XXXIII - M. Curius Dentatus (an de Rome 463 à 481)

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Marcus (1) Curius Dentatus triompha d'abord des Samnites, qu'il avait soumis jusqu'aux rivages de la mer supérieure (2). De retour à Rome, «le territoire dont je me suis rendu maître, dit-il au peuple assemblé, est si étendu que bientôt ce ne serait plus qu'une vaste solitude, si je n'avais pris un nombre d'hommes suffisant pour le peupler ; et ce nombre est si grand, qu'ils mourraient tous de faim, si le pays dont je me suis emparé ne suffisait pour les nourrir» (3). Le second triomphe de Curius fut le prix d'une victoire sur les Sabins ; en troisième lieu, il fut honoré de l'ovation (4) pour celle qu'il avait remportée sur les Lucaniens. Après avoir chassé de l'Italie Pyrrhus, roi d'Epire, il distribua à chaque citoyen romain quarante arpents de terre, et ne s'en réserva pas davantage à lui-même, en disant qu'il n'y avait pas un seul citoyen à qui ce nombre ne dût suffire. Un jour les ambassadeurs des Samnites vinrent lui offrir des présents, et le trouvèrent au coin de son feu, faisant cuire des raves. «J'aime, leur dit-il, à voir ces légumes dans mes pots de terre, et à commander à ceux qui ont de l'or». Accusé un jour d'avoir soustrait une partie de l'argent des ennemis, il présenta à l'assemblée du peuple un vase de bois dont il avait coutume de se servir dans les sacrifices, et jura que de tout le butin qu'il avait fait, c'était le seul objet qui fût entré dans sa maison. Cet illustre Romain employa ensuite les fonds (5) qu'il avait pris aux ennemis à la construction d'un aqueduc qui conduisit les eaux de l'Anio (6) dans la ville. Ayant été élu tribun du peuple, il obligea les sénateurs à confirmer d'avance l'élection des magistrats plébéiens, nommés dans les comices. Pour lui témoigner sa reconnaissance, le peuple lui fit présent d'une métairie dans le voisinage du mont Typhate, et de cinq cents arpents de terre


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(1)  Les Fastes Capitolins portent Manius, mais plusieurs manuscrits et d'anciennes éditions offrent Marcus, et c'est ainsi qu'a lu Arntzen. Ce dernier surnom se trouve aussi dans tous les manuscrits d'Eutrope.

(2)  C'est la mer Adriatique. Elle était appelée mer supérieure, parce qu'elle s'enfonce vers le nord.

(3)  Il y a ici un jeu de mots assez peu convenable à un général victorieux. Arntzen l'attribue aux copistes ; mais, comme il ne cite que deux manuscrits où cette phrase paraît tronquée, il faut croire qu'elle est tout entière de Victor. Ajoutons que ce pays si vaste, dont parle Curius, n'avait guère que vingt-cinq à trente lieues de large sur dix-huit à vingt lieues de long. Il se serait exprimé plus simplement s'il avait dit, je me suis rendu maître d'un pays fertile et peuplé.

(4)  L'ovation était au-dessous du triomphe proprement dit. On l'accordait à un général victorieux, après une guerre, ou qui n'avait pas été déclarée selon toutes les cérémonies d'usage, ou qui avait eu lieu contre un ennemi peu redoutable et peu digne d'estime, ou enfin qui avait été terminée presque sans effusion de sang. Le général à qui cet honneur était décerné entrait à pied dans la ville, couronné de myrte. Le mot ovatio semble être dérivé d'ovis, parce que celui qui triomphait ainsi ne sacrifiait qu'une brebis.

(5)  Les Romains employaient à des travaux publics l'argent qu'ils avaient pris aux ennemis, ou qu'ils avaient retiré du butin fait sur eux.

(6)  L'Anio est une rivière d'Italie, aujourd'hui le Teverone. On ne peut mieux la comparer qu'à 1'Ourcq ou à l'Ivette.

(7)  Quatre manuscrits portent quinquaginta, leçon qui offre un sens plus raisonnable que quinginta.