X - L. Junius Brutus (an de Rome 245)

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L. Junius Brutus, fils d'une soeur (1) de Tarquin le Superbe, de peur d'éprouver le sort de son frère dont les richesses et la prudence avaient porté son oncle à le faire mourir, prit le parti de contrefaire l'insensé. Cette ruse lui fit donner le surnom de Brutus. Lorsque les fils du roi se rendirent à Delphes pour consulter l'oracle, il partit avec eux en qualité de bouffon. Arrivé dans cette ville, il offrit au dieu (2) un bâton de sureau dans lequel était renfermée une baguette d'or. L'oracle, consulté par les fils de Tarquin, leur répondit que celui d'entre eux qui le premier aurait donné un baiser à sa mère, serait un jour élevé à la souveraine puissance. Brutus, comprenant aussitôt le sens de cette réponse, se prosterna contre la terre et lui donna un baiser. Dans la suite, pour tirer vengeance du viol de Lucrèce, il conspira avec Tricipitinus (3) et Collatin, contre le roi et les princes, ses fils. Créé consul le premier après leur exil, il fit battre de verges et punir du dernier supplice ses deux fils et ceux de son frère (4), parce que, de concert avec les Aquiliens et les Vitelliens (5), ils avaient conspiré pour introduire les Tarquins dans la ville. Peu de temps après, ces princes s'avancèrent contre Rome à la tête d'une armée. Pendant la bataille Brutus en vint aux mains avec Aruns, un des fils du roi. Dans ce combat singulier tous deux périrent des coups qu'ils se portèrent l'un à l'autre. Les Romains exposèrent le corps de Brutus sur la place publique ; son collègue prononça son éloge funèbre, et les dames romaines portèrent son deuil pendant un an.

Brutus l'ancien
Musée du Capitole


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(1)  C'est aussi le sentiment de Tite-Live ; mais Denis d'Halycarnasse fait Junius Brutus fils d'une tante de Tarquin le Superbe, dont par conséquent il aurait été le cousin germain au lieu d'en être le neveu.

(2)  Apollon rendait ses oracles par l'organe d'une prêtresse, nommée Pithye, dans un temple de Delphes. Cette ville était située au pied du mont Parnasse, et presqu'au centre de la Grèce.

(3)  Surnom de Lucretius, père de Lucrèce.

(4)  Les mots fratrisque manquent dans l'édition d'Arntzen ; mais ils se trouvent dans un bon nombre de manuscrits, et dans les éditions de Pitiscus et de Juncker : c'est pourquoi nous avons cru pouvoir les conserver.

(5)  Les Aquiliens étaient fils de la soeur de Collatin, collègue de Brutus, et les Vitelliens étaient fils de la soeur de Brutus.

(6)  Il est constant que ce fut le premier éloge funèbre prononcé chez les Romains. Depuis ce temps la coutume s'introduisit à Rome de louer les grands hommes au moment de leurs funérailles. C'était déjà celle des Athéniens, qui avaient ainsi honoré la mémoire de ceux de leurs guerriers que la mort avait enlevés à Marathon, Artheniensium, Salamine et Platée.