Temple d'Isis |
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Temple d'Isis |
N. POPIDIVS N. F. CELSINVS
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«Nonnius Popidius Celsinus, fils de Nonnius, a fait relever entièrement à ses frais le temple d'Isis renversé par un tremblement de terre. A cause de cette libéralité, les décurions l'ont associé gratis à leur ordre à l'âge de soixante ans».
Cette inscription est d'autant plus intéressante, qu'elle peut éclaircir une partie des inconséquences que l'on trouve dans l'architecture de cet édifice, ainsi que de ceux qui l'avoisinent, telles que le déplacement de quelques colonnes, le renversement de certaines pierres qui avaient fait partie de la construction primitive, etc.
Le temple d'Isis est un des plus complets et des plus curieux qui soient parvenus jusqu'à nous ; il fut découvert le premier de tous ceux de Pompéi, de 1764 à 1776. Cet édifice, situé derrière les gradins du grand Théâtre, est d'une belle architecture et construit en briques revêtues d'un stuc très dur ; il occupe un espace de 30 mètres de long sur 18m 45 de large, et se compose d'un sanctuaire placé au centre d'une aire découverte ou péribole a b c d qu'environne un portique soutenu par huit colonnes doriques de chaque côté, quatre colonnes et deux piliers à la façade. Ces colonnes, dont le diamètre est de 0m 535 , sont rudentées dans toute leur hauteur ; le premier tiers est rouge, le reste du fût est blanc. Les chapiteaux sont de tuf recouvert de stuc. Entre les colonnes sont plusieurs autels, et à leur pied règne un cheneau interrompu par de petites auges carrées dont nous aurons occasion d'expliquer la destination.
Par une disposition assez bizarre, motivée sans doute par la forme du terrain dont l'architecte pouvait disposer, l'entrée du temple k est placée dans un angle du portique et sur le côté N.-O., qui seul était parallèle à une voie. C'est, ainsi que nous l'avons dit, au-dessus de cette porte qu'était placée l'inscription de Popidius Celsinus. On trouva toutes les garnitures de bronze et la serrure de fer de la porte et aussi quelques fragments de la porte même, qui furent reconnus être de bois de châtaignier.
Près de cette entrée étaient un tronc destiné à recevoir les offrandes et deux élégantes vasques de forme carrée et de marbre blanc, qui durent contenir l'eau lustrale ; elles sont aujourd'hui au Musée et sur le bord de l'une d'elles on lit ces mots :
LONGINVS II VIR
Sous le portique, contre le mur qui fait face au sanctuaire, est une niche t dans laquelle était peinte une figure d'Harpocrate ; au pied de cette image était un banc de bois presque réduit en poussière. En avant, le portique présentait un entrecolonnement double formé par deux piliers carrés avec des demi-colonnes engagées.
Au côté méridional du portique on trouva, le 16 février 1765, un hermès de marbre cipollin représentant un homme âgé entièrement rasé ; sur sa poitrine est gravée celte inscription :
C. NORBANI
SORICIS
SECVNDARVM
MAG. PAGI
AVG. FELICIS
SVBVRBAN.
EX D.D.
LOC. D.
«Buste de Caius Norbanus Sorex maître du bourg suburbain Augusto-Felix, érigé sur un lieu donné par décret des décurions».
Egalement sous le portique, mais du côté opposé, fut découvert, le 4 mars 1766 une statuette d'Isis, aujourd'hui au Musée. Cette belle figure a environ 0m 66 de hauteur ; les draperies, très fines et collant sur le corps, étaient légèrement colorées de pourpre avec quelques ornements dorés. La face et les cheveux conservent également des traces de peinture. Ceux-ci, ceints d'une guirlande de fleurs, retombent sur le dos en boucles très longues et très fines. De la main droite la déesse tenait un sistre et de la gauche la croix ansée, que l'on regarde comme le symbole de l'abondance, comme la clef servant à régler les inondations du Nil. Sur la plinthe de la statue on lit cette inscription :
L. CAECILIVS
PH0EBVS
POSVIT L. D. D. D.
«Lucius Caecilius Phoebus a érigé cette statue sur un lieu donné par décret des décurions».
Près de la statue d'Isis on trouva les débris d'un second simulacre de la déesse, que je croirais volontiers avoir été celui placé autrefois dans le sanctuaire. La tête, les mains, dont une tenait un sistre de bronze, et les pieds de marbre furent trouvés à leurs places et à leurs distances respectives, mais isolés, ce qui a donné lieu de supposer, avec toute vraisemblance, que le corps était formé de bois qui avait été consumé.
Le temple proprement dit e est isolé et exhaussé sur huit degrés ; il est précédé d'un péristyle formé de quatre colonnes de face et deux en retour. Ces colonnes de tuf avaient des chapiteaux de stuc ; une seule a conservé le sien.
Le sanctuaire est un renfoncement rectangulaire large de 4m 80, qui était fermé par des portes dont les traces se voient encore sur le seuil. Toute sa largeur, au fond, est occupée par une espèce de grand piédestal haut de 1m 75, construit en briques, creux et voûté, et sous lequel on entrait par deux petites portes ménagées aux extrémités. Un étroit escalier placé à gauche du temple ayant permis d'arriver au sanctuaire et de là sous l'autel, plusieurs auteurs ont cru que dans cette cachette pouvait se glisser le prêtre chargé de rendre les oracles au nom de la déesse ; il faut avouer que la supercherie eût été bien grossière, car les deux petites portes, aussi bien que l'escalier, étaient exposées à tous les regards et nullement dissimulées. Croyons donc plutôt que ce réduit put servir de resserre pour les objets divers employés à la décoration du temple ou à l'accomplissement des rites sacrés.
Les murs du sanctuaire étaient ornés de refends en stuc, et de chaque côté, à environ 4 mètres du sol, de trois consoles qui durent porter des statues ou des bustes. Sur l'autel est le petit piédestal où aurait posé la statue de bois et de marbre dont nous venons de parler.
Dans le sanctuaire en trouva deux crânes humains et, dans deux coffrets de bois brûlé, divers objets d'or dont une très petite tasse ; enfin, deux grands et beaux candélabres de bronze aujourd'hui au Musée.
Aux côtés de la porte du sanctuaire sont deux niches larges de 0m 65, hautes de 1m 20, décorées de pilastres corinthiens et de frontons en stuc, destinées sans doute aux statues de quelques autres divinités associées aux honneurs rendus à Isis, Sunnaioi ou Sumbwmoi qeoi, probablement Osiris et Horus. En avant de la niche de gauche est un autel o destiné à recevoir des offrandes ; il est probable qu'un autel semblable existait au pied de l'autre niche.
Aux côtés du grand escalier étaient deux petits piédestaux g f, et près de là on découvrit, le 22 juin 1765, un pilier présentant, sur trois de ses faces, autant de tables de marbre blanc, hautes de 1m 237 sur 0m 504 de large et qui furent détachées et portées au Musée, où elles sont connues sous le nom des Tables isiaques. La principale porte, gravées au sommet, quatorze figures dont treize sont tournées vers la première, qui est un peu plus grande et paraît être Osiris. En effet, au-dessous de ces figures, elle présente vingt et une lignes d'hiéroglyphes dans lesquelles Champollion jeune a reconnu une invocation à Osiris et à Isis. Les hiéroglyphes sont d'une grande finesse et conservent des traces de couleurs verte et rouge.
Derrière le sanctuaire, dans une niche n, fut découvert, le 8 février 1766, un Bacchus isiaque, en marbre grec, brisé en plusieurs morceaux qui heureusement furent tous retrouvés, à l'exception de quatre doigts. Cette statue, haute de 1m 064., était, comme celle d'Isis, peinte et dorée dans quelques-unes de ses parties ; on lit sur la plinthe :
N. POPIDIVS AMPLIATVS
PATER P. S.
«Nonnius Popidius Ampliatus père, à ses frais».
On sait qu'il est à peu près reconnu que le Bacchus des Romains était le même que l'Osiris des Egyptiens. La présence de la statue de ce dieu dans un temple d'Isis est une nouvelle preuve à l'appui de cette opinion.
Les côtés de la niche présentaient une particularité qu'aucun auteur ne paraissait avoir remarquée ; on y voyait en relief deux oreilles humaines en stuc. Une seule existait encore en 1854, et de l'autre on reconnaissait seulement la trace ; aujourd'hui malheureusement toutes deux ont disparu. Ce singulier moyen de donner aux temples et aux autels des dieux des oreilles pour entendre les prières n'est pas sans autre exemple ; j'ai publié moi-même un autel de la Bonne Déesse conservé au musée d'Arles et où se retrouvent ces mêmes oreilles symboliques.
Revenant à la façade du sanctuaire, on trouve en avant un autel isolé r sur lequel étaient consumées les victimes, dont on a trouvé les ossements mêlés aux cendres. Cet autel n'est point placé dans l'axe du sanctuaire, mais vers la gauche, soit pour laisser plus de développement aux pompes sacrées, soit pour faciliter l'accomplissement de certains rites religieux. A droite et faisant pendant à l'autel est un puits antique qui se trouve aujourd'hui servir de regard au canal du Sarno, creusé par Dominique Fontana. A l'époque de son déblayement, il était rempli de cendres noires paraissant provenir de fruits carbonisés. Ce puits pourrait bien n'avoir été qu'un simple trou destiné, comme l'enceinte qui fait face au temple grec, à recevoir les cendres des sacrifices.
Dans l'angle de l'area, près de l'autel r, s'élève une édicule i découverte un peu avant le sanctuaire ; elle renferme un escalier qui conduit à une petite cave dans laquelle Bonnucci croit reconnaître un bain destiné à la purification des initiés, un purgatorium. Les murs de l'édicule sont ornés de pilastres recouverts d'élégants bas-reliefs en stuc conservant des traces de peinture ; celles de ces sculptures qui subsistent encore représentent des initiés en adoration, Mars, Vénus et des Amours, Mercure et une nymphe, des dauphins et des génies, etc. La corniche était surmontée d'antéfixes de terre cuite, représentant des masques exécutés avec beaucoup d'art ; un seul a échappé à la destruction.
Dans l'angle b de la cour est un petit autel. De ce côté b e est une très grande salle l placée derrière le sanctuaire et dans laquelle on entre par cinq arcades ; elle paraît avoir été le lieu où se célébraient les mystères et où pénétraient les seuls initiés. Cette supposition est confirmée par les peintures qui la décoraient, et qui, toutes, étaient relatives au culte d'Isis. Les principales ont été sciées et transportées au Musée ; on y a reconnu la déesse arec le sistre, Anubis, plusieurs prêtres tenant des palmes et des épis, des Uraeus ou serpents à coiffe (Naja haje), des ibis, des hippopotames, des fleurs de lotus, etc. C'est aussi du temple d'Isis que proviennent une superbe coupe de bronze incrustée d'argent, de 0m 85 de diamètre, reposant sur un pied de marbre ; un admirable trépied de bronze, soutenu par des sphinx, l'un des plus précieux ornements du Musée ; enfin une petite figure accroupie de porcelaine verdâtre, les mains et les bras appuyés sur les genoux et le corps couvert d'une légère draperie.
A la suite de la salle 1 est un passage u communiquant au théâtre.
Du côté de l'enceinte, adossées à ce théâtre, se trouvent plusieurs chambres m auxquelles on arrivait par des portes ouvertes sous le portique. L'une d'elles, qui a une entrée sur une ruelle conduisant de la rue du Temple d'Isis au théâtre, était la cuisine des prêtres d'Isis. Sur ses fourneaux étaient encore des oeufs et des arêtes de poisson. Derrière cette cuisine est un escalier sur lequel furent trouvés couchés les squelettes de plusieurs prêtres, qui périrent dans leur fuite retardée peut-être par le regret d'abandonner le sanctuaire de leur déesse. La pièce voisine de la cuisine, avec laquelle elle communique, était sans doute le réfectoire, car on y trouva une table de marbre sous laquelle étaient des os de poulet ; près d'elle étaient d'autres chambres destinées à l'habitation. Dans la plus grande de ces chambres, celle attenant au réfectoire, on trouva un malheureux qui, renfermé au moment de la catastrophe, avait commencé, à l'aide d'une barre de fer, à percer une muraille, mais avait péri étouffé avant d'avoir pu mener à fin son entreprise, dont on voit encore les traces.
«Non loin de là, dit Dyer, à l'extrémité de la rue de la Fontaine d'Abondance, a été trouvé un autre squelette que l'on suppose être aussi celui d'un prêtre d'Isis ; il était couvert de pierres ponces et autres matières volcaniques ; sa main, aujourd'hui au Musée, tient encore les débris d'un sac de toile grossière qui contenait 360 monnaies d'argent, 102 de cuivre et 6 d'or ; près de lui étaient plusieurs figures appartenant au culte d'Isis, une petite fourchette d'argent, des coupes, des patères en or et en argent, un camée représentant un satyre jouant du tambourin, un anneau orné de pierres et des vases de cuivre et de bronze».
Enfin, dans une maison voisine du temple, on a trouvé deux sistres de bronze qui sont également au Musée.