Préface

Il y a peu d'exemples qu'un homme de quatre-vingt-un ans, âge qui semble inviter à l'indulgence, se soit vu aussi cruellement traité par la cabale que je le fus à la première apparition de cet ouvrage. Il est rare en même temps que le public se soit jamais déclaré si vivement et si promptement contre des manoeuvres odieuses qui l'avaient indigné, puisqu'à la seconde représentation de cette tragédie, il me prodigua plus d'applaudissements que je n'en reçus de ma vie à aucune de mes pièces. On eût dit qu'il se faisait un point d'honneur de protéger un vieux nourrisson qu'il a paru adopter dès ses premières productions. Malgré les bontés dont il m'a honoré, la cabale n'en a pas moins répandu d'absurdités contre cet ouvrage, jusqu'à dire que c'était un réchauffé de Cromwel. Si j'aimais la vengeance, rien ne pourrait plus contribuer à la satisfaire qu'une méchanceté si stupide. Je laisse à penser quel rapport il peut y avoir entre le Trumvirat et Cromwel. Si j'avais un peu plus d'amour-propre, ce déchaînement me ferait croire que je puis encore exciter l'envie ; mais je n'en aurai jamais d'autre que celle de mériter les suffrages du public, et de lui donner des marques de ma reconnaissance. Je ne puis mieux le lui prouver qu'en continuant d'augmenter la mauvaise humeur de mes ennemis par de nouveaux ouvrages.