Introduction - La catastrophe de 79

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Pompéi n'avait pas encore entièrement réparé les désastres causés par ces tremblements de terre, quand arriva la catastrophe de 79, si fatale à la ville, mais si heureuse pour la science et l'art.

Ainsi que je l'ai dit, Pompéi était bâtie sur une élévation formée par la lave, et quelques auteurs ont même regardé cette élévation comme une ancienne bouche de volcan, semblable à plusieurs autres que l'on voit au pied du Vésuve. Ce pays en effet avait déjà été bouleversé par les feux souterrains, mais antérieurement à toutes les époques connues, car aucun monument historique ne nous en a conservé une notion positive. Homère n'en a point parlé, quoiqu'il semble avoir connu la nature volcanique de cette contrée ; il jette sur toute la côte une sorte d'horreur religieuse, et il la représente comme la dernière limite du stérile Océan et du monde habitable. Selon Diodore de Sicile, cette partie de la Campanie avait reçu le nom de Champs Phlégréens, des feux que le Vésuve lançait autrefois comme l'Etna, et dont il reste encore, dit-il, des traces par tout le pays. Cet auteur est d'accord avec Vitruve pour dire que les feux souterrains de cette partie de la Campanie s'étaient autrefois amassés sous le Vésuve jusqu'à ce que leur surabondance fût lancée sur le pays environnant. «C'est à l'effet de ces feux souterrains qui minent encore la contrée, ajoute Vitruve, qu'on doit attribuer les propriétés de la pouzzolane.» On lit encore dans Strabon : «Au-dessus de ces lieux est situé le mont Vésuve, entouré de toutes parts de campagnes fertiles, mais dont le sommet presque plat est entièrement stérile. Sa superficie a l'apparence de la cendre, et on y trouve l'ouverture de cavernes profondes qui s'ouvrent dans tous les sens ; les pierres paraissent à leur couleur noire avoir été brûlées par le feu, tellement qu'on peut conjecturer que, dans l'antiquité, cette montagne fut un volcan qui s'est éteint faute d'aliments.» Le même auteur attribue la fertilité des campagnes voisines aux cendres volcaniques dont le sol est presque tout composé.

«Le voilà, s'écrie Martial, le voilà ce Vésuve couronné jadis de pampres verts dont le fruit généreux inondait de son jus nos pressoirs ! Les voilà ces côteaux que Bacchus préférait aux collines de Nyse ! Naguère encore les satyres dansaient sur ce mont ; il fut le séjour de Vénus, plus cher à la déesse que Lacédémone ; Hercule aussi l'illustra de son nom. Les flammes ont tout détruit, tout enseveli sous des monceaux de cendres ! Les dieux mêmes voudraient que leur pouvoir ne fût pas allé jusque-là» (1).

Les circonstances qui accompagnèrent le commencement de la guerre des esclaves servent encore à démontrer que le cratère du Vésuve était à peu près à cette époque (73 ans avant Jésus-Christ) ce qu'est de nos jours le volcan éteint d'Astruni, qui s'élève à l'occident de Naples, non loin du lac d'Agnano. Spartacus chercha un asile sur le Vésuve avec soixante-dix de ses compagnons. Le sommet de la montagne, entouré d'un mur naturel taillé à pic, et d'un accès difficile, contenait un espace vide, et fermé de tous côtés ; un seul passage étroit et escarpé y conduisait. Investi par le préteur Clodius, et refoulé dans cette enceinte, Spartacus se fit des échelles en tordant ensemble des branches de vignes sauvages qui croissaient sur la montagne ; il franchit par ce moyen les précipices qui protégeaient le sommet d'un côté qu'on avait cru inaccessible, et tomba à l'improviste sur Clodius avec tant de vigueur qu'il délit ses troupes et détruisit son camp.


(1)  Martial, Epîtres, IV, 44