La maison du cithariste (1)

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Péristyle de la maison du cithariste

On avait commencé à découvrir cette vaste et belle habitation le 18 octobre 1853 ; les travaux, continués en 1854, furent suspendus pendant près de quinze ans et n'ont été repris que le 10 novembre 1868 ; aujourd'hui les fouilles sont presque complètes. Le plan en forme d'équerre renferme une maison plus petite occupant le coin des rues de Stabia et de l'alphithéâtre. Le prothyrum de la maison du Cithariste est flanqué à gauche de deux boutiques dont la plus éloignée a un fourneau, une arrière-boutique et une grande pièce au fond ; l'autre a simplement une arrière-boutique communiquant avec l'atrium. A droite du prothyrum est une seule boutique avec une arrière-boutique contenant un fourneau.

Dans ces boutiques on a trouvé un assez grand nombre d'objets, tels que plusieurs vases de bronze à usage soit religieux soit domestique, deux fragments de moules à pâtisserie en forme de coquilles, quatre agrafes ou fibules, vingt-sept anneaux de diverses grandeurs, une monnaie très oxydée, plusieurs fragments de serrure et quelques petits ornements de meuble, le tout en bronze, divers outils de fer, quatre poids de plomb avec des poignées de fer, un poids rond en pierre, quelques vases communs de terre cuite, une petite tasse de terre rouge vernissée, une lampe à un seul bec, enfin un fragment d'inscription mutilée.

Sur un des piliers de la porte de la maison on lit :

CAPRISIVM
II. V I R. O. V. F.

«Je vous prie de faire duumvir Caprisius».

Lorsqu'on a franchi le seuil élevé de trois degrés et conservant à gauche une grande crapaudine de bronze, on se trouve dans un prothyrum peu orné, mais long de 8m 110 sur une largeur de 2m 05 ; à sa droite est la loge du portier communiquant aussi avec l'atrium.

Celui-ci est petit en proportion du reste de l'habitation ; son compluvium entièrement ruiné a été rempli et tout le sol est aujourd'hui nivelé. Les chambres, au nombre de deux de chaque côté, sont en très mauvais état et paraissent n'avoir jamais été très ornées ; il en est de même de la grande ala de droite. Entre celle-ci et le tablinum est un petit cabinet exhaussé de deux degrés.

L'ala de gauche est percée de deux portes : l'une, celle des fauces donnant accès au péristyle ; l'autre, celle d'un corridor conduisant à des communs très complets ; ses murs présentent dans des cartels une tête de jeune Bacchant, un petit paysage et une marine. Sur le trumeau qui sépare les fauces du tablinum est un chien-loup à queue retroussée.

Dans cet atrium, on a recueilli deux monnaies de bronze, un petit morceau de pâte de verre et un petit autel de marbre autour duquel sont sculptés en bas-relief deux Amours soutenant une guirlande, deux oiseaux se becquetant, deux palmes croisées et un praefericulum, vase de sacrifice en forme d'aiguière que les Grecs nommaient oinokoê (2).

Le tablinum, si toutefois on peut lui donner ce nom puisqu'on ne pouvait y entrer de l'atrium, est surélevé de 0m 71. et garni d'un pluteus de marbre ; il est reporté vers la gauche hors de l'axe du prothyrum. Il ouvre sur les fauces, qui n'ont pas moins de 2m 10 de largeur et dont le plan est incliné. Lorsqu'on a franchi ce passage on se trouve dans un péristyle entouré de dix-huit colonnes ioniques pleines et peintes en rouge dans le bas, blanches et cannelées dans leur partie supérieure et très irrégulièrement espacées.

Au milieu de l'un des petits côtés de l'area est, près d'un puteal de lave, un bassin de marbre de forme semi-circulaire où l'on pouvait descendre par deux degrés placés à son côté droit. On voit les restes d'un conduit de bronze qui y jetait l'eau amenée par un tuyau de plomb partant du pied de la colonne voisine. Sur le bord du bassin furent trouvés, formant une espèce de chasse, un sanglier, un lion, deux chiens, une biche et un serpent de bronze qui ont été déposés au musée dans le même ordre. C'est aussi près de cette fontaine que fut découverte le 8 novembre 1853 une statue de bronze de la plus parfaite conservation et qu'un plectre qu'elle tient dans la main droite sembla désigner comme un Apollon ; on s'accorde aujourd'hui à y reconnaître simplement un joueur de lyre, un Cithariste. Cette figure, aujourd'hui au musée, est du plus beau travail, bien qu'on puisse trouver que ses formes un peu lourdes, ses épaules un peu carrées paraissent mieux convenir à un jeune athlète qu'à un Dieu. Les cheveux retombent en boucles sur les épaules ; les yeux sont en émail, et les pieds posent sur une plinthe circulaire de bronze entourée de moulures et d'oves. Du même côté du péristyle est une grande exèdre dont les peintures sont presque entièrement détruites et dont le frontispice était soutenu par deux colonnes.

Au mur de gauche, près de l'escalier montant à la maison voisine, est un réduit profond de 1m 50 et large de 2m 30, une espèce de petite ala pavée de grands carreaux de Cipollino séparés par des bandes de Porta-santa ; cette pièce, dont la voûte est décorée de stucs, paraît n'avoir jamais été fermée.

Au côté droit du péristyle est un grand mur percé de six fenêtres et de deux portes ouvrant sur le second péristyle ; après la seconde porte est un renfoncement qui dut être une armoire.

Le fond du péristyle est occupé par trois grandes pièces communiquant entre elles par de larges portes percées tout contre le mur de façade. Dans la première pièce à droite est une grande peinture représentant le Jugement de Pâris ; les déesses sont vêtues et Pâris assis paraît consulter Mercure. Trois pièces situées à droite ont leurs entrées sur celle-ci ; les deux premières, de grandeur inégale, n'ont rien de remarquable ; la troisième, qui n'est pas encore déblayée, paraît n'avoir été autre chose qu'un posticum. Au fond sont également trois portes ; la première à droite ouvre sur un cabinet qui fut garni de tablettes. La pièce du milieu, bien décorée, conserve trois peintures ; à droite sont deux personnages, l'un assis, l'autre debout, tous deux jouant de la lyre ; c'est évidemment une leçon de musique ; ou voit distinctement le plectre dans la main du musicien, qui est assis et plus âgé que l'autre qui semble l'écouter avec attention. Le sujet représenté au fond de la salle est Apollon appuyé sur la lyre et un bras sur la tête, comme le célèbre Apollino de Florence ; auprès de lui est le corbeau qui l'avertit de l'infidélité de Coronis ; enfin la troisième peinture, à gauche, offre Hector debout devant le vieux Priam assis.

La dernière pièce, élevée d'un degré, est assez grande, mais n'a que des peintures fort simples.

Revenons à la pièce qui occupe le milieu du fond du péristyle et que précède une sorte de vestibule. Ses peintures sont assez mal dessinées ; au fond est un personnage assis devant sa tente ; à gauche sont deux héros tenant l'un une branche de laurier, l'autre une pique renversée ; la peinture de droite paraissant représenter Iphigénie en costume de prêtresse est d'une raideur et d'une exécution barbare qui rappellent les oeuvres des artistes du Xe siècle.

La salle voisine, plus grande et pavée en mosaïque blanche, dut être le triclinium ; son soubassement offre sur fond noir des poissons, des canards, des légumes, etc.; les autres décorations ont entièrement disparu. On y trouva, à environ 0m 80 du sol, des pattes de lion et une pomme en os, une tête de Satyre couronnée de pampres, enfin un morceau de bronze cylindrique. Tous ces objets paraissent avoir décoré un meuble de bois qui ne s'est pas conservé et que Minervini pense avoir dû être un lit de repos.

A gauche du péristyle est un escalier de dix marches établissant une communication avec la maison du compluvium de mosaïque que nous avons visitée rue de la Casina dell'Aquila ; à droite, au contraire, on descend par un degré près duquel est une conduite de terre cuite dans un second péristyle dont les colonnes doriques, de beaucoup plus petite proportion, sont au nombre de vingt, cinq en largeur et sept en longueur en comptant deux fois les colonnes d'angle ; elles sont réunies par un pluteus creux qui contenait des fleurs encadrant agréablement le viridarium que formait l'area. Au fond de ce péristyle sont trois pièces de grandeur très inégale, pavées en mosaïque. Celle de gauche est un procaeton ouvert ayant une porte sur la chambre du milieu vers le fond de laquelle deux demi-colonnes forment une sorte d'alcôve. La troisième pièce est énorme et paraît avoir été un triclinium d'été ; elle est ouverte par devant et son frontispice est soutenu par deux piliers carrés ; tous ses ornements ont disparu.

A l'extrémité opposée du péristyle sont deux autres pièces communiquant entre elles ; les murailles de la première ont pour toute décoration des refends de diverses couleurs ; une peinture a été enlevée de la paroi droite de la seconde ; celle de gauche est méconnaissable, et celle du fond, dont il manque la partie supérieure, représentait Adonis au repos.

Plusieurs autres peintures ont été trouvées dans cette cette habitation, parmi lesquelles une Ariane abandonnée rencontrée par Bacchus et une grande et superbe composition représentant Oreste et Pylade amenés captifs devant Iphigénie. Ces peintures ayant été détachées au moment même de leur découverte et avant que l'air eût pu exercer sur elles sa fatale influence, ont conservé tout leur éclat et sont au nombre des plus intactes que l'on puisse admirer au musée ; malheureusement dans la dernière la tête d'Iphigénie n'existait plus.

Une double découverte très précieuse a eu lieu les 19 et 24 novembre 1868 dans les pièces les plus reculées de cette habitation : c'est celle de deux beaux bustes de marbre dans lesquels M. G. de Petra a reconnu les têtes de Brutus et de Pompée. L'un de ces bustes avait eu l'épaule gauche brisée et rattachée par une fiche de bronze ; à l'autre manquait une partie du nez et des oreilles, mais il a pu être restauré de la manière la plus satisfaisante par le sculpteur de Crescenzo.


(1)  Cette habitation est celle que, dans les premières éditions de cet ouvrage, nous avions décrite sous le nom de maison d'Iphigénie. Le nom de maison du Cithariste a prévalu ; il a remplacé aussi ceux de maison d'Apollon Citharoede ou de L. Popidius Secundus.

(2)  Les principaux vases en usage dans les sacrifices étaient, outre le praefericulum, l'acerra, boite à encens, le thuribulum, encensoir, le simpulum ou simpuvium, espèce de cuiller à manche recourbé qui servait à puiser dans les vases à étroite embouchure, le guttum, qui versait le vin goutte à goutte, enfin la patera, employée aux libations et à recevoir le sang des victimes.