Chapitre 39

Comment le roi de Majorque fut déçu par le roi de France qui échangea l'évêché de Maguelonne et prit possession de Montpellier au grand regret des prud'hommes.

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D'après les promesses du roi de France, le roi de Majorque fut tranquille sur le sort de Montpellier ; et cependant, malgré ces assurances, il fut trompé par le roi de France, qui fit un échange avec l'évêché de Maguelonne, contre ce que ledit évêque possédait à Montpellier. Après quoi il entra à Montpellier pour y prendre possession de ce qui appartenait audit évêché. Les prud'hommes n'y voulaient absolument pas consentir et étaient résolus de se laisser tuer plutôt que de permettre que le roi de Majorque reçût un semblable tort du roi de France. Le roi de France fit convoquer son armée à Montpellier, et il y arriva un nombre infini de troupes, tant à pied qu'à cheval ; mais les prud'hommes se préparèrent à se défendre avec vigueur. Le roi de Majorque, instruit de cette affaire, crut devoir laisser le roi de France entrer en possession, n'imaginant pas, d'après leur liaison, leur amitié et leurs engagements réciproques, qu'il voulût le priver de la possession de la ville. Il envoya donc ordre aux prud'hommes de ne point s'opposer à la prise de possession, et le leur ordonna, sous peine de trahison, ne voulant point se brouiller avec le roi de France. Il les exhorta à se rassurer, en ajoutant, qu'ils sussent qu'il y avait entre lui et le roi de France de tels engagements et une telle liaison qu'il ne pouvait douter de rentrer promptement dans son droit.

Les prud'hommes de Montpellier obéirent, quoique à regret, aux ordres du roi de Majorque, surtout à cause de la bonne assurance qu'il mettait en avant. Voilà comment le roi de France trompa le roi de Majorque. Celui-ci alla en France et vit cette fois-là et plusieurs autres, le roi de France ; mais chaque fois celui-ci mettait en avant quelque prétexte, disant qu'il ne pouvait le faire pour le moment, mais qu'il se tînt bien pour certain qu'il le ferait incessamment ; et, avec ces belles paroles, il le trompa sa vie durant ; et ainsi ont fait tous les rois de France jusqu'à ce jour. Et il ne leur a pas suffi de prendre possession de la portion de l'évêché, mais ils se sont emparés de tout le reste de la ville. Quelle fraude plus manifeste a jamais eu lieu ? Aussi vous pouvez être certains qu'un jour ou l'autre une grande guerre amènera de grands maux ; les rois d'Aragon et de Majorque ne l'endureront point, et je crois qu'il en coûtera cher à la maison de France. Que Dieu, dans sa miséricorde, juge selon la justice et le droit qui ont été violés en ceci ! Laissons-en donc le jugement à Dieu, qui saura bien punir les coupables selon la justice et la vérité, et parlons du roi En Pierre d'Aragon qui compta sur les promesses de roi de France, mais qui fut dupé, ainsi que l'avait été le roi de Majorque, et d'une manière bien plus funeste, puisque l'objet était beaucoup plus important. Toutefois, avant que la tromperie faite au roi d'Aragon eût son entier effet, Dieu le vengea bien, ainsi que vous allez l'apprendre.


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