Chapitre II - Temples, autels

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Peinture de la maison de Pansa

Le culte des innombrables divinités du paganisme ne pouvait manquer de laisser sur le sol de Pompéi de nombreuses traces de son passage ; aussi, dans la seule partie découverte jusqu'à ce jour, ne compte-t-on pas moins de huit temples, sans parler des laraires, autels, etc, qui sont pour ansi dire innombrables. Fidèle au système que nous avons adopté et que nous suivrons invariablement dans cet ouvrage, nous ferons précéder la description des temples de Pompéi de quelques considérations sur les temples antiques en général, afin de faciliter à nos lecteurs l'intelligence de ce qui devra suivre, et aussi pour ajouter à l'intérêt de ces précieuses ruines en faisant connaître la destination de chacune de leurs parties.

Il ne saurait entrer dans notre cadre de traiter à fond la question des divers ordres d'architecture ; nous ne pouvons cependant nous dispenser de donner ici quelques notions essentielles sur les règles qui ont présidé à leur composition.


Ordre dorique                Ordre ionique                  Ordre corinthien

On appelle ordre l'ensemble de certaines formes caractéristiques, de certaines proportions qui déterminent la décoration et la mesure de la colonne et des autres membres d'architecture d'un édifice. Les ordres sont au nombre de cinq, dont trois seulement appartiennent à la Grèce, tandis que les deux derniers sont d'invention italienne. Des trois premiers, le plus ancien de tous est l'ordre dorique ; c'est celui que l'on retrouve dans les édifices de la plus belle période de l'art. Plus tard s'introduisent successivement les ordres ionique et corinthien, plus &eacutⅇlégants, plus riches, mais aussi moins majestueux et ne présentant pas, comme le dorique, une noble simplicité unie à la pensée d'une durée presque éternelle.

Ordre toscan                Ordre dorique romain                  Ordre composite

Les ordres italiens occupent les deux extrémités de l'échelle architecturale ; le premier, le toscan, le plus massif de tous, paraît être une réminiscence du dorique importé en Italie par les colonies grecques. Le composite, au contraire, formé, ainsi que son nom l'indique, d'un mélange du corinthien et de l'ionique, fut une invention des architectes romains qui, ne pouvant trouver rien de plus pur, de plus noble que les ordres grecs, et cependant éprouvant le besoin d'innover, imaginèrent un ordre qui au moins pouvait paraître l'emporter sur les autres par la profusion, je dirai même l'excès d'ornementation.

Disons maintenant comment ces divers systèmes furent appliqués aux édifices de l'antiquité et en particulier aux monuments religieux auxquels ce chapitre doit être consacré.

Les édifices dédiés aux dieux recevaient, suivant leur usage et leur importance, les noms de templum, fanum, delubrum, aedes ou aedicula. D'autres noms indiquaient leur forme et la disposition de leur plan.

On appelait temple monoptère celui qui offrait simplement une coupole portée par des colonnes disposées en rond et dont le sanctuaire n'était pas fermé.

Le temple à antes, in antis, fut le premier à ordonnance régulière, selon la classification de Vitruve (II, 2). Ce temple, le plus simple de tous les temples à colonnes, présentait à la façade deux colonnes seulement, et aux extrémités des murs latéraux prolongés au niveau de ces colonnes et appelés antes, deux pilastres.

Le temple prostyle diffère de celui-ci en ce que l'on substitue deux nouvelles colonnes aux pilastres des antes.

Le temple amphiprostyle ou double prostyle présentait quatre colonnes à la façade et quatre à la face postérieure.

Au reste, cette désignation de prostyle, bien qu'employée par Vitruve dans le sens que nous indiquons ici, peut s'appliquer à tous les temples qui ont des colonnes à la façade, puisque prostyle veut dire simplement qui a des colonnes en avant ; il vaut donc mieux employer la dénomination de tétrastyle (à quatre colonnes) dont je vais parler tout à l'heure.

Dans les temples périptères, les colonnes entouraient entièrement l'édifice ; les portiques latraux étaient désignés par le mot alae, ailes ; c'est à cette catégorie qu'appartiennent les plus beaux temples de l'antiquité. Cette colonnade, ce portiqua régnant tout autour du temple, lui donnaient une apparence grandiose, quoique tendant à resserrer la cella, qui se trouvait réduite à des proportions assez étroites.

Ce fut pour remédier à cet inconvénient, tout en conservant à l'édifice son aspect noble et élégant, qu'on inventa le temple pseudopériptère, ou faux périptère, dans lequel les colonnes des ailes et de la façade postérieure sont engagées dans les murs de la cella, qui s'agrandit ainsi de tout l'espace qui, dans les temples périptères, séparait sa muraille des colonnes du portique.

Un double rang de colonnes entoure les temples diptères.

Enfin dans les temples pseudodiptères, le second rang de colonnes n'existe qu'à la façade.

Les colonnes étaient toujours en nombre pair dans les façades des temples, car autrement il s'en fût trouvé une au milieu, devant la porte, et suivant qu'on en comptait quatre, six, huit, dix ou douze, les temples prenaient la dénomination de tétrastyle, hexastyle, octastyle, décastyle ou dodécastyle. Les temples avaient aussi reçu des noms tirés de la largeur de leurs entrecolonnements comparée au diamètre des colonnes ; le temple pycnostyle avait l'entrecolonnement d'un diamètre et demi, le systyle de deux diamètres, l'eustyle de deux un quart, le diastyle de trois, et l'araeostyle de quatre.

Certains temples, que les Grecs appelaient hypèthres et les Romains subdiales, n'avaient point de toiture ou au moins étaient en partie découverts.

Les temples étaient généralement assez petits ; la cella n'avait que l'étendue nécessaire pour la statue et l'autel, ce qui était suffisant, puisqu'en général chacun sacrifiait en particulier. On ne donna une plus grande étendue qu'au temple de la divinité protectrice d'une ville ou d'un peuple, et on ajouta parfois à cette étendue en entourant le temple entier d'une enceinte appelée peribolus, comme nous le verrons à plusieurs de ceux de Pompéi.

A l'opposé du temple grec, qui reposait sur des degrés, le temple romain était élevé au milieu du péribole, sur un soubassement ou podium auquel on montait par un perron qui devait toujours être composé d'un nombre impair de marches, afin que le pied droit qui devait gravir le premier degré fût aussi posé le premier dans le temple.

Le porche, qui précédait le temple et sous lequel était la porte, s'appelait indifféremment frons, pronaos, prodromos et anticum. Frons désignait cependant d'une manière plus spéciale la façade tout entière. L'extrémité opposée du temple portait le nom de posticum ; quelquefois on y ménageait une pièce appelée opistodomos par les Grecs, qui y renfermaient des ex-voto, le trésor du temple ou même le trésor public ; penetrale par les Romains, qui y accomplissaient les rites les plus mystérieux de la religion.

Enfin la cella ou sanctuaire portait les noms de domos, secos ou naos, et le lieu où était placée la statue de la divinité, celui de thalamos, lit.

Ces préliminaires posés, arrivons à la description des temples de Pompéi.

Le corridor conduisant au théâtre sépare le temple d'Isis du