La maison du gouvernail et du trident |
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Dite aussi de Vénus et de Mars,
fouillée en 1861.
A l'angle de cette maison, avec l'intérieur de
laquelle elle communique, est une boutique dont une
inscription, tracée en grandes lettres sur sa muraille
blanche, à filets rouges, a fait connaître le
nom présumé de celui qui l'occupait, un certain
M. Nonius Campanus, soldat de la IXe cohorte
prétorienne. Cette boutique était
entièrement ouverte des deux côtés,
n'ayant à l'angle qu'un simple pilier. Le seuil sur la
rue des Augustales était en bois et n'existe plus ;
celui sur la rue du Lupanar est en pierre, et la
clôture en bois qui le surmontait avait laissé
dans les cendres une empreinte assez nette pour que M.
Fiorelli ait pu la faire mouler en plâtre.
Le pavé est composé de petits fragments de
marbre noyés dans le ciment. Au milieu de la boutique
est une grande table de pierre sur laquelle des instruments
de fer ont laissé des traces de rouille. On avait
d'abord cru reconnaître ici une boucherie, mais
d'après la forme des outils qui y ont
été trouvés, surtout celle de l'un de
ces couteaux en forme de croissants aiguisés à
l'extérieur, encore employés pour amincir et
parer le cuir et que l'on nomme couteaux à doter, nous
pensons avec Fiorelli et Overbeck que c'était
l'atelier d'un corroyeur ou d'un cordonnier. On trouva en
outre dans cette boutique les fragments d'une balance et de
deux serrures, les charnières et les ornements en os
et en métal de deux cassettes de bois, deux petites
monnaies d'argent et huit de bronze, quelques vases de verre
et un grand nombre de morceaux de terre cuite dont cent
quatre petits couvercles paraissant avoir été
apportés par les eaux d'une boutique de potier
située de l'autre côté de la rue.
Venons à la maison même qui était
fermée par une porte à deux battants dont le
seuil de travertin conserve encore les crapaudines de bronze.
Le pavé du prothyrum présente en
mosaïque un gouvernail et un trident entre deux
dauphins. Ces attributs sont exécutés en noir
sur fond blanc, mais sur le gouvernail est perché un
martin-pêcheur en mosaïque de couleur.
Séparé par une bande noire est un hippocampe et
au-dessus, sur une frise transversale est
représentée en noir une porte de ville
flanquée de courtines et de deux tours
crénelées ; enfin au-dessus des murailles sont
dans le champ deux objets en mosaïque de couleur qui
paraissent être deux des coquillages nommés
cyprées ou porcelaines. Les murailles,
peintes en rouge et partagées en panneaux par des
lignes jaunes, présentent dans le haut des
architectures fantastiques, des crotales, des dauphins et des
rhytons. Le soubassement est noir, entouré de
méandres et orné de bouquets de plantes.
L'atrium assez vaste est tout entier pavé en
mosaïque noire semée de morceaux
irréguliers de marbres de diverses couleurs ; ce fond
est entouré d'une large bande de mosaïque
blanche. Une bande un peu plus étroite encadre le
compluvium de lave en tête duquel est une
embouchure de citerne en marbre blanc avec son couvercle
qu'on soulevait au moyen d'un anneau de fer. Deux piliers de
briques placés en dehors de l'axe du compluvium
paraissent avoir porté une table qui sans doute
n'était que de bois, puisqu'elle n'a pas
été retrouvée.
En entrant dans l'atrium on trouve de suite à
droite du prothyrum la loge du portier communiquant
avec la boutique que nous avons décrite.
Au côté droit du portique se présente
d'abord une chambre à panneaux rouges au milieu
desquels on distingue encore des griffons et des groupes de
vases fort effacés. Le soubassement noir avec
encadrements rouges et jaunes était orné de
plantes aquatiques. Le pavé en opus signinum
est semé de petits cubes de marbre blanc qui, par une
singulière économie, n'existent pas dans
l'emplacement qu'occupait le lit.
Sur le trumeau qui sépare cette pièce de la
suivante, est un grand médaillon d'une parfaite
conservation due à un encaustique qui y fut
appliqué au moment même de sa découverte
; il renferme deux bustes presque de grandeur naturelle, qui
ont fait donner à cette habitation le nom de maison
de Mars et de Vénus, bien qu'à notre avis
rien ne ressemble moins à ces deux divinités.
J'ai peine à reconnaître Vénus dans cette
jeune matrone pudiquement voilée, encore moins Mars
dans ce jeune homme imberbe qui ressemblerait plus à
Adonis qu'au dieu de la guerre, si, outre sa lance, il
n'était aussi armé d'une épée.
Nous croyons que cette peinture représente simplement
Hector et Andromaque, Achille et
Déidamie ou tout autre jeune guerrier quittant sa
femme pour courir au combat. Nous avons donc pensé
devoir avec Dyer préférer la première
dénomination de maison du Gouvernail et du
Trident, d'autant plus qu'il existait déjà
à Pompéi une autre maison connue sous celle
de Vénus et de Mars.
Cette peinture se trouve sur un panneau rouge, tandis que les
murailles de l'atrium sont jaunes et n'offrent qu'un
petit Amour et des Nymphes légèrement
drapées, tenant des sphères, des lyres, des
armes et des corbeilles. Le haut des murailles
présente des architectures et des ornements sur fond
blanc.
La seconde chambre à droite de l'atrium,
également peinte en jaune, a conservé des
vestiges d'architecture et de petits Amours tenant des lyres,
des rhytons, des épées, des sphères et
autres objets. Le pavé est en opus signinum
semé de petits morceaux de marbre.
L'ala de droite a pour décoration des
architectures fort simples peintes sur fond blanc ; au
soubassement rouge sont représentés des iris.
Le pavé est une mosaïque noire ayant au milieu un
carré blanc et noir avec encadrement blanc. Le seuil
présente, sur fond blanc, des rinceaux en couleur
entremêlés de fleurs et d'oiseaux. Sur le sol
étaient dispersés un anneau, une serrure et
deux anses de bronze, ayant appartenu à quelque caisse
de bois, un petit vase à parfum en verre, une lanterne
en terre cuite, quelques vases, enfin les cornes d'un jeune
taureau qui probablement étaient suspendues à
la muraille comme préservatif contre le
fascinum, le mauvais sort, la jettatura.
A droite du tablinum est une grande pièce ayant
une porte sur le péristyle ; son pavé en
opus signinum est divisé par des lignes de
cubes blancs. Les quatre parois présentent des figures
terminées en gaînes de femmes demi-nues et
d'hommes vêtus, de grandeur naturelle, soutenant des
guirlandes. Ces figures étaient d'un grand style et il
est bien à regretter que plusieurs soient
entièrement détruites et que pas une ne soit
intacte. Au-dessus étaient plusieurs petits sujets
dont deux seulement étaient reconnaissables, une
Femme montée sur un âne et jouant d'une
espèce de harpe et une Danse orgiaque devant un
hermès de Priape.
Le tablinum, qui occupe sa place ordinaire, est ouvert
au fond sur le péristyle ; il a un beau pavé de
mosaïque malheureusement un peu enfoncé offrant
au milieu une riche rosace sur fond noir. Le seuil en
mosaïque de couleur est vraiment magnifique ; il
présente dans trois ovales un ornement qui
paraît être un foudre. Les murailles portaient
sur des panneaux rouges séparés par des
colonnes blanches des petites figures, des fruits, des
poissons et des paysages qui ont disparu. On trouva dans
cette pièce un petit groupe d'une exécution
médiocre repré-sentant l'Amour et
Psyché.
Revenons au prothyrum, nous verrons à sa gauche
une chambre dont les peintures n'existent plus. On y
découvrit le pied d'un candélabre, quatre
monnaies et cinq petits anneaux de bronze, cinq petits vases
de verre, un grand vase à huile en terre cuite,
quelques fragments d'un fuseau en os et quatre morceaux de
pâte de verre colorée.
Dans l'angle de l'atrium de ce côté est
une singulière niche ménagée dans
l'épaisseur de la muraille ; on n'y pouvait passer le
bras que par une fente ouverte dans le tableau de la
première porte à gauche ; cette disposition
unique à Pompéi semble indiquer une cachette
destinée à receler des objets précieux.
Le devant étant en partie détruit, on peut voir
l'intérieur que l'on est fort étonné de
voir décoré de peintures.
Cette première pièce à gauche de
l'atrium est grande, mais sans aucun ornement. De
là partait un corridor en plan incliné
conduisant dans la cave qui est très vaste et
règne sous trois côtés du
péristyle. Les deux côtés de la cave, en
face et à droite de l'escalier, sont de longs
corridors voûtés semblables à ceux de la
villa de Diomède, mais le troisième
côté, parallèle à la rue du
Lupanar, est formé de plusieurs berceaux de
voûte séparés.
La galerie faisant face à l'escalier conduit
directement à l'auberge de l'Eléphant que nous
visiterons bientôt et qui se trouve à un plan
inférieur, la rue du Lupanar où est sa
façade descendant depuis la rue des Augustales.
Remontant à l'atrium on voit à gauche
une seconde chambre petite et ne conservant pas de trace des
sujets qui étaient peints sur ses murailles et son
soubassement rouges.
A la place de l'ala qui n'existe pas de ce
côté sont deux petits réduits avec des
seuils de marbres divers qui ne paraissent pas avoir
été faits pour cette place. Les murailles
portent l'indication de tablettes où l'on
déposait les comestibles et les divers ustensiles
d'usage domestique.
Avant de quitter l'atrium, rappelons que beaucoup
d'objets divers y furent trouvés ; les principaux sont
un vase de bronze à manche, une mesure pour les
liquides, deux patères, un vase de verre de forme
carrée, une petite bouteille dite ampulla, deux
lampes et un petit vase de terre cuite, deux lames de
couteaux en fer, un poids de marbre, quelques ornements en os
d'une cassette de bois, deux yeux d'émail devant
provenir de quelque statue de bronze, deux strigiles, l'un de
bronze, l'autre de fer suspendus à un même
anneau, cinq as doubles, dupondia, de l'époque
impériale, trois vases à parfums,
unguentaria, de verre, beaucoup de fragments de
tôle, enfin trois de ces tubes d'os percés de
trous qu'on a pris longtemps pour des morceaux de
flûtes et qui sont crus aujourd'hui n'être autre
chose que des charnières de coffre.
En sortant dans les fauces, situés à
gauche du tablinum, on trouve de suite l'entrée
de la cuisine où l'on voit, outre le fourneau et la
peinture effacée des dieux Lares, la bouche de
l'hypocauste d'un petit bain auquel conduisent quatre
degrés. Du second de ceux-ci partait un escalier de
bois conduisant à l'étage.
Le bain se compose de deux petites pièces
carrées portées par des suspensurae et
pavées en mosaïque. La première, la plus
petite n'ayant que 2m 40 sur a une lucarne ouverte sur le
péristyle ; elle dut être une sorte de
tepidarium où la chaleur arrivait du
caldarium par un trou de 0m 18 de diamètre,
percé à 1m 60 du sol ; les murailles peintes en
jaune sont ornées de guirlandes vertes et
rouges.
Le caldarium, long de 2m 88 sur 2m 25, ne forme point
un carré régulier, l'un de ses angles
étant aigu ; il a ses parois isolées par des
tuyaux creux rendant directement la chaleur de l'hypocauste.
Ces murailles ont des panneaux peints de toutes couleurs. Les
deux pièces sont voûtées et pavées
en mosaïque blanche et noire.
En descendant du bain, on entre dans le péristyle qui
est vaste et de forme trapézoïdale, ses angles
N.-E. et S.-E. étant droits, l'angle S.-O. obtus, et
l'angle N.-O. aigu. Il est entouré de 13 colonnes et
de deux piliers avec colonnes engagées ; ces deux
derniers se trouvent devant le tablinum. Les colonnes
du côté oriental sont réunies par un
pluteus peint en rouge avec des plantes aquatiques du
côté de l'intérieur des portiques. Dans
l'area sont trois petits hermès ; l'un a la
tête brisée ; le second est une Ariane et le
troisième a une double face de Bacchus jeune et vieux.
On trouva aussi dans l'area des débris
d'arbustes carbonisés.
Sous la galerie régnant derrière le
tablinum sont déposés deux pieds de
table différents, l'un en marbre blanc et
cannelé en spirale est auprès de sa table qui
est carrée ; l'autre très haut et en granit
noir a un pied triangulaire qui rappelle ceux des
guéridons à la mode sous Napoléon Ier ;
peut-être au lieu d'une table portait-il un vase ou un
candélabre.
A terre gît une inscription brisée en cinq
morceaux ; trois étaient employés comme
matériaux au seuil du corridor, et les deux autres
furent trouvés dans deux endroits différents du
péristyle. Plusieurs lettres étaient à
moitié effacées, cependant l'inscription a pu
être rétablie ainsi par MM. Schône et
Giovanni de Petra :
CVSPIN S T. F. M. LOREIVS M. F.
DVO VIR. D. D. S. MVRVM ET
PLVMAM FAC. COER. EIDEMQ. PR.
«Cuspius, fils de Titus, Marcus Loreius, fils de Marcus, duumvirs, ont fait faire le mur et son revêtement (?) par décret des décurions et ceux-ci ont approuvé ce travail».
Le péristyle n'a pas de pièces à droite, mais à gauche sont une très grande exèdre et plusieurs autres salles ruinées. Dans la dernière qui fut le triclinium est un buffet à deux gradins en maçonnerie. Enfin, le côté sud du péristyle est une terrasse régnant sur une partie des salles de l'auberge de l'Eléphant, qui, comme nous l'avons dit, se trouve en contre-bas.