Scène 1
Céthégus, Lentulus - Sura,
retirés vers le
devant
SURA
Tous ces pères de Rome, au sénat
appelés,
Incertains de leur sort, et de soupçons
troublés,
Ces monarques tremblants tardent bien à
paraître.
CETHEGUS
L'oracle des Romains, ou qui du moins croit
l'être,
Dans d'impuissants travaux sans relâche
occupé,
Interroge Septime ; et, par ses soins
trompé,
Il a retardé tout par ses fausses alarmes.
SURA
Plût au ciel que déjà nous eussions
pris les armes !
Je crains, je l'avouerai, cet esprit du
sénat,
Ces préjugés sacrés de l'amour de
l'état,
Cet antique respect, et cette idolâtrie,
Que réveille en tout temps le nom de la
patrie.
CETHEGUS
La patrie est un nom sans force et sans effet ;
On le prononce encor, mais il n'a plus d'objet.
Le fanatisme usé des siècles
héroïques
Se conserve, il est vrai, dans des âmes
stoïques ;
Le reste est sans vigueur, ou fait des voeux pour
nous.
Cicéron, respecté, n'a fait que des
jaloux ;
Caton est sans crédit ; César nous
favorise :
Défendons-nous ici, Rome sera soumise.
SURA
Mais si Catilina, par sa femme séduit,
De tant de nobles soins nous ravissait le fruit !
Tout homme a sa faiblesse, et cette ame hardie
Reconnaît en secret l'ascendant
d'Aurélie.
Il l'aime, il la respecte, il pourra lui
céder.
CETHEGUS
Sois sûr qu'à son amour il saura
commander.
SURA
Mais tu l'as vu frémir ; tu sais ce qu'il en
coûte,
Quand de tels intérêts...
CéTHéGUS, en le tirant à
part
Caton approche, écoute.
(Lentulus et Céthégus s'asseyent
à un bout de la salle)
Scène 2
Caton entre au sénat avec
Lucullus, Crassus, Favonius, Clodius,
Muréna,
César, Catullus, Marcellus, etc
CATON, en regardant les deux
conjurés
Lucullus, je me trompe, ou ces deux confidents
S'occupent en secret de soins trop importants.
Le crime est sur leur front, qu'irrite ma
présence.
Déjà la trahison marche avec
arrogance.
Le sénat qui la voit cherche à
dissimuler.
Le démon de Sylla semble nous aveugler.
L'âme de ce tyran dans le sénat
respire.
CETHEGUS
Je vous entends assez, Caton ; qu'osez-vous dire
?
CATON, en s'asseyant, tandis que les autres prennent
place
Que les dieux du sénat, les dieux de
Scipion,
Qui contre toi, peut-être, ont inspiré
Caton,
Permettent quelquefois les attentats des traîtres
;
Qu'ils ont à des tyrans asservi nos
ancêtres ;
Mais qu'ils ne mettront pas en de pareilles mains
La maîtresse du monde et le sort des
humains.
J'ose encore ajouter que son puissant
génie,
Qui n'a pu qu'une fois souffrir la tyrannie,
Pourra dans Céthégus et dans
Catilina
Punir tous les forfaits qu'il permit à
Sylla.
CESAR
Caton, que faites-vous ? et quel affreux langage
!
Toujours votre vertu s'explique avec outrage.
Vous révoltez les coeurs, au lieu de les
gagner.
(César s'assied)
CATON, à César
Sur les coeurs corrompus vous cherchez à
régner.
Pour les séditieux César toujours
facile
Conserve en nos périls un courage
tranquille.
CESAR
Caton, il faut agir dans les jours des combats ;
Je suis tranquille ici, ne vous en plaignez pas.
CATON
Je plains Rome, César, et je la vois
trahie.
O ciel ! pourquoi faut-il qu'aux climats de
l'Asie,
Pompée, en ces périls, soit encore
arrêté ?
CESAR
Quand César est pour vous ? Pompée est
regretté ?
CATON
L'amour de la patrie anime ce grand homme.
CESAR
Je lui dispute tout, jusqu'à l'amour de
Rome.
Scène 3
Les mêmes, Cicéron
(Cicéron, arrivant avec
précipitation, tous les sénateurs se
lèvent.)
CICERON
Ah ! dans quels vains débats perdez-vous ces
instants ?
Quand Rome à son secours appelle ses
enfants,
Qu'elle vous tend les bras, et que ses sept
collines
Se couvrent à vos yeux de meurtres, de
ruines,
Qu'on a déjà donné le signal des
fureurs,
Qu'on a déjà versé le sang des
sénateurs ?
LUCULLUS
O ciel !
CATON
Que dites-vous ?
CICERON, debout
J'avais d'un pas rapide
Guidé des chevaliers la cohorte
intrépide,
Assuré des secours aux postes
menacés,
Armé les citoyens avec ordre
placés.
J'interrogeais chez moi ceux qu'en ce trouble
extrême,
Aux yeux de Cethégus j'avais surpris
moi-même.
Nonnius, mon ami, ce vieillard
généreux,
Cet homme incorruptible, en ces temps malheureux,
Pour sauver Rome et vous, arrive de Preneste.
Il venait m'éclairer dans ce trouble
funeste,
M'apprendre jusqu'aux noms de tous les
conjurés,
Lorsque de notre sang deux monstres
altérés,
A coups précipités frappent ce coeur
fidèle,
Et font périr en lui tout le fruit de mon
zèle.
Il tombe mort ; on court, on vole, on les poursuit
;
Le tumulte, l'horreur, les ombres de la nuit,
Le peuple, qui se presse, et qui se
précipite,
Leurs complices enfin favorisent leur fuite.
J'ai saisi l'un des deux qui, le fer à la
main,
Egaré, furieux, se frayait un chemin :
Je l'ai mis dans les fers, et j'ai su que ce
traître
Avait Catilina pour complice et pour
maître.
(Cicéron s'assied avec le
sénat.)
Scène 4
Les mêmes, Catilina
(Catilina, debout entre Caton et
César.
Céthégus est auprès de
César, le sénat assis.)
CATILINA
Oui, sénat, j'ai tout fait, et vous voyez la
main
Qui de votre ennemi vient de percer le sein.
Oui, c'est Catilina qui venge la patrie,
C'est moi qui d'un perfide ai terminé la
vie.
CICERON
Toi, fourbe ? toi, barbare ?
CATON
Oses-tu te vanter?...
CESAR
Nous pourrons le punir, mais il faut
l'écouter.
CETHEGUS
Parle, Catilina, parle, et force au silence
De tous tes ennemis l'audace et
l'éloquence.
CICERON
Romains, où sommes-nous ?
CATILINA
Dans les temps du malheur,
Dans la guerre civile, au milieu de l'horreur,
Parmi l'embrasement qui menace le monde,
Parmi des ennemis qu'il faut que je confonde.
Les neveux de Sylla, séduits par ce grand
nom,
Ont osé de Sylla montrer l'ambition.
J'ai vu la liberté dans les coeurs
expirante,
Le sénat divisé, Rome dans
l'épouvante,
Le désordre en tous lieux, et surtout
Cicéron
Semant ici la crainte, ainsi que le
soupçon.
Peut-être il plaint les maux dont Rome est
affligée :
Il vous parle pour elle ; et moi je l'ai
vengée.
Par un coup effrayant je lui prouve aujourd'hui
Que Rome et le sénat me sont plus chers
qu'à lui.
Sachez que Nonnius était l'âme
invisible,
L'esprit qui gouvernait ce grand corps si
terrible,
Ce corps de conjurés qui, des monts
Apennins,
S'étend jusqu'où finit le pouvoir des
Romains.
Les moments étaient chers, et les périls
extrêmes.
Je l'ai su, j'ai sauvé l'état, Rome, et
vous-mêmes.
Ainsi, par un soldat fut puni Spurius ;
Ainsi les Scipions ont immolé Gracchus.
Qui m'osera punir d'un si juste homicide ?
Qui de vous peut encor m'accuser ?
CICERON
Moi, perfide !
Moi, qu'un Catilina se vante de sauver ;
Moi, qui connais ton crime, et qui vais le
prouver.
Que ces deux affranchis viennent se faire
entendre.
Sénat, voici la main qui mettait Rome en cendre
;
Sur un père de Rome il a porté ses coups
;
Et vous souffrez qu'il parle, et qu'il s'en vante
à vous ?
Vous souffrez qu'il vous trompe, alors qu'il vous
opprime ?
Qu'il fasse insolemment des vertus de son crime ?
CATILINA
Et vous souffrez, Romains, que mon accusateur
Des meilleurs citoyens soit le persécuteur
?
Apprenez des secrets que le consul ignore ;
Et profitez-en tous, s'il en est temps encore.
Sachez qu'en son palais, et presque sous ces
lieux,
Nonnius enfermait l'amas prodigieux
De machines, de traits, de lances et
d'épées,
Que dans des flots de sang Rome doit voir
trempées.
Si Rome existe encore, amis, si vous vivez,
C'est moi, c'est mon audace à qui vous le
devez.
Pour prix de mon service, approuvez mes alarmes ;
Sénateurs, ordonnez qu'on saisisse ces
armes.
CICERON, aux licteurs
Courez chez Nonnius, allez, et qu'à nos
yeux
On amène sa fille en ces augustes lieux.
Tu trembles à ce nom !
CATILINA
Moi, trembler? je méprise
Cette ressource indigne où ta haine
s'épuise.
Sénat, le péril croît, quand vous
délibérez.
Eh bien ! sur ma conduite êtes-vous
éclairés ?
CICERON
Oui, je le suis, Romains, je le suis sur son
crime.
Qui de vous peut penser, qu'un vieillard
magnanime
Ait formé de si loin ce redoutable amas,
Ce dépôt des forfaits et des assassinats
?
Dans ta propre maison ta rage industrieuse
Craignait de mes regards la lumière
odieuse.
De Nonnius trompé tu choisis le palais,
Et ton noir artifice y cacha tes forfaits.
Peut-être as-tu séduit sa malheureuse
fille.
Ah ! cruel, ce n'est pas la première
famille
Où tu portas le trouble, et le crime, et la
mort.
Tu traites Rome ainsi : c'est donc là notre sort
!
Et tout couvert d'un sang qui demande vengeance,
Tu veux qu'on t'applaudisse et qu'on te
récompense !
Artisan de la guerre, affreux conspirateur,
Meurtrier d'un vieillard, et calomniateur,
Voilà tout ton service, et tes droits, et tes
titres.
O vous des nations jadis heureux arbitres,
Attendez-vous ici, sans force et sans secours,
Qu'un tyran forcené dispose de vos jours ?
Fermerez-vous les yeux au bord des précipices
?
Si vous ne vous vengez, vous êtes ses
complices.
Rome ou Catilina doit périr aujourd'hui.
Vous n'avez qu'un moment : jugez entre elle et
lui.
CESAR
Un jugement trop prompt est souvent sans justice.
C'est la cause de Rome ; il faut qu'on
l'éclaircisse.
Aux droits de nos égaux est-ce à nous
d'attenter ?
Toujours dans ses pareils il faut se respecter.
Trop de sévérité tient de la
tyrannie.
CATON
Trop d'indulgence ici tient de la perfidie.
Quoi ! Rome, est d'un côté, de l'autre un
assassin,
C'est Cicéron qui parle, et l'on est incertain
?
CESAR
Il nous faut une preuve ; on n'a que des alarmes.
Si l'on trouve en effet ces parricides armes,
Et si de Nonnius le crime est
avéré,
Catilina nous sert, et doit être
honoré...
(à Catilina)
Tu me connais : en tout je te tiendrai parole.
CICERON
O Rome ! ô ma patrie ! ô dieux du Capitole
!
Ainsi d'un scélérat un héros est
l'appui !
Agissez-vous pour vous, en nous parlant pour lui
?
César, vous m'entendez ; et Rome trop à
plaindre
N'aura donc désormais que ses enfants à
craindre ?
CLODIUS
Rome est en sûreté ; César est
citoyen.
Qui peut avoir ici d'autre avis que le sien ?
CICERON
Clodius, achevez : que votre main seconde
La main qui prépara la ruine du monde.
C'en est trop, je ne vois dans ces murs
menacés
Que conjurés ardents et citoyens
glacés.
Catilina l'emporte, et sa tranquille rage,
Sans crainte et sans danger, médite le
carnage.
Au rang des sénateurs il est encore admis
;
Il proscrit le sénat, et s'y fait des amis
;
Il dévore des yeux le fruit de tous ses crimes
:
I1 vous voit, vous menace, et marque ses victimes
:
Et lorsque je m'oppose à tant
d'énormités,
César parle de droits et de formalités
;
Clodius à mes yeux de son parti se range ;
Aucun ne veut souffrir que Cicéron le
venge.
Nonnius par ce traître est mort
assassiné.
N'avons-nous pas sur lui le droit qu'il s'est
donné ?
Le devoir le plus saint, la loi la plus
chérie,
Est d'oublier la loi pour sauver la patrie.
Mais vous n'en avez plus.
Scène 5
Le sénat, Aurélie
AURELIE
O vous ! sacrés vengeurs,
Demi-dieux sur la terre, et mes seuls
protecteurs,
Consul, auguste appui qu'implore l'innocence,
Mon père par ma voix vous demande vengeance
:
J'ai retiré ce fer enfoncé dans son
flanc.
(en voulant se jeter aux pieds de Cicéron qui
la relève)
Mes pleurs mouillent vos pieds arrosés de son
sang.
Secourez-moi, vengez ce sang qui fume encore,
Sur l'infâme assassin que ma douleur
ignore.
CICERON, en montrant Catilina
Le voici.
AURELIE
Dieux !
CICERON
C'est lui, lui qui l'assassina,
Qui s'en ose vanter.
AURELIE
O ciel ! Catilina !
L'ai-je bien entendu ? Quoi ! monstre
sanguinaire!
Quoi ! c'est toi, c'est ta main qui massacra mon
père ?
(Des licteurs la sontiennent)
CATILINA, se tournant vers
Céthégus,
et se jetant éperdu entre ses bras
Quel spectacle, grands dieux ! je suis trop bien
puni.
CETHEGUS
A ce fatal objet quel trouble t'a saisi ?
Aurélie à nos pieds vient demander
vengeance :
Mais si tu servis Rome, attends ta
récompense.
CATILINA, se tournant vers Aurélie
Aurélie, il est vrai... qu'un horrible
devoir...
M'a forcé... Respectez mon coeur, mon
désespoir...
Songez qu'un noeud plus saint et plus
inviolable...
Scène 6
Le sénat, Aurélie, le chef des
licteurs
LE CHEF DES LICTEURS
Seigneur, on a saisi ce dépôt
formidable.
CICERON
Chez Nonnius ?
LE CHEF DES LICTEURS
Chez lui. Ceux qui sont arrêtés
N'accusent que lui seul de tant
d'iniquités.
AURELIE
O comble de la rage et de la calomnie !
On lui donne la mort : on veut flétrir sa vie
!
Le cruel dont la main porta sur lui les coups...
CICERON
Achevez...
AURELIE
Justes dieux ! où me réduisez-vous
?
CICERON
Parlez ; la vérité dans son jour doit
paraître.
Vous gardez le silence à l'aspect de ce
traître !
Vous baissez devant lui vos yeux intimidés
!
Il frémit devant vous ! Achevez,
répondez.
AURELIE
Ah ! je vous ai trahis ; c'est moi qui suis
coupable.
CATILINA
Non, vous ne l'êtes point...
AURELIE
Va, monstre impitoyable ;
Va, ta pitié m'outrage, elle me fait
horreur.
Dieux ! j'ai trop tard connu ma détestable
erreur.
Sénat, j'ai vu le crime, et j'ai tu les
complices ;
Je demandais vengeance, il me faut des supplices.
Ce jour menace Rome, et vous, et l'univers.
Ma faiblesse a tout fait, et c'est moi qui vous
perds.
Traître, qui m'as conduite à travers tant
d'abîmes,
Tu forças ma tendresse à servir tous tes
crimes.
Périsse, ainsi que moi, le jour, l'horrible
jour,
Où ta rage a trompé mon innocent amour
!
Ce jour où, malgré moi, secondant ta
furie,
Fidèle à mes serments, perfide à
ma patrie,
Conduisant Nonnius à cet affreux
trépas,
Et, pour mieux l'égorger, le pressant dans mes
bras,
J'ai présenté sa tête à ta
main sanguinaire !
(Tandis qu'Aurélie parle au bout du
théâtre,
Cicéron est assis, plongé dans la
douleur.)
Murs sacrés, dieux vengeurs, sénat,
mânes d'un père,
Romains, voilà l'époux dont j'ai suivi la
loi,
Voilà votre ennemi !... Perfide,
imite-moi.
(Elle se frappe.)
CATILINA
Où suis-je ? malheureux !
CATON
O jour épouvantable !
CICERON, se levant
Jour trop digne en effet d'un siècle si coupable
!
AURELIE
Je devais... un billet remis entre vos mains...
Consul... de tous côtés je vois vos
assassins...
Je me meurs...
(On emmène Aurélie.)
CICERON
S'il se peut, qu'on la secoure, Aufide ;
Qu'on cherche cet écrit. En est-ce assez,
perfide ?
Sénateurs, vous tremblez, vous ne vous joignez
pas
Pour venger tant de sang, et tant d'assassinats ?
Il vous impose, encor ? Vous laissez impunie
La mort de Nonnius, et celle d'Aurélie ?
CATILINA
Va, toi-même as tout fait ; c'est ton
inimitié
Qui me rend dans ma rage un objet de pitié
:
Toi, dont l'ambition, de la mienne rivale,
Dont la fortune heureuse, à mes destins
fatale,
M'entraîna dans l'abîme où tu me
vois plongé.
Tu causas mes fureurs, mes fureurs t'ont
vengé.
J'ai haï ton génie, et Rome qui l'adore
;
J'ai voulu ta ruine, et je la veux encore.
Je vengerai sur toi tout ce que j'ai perdu :
Ton sang paiera ce sang à tes yeux
répandu :
Meurs en craignant la mort, meurs de la mort d'un
traître,
D'un esclave échappé que fait punir son
maître.
Que tes membres sanglants, dans ta tribune
épars,
Des inconstants Romains repaissent les regards.
Voilà ce qu'en partant ma douleur et ma
rage
Dans ces lieux abhorrés te laissent pour
présage :
C'est le sort qui t'attend, et qui va s'accomplir
;
C'est l'espoir qui me reste, et je cours le
remplir.
CICERON
Qu'on saisisse ce traître.
CETHEGUS
En as-tu la puissance ?
SURA
Oses-tu prononcer quand le sénat balance ?
CATILINA
La guerre est déclarée ; amis, suivez mes
pas.
C'en est fait ; le signal vous appelle aux
combats.
Vous, sénat incertain, qui venez de
m'entendre,
Choisissez à loisir le parti qu'il faut
prendre.
(Il sort avec quelques sénateurs de son
parti.)
CICERON
Eh bien ! choisissez donc, vainqueurs de
l'univers,
De commander au monde, ou de porter des fers.
O grandeur des Romains ! ô majesté
flétrie !
Sur le bord du tombeau, réveille-toi, patrie
!
Lucullus, Muréna, César même,
écoutez :
Rome demande un chef en ces calamités ;
Gardons l'égalité pour des temps plus
tranquilles :
Les Gaulois sont dans Rome, il vous faut des Camilles
!
Il faut un dictateur, un vengeur, un appui :
Qu'on nomme le plus digne, et je marche sous
lui.
Scène 7
Le sénat, le chef des licteurs
LE CHEF DES LICTEURS
Seigneur, en secourant la mourante
Aurélie,
Que nos soins vainement rappelaient à la
vie,
J'ai trouvé ce billet par son père
adressé.
CICERON, en lisant
Quoi ! d'un danger plus grand l'état est
menacé !
César qui nous trahit veut enlever
Préneste.
Vous, César, vous trempiez dans ce complot
funeste !
Lisez, mettez le comble à des malheurs si
grands.
César, étîez-vous fait pour servir
des tyrans ?
CESAR
J'ai lu, je suis Romain, notre perte s'annonce.
Le danger croît, j'y vole, et voilà ma
réponse.
(Il sort.)
CATON
Sa réponse est douteuse, il est trop leur
appui.
CICERON
Marchons ; servons l'état contre eux et contre
lui.
(à une partie des sénateurs)
Vous, si les derniers cris d'àurélie
expirante,
Ceux du monde ébranlé, ceux de Rome
sanglante,
Ont réveillé dans vous l'esprit de vos
aïeux,
Courez au Capitole, et défendez vos dieux
:
Du fier Catilina soutenez les approches.
Je ne vous ferai point d'inutiles reproches,
D'avoir pu balancer entre ce monstre et moi.
(à d'autres sénateurs)
Vous, sénateurs blanchis dans l'amour de la
loi,
Nommez un chef enfin, pour n'avoir point de
maîtres ;
Amis de la vertu, séparez-vous des
traîtres.
(Les sénateurs se séparent de
Céthégus et de Lentulus-Sura)
Point d'esprit de parti, de sentiments jaloux :
C'est par là que jadis Sylla régna sur
nous.
Je vole en tous les lieux où vos dangers
m'appellent,
Où de l'embrasement les flammes
étincellent.
Dieux ! animez ma voix, mon courage, et mon bras,
Et sauvez les Romains, dussent-ils être ingrats
!
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