Scène 1
Octave, Mécène
OCTAVE
Oui, Mécène, je sais qu'une ardente
vengeance
A souvent confondu le crime et l'innocence,
Qu'à des yeux prévenus le mal
paraît un bien,
Que la haine est injuste et n'examine rien ;
Mais je sais encor mieux qu'une aveugle
clémence
Loin d'arrêter le crime, en nourrit la licence
:
Plus on doit épargner les hommes vertueux,
Plus il faut des méchants faire un exemple
affreux.
Quel que soit mon courroux, il est si
légitime
Qu'il ne me permet pas le choix d'une victime :
Le seul infortuné digne de mes regrets,
Dont la mort flétrirait à jamais nos
décrets,
C'est l'orateur fameux pour qui Rome m'implore,
Et qu'un funeste amour me rend plus cher encore.
Le divin Cicéron, dont le nom glorieux
Triomphera toujours dans ces augustes lieux ;
Je veux le rendre aux pleurs de l'aimable Tullie,
Et le sauver des coups de l'indigne Fulvie.
Tu l'as vu cette nuit, conçois-tu quelque
espoir
Qu'il veuille en ma faveur employer son pouvoir ?
Il est bon qu'en public il prenne ma
défense,
Pour disposer le peuple à plus
d'obéissance,
Et que par ses amis il inspire au sénat
De réunir en moi tout le triumvirat.
César, pour rétablir l'état en
décadence,
Crut devoir s'emparer de la toute-puissance ;
Il sentit (et j'ai dû le sentir comme lui)
Qu'il ne faut aux Romains qu'un seul maître
aujourd'hui.
MECENE
Cicéron désormais n'a qu'un désir
unique,
C'est de vous voir, seigneur, sauver la
république,
D'Antoine qu'il méprise abaisser la
grandeur,
Devenir du sénat l'âme et le protecteur
:
Sur tout autre projet il sera peu flexible.
Cependant à vos soins il m'a paru sensible
:
Essayez d'engager ce fier républicain
A vous laisser jouir du pouvoir souverain ;
C'est sur ce point qu'il faut le vaincre ou le
séduire.
Cicéron, dès qu'il peut vous servir ou
vous nuire,
Ne vous laisse qu'un choix, le perdre ou le sauver
:
Le plus digne de vous est de le conserver ;
Son amitié, son nom, ses conseils, sa
prudence,
Son crédit au sénat, surtout son
éloquence,
Deviendraient votre appui dans un péril
pressant.
OCTAVE
Rien n'est si dangereux dans un état
naissant
Que ces hommes de bien que le public admire,
Qui, sur le préjugé d'un vertueux
délire,
N'embrassent le parti des autels ou des lois
Que pour tyranniser les peuples ou les rois.
Scène 2
Octave, Mécène, Cicéron
OCTAVE
J'aperçois Cicéron ; laisse-nous seuls,
Mécène.
Scène 3
Octave, Cicéron
OCTAVE, à part
Que sa douleur me trouble, et me cause de peine !
(haut)
A votre nom célèbre on doit trop de
respect
Pour croire que le mien vous puisse être
suspect.
Quoique des triumvirs il ait lieu de se plaindre,
Cicéron près de moi sait qu'il n'a rien
à craindre.
Comme il s'agit de Rome, à ce nom si
chéri
Je suis sûr de trouver votre coeur
attendri,
Et que vous me verrez ici sans répugnance.
CICERON
Comment avez-vous pu désirer ma présence
?
César, en quel état vous offrez-vous
à moi ?
Ah ! ce n'est ni son fils, ni César que je voi
;
Vos mains n'en ont que trop souillé la
ressemblance,
Et Rome n'en peut trop pleurer la
différence.
Malheureux ! pouvez-vous, sans l'inonder de
pleurs,
Sur son sein déchiré déployer vos
fureurs ?
O César, ce n'est pas ton sang qui l'a fait
naître !
Brutus qui l'a versé méritait mieux d'en
être :
Le meurtre des vaincus ne souillait point tes pas
;
Ta valeur subjuguait, mais ne proscrivait pas :
Si tu versais du sang pour soutenir ta gloire,
De ta clémence en pleurs tu parais la victoire
;
Et vous, sans redouter l'exemple de sa mort,
Vous semblez n'envier que son funeste sort :
Peu jaloux d'hériter de ses sages maximes,
Cruel, vous ne songez qu'à parer des
victimes.
OCTAVE
D'un reproche odieux qui blesse mon honneur,
Cicéron, modérez l'indiscrète
rigueur :
Mais, pour justifier un discours qui
m'étonne,
Et que mon amitié cependant vous pardonne,
César, que vous venez de placer dans les
cieux,
Et que pour m'abaisser vous égalez aux
dieux,
En quels lieux, répondez, a-t-il perdu la vie
?
Fut-ce aux bords de la Seine, ou dans Alexandrie
?
Est-ce aux champs de Pharsale, où pour votre
bonheur
La victoire à genoux couronnait sa valeur
?
Non, ce fut au sénat, et dans le sein de
Rome
Que l'on osa trancher les jours de ce grand homme
;
Et vous m'osez blâmer de répandre le
sang
De ceux dont la fureur lui déchira le flanc
!
Quel autre ai-je proscrit ? orateur
téméraire !
Je voudrais en pouvoir couvrir toute la terre :
Quelque sang qu'à sa mort j'ose sacrifier,
Je n'en connais aucun digne de l'expier.
Du meurtre de César condamner la
vengeance,
C'est des plus noirs forfaits consacrer la
licence.
CICERON
Un meurtre, quel qu'en soit le prétexte ou
l'objet,
Pour les coeurs vertueux fut toujours un forfait
;
Mais les républicains ne se font pas un
crime
D'immoler un tyran même digne d'estime :
Ils ne regardent point leur tyran comme un roi
Qu'élevé au-dessus d'eux la naissance ou
la loi ;
Et, sans avoir pour lui les lois ni la naissance,
César osa des rois s'arroger la puissance.
Non que des conjurés j'approuve la fureur
;
Je déteste leur crime, encor plus son vengeur
;
Car vous multipliez à tel point les
supplices,
A Brutus vous cherchez tant de nouveaux
complices,
Qu'il semble que César renaisse chaque
jour,
Et que chacun de nous l'assassine à son
tour.
Contre un peuple à genoux armer la
tyrannie,
De l'univers entier détruire l'harmonie,
Et de ses ennemis se défaire à son
choix,
Rendre le glaive seul l'interprète des
lois,
Employer pour venger le meurtre de son
père
Des flammes ou du fer l'odieux ministère,
Donner à ses proscrits pour juges ses soldats
;
Du neveu de César voilà les
magistrats.
Qui vous a confié l'autorité
suprême ?
OCTAVE
Le besoin de l'état, mon épée, et
moi-même.
Et de quel droit enfin osez-vous aujourd'hui
Interroger César, et César votre appui
?
Revenez d'une erreur qui vous serait fatale :
Un homme tel que moi ne veut rien qui l'égale
;
Dès que César n'est plus, et qu'il revit
en moi,
Qui d'entre les Romains doit me donner la loi ?
Croyez-vous rétablir par votre politique
D'un peuple et d'un sénat l'union
chimérique ?
Ce n'était qu'un vain nom dès le temps de
Sylla,
Qui s'est évanoui depuis Catilina.
Si de nos Scipions les jours pouvaient
renaître,
Ce n'est que sous moi seul qu'on les verrait
paraître :
Mais vous voyez assez qu'il n'est aucun espoir
De remettre les lois dans leur premier pouvoir.
Le glaive qui vous fit gagner tant de victoires,
Et qui de nos exploits embellit tant d'histoires,
Le glaive qui vous fit triompher tant de fois,
Vous subjugue à son tour, et triomphe des
lois.
Dès qu'il faut obéir, le parti le plus
sage
Est de savoir se faire un heureux esclavage.
La liberté n'est plus qu'un bien d'opinion
;
Le nom de république une autre illusion,
Dont il faut rejeter l'orgueilleuse
chimère,
Source de trop de maux pour vous être encor
chère.
Qu'espérez-vous enfin quand tout est
renversé,
Quand le sénat n'est plus qu'un troupeau
dispersé ?
Où sont vos légions pour soutenir la
gloire
De ce corps dont sans vous on perdrait la
mémoire ?
En vain vous prétendez affranchir les
Romains
Du joug qu'ils imposaient au reste des humains :
L'univers nous demande une forme nouvelle,
Et Rome un empereur qui commande avec elle :
Trop heureux les Romains si pour ce haut emploi
Ils n'avaient désormais à redouter que
moi !
Mon collègue insolent vous fait assez
connaître
Que d'un emploi si noble il se rendrait le
maître,
Si vous pouviez souffrir qu'il osât s'en saisir
;
Mais vous me choisirez, si vous savez choisir.
Le cruel triumvir demande votre tête ;
Son crédit l'obtiendra, si le mien ne
l'arrête.
Un intérêt si cher doit nous
concilier.
Pour mieux détruire Antoine il faut nous
allier.
Vos vertus, vos malheurs, mon amour pour Tullie,
Mon honneur, tout m'engage à vous sauver la
vie.
Vous fûtes autrefois mon premier
protecteur,
Votre bouche longtemps s'ouvrit en ma faveur ;
Je vous dois mes grandeurs, une amitié
sincère.
Aimez-moi, Cicéron, et devenez mon
père.
CICERON
Abdique, je t'adopte, et ma fille est à
toi,
Pourvu qu'elle consente à te donner sa
foi,
Qu'elle daigne accepter l'époux de
Scribonie,
Et qu'au sort d'un César elle veuille être
unie :
Je doute cependant qu'élevée en mon
sein,
Un tyran, quel qu'il soit, puisse obtenir sa
main.
Elle vient, tu pourras t'expliquer avec elle :
Si tu l'aimes, tu dois la prendre pour
modèle.
Rentre dans ton devoir, sois Romain ; à ce
prix
Tu deviendras bientôt son époux et mon
fils :
Mais si tu veux toujours tenir Rome asservie,
Tu peux quand tu voudras me livrer à Fulvie.
Scène 4
Octave
OCTAVE
L'excès où Cicéron vient de
s'abandonner
M'éclaire, et d'un complot me le fait
soupçonner :
C'est lui qui doit trembler, et c'est lui qui menace
!
Sans Brutus ou Sextus, il aurait moins d'audace.
Scène 5
Tullie, Octave
TULLIE
Tandis que pour lui seul je venais en ces lieux,
Cicéron tout à coup disparaît
à mes yeux ;
Je n'en ai pas moins vu qu'une peine mortelle
Accablait son grand coeur d'une douleur nouvelle.
Se peut-il qu'un objet si digne de pitié
Ne puisse triompher de votre inimitié ?
Languissant, malheureux, sans amis, sans
défense,
Aurait-il de César essuyé quelque offense
?
J'ai vu que tout en pleurs il s'éloignait de
vous,
Et vos yeux sont encore enflammés de
courroux.
OCTAVE
Si les vôtres daignaient lire au fond de mon
âme,
Ils seraient peu troublés du courroux qui
l'enflamme,
Et vous jugeriez mieux des sentiments d'un coeur
Digne de s'enflammer d'une plus noble ardeur.
Quelque haine que fasse éclater votre
père,
Pour oser le haïr sa fille m'est trop chère
;
Je n'oublîrai jamais qu'en vous donnant le
jour
C'est à lui que je dois l'objet de mon
amour.
Ah ! loin de l'outrager, c'est Cicéron
lui-même
Qui venge ses chagrins sur un coeur qui vous
aime.
Plus il est malheureux, plus je m'attache à
lui,
Surtout depuis qu'il n'a que moi seul pour appui.
C'est pour lui conserver et les biens et la vie
Que j'arme contre moi la cruelle Fulvie :
Lorsque César enfin s'offre pour votre
époux,
Cicéron est encor plus injuste que vous.
TULLIE
Je vous croyais toujours l'époux de Scribonie
;
Mais avec vos pareils malheur à qui s'allie
!
A vous voir d'un hymen nous imposer la loi,
On croirait que César peut disposer de
moi,
Et qu'au mépris des lois, au défaut du
divorce,
Il peut quand il voudra m'obtenir par la force,
Et qu'enfin, au-dessus d'un citoyen romain,
Il veut de ses amours traiter en souverain.
Encor si vous aviez abdiqué la puissance,
Ou plutôt d'un tyran abdiqué
l'arrogance,
Vous pourriez à vos voeux permettre quelque
espoir.
OCTAVE
Si j'osais abdiquer le souverain pouvoir,
Quel rang pourrais-je offrir désormais à
Tullie ?
TULLIE
Le rang d'un citoyen père de la patrie ;
D'un Romain qui ne sait briguer d'autres honneurs
Que ceux dont la vertu couronne les grands
coeurs.
OCTAVE
Prévenu comme vous des chimères
romaines,
Si de l'autorité j'abandonnois les
rênes
Pour régler ma fortune au gré de mon
amour,
Antoine voudra-t-il abdiquer à son tour ?
TULLIE
Eh ! que peut m'importer que le cruel abdique,
Dès que nous n'avons plus ni lois ni
république ?
Impérieux amant, qui me parlez en roi,
Savez-vous que Brutus est moins Romain que moi ?
Régnez, si vous l'osez ; mais croyez que
Tullie
Saura bien se soustraire à votre tyrannie
:
Si du sort des tyrans vous bravez les hasards,
Il naîtra des Brutus autant que des
Césars.
OCTAVE
De la part de Tullie un dédaigneux silence
Eût été plus séant que tant
de violence :
Je ne m'attendais pas qu'un si cruel
mépris
De tout ce que j'ai fait dût être un jour
le prix.
De l'ingrat Cicéron j'ai souffert les
caprices
Sans me plaindre de lui ni de ses injustices :
Notre père au sénat m'a cent fois
outragé ;
Dans ses emportements il n'a rien ménagé
;
Avec mes ennemis son coeur d'intelligence
N'a jamais respiré que haine et que vengeance
;
Tandis qu'avec ardeur je combattais les siens,
Cicéron à me perdre encourageait les
miens ;
Je viens d'en essuyer la plus sanglante injure,
Sans qu'elle ait excité le plus léger
murmure :
Et l'on m'outrage, moi! je suis un inhumain
Dont sans crime à son gré l'on peut
percer le sein !
Pourquoi? parce qu'on veut arracher aux supplices
Du meurtre de César l'auteur et les
complices,
Et que le furieux qui lui perça le flanc
S'abreuve dans le mien du reste de son sang.
César, qui jusqu'au ciel vit s'élever sa
gloire,
Immortel ornement du temple de mémoire ;
César, indignement traîné dans le
sénat,
N'est point encor vengé d'un si noir attentat
;
Et si je veux vous plaire il faut que je
l'oublie.
Que je laisse un champ libre au père de
Tullie,
Qui veut que de César les lâches
meurtriers
Rentrent dans le sénat couronnés de
lauriers ;
Et que, sacrifiant à Brutus son idole,
J'aille de son poignard orner le capitole !
TULLIE
Auriez-vous prétendu qu'à vos ordres
soumis,
Cicéron à vos coups dût livrer ses
amis ;
Que, de vos cruautés spectateur immobile,
Son coeur désespéré vous
laisserait tranquille ?
OCTAVE
D'autres soins le devraient occuper aujourd'hui :
Antoine, avec fureur soulevé contre lui,
Me demande à grands cris le sang de votre
père.
Notre hymen peut sauver une tête si chère
;
Quoique d'un triumvir tout soit à
redouter,
A peine sur ce point on daigne m'écouter :
Le péril cependant redouble, et le temps presse
;
Au sort de Cicéron Rome qui
s'intéresse,
Sans doute avec plaisir verrait notre union
Le terme spécieux de la proscription.
Devenez de la paix le lien et le gage ;
C'est l'unique moyen de dissiper l'orage.
Je vois ce qui vous flatte en ce cruel instant,
C'est le frivole honneur d'un refus éclatant
:
Mais ne présumez pas que je me
détermine
A me priver du rang que le ciel me destine ;
Si je m'en dépouillais, ce serait me
livrer
Au premier assassin qui voudrait s'illustrer.
TULLIE
Après ce fier aveu, je crois, pour vous
confondre,
N'avoir à votre amour que deux mots à
répondre :
Je ne vous aime point ; j'aimerais mieux la mort
Que de me voir un jour unie à votre sort :
Cependant si César veut déposer
l'empire,
A son fatal hymen je suis prête à
souscrire ;
Dût mon coeur indigné n'y consentir
jamais,
Je me sacrifîrai pour le bien de la paix :
Mais si vous usurpez l'autorité
suprême,
Vous pouvez de mon sang teindre le diadème
:
Que ne peut ma mort seule en relever le prix,
Et sauver de vos coups tant d'illustres proscrits
!
OCTAVE
Ah ! c'en est trop ; songez, orgueilleuse Tullie,
Que c'est vous qui livrez votre père à
Fulvie.
Scène 6
Tullie
TULLIE
Barbare, que mon coeur ne peut trop
dédaigner,
Nous saurons mieux mourir que tu ne sais
régner.
Dieux cruels, épuisez sur moi votre
colère,
Ou de son désespoir daignez sauver mon
père !
O Romains ! que l'honneur de mériter ce
nom
Coûte cher, si l'on veut imiter Cicéron
!
Tout est perdu pour moi.
Scène 7
Clodomir, Tullie
CLODOMIR
Je vous cherchais, madame.
Quel trouble à mon aspect s'empare de votre
âme !
Quoi! vous levez au ciel vos yeux baignés de
pleurs !
N'ai-je donc pas assez éprouvé de
malheurs ?
Les premiers n'ont que trop exercé ma constance
:
Ah, Tullie ! autrefois ma plus chère
espérance,
Pardonnez à mon coeur quelques transports jaloux
;
L'heureux César va-t-il devenir votre
époux ?
TULLIE
Eh ! plût au ciel n'avoir d'autre malheur
à craindre !
Vous et moi nous serions peut-être moins à
plaindre ;
Offrez à ma douleur de plus dignes objets.
Accablé de ses maux, consumé de
regrets,
Mon père avant sa mort veut que notre
hyménée
Eclaire de ses feux cette horrible
journée.
Eh ! que lui servira d'unir des malheureux
Menacés comme lui du sort le plus affreux
?
Quel temps a-t-on choisi pour me faire
connaître
Un époux qui n'aura qu'un seul moment à
l'être ?
Sextus, mon cher Sextus, renoncez à ma main
;
Ce n'est pas moi qui dois borner votre destin.
Lorsque j'ai désiré que vous fussiez
Pompée,
Hélas ! qu'en ce souhait mon âme s'est
trompée !
A peine mon amour voit combler ce désir
Que je perds à la fois Sextus et Clodomir.
Pourquoi de votre nom m'a-t-on fait un mystère
?
SEXTUS
J'ai cru devoir moi-même y forcer votre
père ;
Je craignais de jeter dans un coeur
généreux
Trop d'effroi, s'il avait à trembler pour nous
deux :
D'ailleurs convenait-il au fils, du grand
Pompée
De se montrer ici sans éclat, sans
armée,
Lui qui ne prétendait s'offrir à vos
regards
Qu'en protecteur de Rome, et vainqueur les
Césars ?
Eh ! que ne veut-on pas quand l'amour est extrême
?
Clodomir désirait d'être aimé pour
lui-même :
Sextus sans votre amour pouvait-il être heureux
?
Mais en d'autres climats venez combler mes voeux.
Vous pleurez : depuis quand votre coeur
intrépide
N'oppose-t-il au sort qu'un désespoir timide
?
Je viens de rassembler quelques soldats
épars,
Dispersés sous leurs chefs autour de ces
remparts ;
Vous les trouverez tous ardents à vous
défendre :
Et si de la valeur le succès doit
dépendre,
J'espère que la mienne y pourra concourir,
Ne dût-il m'en rester que l'honneur de
mourir.
Dès que pour vous dans Rome il n'est plus
d'espérance,
Allons de la Sicile implorer l'assistance.
Ma flotte nous attend, je règne sur les eaux
:
Engageons votre père à fuir sur mes
vaisseaux ;
Il est honteux pour lui de se laisser proscrire :
Vous avez sur son coeur un souverain empire,
Venez ; faisons-lui voir qu'un glorieux retour
Peut le mettre en état de proscrire à son
tour.
S'il veut m'accompagner, je réponds de sa
vie,
Et l'amour couronné répondra de
Tullie.
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