La religion romaine étant polythéiste et fondée sur des cérémonies et des rituels engageant la collectivité, mais pas sur des dogmes, des textes et ce que le christianisme appelle la foi individuelle, elle a volontiers toléré et même assimilé les panthéons des peuples successivement conquis, sans du tout essayer d'imposer par la force la religion du vainqueur au vaincu. Tout le monde connaît les correspondances entre les dieux grecs et romains, mais ce syncrétisme s'est manifesté aussi à l'égard des dieux orientaux, à mesure que se produisait l'extension de l'imperium romanum. L'importance du culte d'Isis en particulier est tout à fait remarquable, et l'égyptomanie qui a déferlé en Méditer-ranée à partir de la conquête de l'Egypte en 30 av.JC a recyclé à Rome de nombreux monuments religieux, y compris funéraires, en assimilant par la même occasion les rituels qui leur étaient associés : en témoigne le curieux linceul romano-égyptien qui figure en haut de cette page. Plus tard, au IIIe siècle, ce sera le culte de Mithra qui connaîtra dans les milieux militaires romains un succès considérable. Et c'est bien parce que les religions orientales ont été largement diffusées que le christianisme a pu finalement s'implanter, mais au IVe siècle seulement.
C'est que la conception monothéiste d'un Dieu unique se heurte non seulement à l'efflorescence du polythéisme païen mais aussi au culte impérial progressivement mis en place pour asseoir le pouvoir des Césars et unifier les diverses religions de l'Empire dans au moins un rituel commun. Si vous consultez le module sur la possibilité de l'engagement des chrétiens dans la vie politique, vous verrez que ce refus de l'idolâtrie a constitué un frein sérieux à leur intégration rapide et que, sans être le motif unique des persécutions qu'ils ont subies pendant les trois premiers siècles de notre ère, cette particularité de la religion romaine sous l'Empire a constitué une source de violence, au rebours d'une tolérance qui avait au contraire créé des conditions favorables à la paix civile. |
