Tombeau de Naevoleia Tychè

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Tombeau de Naevoleia Tychè, 1er tombeau à droite

Un des plus remarquables mausolées, faisant face au cippe des Libella et voisin du triclinium, est celui de Naevoleia Tychè et de Munatius Faustus. Ce grand tombeau de famille, fouillé en 1813, se compose d'une chambre sépulcrale construite en pierre de taille, reposant sur un gradin très élevé et portant un cippe ou sorte d'autel carré exhaussé sur deux degrés. Ce monument s'élève au milieu d'une enceinte dans laquelle on pénètre par une porte placée à la gauche du mausolée ; l'entrée de la chambre sépulcrale est dans la cour et percée dans la face opposée à la rue. Cette chambre est un columbarium de 2 mètres en tous sens, éclairé par un petit soupirail ; autour règnent une banquette et deux rangées de niches destinées à recevoir les urnes qui ont encore été trouvées en place.

La principale niche contenait une grande amphore d'argile renfermant sans doute les cendres de Naevoleia, ou de Munatius, ou même de tous les deux, si l'on en croit la conjecture sentimentale des savants napolitains. Trois belles urnes de verre, protégées par des enveloppes de plomb et hermétiquement fermées, contenaient des cendres et des ossements flottant encore dans un liquide que des siècles n'avaient pu dessécher et que l'analyse chimique a fait reconnaître pour un mélange d'eau, de vin et d'huile provenant sans doute des libations faites pendant la cérémonie funèbre. D'autres urnes, simplement de terre cuite grossière, contenaient également des ossements, des cendres et souvent la pièce de monnaie destinée à payer le passage sur la barque de Caron ; elles étaient accompagnées de lampes aussi de terre commune, dont plusieurs ont été trouvées dans une encoignure; ces derniers vases ont été laissés en place.

La partie la plus intéressante du monument est le cippe de marbre que nous avons dit être placé à sa partie supérieure, et dont l'ornementation est aussi riche qu'élégante. La face antérieure porte, au centre d'un bel encadrement, l'inscription suivante :

NAEVOLEIA I. LIB. TYCHE SIBI ET
C. MVNATIO FAVSTO AVG. ET PAGANO
CVI DECVRIONES CONSENSV POPVLI
BISELLIVM OB MERITA EIVS DECREVERVNT
HOC MONVMENTVM NAEVOLEIA TYCHE LIBERTIS SUIS
LIBERTABVSQVE ET C. MVNATI. FAVSTI VIVA FECIT.

«Naevoleia Tychè, affranchie de Julie pour soi et pour Caius Munatius Faustus, augustal et maître du bourg auquel les décurions, du consentement du peuple, décernèrent un bisellium à titre de récompense. Naevoleia vivante a érigé ce monument pour ses affranchis et affranchies et pour ceux de Caius Munatius Faustus».

Rien ne nous fait connaître la nature des liens qui unissaient Naevoleia et Munatius. Nous avons tout lieu de penser que cette Tychè était affranchie de Julie, fille d'Auguste, aussi bien que la seconde Tychè, dont à son tour nous décrirons le tombeau.

Au-dessus est placé de face et en demi-relief un petit buste de Naevoleia et au-dessous est un bas-relief représentant la consécration du monument. On y voit d'un côté les magistrats municipaux, collègues de Munatius ; de l'autre, Naevoleia à la tête de sa famille ; au centre est un autel sur lequel un enfant dépose une offrande ; enfin, auprès de l'autel on distingue une borne représentant peut-être d'une manière symbolique le tombeau, objet de la cérémonie. Mazois croit pouvoir reconnaître dans un jeune homme qui se tient près de cette borne le fils de Munatius.

La face opposée du monument est entièrement lisse et sans ornements.

Le côté qui regarde le triclinium présente un bas-relief qui a beaucoup exercé la sagacité des antiquaires. On y voit un navire voguant sur une mer agitée ; sur l'ordre du patron assis au gouvernail, des enfants qui servent de matelots s'empressent de carguer les voiles. Parmi les nombreuses suppositions auquel ce bas-relief a donné lieu, il en est deux qui seules paraissent présenter quelque vraisemblance. Suivant la première, ce vaisseau aurait été destiné à rappeler soit la profession, soit l'origine de la fortune de Munatius ; mais comme aucun autre indice ne vient confirmer cette conjecture, nous croyons devoir préférer l'opinion qui, plus conforme au génie poétique de l'antiquité, voit dans ce vaisseau ballotté par les flots et repliant ses voiles au moment de surgir au port, le symbole de la vie arrivant au port de l'éternel repos. Je trouve un nouvel argument à l'appui de cette opinion dans deux pierres sépulcrales remontant aux premiers temps du christianisme, encastrées à Rome dans les murs du portique de Santa-Maria in Trastevere ; sur la première, qui appartient à une femme, on voit gravé un vaisseau sur une mer agitée, approchant d'un phare qui indique le port ; sur l'autre est un bas-relief représentant un homme expirant au milieu de ses amis et de ses parents, tous tournant les yeux vers un phare dont l'allégorie ne peut être douteuse.

Quoi qu'il en soit de sa signification réelle ou symbolique, le navire de Pompéi n'en est pas moins intéressant pour l'étude de la navigation antique ; on y reconnaît parfaitement les acrostolia ou ornements de l'extrémité du vaisseau ; la proue, décorée d'une tête de Minerve ; la poupe, relevée en col de cygne ou d'oie, qui de là avait pris le nom de cheniscus (petite oie) ; enfin les aplustres ou pavillons flottant au sommet des mâts La quatrième face du tombeau de Naevoleia est également curieuse au point de vue archéologique ; on y voit représenté le bisellium, ce siège privilégié dont avait été honoré Munatius, et dont, jusqu'à la découverte de Pompéi, la forme était inconnue. Au pied du bisellium est un petit tabouret nommé subsellium ou suppedaneum.

Dans l'enceinte du tombeau de Naevoleia se trouvait une modeste sépulture qui dut appartenir à un membre peu important de la famille; ce n'était qu'une simple borne que je n'ai plus retrouvée à mon dernier voyage et sur laquelle j'avais copié cette inscription :

C. MVNATVS
ATIMETVS VIX.
ANNIS LVII.

«C. Munatius Atimetus vécut 57 ans».