Le noble En Guillem de Castellnou, à son départ d'Alcoyll fit route pour Rome avec les deux galères, et alla trouver le pape. Quand il fut devant le pape et le consistoire, il fit et dit tout ce dont le roi l'avait chargé. Quand le pape l'eut entendu, il répondit, ainsi que le roi En Pierre l'avait prévu : «Pourquoi le roi ne nous a-t-il point communiqué, quand il était en Catalogne, ce qu'il nous fait dire à présent ?» Ledit noble lui fit la réponse que le roi lui avait prescrite. Que vous dirai-je ? Le pape lui répliqua que, s'étant alors caché de lui, il n'en obtiendrait à présent ni argent, ni croisade, ni rien du tout. Alors ledit noble protesta de la manière que le roi lui avait dit de le faire, et plein de colère et d'indignation, il prit congé du pape, et ajouta ces paroles à celles que le roi lui avait prescrit de dire : «Saint-Père, je m'en retourne avec la cruelle réponse que vous me faites. Plaise au Seigneur vrai Dieu, que si cette réponse attire des malheurs sur la chrétienté, cela retombe sur votre âme et sur l'âme de tous ceux qui vous ont conseillé et vous conseillent cette réponse !» Ensuite il s'embarqua et se rendit à Alcoyll. Le roi le vit avec plaisir et alla le recevoir, car il l'aimait beaucoup et l'estimait pour son courage et ses autres qualités. Il réunit son conseil et voulut connaître la réponse qu'il apportait ; il en rendit compte. Le roi voyant la dureté du pape leva les mains vers les cieux et dit : «Seigneur vrai Dieu, maître et souverain de toutes choses, daignez seconder mes desseins ; vous savez que mon intention était de venir ici et d'y mourir à votre service. Mais vous savez bien que je ne puis me maintenir seul ; faites donc, par votre grâce et merci, que votre protection et vos conseils descendent sur moi et les miens.» Ensuite il pria tous les membres du conseil de songer à ce qu'ils auraient à lui conseiller de faire, et dit qu'il y réfléchirait de son côté. On se sépara et chacun rentra dans sa demeure.