Joseph Désiré Court - La mort d'Hippolyte - 1825 - Musée Fabre - Montpellier
Le théâtre n'est pas le lieu du réalisme, ne serait-ce qu'à cause des conditions matérielles de la représentation, limitées dans l'antiquité et à l'époque classique à un lieu unique sans guère de possibilités de changer de décor. Tout ce qui se passe ailleurs que devant le mur de scène ou l'antichambre est réservé à la coulisse, à plus forte raison si la catastrophe survenue à l'acte IV n'est pas représentable en scène : c'est le cas de la mort d'Hippolyte, attaqué par un monstre marin et entraîné sur son char par ses chevaux emballés. Mais même s'il disposait des moyens techniques et des effets spéciaux du cinéma, le théâtre n'y recourrait probablement pas : dans l'esthétique classique du XVIIe siècle, c'est l'exigence de bienséance qui interdit qu'on montre de manière trop réaliste les corps, la violence et la mort. Cela dit, cette mesure est loin de concerner des auteurs baroques comme Sénèque, dont le public adore les sanglants jeux de l'amphithéâtre, en particulier les mises à mort scénarisées des condamnations ad bestias, ou Robert Garnier, familier des horreurs des guerres de religion, en particulier le massacre de la Saint-Barthélémy qui a eu lieu un an plus tôt. Le spectacle de la violence n'est donc pas pour eux un tabou qui expliquerait sa relégation hors de scène : la collecte des morceaux du corps d'Hippolyte, si elle nous semble d'un mauvais goût prononcé, devait évoquer aux spectateurs romains ou français du XVIe siècle des visions familières. C'est parce que le théâtre est aussi le lieu de la parole qu'une représentation doit être non seulement visuelle mais aussi sonore. Voilà ce qui justifie le traditionnel récit du messager, qui vient raconter aux personnages en scène (et au public, selon le principe de la double énonciation) ce qui vient de se passer et qui va précipiter le dénouement. Le théâtre est aussi rhétorique et poétique, surtout quand le procédé d'hypotypose tend à donner l'illusion que la scène se déroule sous nos yeux : c'est alors l'occasion pour le poète tragique - et pour son interprète - de rivaliser avec la musique et de manifester sa virtuosité. |
1. Texte à exploiter2. Document complémentaire3. Texte à comparer |
Robert Garnier - Hippolyte - 1573
Enregistrement réalisé par les comédiens de la Comédie-Française lors d'une séance de répétition à la table, sans représentation sur scène, en 2020. Avec Clément Hervieu-Léger dans le rôle du messager qui vient raconter à Phèdre et Thésée dans quelles conditions atroces est mort Hippolyte.
Jean Racine - Phèdre - 1677
Le comédien Pascal Ruiz anime la chaîne Youtube Parle Cœur sur laquelle il dit (joue) toutes sortes de textes poétiques, littéraires et même philosophiques, indépendamment de toute mise en scène. Il démontre ici, avec le récit de Théramène, que ce morceau de bravoure peut être détaché de son contexte tant il se suffit à lui-même par la création purement verbale d'un univers dramatique et poétique.
Jean Racine - Phèdre - 1677
Autre interprétation dans une adaptation télévisée de la pièce de Racine par Jean Kerchbron (1982), avec Alain Cuny dans le rôle de Thésée et William Sabatier dans celui de Théramène.