Télésicrate, qui s'était distingué à la course et qui avait eu pour prix de sa victoire la fille du roi Antée, en Libye.

Dans la course armée, les coureurs portaient le casque, les bottes, et le bouclier d'airain.


Je veux, sous les auspices des Grâces aux ceintures élégantes, célébrer la couronne Pythique que vient de remporter à la course en armes d'airain (1) Télésicrate : mortel heureux, il fait la gloire du riche sol de Cyrène, de cette ville illustrée par la nymphe chasseresse que jadis Phoebus, à la longue chevelure, ravit des gorges venteuses du Pélion, et qu'il transporta sur un char d'or dans la terre féconde en fruits et en troupeaux, où il l'établit reine de la florissante Libye, troisième portion du vaste continent (2).

Vénus aux pieds d'argent vint accueillir à son arrivée le dieu de Délos. D'une main légère elle touche son char (3), ouvrage des immortels, et à l'instant même elle introduit dans la couche voluptueuse des deux hôtes nouveaux l'aimable pudeur. Ainsi, par les noeuds de l'hymen, Apollon s'unit à la fille du vaillant Hypséus.

Hypséus, alors roi des fiers Lapithes, était le second héros sorti du sang d'Océanus (4). Il naquit dans les célèbres vallons du Pinde, fruit des amours de Creuse, Naïade fille de la terre unie avec le fleuve Pénée. Tel fut le père qui prit soin de l'enfance de Cyrène distinguée par ses bras éclatants de blancheur (5).

La jeune nymphe ne se plut ni à promener de part en part la trame qui ourdit les toiles, ni à s'égayer parmi ses compagnes au milieu des festins domestiques : mais armée de ses flèches d'airain et d'un glaive meurtrier, elle aima combattre et détruire les hôtes féroces des bois. Elle assurait ainsi pendant les ténèbres de la nuit aux troupeaux de ses pères une douce et longue tranquillité ; mais auprès d'elle, en son lit de repos, le sommeil réparateur demeurait à peine jusqu'à l'aurore.

Un jour, Apollon, dont les traits frappent au loin, la surprit seule et sans armes, luttant contre un lion en fureur. A ce spectacle il appelle Chiron hors de sa demeure souterraine. «Sors, lui dit-il, ô enfant de Phillyre, quitte tes antres sacrés, viens admirer, avec moi, la vigueur et le mâle courage d'une nymphe chasseresse. Vois avec quel front intrépide cette vierge, jeune encore, soutient un affreux combat, et combien son âme altière se montre supérieure aux dangers. Dis-moi qui, d'entre les humains, lui donna le jour. De quel tronc sortie est-elle venue occuper les défilés de ces montagnes couvertes de forêts, et goûter le plaisir d'y déployer ses forces naissantes ? Serait-il permis de lui offrir une main illustre, de tondre aussi ces herbes molles et douces pour lui former un lit de verdure ?»

Aussitôt le centaure inspiré prélude par un noble sourire au conseil qu'il ouvre en ces termes : «Elles sont secrètes, ô Apollon, ces clefs d'une sage initiation aux mystères sacrés de l'amour. La pudeur défend aux dieux comme aux hommes de pénétrer indiscrètement et de prime-abord, dans la couche nuptiale. Guidé par ses lois, autant que par tes modestes penchants, ô chaste dieu que jamais n'approcha le mensonge, tu m'as adressé les paroles que je viens d'entendre. Tu me demandes, ô roi immortel, de quelle race est issue la nymphe que tu admires ? Toi qui connais l'impérieuse destinée de tous les êtres ainsi que les voies qu'ils ont à parcourir, toi qui sais combien la terre, au printemps, pousse de feuilles, et qui comptes les grains de sable que roulent les eaux de la mer et des fleuves, lorsqu'elles sont agitées par les vents ; toi dont les yeux découvrent, et ce qui doit arriver à chacun des mortels, et les causes cachées de tout ce qui se passe sous le ciel !

Mais puisque tu ordonnes à ma faible voix de répondre à ta haute sagesse, je dis : «Voici la nymphe que, dans ses vallons, tu viens chercher pour épouse, et qu'à travers les flots, tu dois emmener avec toi dans les délicieux jardins de Jupiter (6). Par ta puissance, elle régnera sur une ville entourée de superbes plaines et que tu peuplera de braves insulaires. Oui, la divine et fertile Libye va, de ta main, recevoir dans ses palais dorés, la nymphe destinée à donner des lois à cette belle portion de la terre, qui abondante en produits de tout genre, semble être aussi le repaire des plus féroces animaux.

Là, Cyrène doit mettre au jour un fils que Mercure prendra des mains de sa tendre mère, pour l'aller confier aux Heures, assises sur des trônes brillants, et à Vesta, reine de la terre (7). Ces déesses recevront sur leurs genoux ce nourrisson chéri ; elles feront couler sur ses lèvres le nectar et l'ambroisie, et lui assureront dès lors l'immortalité du grand Jupiter et du chaste Apollon. Elles le rendront cher aux humains : et les humains apprenant de lui à conduire, à soigner des troupeaux, et à chasser les bêtes féroces, lui donneront le nom d'Aristée».

Chiron, par cet oracle de sa bouche, provoquait à dessein l'accomplissement d'une alliance délectable. L'oeuvre des dieux est prompt et leurs voies sont toujours les plus abrégées. Un seul et même jour unit les deux époux, sous les lambris dorés, où, dans la riche Libye, Cyrène protège la magnifique ville de son nom, fameuse par le triomphe des athlètes sortis de son sein.

Maintenant que le fils de Carniade vient de sortir victorieux de Python, l'éclat de sa couronne va rejaillir sur Cyrène, sa patrie, que distinguent les grâces du beau sexe, et qui s'empressera d'accueillir le vainqueur, à son retour glorieux de Delphes.

L'éloge des grandes vertus appelle d'ordinaire tout l'appareil de l'éloquence : mais peu de paroles suffisent à la docte sagesse, pour faire entendre les choses les plus sublimes. Les succès du génie naissent de l'occasion qu'il sait toujours saisir.

Thèbes aux sept portes, ne manqua point d'applaudir à la prudence d'Iolaüs (8), qui dans un moment propice, trancha de son glaive la tête d'Eurysthée. Aussi les Thébains se hâtèrent-ils d'inhumer leur vengeur, non loin du tombeau d'Amphitryon, son aïeul paternel, héros habile à combattre sur des chars et qui, de Sparte, était venu chercher un asile dans la cité de Cadmus renommée pour la blancheur de ses coursiers.

De cet Amphitryon et de Jupiter, Alcmène enfanta d'un seul part les vaillants et robustes guerriers jumeaux, Hercule et Iphiclès. Certes, celui-là serait muet, dont la bouche ne s'ouvrirait pas pour chanter les louanges d'Hercule ; et qui n'aimerait point à célébrer les eaux de la fontaine de Dircé (9), près de laquelle ce héros et son frère eurent leur illustre berceau. Que tous deux reçoivent cet hymne où je proclame et leurs bienfaits envers Télésicrate et la faveur qu'ils m'accordent en ce jour, de m'éclairer du pur flambeau des grâces, pour louer dignement ce vainqueur.

Je dirai donc que trois fois triomphant dans Egine sur la colline de Nisus (10), il a trois fois illustré Cyrène son heureuse patrie, bien loin de s'être vu forcé à y cacher la honte d'une défaite. Je dirai qu'amis ou ennemis, tous ses concitoyens doivent applaudir à ce qu'il a fait pour leur commune gloire, et de concert mettre en évidence la sage maxime de l'antique dieu des mers, Nérée : «Louez avec franchise même un ennemi, lorsqu'il s'est signalé par de hauts exploits». Je te vis tant de fois, ô Télésicrate, victorieux aux fêtes solennelles de Minerve, où les vierges modestes te désirèrent en secret pour époux, et les tendres mères pour fils. Je t'ai vu triompher encore, soit dans les jeux olympiques, soit dans ceux en l'honneur de la terre aux antres profonds et dans les principaux lieux de la Grèce (11).

Mais au moment où je veux éteindre la soif de mes hymnes (12), je ne sais quelle voix me presse de faire de nouveau ressortir la gloire de tes nobles aïeux. Prétendant à la main d'une beauté fameuse en Libye, ils se rendirent à Irase (13) où régnait Antée, dont la fille attirait, par le rare éclat de ses charmes, une foule d'adorateurs. Ses propres parents et alliés, les plus vaillants princes du pays, les étrangers les plus distingués recherchèrent à l'envi son alliance ; tous ambitionnaient l'honneur de se couronner des prémices de sa florissante jeunesse.

Mais le père destinait à sa fille le plus illustre des époux qui s'offraient à son choix. Il savait qu'autrefois, dans Argos, Danaüs pourvut, en moins d'un demi-jour, à l'hymen de quarante-huit princesses (14), ses filles. Qu'ayant fait placer cet auguste cortège de vierges à l'extrémité de la lice ouverte pour la course, il voulut que les héros concurrents méritassent, par une supériorité marquée, l'honneur d'être préférés pour gendres.

A son exemple, Antée le Libyen voulut que sa fille trouvât un époux digne d'elle. Il lui commanda de se parer de ses plus riches atours, et lui assigna une place, à l'extrême limite (15) de la carrière. Puis s'avançant au milieu des prétendants : «Que celui d'entre vous, leur dit-il, qui par la rapidité de sa course aura le premier atteint les vêtements de la jeune princesse, la reçoive pour épouse».

Ce fut Alexidème, qui, surpassant en vitesse les autres athlètes, saisit de la main sa belle conquête et l'emmena, au milieu d'une foule de cavaliers nomades (16) qui la couronnèrent de fleurs et de verts feuillages. Avant ce triomphe nouveau, il s'était vu plus d'une fois porté sur les ailes de la victoire.


(1)  En armes d'airain. Le texte porte calkaspidw, boucliers d'airain, espèce d'armure pesante et dont la forme devait aussi embarrasser les coureurs. C'était un obstacle de plus qu'ils avaient à surmonter.

(2)  Troisième portion du vaste continent. Les anciens, ne connaissant point l'Amérique, divisaient la Terre en trois parties ; l'Europe, l'Asie et l'Afrique. Cette dernière portait chez eux le nom de Libye ; elle était séparée, selon eux, de l'Asie par le Nil, et de l'Europe, par la Méditerranée. Notre poète vantant ici la Cyrénaïque, autrement le beau territoire de Cyrène, suppose que la nymphe qui par la faveur d'Apollon régnait à Cyrène, était censée dominer sur l'Afrique entière. On sait que Cyrène fut la patrie d'Aristippe, philosophe ami de la volupté. Dans le vers qui suit, Pindare donne à Vénus des pieds d'argent, c'est-à-dire dont la blancheur imite l'éclat de l'argent. Ce vers est cité par l'empereur Julien dans sa lettre à Ecébole qu'on trouvera avec ses autres oeuvres dont j'ai terminé depuis un an la traduction complète.

(3)  D'une main légère elle touche son char. Il faut placer, comme je le fais ici, une virgule, après le mot xeinon du 17e vers : H. Etienne ne l'a omise ni dans le texte ni dans sa traduction. Excepit autem Albipes Venus Delium hospitem, divinitus fabricatos currus attingens manu levi. Le mot efaptomena, rendu en latin par attingens, gouverne en grec le génitif et c'est pourquoi on lit ocewn, curruum, des chars, mis par emphase au pluriel, et convenant mieux au char de Vénus qui traînait à sa suite les jeux, les ris et les amours, qu'au char d'Apollon. D'ailleurs l'épithète de qeodmatwn, construits par une main divine, fait entendre que la beauté est l'ouvrage de la nature divinisée. Pour ces raisons, je pense, un scoliaste grec prétend qu'il s'agit en ce passage non du char d'Apollon mais du char de la déesse traîné par des cyges. Il ajoute que c'est en touchant légèrement son propre char, ou les atours de sa beauté, qu'elle excite la volupté et provoque l'amour : allégorie fine mais décente pourtant. Vénus se trouve à Cyrène, non qu'elle y soit honorée d'un culte particulier, mais parce que ce pays riant et fertile est appelé le Jardin de Vénus, comme on l'a vu dans la cinquième pythique.

(4)  Second héros sorti du sang d'Oceanus. C'est-à-dire petit-fils d'Oceanus ou de l'Océan ; car l'Océan eut pour fils le fleuve Pénée, et celui-ci fut le père d'Hypséus qui donna le jour à Cyrène. Voici comment Diodore de Sicile expose cette généalogie. Le fleuve Pénée en Thessalie eut de la nymphe Creuse, Ypséus autrement Hypséus et une fille nommée Stilbie. Celle-ci eut d'Apollon deux fils, Centaurus et Lapithus. Périphas fils de Lapithus eut de sa femme Astyagé, fille d'Hypséus, huit enfants, dont l'aîné, Antion, eut avec Mélaté, fille d'Amython, un fils nommé Ixion, père de Pirithoos. (Voyez aussi la huitième note de la cinquième pythique).

(5)  Ses bras éclatants de blancheur. La forme et la blancheur des bras sont également vantées chez les femmes de la Grèce. On voit par là que la coutume permettait à celles-ci de paraître les bras nus. On a vu plus haut haut que Pindare donne à Vénus des pieds d'argent.

(6)  Les jardins de Jupiter. La Libye avait un temple en l'honneur de Jupiter Ammon. Le mot jardin est ici employé pour exprimer la fertilité du sol.

(7)  Et à la terre. La terre, autrement Vesta, était l'aïeule de Cyrène ; car on a pu voir ci-dessus que la naïade Creuse était fille de la Terre, et que Creuse, épouse de Pénée, était la mère d'Hypsée, père de Cyrène. Il est facile de deviner dans ces diverses allégories où figurent le Soleil, les Heures et la Terre, quels sont les éléments que le poète suppose favoriser la croissance des êtres animés ; ces élémens sont en effet la chaleur, ou le soleil, les heures, ou le temps, et la nourriture végétale et animale que fournit la terre. Les heures et le temps sont également nécessaires pour l'invention des arts utiles qu'on attribue à Aristée.

(8)  La prudence d'Iolaüs. Les scoliastes et les mythologues racontent qu'Iolaüs, compagnon d'Hercule, était ou mort ou d'un âge décrépit, lorsqu'il apprit qu'Eurysthée voulait mettre à mort les enfants d'Hercule ; qu'alors il demanda au ciel et obtint, selon les uns, le retour à la vie, selon les autres, la première vigueur de sa jeunesse, faveur dont il profila pour tuer Eurysthée ; il mourut ensuite, et les Thébains l'inhumèrent près de son aïeul Amphitryon. Cet Amphitryon eut pour fils, Iphiclès, frère d'Hercule, et père d'Iolaüs : accusé du meurtre d'Electryon son frère, il avait été exilé de Sparte et d'Argos, et il s'était retiré dans la ville de Thèbes, où naquirent de lui Hercule et Iphiclès. Du reste, Frédéric Gédike (animadversiones exegeticae, p. 236, ad Pyth. IX, Berol. M. DCCLXXVI), remarque avec plus de fondement que Pindare tire le sujet de cet épisode, c'est-à-dire des louanges qu'il donne à Hercule et à Iolaüs, d'une considération toute naturelle, qui est la parenté et l'union existante entre les fondateurs de Cyrène et Télésicrate par conséquent, d'une part ; et Hercule et sa famille, comme aussi les Thébains et les Spartiates, d'autre part ; car les Thébains et les Spartiates avaient peuplé l'île de Théra, d'où Battus conduisit sa colonie dans Cyrène. (Voyez la IVe et la Ve des Pythiques).

(9)  Fontaine de Dircé. Par cette fontaine qui arrosait le voisinage de Thèbes et son territoire, le poète désigne clairement sa patrie, à laquelle il fait honneur de tout l'éclat que la naissance d'Hercule, les travaux et les victoires des athlètes, et ses propres hymnes, pouvaient répandre sur cette ville. C'est en suivant de près cette série de pensées qu'on verra mieux que les épisodes dont nous venons de parler, loin d'être des hors-d'oeuvres, ont réellement le mérite de l'à-propos.

(10)  Colline de Nisus. On ne peut entendre par cette colline que la ville de Mégare, près de laquelle Nisus, fameux à la lutte, avait son tombeau.

(11)  Dans les principaux lieux de la Grèce. Les interprètes veulent que dans cette strophe le poète parle principalement des victoires remportées par Télésicrate, soit aux jeux Panathénéens qui se célébraient chaque printemps en l'honneur de Pallas, à Athènes ; soit aux jeux Olympiques, et aux fêtes en l'honneur de Vesta, ou de la Terre, qui avaient également lien dans la ville d'Athènes. Mais si l'on préfère de donner au texte un sens plus littéral, rien n'empêche de voir dans ces jeux ceux d'Olympie ou de Pise, et ceux de Python, où était le trépied de Delphes.

(12)  La soif de mes hymnes. Pindare entendait ici parler de la soif ou du désir que le public pouvait avoir de lire les odes qu'il lui avait promises, et qui étaient regardées comme une dette contractée par ce poète ; (voyez l'ode précédente, au 45e vers et ailleurs) ou bien veut-il faire entendre qu'il est pressé du besoin de mettre un terme à ses hymnes empressés, c'est-à-dire qu'il veut finir son ode, mais qu'en la finissant il va parler de nouveau des ancêtres de Télésicrate, fils de Carnéade. Le lecteur peut choisir entre ces deux versions. Notre traduction se prête davantage au dernier sens, qui n'est cependant pas plus facile à justifier que le premier.

(13)  Irase. Le scoliaste nous apprend que cette Irase, nommée par d'autres Irases, était une ville de la Libye, près du lac Tritonis, où Antée régnait. Quelques traducteurs confondent cette ville avec Larisse. On cite beaucoup de villes appelées Larisse, en Egypte, en Asie, en Grèce, en Italie et ailleurs ; cependant on est forcé de voir que cette Irase ou Larisse était en Libye, ou dans la Cyrénaique. Du reste, tous les interprètes d'après le scoliaste veulent que cet Antée, qui régnait dans Irase, soit un Antée contemporain d'Euphémus et non l'Antée géant, étouffé par Hercule dans les sables de la Libye.

(14)  Quarante-huit princesses ses filles. Danaüs eut cinquante filles ; mais Neptune avait eu les faveurs d'Amymone, l'une d'entre elles, et Lyncée avait eu des liaisons avec Hypermnestre, autre fille de Danaüs. Il n'en restait que quarante-huit à pourvoir, ce que Danaüs fit dans un demi-jour ; car les jeux de la course commençaient de grand matin et se terminaient avant midi.

(15)  Extrême limite, ad lineam. Une ligue traçait en effet le commencement et le terme de la course, ce qui a donné lieu au proverbe Ne dépassez pas la ligne.

(16)  Cavaliers nomades. Les mêmes, sans doute, qu'on appelait Numides. Ces cavaliers africains étaient dans le principe connus sous le nom de Nomades, parce qu'ils étaient probablement les chefs de leurs concitoyens, pasteurs qui habitaient sous des tentes, et qui en changeaient souvent.