THERMAE (θέρμαι)

  1. Mot à mot, sources d'eau chaude (eaux thermales) ; par suite, bains d'eau chaude, que la chaleur en fût naturelle ou produite par des moyens artificiels. Enfin, plus tard, ce nom fut transporté au bâtiment qui contenait tout ce dont se composait un établissement de bains complet, des bassins froids ainsi que des bains chauds, des bains de vapeur aussi bien que d'eau : tels étaient, par exemple, ceux qu'Agrippa légua au peuple romain, et dont le bel édifice que nous appelons maintenant le Panthéon, formait une dépendance (Plin. H.N. XXXIV, 19, 6 ; XXXV, 9 ; XXXVI, 64). Dans ce sens général, ce mot n'est donc qu'un synonyme de balineae ; voyez, à ce mot, expliquée et figurée, la manière dont les anciens construisaient et déposaient un établissement de bains.
  1. Après le siècle d'Auguste, quand les Romains eurent tourné leur attention vers les arts de la paix, et qu'ils employèrent à l'embellissement de leur capitale une partie des trésors qu'accumulaient entre leurs mains les tributs payés par leurs immenses provinces, le nom de Thermae fut plus particulièrement réservé à ces magnifiques établissements, disposés sur le plan d'un gymnase grec, mais construits avec plus de luxe encore et dans de plus grandes proportions. Outre des bassins et des pièces pour toute espèce de bains chauds, froids, ou de vapeur, ils contenaient des salons de conversation et de discussion, des bibliothèques, des galeries de tableaux, des appartements pour toute espèce de jeux et d'exercices, des promenades à ciel ouvert et ombragées, des corridors couverts, des portiques pour courir, sauter, faire toute sorte d'exercices gymnastiques, enfin toutes les dépendances qui pouvaient contribuer à procurer des jouissances intellectuelles ou matérielles à une population riche et adonnée au luxe (Suet. Cal. 37 ; Nero, 12 ; Mart. III, 20, 25 ; V, 44 ; VII, 32 et 34 ; IX, 76 ; XII, 83 ; Capitol. Gord. 32 ; Eutrop. VII, 9 ; textes dans sept desquels thermae est opposé à balnea).

    On peut encore voir dans Rome des ruines très considérables de trois anciens édifices publics de ce genre : les thermes de Titus sur l'Esquilin (Suet. Tit. 7 ), où fut trouvé 1e fameux groupe du Laocoon ; les thermes de Caracalla, ou Antonianae, sur l'Aventin (Spart. Carac. 9 ; Eutrop. VIII, 11 ), où l'on découvrit les statues de l'Hercule Farnèse, de la Flore Farnèse, et le groupe de Dircé attachée par Zéthus et Amphion à un taureau sauvage, chefs d'oeuvre qui sont conservés aujourd'hui au Musée National, à Naples ; enfin les thermes de Dioclétien, qui couvrent une partie à la fois du Viminal et du Quirinal, et d'une seule salle desquels Michel-Ange fit une église, Santa Maria degli Angeli, la plus grande qui soit à Rome, après Saint-Pierre.

    La gravure suivante donne le plan des thermes de Caracalla, d'après l'étude qu'en a faite l'architecte italien Pardini, avec quelques changements dans les parties restaurées, changements opérés d'après le gymnase d'Ephèse, dont un plan est inséré à l'article gymnasium, et dont la comparaison avec celui qui est ici représenté démontrera que dans l'ensemble les mêmes principes présidaient à la distribution et au dessin de ces deux sortes d'édifices. Les lignes et teintes noires indiquent les parties de la construction encore subsistantes ; les autres, celles qui sont plus légèrement marquées, sont des restaurations, mais suffisamment autorisées par des portions correspondantes encore subsistantes, comme on s'en convaincra en examinant de près et en comparant les côtés opposés de l'édifice en général et de chaque appartement en particulier. On doit comprendre qu'il y a dans une certaine mesure quelque chose de conjectural dans les noms et les usages assignés à tous ces appartements, excepté là où les ruines ont conservé de leur ancienne destination des traces assez nettes pour lever tous nos doutes ; mais cependant, en assignant des noms à toutes les pièces, nous obtiendrons un résultat. Nous donnerons au lecteur, sous une forme très concise et de la manière la plus simple du monde, une idée claire et distincte de la magnificence de ces édifices, et du nombre, de la variété, de la disposition générale des pièces qu'ils contenaient ; car les thermes de Dioclétien, quoique construits dans de plus grandes proportions, sont exactement disposés de même dans toutes leurs parties essentielles.


AA. Colonnade faisant face à la rue, qu'Héliogabale commença à ajouter à la construction primitive, et qu'acheva Alexandre Sévère (Lamprid. Heliog. 17 ; Alex. Sev. 25). Quant à la rangée de petites pièces qu'on aperçoit derrière cette colonnade, on suppose que c'étaient des chambres de bain séparées, pourvues chacune d'un apodyterium ou cabinet à se déshabiller pour les gens qui n'aimaient pas à se baigner en public.

B. L'entrée.

CCC. Trois corridors simples régnant autour de la masse centrale des bâtiments, et l'entourant à l'aide d'un corridor double, DD, qui borde le côté sud-ouest : ces couloirs sont restaurés d'après le gymnase d'Ephèse, quoiqu'il n'en subsiste aucune trace ; sans eux, il y aurait évidemment eu dans le plan un vide, qu'il fallait remplir.

EE. Exèdres, où s'asseyaient et causaient les philosophes et les littérateurs, avec une abside semi-circulaire, conservée à gauche, et tout autour de laquelle étaient rangés les sièges.

FF. Galeries semblables aux xysti grecs, en avant des emplacements consacrés aux exercices gymnastiques, et ayant à chaque bout une salle séparée, qui servait probablement à l'un des jeux ou exercices empruntés aux Grecs.

GGGG. Promenades découvertes (hypaethrae ambulationes), plantées d'arbres et d'arbrisseaux, avec des ronds-points qui servaient aussi à toute espèce d'exercices du corps.

H. Le stade, avec des sièges à l'entour, qui permettaient aux spectateurs de suivre la course et les autres exercices auxquels on s'y livrait ; de là le nom qu'il porte aussi de theatridium. Les massifs derrière le stade contiennent les cuves, avec des fourneaux au-dessous, qui élevaient l'eau servant aux bains jusqu'à une certaine température, avant que des tuyaux la transportassent dans les chaudières, contiguës aux chambres de bain.

I est le réservoir général (castellum), et J une portion de l'aqueduc qui le remplissait.

Quant aux autres appartements placés à cette extrémité de l'édifice, KK, LL, MM, rien ne permet d'en déterminer l'usage et le nom : tout ce que l'on peut faire, c'est inférer de leur place auprès des terrains consacrés à la gymnastique, qu'ils se rattachaient en quelque manière au même ordre d'exercices.

Le massif central contenait les chambres de bain, dont quelques-unes gardent des traces suffisantes de leur premier usage pour qu'on puisse leur donner avec confiance une destination précise.

N. Natatio, grand bassin où l'on pouvait nager, flanqué de chaque côté d'une suite de cabinets où l'on se déshabillait (apodyteria) et de chambres pour les esclaves (capsarii) qui veillaient sur les habits des baigneurs, la simplicité de ces chambres et l'absence de toute ornementation indiquant assez qu'elles étaient faites pour des domestiques.

O. Le caldarium, avec quatre bains (1, 2, 3, 4) à eau chaude (alvei) à chacun de ses angles, et un labrum (5, 6) sur chacun des deux grands côtés du parallélogramme. Les marches qui conduisaient dans chacun des bassins subsistent encore, ainsi qu'une partie du tuyau par lequel arrivait l'eau dans l'un d'eux ; le toit au-dessus de la partie centrale de cette pièce était, comme celui de la salle précédente (N), supporté par huit colonnes immenses. En continuant à s'avancer dans le même sens, on rencontre des appartements trop ruinés pour qu'on puisse les restaurer avec quelque certitude, mais qui contenaient, sans aucun doute, le laconicum ou bain de vapeur, auquel servait sans cloute la chambre circulaire (P).

On a reconnu, à des signes encore apparents, que QQ étaient des citernes à eau placées près des chambres de bain, et alimentées par les cuves situées à l'autre bout de l'édifice.

Les deux pièces spacieuses (RR), voisines des corridors latéraux, étaient des chambres couvertes servant à faire de l'exercice dans le mauvais temps, et elles semblent bien appropriées aux jeux de balle (sphaeristeria), auxquels se livraient les Romains.

Celles qui se trouvent plus loin, près de la double galerie, étaient deux bassins d'eau froide (baptisteria, SS), avec une salle où l'on se frottait le corps d'huile (elaeothesium, TT), et de chaque côté une chambre fraîche (frigidarium, UU).

L'ensemble des bâtiments a en tout 1 320 mètres de tour, et le massif du milieu avait un étage supérieur, dont il existe encore des traces, et où étaient probablement placées les bibliothèques et des galeries de tableaux.


Illustration complémentaire

Thermes de Caracalla
Maquette de Gismondi
Musée de la Civilisation romaine, Rome, 2001

© Agnès Vinas