Chapitre I - Aspect général |
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Il ne faut pas s'attendre, en entrant dans Pompéi, à trouver les monuments grandioses qui attestent encore aujourd'hui l'antique puissance de Rome ; Pompéi n'était qu'une ville de province ; ses édifices devaient être proportionnés à son importance politique. Ce que nous devons y chercher, c'est le goût dans l'ornementation, l'habileté dans la distribution des plans et surtout la connaissance de la vie privée des Romains dont nous demanderions en vain l'explication au Colisée et au Panthéon. Cependant, selon toute apparence, la partie de la ville qui s'offre maintenant à nos regards doit avoir été la plus importante, puisque, indépendamment des temples qu'elle renferme, on y trouve les théâtres, la basilique et les Forum. |
«Pompéi offrait le tableau en miniature de la civilisation du siècle ; elle renfermait dans l'étroite enceinte de ses murs un échantillon de chaque objet de luxe que la richesse et la puissance pouvaient se procurer. Dans ses boutiques petites, mais brillantes, ses palais resserrés, ses bains, son Forum, son cirque, dans l'énergie au sein de la corruption et la civilisation au sein du vice qui distinguaient ses habitants, on voyait un modèle de tout l'empire. C'était comme un jouet d'enfant, une optique dans laquelle les dieux semblaient prendre plaisir à conserver la représentation de la grande monarchie de la terre, et que plus tard ils dérobèrent aux yeux du temps pour la livrer à l'étonnement de la postérité et servir d'appui à cette maxime : Rien de nouveau sous le soleil». (1)
L'aspect général de Pompéi est celui d'une ville à laquelle il ne manquerait que des toits et des habitants ; mais il semble que les uns et les autres ne manquent que de la veille, et l'imagination ne peut s'habituer à la pensée que déjà près de dix-huit siècles se sont écoulés depuis que le Vésuve a fait écrouler les uns et a chassé les autres de leurs demeures.
«Pompéi est sortie de sa tombe silencieuse, brillante encore de couleurs qui n'avaient rien perdu de leur éclat, avec ses lambris dont les peintures toutes fraîches semblaient n'être que d'hier, sans une teinte effacée sur ses pavés de mosaïque. Dans son Forum, les colonnes inachevées, telles que la main de l'ouvrier les avait laissées ; le trépied du sacrifice devant les arbres de ses jardins ; le coffre du trésor dans ses salles ; le strigile dans ses bains ; le billet d'entrée dans ses théâtres ; les meubles et les lampes dans ses salons ; dans ses triclinia les restes du dernier festin ; dans ses cubicula les parfums et le fard de ses beautés infortunées ; mais aussi partout les ossements et les squelettes de ceux que jadis faisaient mouvoir les ressorts de la vie sur ce théâtre en raccourci de la civilisation romaine». (2)
Les édifices de Pompéi appartiennent pour le style à l'architecture grecque, mais ce style et surtout les plans ont été modifiés par les usages romains. Ces constructions sont généralement de petite dimension, mais rien n'est oublié de ce qui peut les rendre utiles et commodes. L'uniformité de leur distribution est elle-même une preuve de leur accord complet avec les moeurs et coutumes de l'époque. Quant à leur décoration, c'est avec raison que Mazois dit qu'elle est d'un goût tellement uniforme, qu'on serait tenté de croire au premier moment que toute la ville fut ornée par les mêmes artistes et sous la direction d'un seul homme.
Les marbres y sont assez rares et ne se rencontrent guère que dans la décoration des temples et des théâtres ; les ornements des autres édifices consistent principalement en peintures murales, en arabesques de stuc et en mosaïques. La profusion de peinture prodiguée jusque dans le plus mince détail d'architecture, jusque dans le plus petit réduit des plus humbles habitations particulières, comme dans les plus vastes salles des monuments publics, est le caractère le plus saillant de cette merveilleuse cité. Les panneaux qui forment les murailles sont toujours revêtus d'une teinte plate noire, rouge, jaune, bleue ou verte, qui a été appliquée à fresque, c'est-à-dire sur l'enduit encore frais ; les arabesques et sujets ont été peints après coup sur le fond sec et, jusqu'à la découverte de la fabrique de couleurs dite Maison de l'archiduc de Toscane, on a cru que le procédé employé par les Pompéiens était l'encaustique ; il est reconnu aujourd'hui que les couleurs étaient fixées au moyen de la résine.
L'usage des pavés en mosaïque était presque aussi général à Pompéi que celui de la peinture dans l'ornementation des édifices. Les plus simples de ces mosaïques étaient blanches et entourées de filets noirs ; beaucoup se composaient de cubes de marbre blanc et noir formant des labyrinthes ou d'autres motifs plus ou moins élégants encadrés par des grecques ; mais il en était aussi de plus fines, de plus précieuses, qui offraient de grandes compositions coloriées, telles que la bataille de la maison du Faune, ou de véritables tableaux comme la scène dramatique qu'a signée Dioscoride de Samos. Nous aurons occasion de signaler d'autres modes de pavage plus communs, tels que les galets, l'asphalte, l'opus signinum, etc.
La construction des édifices était généralement légère, peu solide ; les matériaux ordinaires étaient la lave et les écumes du Vésuve, la brique et une pierre calcaire formée de concrétion par les eaux du Sarno et contenant des fragments d'arbustes, des roseaux et des herbes pétrifiées. La quantité de bois qui était employée explique l'enfoncement complet de tous les planchers et de tous les toits ; le fer et le bronze jouaient cependant un rôle, et on a remarqué que le fer était souvent à Pompéi appliqué à des usages auxquels les Romains consacraient ordinairement le bronze.
Après ce premier coup d'oeil jeté sur
l'ensemble de Pompéi, nous allons examiner en
détail ses divers monuments, commençant notre
revue par les édifices sacrés que l'on a
déjà découverts en grand nombre et qui,
s'ils ne peuvent se comparer aux grands temples de
l'antiquité qui sont parvenus jusqu'à nous, ne
sont peut-être pas moins précieux pour
l'histoire, n'ayant point été
défigurés par des restaurations, ni
détournés de leur destination
première.
(1) Bulwer-Lytton,
Les Derniers jours de Pompéi, I, 2
(2) Bulwer-Lytton,
Les Derniers jours de Pompéi, V, dernier
chapitre