[Le consulat ; l'affaire Catilina]
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XIV. Cependant le parti des nobles ne montra pas moins
d'ardeur que le peuple pour le porter au consulat.
L'intérêt public réunit, dans cette
occasion, tous les esprits ; et voici quel en fut le motif.
Le changement que Sylla avait fait dans le gouvernement, et
qui d'abord avait paru fort étrange, semblait, par un
effet du temps et de l'habitude, prendre une sorte de
stabilité, et plaire assez au peuple. Mais des hommes
animés par leur cupidité particulière,
et non par des vues du bien général,
cherchaient à remuer, à renverser l'état
actuel de la république. Pompée faisait la
guerre aux rois de Pont et d'Arménie, et personne
à Rome n'avait assez de puissance pour tenir
tête à ces factieux, amoureux de
nouveautés. Leur chef était un homme audacieux
et entreprenant, et d'un caractère qui se pliait
à tout ; c'était Lucius Catilina. A tous les
forfaits dont il s'était souillé, il avait
ajouté l'inceste avec sa propre fille, et le meurtre
de son frère. Dans la crainte d'être traduit
devant les tribunaux pour ce dernier crime, il avait
engagé Sylla à mettre ce frère au nombre
des proscrits, comme s'il eût encore été
en vie. Les scélérats de Rome, ralliés
autour d'un pareil chef, non contents de s'être
engagé mutuellement leur foi par les moyens
ordinaires, égorgèrent un homme, et
mangèrent tous de sa chair (f).
XV. Catilina avait
corrompu la plus grande partie de la jeunesse romaine, en lui
prodiguant tous les jours les festins, les plaisirs, les
voluptés de toute espèce, et n'épargnant
rien pour fournir avec profusion à cette
dépense. Déjà toute l'Etrurie et la
plupart des peuples de la Gaule cisalpine étaient
disposés à la révolte ; et
l'inégalité qu'avait mise dans les fortunes la
ruine des citoyens les plus distingués par leur
naissance et par leur courage, qui, consumant leurs richesses
en banquets, en spectacles, en bâtiments, en brigues
pour les charges, avaient vu passer leurs biens dans les
mains des hommes les plus méprisables et les plus
abjects ; cette inégalité, dis-je,
menaçait Rome de la plus funeste révolution. Il
ne fallait plus, pour renverser un gouvernement
déjà malade, que la plus légère
impulsion que le premier audacieux oserait lui donner.
Catilina, afin de s'entourer d'un rempart bien plus fort, se
mit sur les rangs pour le consulat. Il fondait ses plus
grandes espérances sur le collègue qu il se
flattait d'avoir : c'était Caïus Antonius, homme
également incapable par lui-même d'être le
chef d'aucun parti bon ou mauvais, mais qui pouvait augmenter
beaucoup la puissance de celui qui serait à la
tête de l'entreprise. Le plus grand nombre des citoyens
honnêtes, voyant tout le danger qui menaçait la
république, portèrent Cicéron au
consulat ; et le peuple les ayant secondés avec
ardeur, Catilina fut rejeté, et Cicéron
nommé consul avec Antoine, quoique, de tous les
candidats, Cicéron fut le seul né d'un
père qui était que simple chevalier, et n'avait
pas le rang de sénateur (31).
XVI. Le peuple ignorait
encore les complots de Catilina ; et Cicéron,
dès son entrée dans le consulat, se vit
assailli d'affaires difficiles, qui furent comme les
préludes des combats qu'il eut à livrer dans la
suite. D'un côté, ceux que les lois de Sylla
avaient exclus de toute magistrature, et qui formaient un
parti puissant et nombreux, se présentèrent
pour briguer les charges ; et, dans leurs discours au peuple,
ils s'élevaient avec autant de vérité
que de justice contre les actes tyranniques de ce dictateur ;
mais ils prenaient mal leur temps pour faire des changements
dans la république. D'un autre côté, les
tribuns du peuple proposaient des lois qui auraient
renouvelé la tyrannie de Sylla ; ils demandaient
l'établissement de dix commissaires qui seraient
revêtus d'un pouvoir absolu, et qui, disposant en
maîtres de l'Italie, de la Syrie et des nouvelles
conquêtes de Pompée, auraient le pouvoir de
vendre les terres publiques, de faire les procès
à qui ils voudraient, de bannir à leur
volonté, d'établir des colonies, de prendre
dans le trésor public tout l'argent dont ils auraient
besoin, de lever et d'entretenir autant de troupes qu'ils le
jugeraient à propos (32). La concession d'un
pouvoir si étendu donna pour appui à la loi les
personnages les plus considérables de Rome. Antoine,
le collègue de Cicéron, fut des premiers
à la favoriser, dans l'espérance d'être
un des décemvirs. On croit qu'il n'ignorait pas les
desseins de Catilina, et qu'accablé de dettes, dont
ils lui auraient procuré l'abolition, il n'eût
pas été fâché de les voir
réussir ; ce qui donnait plus de frayeur aux bons
citoyens.
XVII. Cicéron, pour
prévenir ce danger, fit décerner à
Antoine le gouvernement de la Macédoine, et refusa
pour lui-même celui de la Gaule, qu'on lui assignait
(g). Ce service
important lui ayant gagné Antoine, il espéra
d'avoir en lui comme un second acteur qui le soutiendrait
dans tout ce qu'il voudrait faire pour le salut de la patrie.
La confiance de l'avoir sous sa main, et d'en disposer
à son gré, lui donna plus de hardiesse et de
force pour s'élever contre ceux qui voulaient
introduire des nouveautés. Il combattit dans le
sénat la nouvelle loi, et étonna tellement ceux
qui l'avaient proposée, qu'ils n'eurent pas un seul
mot à lui opposer. Les tribuns firent de nouvelles
tentatives, et citèrent les consuls devant le peuple.
Mais Cicéron, sans rien craindre, se fit suivre par le
sénat ; et, se présentant à la
tête de son corps, il parla avec tant de force que la
loi fut rejetée, et qu'il ôta aux tribuns tout
espoir de réussir dans d'autres entreprises de cette
nature : tant il les subjugua par l'ascendant de son
éloquence !
XVIII. C'est de tous les
orateurs celui qui a le mieux fait sentir aux Romains quel
charme l'éloquence ajoute à la beauté de
la morale ; de quel pouvoir invincible la justice est
armée, quand elle est soutenue de celui de la parole.
Il leur montra qu'un homme d'état qui veut bien
gouverner doit, dans sa conduite politique,
préférer toujours ce qui est honnête
à ce qui flatte ; mais que dans ses discours, il faut
que la douceur du langage tempère l'amertume des
objets utiles qu'il propose. Rien ne prouve mieux la
grâce de son éloquence que ce qu'il fit dans son
consulat, par rapport aux spectacles. Jusqu'alors les
chevaliers romains avaient été confondus dans
les théâtres avec la foule du peuple ; mais le
tribun (33) Marcus
Othon, pour faire honneur à ce second ordre de la
république, voulut les distinguer de la multitude, et
leur assigna des places séparées, qu'ils ont
conservées depuis. Le peuple se crut offensé
par cette distinction ; et lorsque Othon parut au
théâtre, il fut accueilli par les huées
et les sifflets de la multitude, tandis que les chevaliers le
couvrirent de leurs applaudissements. Le peuple redoubla les
sifflets, et les chevaliers leurs applaudissements. De
là on en vint réciproquement aux injures, et le
théâtre était plein de confusion.
Cicéron, informé de ce désordre, se
transporte au théâtre, appelle le peuple au
temple de Bellone, et lui fait des réprimandes si
sévères, que la multitude étant
retournée au théâtre, applaudit vivement
Othon, et dispute avec les chevaliers à qui lui rendra
de plus grands honneurs.
XIX. Cependant la
conjuration de Catilina, que l'élévation de
Cicéron au consulat avait d'abord frappée de
terreur, reprit courage ; les conjurés, s'étant
assemblés, s'exhortèrent mutuellement à
suivre leur complot avec une nouvelle audace, avant que
Pompée, qu'on disait déjà en chemin,
suivi de son armée, ne fût de retour à
Rome. Ceux qui aiguillonnaient le plus Catilina,
c'étaient les anciens soldats de Sylla, qui,
dispersés dans toute l'Italie, et répandus,
pour la plupart, et surtout les plus aguerris, dans les
villes de l'étrurie, rêvaient déjà
le pillage des richesses qu'ils avaient sous les yeux.
Conduits par un officier, nommé Mallius, qui avait
servi avec honneur sous Sylla, ils entrèrent dans la
conjuration de Catilina, et se rendirent à Rome, pour
appuyer la demande qu'il faisait une seconde fois du consulat
; car il avait résolu de tuer Cicéron, à
la faveur du trouble qui accompagne toujours les
élections. Les tremblements de terre, les chutes de la
foudre, et les apparitions de fantômes qui eurent lieu
dans ce temps-là, semblaient être des
avertissements du ciel sur les complots qui se tramaient
(34). On recevait
aussi, de la part des hommes, des indices véritables,
mais qui ne suffisaient pas pour convaincre un homme de la
noblesse et de la puissance de Catilina. Ces motifs ayant
obligé Cicéron de différer le jour des
comices, il fit citer Catilina devant le sénat, et
l'interrogea sur les bruits qui couraient de lui. Catilina,
persuadé que plusieurs d'entre les sénateurs
désiraient des changements dans l'état, voulant
d'ailleurs se relever aux yeux de ses complices,
répondit très durement à Cicéron
: «Quel mal fais-je, lui dit-il, si, voyant deux corps
dont l'un a une tête, mais est maigre et
épuisé, et l'autre n'a pas de tête, mais
est grand et robuste, je veux mettre une tête à
ce dernier ?» Cicéron, qui comprit que cette
énigme désignait le sénat et le peuple,
en eut encore plus de frayeur ; il mit une cuirasse sous sa
robe, et fut conduit au champ de Mars, pour les
élections, par les principaux citoyens, et par le plus
grand nombre des jeunes gens de Rome. Il entr'ouvrit à
dessein sa robe au-dessus des épaules, afin de
lais-ser apercevoir sa cuirasse, et de faire connaître
la grandeur du danger. A cette vue, le peuple indigné
se serra autour de lui ; et quand on recueillit les
suffrages, Catilina fut encore refusé, et l'on nomma
consuls Silanus et Muréna.
XX. Peu de temps
après, les soldats de l'étrurie s'étant
rassemblés pour se trouver prêts au premier
ordre de Catilina, et le jour fixé pour
l'exécution de leur complot étant
déjà proche, trois des premiers et des plus
puissants personnages de Rome, Marcus Crassus, Marcus
Marcellus et Scipion Métellus, allèrent, au
milieu de la nuit, à la maison de Cicéron,
frappèrent à la porte, et ayant appelé
le portier, ils lui dirent de réveiller son
maître, et de lui annoncer qu'ils étaient
là. Ils venaient lui dire que (h) le portier de Crassus
avait remis à son maître, comme il sortait de
table, des lettres qu'un inconnu avait apportées, et
qui étaient adressées à
différentes personnes ; celle qui était pour
Crassus n'avait point de nom (35). Il n'avait lu que
celle qui portait son adresse ; et comme on lui donnait avis
que Catilina devait faire bientôt un grand carnage dans
Rome, qu'on l'engageait même à sortir de la
ville, il ne voulut pas ouvrir les autres ; et soit qu'il
craignît le danger dont Rome était
menacée, soit qu'il cherchât à se laver
des soupçons que ses liaisons avec Catilina avaient pu
donner contre lui, il alla sur-le-champ trouver
Cicéron, avec Scipion et Marcellus. Le consul,
après en avoir délibéré avec eux,
assembla le sénat dès le point du jour, remit
les lettres à ceux à qui elles étaient
adressées, et leur ordonna d'en faire tout haut la
lecture. Elles donnaient toutes les mêmes avis de la
conjuration ; mais après que Quintus Arrius (i), ancien préteur,
eut dénoncé les attroupements qui se faisaient
dans l'Etrurie ; qu'on eut su, par d'autres avis, que
Mallius, à la tête d'une armée
considérable, se tenait autour des villes de cette
province pour y attendre les nouvelles de ce qui se passerait
à Rome, le sénat fit un décret par
lequel il déposait les intérêts de la
république entre les mains des consuls (j), et leur ordonnait de
prendre toutes les mesures qu'ils jugeraient convenables pour
sauver la patrie. Ces sortes de décrets sont rares ;
le sénat ne les donne que lorsqu'il craint quelque
grand danger. Cicéron, investi de ce pouvoir absolu,
confia à Quintus Métellus les affaires du
dehors, et se chargea lui-même de celles de la ville :
depuis, il ne marcha plus dans Rome qu'escorté d'un si
grand nombre de citoyens, que lorsqu'il se rendait sur la
place, elle était presque remplie de la foule qui le
suivait.
XXI. Catilina, qui ne
pouvait plus différer, résolut de se rendre
promptement au camp de Mallius ; mais, avant que de quitter
Rome, il chargea Marcius et Céthégus (36) d'aller, dès
le matin, avec des poignards, à la porte de
Cicéron comme pour le saluer, de se jeter sur lui et
de le tuer. Une femme de grande naissance, nommée
Fulvie, alla la nuit chez Cicéron pour lui faire part
de ce complot, et l'exhorta à se tenir en garde contre
Céthégus. Les deux conjurés se rendirent
en effet, dès la pointe du jour, à la porte de
Cicéron ; et comme on leur en refusa l'entrée,
ils s'en plaignirent hautement, et firent beaucoup de bruit
à la porte ; ce qui augmenta encore les
soupçons qu'on avait contre eux. Cicéron
étant sorti, assembla le sénat dans le temple
de Jupiter Stator, qu'on trouve à l'entrée de
la rue Sacrée, en allant au mont Palatin. Catilina s'y
rendit, dans l'intention de se justifier ; mais aucun des
sénateurs ne voulut rester auprès de lui ; ils
quittèrent tous le banc sur lequel il s'était
assis. Il commença néanmoins à parler ;
mais il fut tellement interrompu, qu'il ne put se faire
entendre. Cicéron alors se lève, et lui ordonne
de sortir de la ville (37). «Puisque je
n'emploie, lui dit-il, dans le gouvernement que la force de
la parole, et que vous faites usage de celle des armes, il
faut qu'il y ait entre nous des murailles qui nous
séparent». Catilina sortit sur-le-champ de Rome,
à la tête de trois cents hommes armés,
précédé de licteurs avec leurs faisceaux
; on portait devant lui les enseignes romaines, comme s'il
eût été revêtu du commandement
militaire ; et il se rendit en cet état au camp de
Mallius. Là, après avoir assemblé une
armée de vingt mille hommes, il parcourut les villes
voisines, pour les porter à la révolte. Cette
démarche étant une déclaration formelle
de guerre, le consul Antoine fut envoyé pour le
combattre.
XXII. Ceux qui, corrompus
par Catilina, étaient restés à Rome,
furent assemblés par Cornélius Lentulus,
surnommé Sura, afin de les encourager à suivre
leur entreprise. C'était un homme de la plus haute
naissance, mais que l'infamie de sa conduite et ses
débauches avaient fait chasser du sénat ; il
était alors préteur pour la seconde fois, comme
il est d'usage pour ceux qui veulent être
rétablis dans leur dignité de sénateur
(38). Quant
à l'originalité du surnom de Sura, on raconte
que pendant qu'il était questeur de Sylla, ayant
consumé en folles dépenses une grande partie
des deniers publics, Sylla, irrité de ce
péculat, lui demanda compte, en plein sénat, de
son administration. Lentulus, s'avançant d'un air
d'indifférence et de dédain, dit qu'il n'avait
pas de compte à rendre, mais qu'il présentait
sa jambe : ce que font les enfants, quand ils ont commis
quelque faute en jouant à la paume. Cette
réponse lui fit donner le surnom de Sura, qui, en
latin, veut dire jambe (39). Cité un jour
en justice, il corrompit quelques-uns de ses juges, et ne fut
absous qu'à la pluralité de deux voix :
«J'ai perdu, dit-il, l'argent que j'ai donné
à l'un des juges qui m'ont absous, car il me suffisait
de l'être à la majorité d'une
voix».
XXIII. Avec un tel
caractère, Lentulus fut bientôt
ébranlé par Catilina ; et des charlatans, de
faux devins, achevèrent de le corrompre par les
fausses espérances dont ils le berçaient. Ils
lui débitaient des prédictions des livres
sibyllins, et de prétendus oracles qu'ils avaient
forgés eux-mêmes, et qui annonçaient
qu'il était dans les destinées de Rome d'avoir
trois Cornélius pour maîtres : «Deux, lui
disaient-ils, ont déjà rempli leur
destinée, Cinna et Sylla ; vous êtes le
troisième que la fortune appelle à la monarchie
; recevez-la sans balancer, et ne laissez pas
échapper, comme Catilina, l'occasion favorable qui se
présente». D'après ces hautes promesses,
Lentulus ne forma plus que de vastes projets ; il
résolut de massacrer tout le sénat, de faire
périr autant de citoyens qu'il pourrait, de mettre le
feu à la ville, et de n'épargner que les fils
de Pompée, qu'il enlèverait et garderait chez
lui avec soin, pour avoir en eux des otages qui lui
faciliteraient sa paix avec leur père ; car
c'était un bruit général, et qui
paraissait certain, que Pompée revenait de sa grande
expédition d'Asie. L'exécution de leur complot
était fixée à une nuit des fêtes
Saturnales (40).
Ils avaient déjà caché dans la maison de
Céthégus des épées, des
étoupes et du soufre : ils avaient divisé la
ville en cent quartiers (k), à chacun
desquels était attaché un de leurs complices
désigné par le sort, afin que le feu prenant
à la fois en plusieurs endroits, la ville fût
plus tôt embrasée. D'autres devaient être
placés auprès de tous les conduits d'eau, pour
tuer ceux qui viendraient en puiser.
XXIV. Pendant qu'ils
faisaient ainsi leurs dispositions, il se trouvait à
Rome deux ambassadeurs des Allobroges (l), peuple durement
traité par les Romains, et qui supportait impatiemment
leur domination. Lentulus, persuadé que ces deux
hommes pourraient leur être utiles pour exciter les
Gaules à la révolte, les fit entrer dans la
conjuration, et leur donna des lettres pour leur
sénat, dans lesquelles ils promettaient aux Gaulois la
liberté. Ils leur en remirent d'autres pour Catilina,
qu'ils pressaient d'affranchir les esclaves, et de
s'approcher promptement de Rome. Ils firent partir avec ces
ambassadeurs un Crotoniate, nommé Titus, qu'ils
chargèrent des lettres destinées à
Catilina ; mais toutes les démarches de ces hommes
inconsidérés, qui ne parlaient jamais ensemble
de leurs affaires que dans le vin et avec les femmes, vinrent
bientôt à la connaissance de Cicéron,
qui, opposant à leur légèreté une
vigilance, un sang-froid et une prudence extrêmes, les
observait sans cesse, et avait d'ailleurs répandu dans
la ville un grand nombre de gens affidés pour
épier tout avec soin, et venir lui en rendre compte.
Il avait même des conférences secrètes
avec des personnes sûres, que les conjurés
croyaient être leurs complices, et qui
l'informèrent des relations que les conjurés
avaient eues avec les ambassadeurs. Il mit donc des gens en
embuscade pendant la nuit ; et les deux Allobroges
étant secrètement d'intelligence avec lui, il
fit arrêter le Crotoniate, et saisir les lettres dont
il était chargé.
XXV. Cicéron,
dès le matin, assembla le sénat dans le temple
de la Concorde, fit la lecture des lettres qu'on avait
saisies, et entendit les dépositions. Julius Silanus
déclara que plusieurs personnes avaient entendu dire
à Céthégus qu'il y aurait trois consuls
et quatre préteurs d'égorgés. Pison,
homme consulaire, fit une déposition à peu
près semblable ; et Caïus Sulpicius, l'un des
préteurs, qui fut envoyé dans la maison de
Céthégus, y trouva une grande quantité
d'armes et de traits, surtout d'épées et de
poignards, fraîchement aiguisés. Le Crotoniate,
sur la promesse de l'impunité que lui fit le
sénat s'il voulait tout avouer, convainquit si bien
Lentulus, qu'il se démit sur-le-champ de la
préture, quitta, dans le sénat même, sa
robe de pourpre, en prit une plus conforme à sa
situation présente, et fut remis avec ses complices
à la garde des préteurs, dont les maisons leur
servirent de prison (41). Comme il
était déjà tard, et que le peuple
attendait en foule à la porte du sénat,
Cicéron sortit du temple, et fit part à tous
les citoyens de ce qui s'était passé. Le peuple
le reconduisit jusqu'à la maison voisine d'un de ses
amis, parce qu'il avait laissé la sienne aux femmes
romaines, pour y célébrer les mystères
secrets de la déesse qu'on appelle à Rome la
Bonne-Déesse, et à qui les Grecs donnent le nom
de Gynécée ; car tous les ans la femme
ou la mère du consul (m) font à cette
divinité, dans la maison du premier magistrat, un
sacrifice solennel, en présence des vestales.
XXVI. Cicéron
étant entré dans la maison de son ami, et
n'ayant avec lui que très peu de personnes,
réfléchit sur la conduite qu'il devait tenir
envers les conjurés. La douceur de son
caractère, la crainte qu'on ne l'accusât d'avoir
abusé de son pouvoir, en punissant, avec la
dernière rigueur, des hommes d'une naissance si
illustre, et qui avaient dans Rome des amis puissants, le
faisaient balancer à leur infliger la peine que
méritait l'énormité de leurs crimes :
d'un autre côté, en les traitant avec douceur,
il frémissait du danger auquel la ville serait
exposée ; les conjurés, comptant pour peu
d'avoir évité la mort, s'irriteraient de la
peine plus légère qu'on leur ferait subir ; et
ajoutant à leur ancienne méchanceté ce
nouveau ressentiment, ils se porteraient aux derniers
excès de l'audace : il passerait lui-même pour
un lâche dans l'esprit du peuple, qui
déjà n'avait pas une grande idée de sa
hardiesse. Pendant qu'il flottait dans cette incertitude, les
femmes qui faisaient le sacrifice dans sa maison virent le
feu de l'autel, qui paraissait presque éteint, jeter
tout à coup, du milieu des cendres et des
écorces brûlées, une flamme brillante. Ce
prodige effraya les autres femmes ; mais les vierges
sacrées ordonnèrent à Térentia,
femme de Cicéron, d'aller sur-le-champ trouver son
mari, et de le presser d'exécuter sans retard les
résolutions qu'il voulait prendre pour le salut de la
patrie ; en l'assurant que la déesse avait fait
éclater cette lumière si vive comme un
présage de sûreté et de gloire pour
lui-même (n).
Térentia, qui naturellement n'était ni faible,
ni timide, qui même avait de l'ambition, et, comme le
dit Cicéron lui-même, partageait plutôt
avec son mari le soin des affaires publiques, qu'elle ne lui
communiquait ses affaires domestiques, alla sans retard lui
porter l'ordre des vestales, et le pressa vivement de punir
les coupables. Elle fut secondée par Quintus,
frère de Cicéron, et par Publius Nigidius
(42), son
compagnon d'étude dans la philosophie, et qu'il
consultait souvent sur les affaires politiques les plus
importantes.
XXVII. Le lendemain on
délibéra, dans le sénat, sur la punition
des conjurés. Silanus opina le premier, et ouvrit
l'avis de les conduire dans la prison publique, pour y
être punis du dernier supplice. Tous ceux qui
parlèrent après lui adoptèrent son
opinion, jusqu'à Caïus César, celui qui
fut depuis dictateur. Il était jeune encore (o), et commençait
à jeter les fondements de sa grandeur future ;
déjà même, par ses principes politiques
et par ses espérances, il se frayait insensiblement la
route qui le conduisit enfin à changer la
république en monarchie. Il sut cacher sa marche
à tout le monde ; Cicéron seul avait contre lui
de grands soupçons, sans aucune preuve suffisante pour
le convaincre. Quelques personnes assurent que le consul
touchait au moment de la conviction, mais que César
eut l'adresse de lui échapper. D'autres
prétendent que Cicéron négligea et
rejeta même à dessein les preuves qu'il avait de
sa complicité, parce qu'il craignit son pouvoir, et le
grand nombre d'amis dont il était soutenu ; car tout
le monde était persuadé que ses amis
parviendraient plus aisément à sauver
César avec ses complices, que la conviction de la
complicité de César ne servirait à faire
punir les coupables. Quand il fut en tour d'opiner, il dit
qu'il n'était pas d'avis qu'on punit de mort les
conjurés, mais qu'après avoir confisqué
leurs biens, on mît leurs personnes dans telles villes
de l'Italie que Cicéron voudrait choisir, pour les y
tenir dans les fers jusqu'à l'entière
défaite de Catilina (p). Cet avis, plus doux
que le premier, et soutenu de toute l'éloquence de
l'opinant, reçut encore un grand poids de
Cicéron lui-même, qui, s'étant
levé, embrassa dans son opinion la première
partie de l'avis de Silanus et la seconde de celui de
César (43).
Ses amis jugeant que l'opinion de César était
la plus sûre pour le consul, parce qu'en laissant vivre
les coupables il aurait moins à craindre les
reproches, adoptèrent ce dernier avis ; et Silanus
lui-même, revenant sur son opinion, s'expliqua, en
disant qu'il n'avait pas entendu conclure à la mort,
parce qu'il regardait la prison comme le dernier supplice
pour un sénateur.
XXVIII. Quand César
eut fini de parler, Catulus Lutatius fut le premier qui
combattit son opinion ; et Caton, qui parla ensuite, ayant
insisté avec force sur les soupçons qu'on avait
contre César, remplit le sénat d'une telle
indignation et lui inspira tant de hardiesse, que la sentence
de mort fut prononcée contre les coupables.
César s'opposa à la confiscation des biens, et
représenta qu'il n'était pas juste de rejeter
ce que son avis avait d'humain, pour n'en adopter que la
disposition la plus rigoureuse. Comme le plus grand nombre se
déclarait ouvertement contre son avis, il en appela
aux tribuns, qui refusèrent leur opposition ; mais
Cicéron prit de lui-même le parti le plus doux,
et se relâcha sur la confiscation des biens. Il se
rendit alors, à la tête du sénat, aux
lieux où étaient les complices ; car on ne les
avait pas tous mis dans la même maison ; chaque
préteur en avait un sous sa garde. Il alla d'abord au
mont Palatin prendre Lentulus, qu'il conduisit par la rue
Sacrée, et à travers la place ; il était
escorté des principaux de la ville qui lui servaient
de gardes, et d'une foule immense de peuple qui, le suivant
en silence, frissonnait d'horreur sur l'exécution
qu'on allait faire. Les jeunes gens surtout assistaient, avec
un étonnement mêlé de frayeur, à
cette espèce de mystère politique que la
noblesse faisait célébrer pour le salut de la
patrie (44).
Lorsqu'il eut traversé la place et qu'il fut
arrivé à la prison, il livra Lentulus à
l'exécuteur, et lui ordonna de le mettre à mort
; il y amena ensuite Céthégus et les autres
conjurés, qui subirent tous le dernier supplice.
Cicéron, en repassant sur la place, vit plusieurs
complices de la conjuration qui s'y étaient
rassemblés, et qui, ignorant la punition des
conjurés, attendaient la nuit pour enlever les
prisonniers, qu'ils croyaient encore en vie. Cicéron
leur cria à haute voix : Ils ont vécu ;
manière de parler dont se servent les Romains, pour
éviter des paroles funestes, et ne pas dire : Ils
sont morts.
XXIX. La nuit approchait,
et Cicéron traversait la place pour retourner chez
lui, non au milieu d'un peuple en silence et marchant dans le
plus grand ordre, mais entouré de la multitude des
citoyens, qui, confondus ensemble, le couvraient
d'acclamations et d'applaudissements, et l'appelaient le
sauveur, le nouveau fondateur de Rome. Toutes les rues
étaient garnies de lampes et de flambeaux que chacun
allumait devant sa maison ; les femmes éclairaient
aussi du haut des toits pour lui faire honneur et pour le
contempler, conduit en triomphe, avec une sorte de
vénération, par les principaux personnages de
Rome, qui tous avaient ou terminé des guerres
importantes, ou donné à la ville le spectacle
des plus magnifiques triomphes, ou conquis à l'empire
romain une vaste étendue de terres et de mers. Ils
marchaient à la suite de Cicéron se faisant
mutuellement l'aveu que le peuple romain devait aux victoires
d'une foule de généraux et de capitaines de
l'or et de l'argent, de riches dépouilles, et une
grande puissance ; mais que Cicéron était le
seul qui eût assuré son salut et sa
tranquillité, en éloignant de sa patrie un si
affreux danger. Ce qu'on trouvait de plus admirable, ce
n'était pas d'avoir prévenu l'exécution
d'un horrible complot, et d'avoir fait punir les coupables ;
mais d'avoir su, par les moyens les moins violents,
étouffer la plus vaste conjuration qui eût
jamais été formée, et de l'avoir
éteinte sans sédition et sans trouble. Car le
plus grand nombre de ceux que Catilina avait
rassemblés autour de lui n'eurent pas plutôt
appris le supplice de Lentulus et de Céthégus,
qu'ils abandonnèrent leur chef ; et lui-même
ayant combattu contre Antoine avec ceux qui lui
étaient restés fidèles, fut
défait et périt avec toute son
armée.
XXX. Cependant il se
tramait des intrigues contre Cicéron ; on parlait mal
de lui ; et des hommes mécontents de ce qu'il avait
fait formaient le dessein de le perdre. A leur tête
étaient César, Métellus et Bestia,
désignés l'un préteur, et les deux
autres tribuns, pour l'année suivante (45). Lorsqu'ils
entrèrent en charge, il restait encore quelques jours
à Cicéron jusqu'à l'expiration de son
consulat ; ils ne voulurent jamais lui permettre de parler au
peuple, et mirent leurs bancs sur la tribune, pour
l'empêcher même d'y entrer ; ils lui
laissèrent seulement la liberté d'y venir, s'il
le voulait, pour se démettre de sa charge, et d'en
descendre aussitôt qu'il aurait fait le serment d'usage
(46).
Cicéron y consentit ; et étant monté
à la tribune, il obtint le plus grand silence ; mais
au lieu du serment ordinaire, il en fit un tout nouveau, et
qui ne convenait qu'à lui ; il jura qu'il avait
sauvé la patrie et conservé l'empire. Tout le
peuple répéta, après lui, le même
serment. César et les tribuns n'en furent que plus
irrités, et s'occupèrent de susciter à
Cicéron de nouveaux orages ; ils proposèrent
une loi qui rappelait Pompée avec ses troupes (q), afin de
détruire le pouvoir presque absolu de Cicéron.
Heureusement pour lui et pour Rome, Caton était alors
tribun ; et comme il avait une autorité égale
à celle de ses collègues, avec une plus grande
considération, il mit opposition à leurs
décrets. Non content d'en voir empêché
facilement les effets, il releva tellement, dans ses
discours, le consulat de Cicéron, qu'on lui
décerna les plus grands honneurs qu'on eût
encore accordés à aucun Romain, et qu'on lui
donna le nom de Père de la patrie : titre
honorable qu'il eut la gloire d'obtenir le premier, et que
Caton lui déféra en présence de tout le
peuple (r).
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(f) Salluste
rapporte aussi cet horrible sacrifice, et dit qu'ils
burent le sang de cet homme; mais il ne le donne pas
comme certain.
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(g) Sur son
refus, et par son crédit, il fut donné
à Metellus.
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(h) Mot
à mot, voici quel était le sujet de leur
visite.
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(i) Il est
nommé par Salluste, Marius, et par d'autres,
Martius et Attius.
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(j) La
formule de ces décrets était celle-ci :
Videant consules ne quid detrimenti Respublica
patiatur. Que les consuls veillent à ce que la
république ne souffre aucun dommage.
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(k) Salluste,
avec plus de vraisemblance, n'en met que douze.
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(l) Peuple
de la Gaule narbonnaise, qui habitait une partie du
Dauphiné, et presque toute la Savoie. On peut
voir, raconté en détail dans Salluste, tout
ce qui regarde ces ambassadeurs.
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(m) Et
même celle du préteur, comme il l'a dit,
ibid.
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(n) C'était
toujours un signe favorable, comme on le voit par Virgile
dans son Eglogue VIII, vers 105, où son
commentateur Servius rappelle ce prodige, qu'il cite,
d'après Cicéron lui-même, dans le
poème qu'il avait fait sur son consulat ; car on
n'en trouve aucun vestige dans les ouvrages qui nous
restent de lui, pas même dans son Traité
de la Divination, liv. I, chap. XVII, où il
rapporte les prodiges arrivés pendant son
consulat.
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(o) Il
avait trente-sept ans, étant né l'an de
Rome six cent cin-quante-quatre, comme on l'a vu dans la
vie de César.
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(p) Suivant
Salluste, il opina à une prison
perpétuelle, et Cicéron y est conforme dans
sa quatrième Catilinaire.
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(q) Voyez,
sur cette loi, la vie de Caton.
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(r) Cicéron,
dans son Plaidoyer contre Pison, dit que Catulus,
alors prince du sénat, lui donna le premier,
devant son corps, le titre de Père de la
patrie. Ainsi, Caton ne fit que le lui confirmer dans
l'assemblée du peuple.
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(31) Cicéron
eut six compétiteurs : deux patriciens, P. Sulp.
Galba et L. Serg. Catilina ; deux d'extraction noble,
Antoine, fils du célèbre orateur de ce nom,
égorgé par Marius, et Cassius Longinus ;
deux qui, sans être nobles, étaient fils de
sénateurs, Q. Cornificius et C. Licinius Sacerdos.
Cicéron était le seul de l'ordre des
chevaliers, et il fut le premier qui porta dans sa maison
la dignité sénatoriale. Cicéron fut
consul l'an de Rome six cent quatre-vingt-onze,
soixante-trois ans avant J. C.; il avait alors
quarante-trois ans, âge prescrit par les lois pour
le consulat.
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(32) Le
jour que les nouveaux consuls prirent possession de leur
charge, P. Servilius Rullus, tribun du peuple, proposa la
loi dont il s'agit ici ; elle donnait aux
décemvirs qui devaient être nommés
pour cinq ans le pouvoir le plus effrayant, et dont il
leur était le plus facile d'abuser. Rullus, avant
de présenter la loi à la ratification du
peuple, en fit d'abord, selon l'usage, le rapport au
sénat ; Cicéron lui répondit
sur-le-champ, et prononça ensuite deux autres
discours devant le peuple, pour le dissuader de donner
son consentement à la loi ; et il eut le
succès le plus complet. C'est un grand triomphe
pour l'éloquence, que d'avoir fait abandonner,
même avec plaisir, à un peuple entier, une
loi si favorable à ses intérêts. Nous
avons ces trois discours de Cicéron, mais le
dernier est très mutilé.
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(33) Othon,
dont les prénoms étaient Luc. Roscius, et
non pas Marcus, comme le dit Plutarque, est nommé
préteur dans le texte, ou par l'erreur de cet
historien, ou par celle de son copiste ; car il est
certain, par Cicéron lui-même, par
Tite-Live, dans l'épitome du
quatre-vingt-dix-neuvième livre, et par Dion, liv.
XXXVI, chap. XXV, qu'Othon n'était que
tribun.
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(34) Cicéron,
dans sa troisième Catilinaire, chap. VIII,
raconte fort en détail tous ces prodiges, que
Plutarque ne fait qu'indiquer ici. Dion en parle aussi,
livre XXXVII, chap. XXV.
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(35) Salluste,
qui cherche autant qu'il peut à disculper Crassus
de toute complicité avec Catilina, ne dit point
qu'il eût donné à Cicéron
aucun indice de la conjuration.
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(36) Plutarque,
en nommant les deux personnes apostées pour tuer
Cicéron, n'est point d'accord avec Salluste, qui
lui-même ne l'est pas avec Cicéron.
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(37) Cette
assertion n'est pas exacte. Cicéron n'ordonna pas
à Catilina de sortir de Rome ; il aurait craint,
en le faisant, de paraître agir avec une
autorité trop absolue. Il fit mieux, et tel fut le
pouvoir de son éloquence, que Catilina,
effrayé, prit de lui-même le parti de
quitter Rome.
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(38) Un
sénateur qui avait été chassé
de son corps ne pouvait y rentrer que par une de ces cinq
voies : il fallait ou qu'il y fût retenu par le
collègue du censeur qui l'avait chassé ; ou
que les censeurs suivants l'y rappelassent ; ou
qu'après le jugement des commissaires qu'on lui
donnait, il eût été lavé des
accusations qu'on avait faites contre lui ; ou que le
peuple l'eût absous par ses suffrages ; ou enfin
qu'après avoir repassé par les
premières charges qu'il avait déjà
exercées, il se fût élevé
à une des charges curules, qui seule le
rétablissait de droit dans le sénat.
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(39) Cette
origine du surnom de Sura, que Lentulus portait, n'est
point vraie : il est beaucoup plus ancien que Plutarque
ne le dit ; car on trouve dans Tite-Live, livre XXII,
chap. XXXI, un P. Sura, lieutenant du préteur
Emilius en Sicile.
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(40) Ces
fêtes se célébraient vers la fin du
mois de décembre, et duraient trois jours ; la
longueur des nuits, à cette époque de
l'année, pouvait favoriser leur entreprise.
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(41) Appien,
liv. II des Guerres civiles, p. 430, dit, comme
Plutarque, que les conjurés furent
distribués dans les maisons des préteurs,
qui leur servirent de prisons ; mais Salluste, qui nous a
conservé les noms de ceux à la garde de qui
ils furent confiés, ne donne à aucun d'eux
la qualité de préteur.
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(42) Nigidius
Figulus, le plus savant des Romains après Varron,
selon Aulu-Gelle, liv. IV, chap. lX, est qualifié
de sénateur par Dion, liv. XLV, chap. 1.
Cicéron, au rapport du même Aulu-Gelle, liv.
XI, chap. XI, avait pour lui la plus grande estime,
à cause de son esprit et de ses
connaissances.
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(43) Dans
cette oraison de Cicéron, qui nous est parvenue,
et qui est la quatrième de ses
Catilinaires, le grand art de l'orateur, que
Plutarque n'a pas bien saisi, consiste à balancer
tellement l'opinion de César et celle de Silanus,
qu'il laisse voir clairement que c'est pour cette
dernière qu'il s'est décidé.
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(44) C'est
une métaphore prise des mystères
d'éleusis, dans lesquels on éprouvait les
initiés par les objets les plus effrayants.
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(45) Métellus
seul devait être compris dans cette inculpation,
puisque César, préteur
désigné, n'était pas encore
entré en charge avant les calendes de janvier ; et
que Bestia, tribun du peuple sous le consulat de
Cicéron, était sorti de charge aux nones de
décembre.
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(46) Quand
les consuls entraient en charge, ils juraient, entre les
mains du consul qui les avait proclamés, qu'ils
seraient fidèles à observer les lois ; et
lorsqu'ils en sortaient, ils juraient de nouveau, en
présence du peuple, qu'ils avaient rempli leur
premier serment.
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