Temple de la Fortune |
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Temple de la Fortune |
A l'angle de la rue du Forum a b, sur laquelle il n'est pas placé en ligne droite, et de la rue de la Fortune a i, s'élève un temple découvert le 23 octobre 1823, lequel, s'il n'est pas un des plus vastes ni dés plus majestueux de Pompéi, est au moins un des plus intéressants par le grand nom qui s'y rattache. Il fut consacré à la Fortune par un membre de la famille de Cicéron, ainsi que nous l'apprend l'inscription suivante, qui se lit sur l'architrave du sanctuaire, M. TVLLIVS M. F. D. V. I. D. TER. QVINQ. AVGVR. TR.
MIL.
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L'absence du surnom de Cicéron fait voir que le Marcus Tullius ici nommé n'était point le célèbre orateur ; nous avions supposé qu'il pouvait s'agir de son père ou de son grand-père, qui tous deux portaient le prénom de Marcus, mais Overbeck fait remarquer avec raison que l'épithète d'Augusta, donnée à la Fortune, semblerait indiquer une époque postérieure à l'établissement de l'empire. Le fondateur du temple serait alors un des descendants et non l'un des ancêtres de Cicéron.
Plusieurs autres inscriptions trouvées dans le même édifice rappellent diverses consécrations ; il en est une qui reproduit encore le nom de Marcus Tullius ; découverte le 26 octobre 1823, elle se lisait sur une pierre enfoncée dans le sol, à la droite des degrés du portique, dans un petit terrain d qui, situé au sud du temple, le séparait d'une maison appartenant sans doute à la famille Tullia, car elle communiquait avec le sanctuaire ; elle est ainsi conçue :
M. TVLLII. M. F.
AREA PRIVATA.
«Area ou cour particulière de Marcus Tullius, fils de Marcus».
W. Gell croit avoir reconnu dans cette cour des vestiges de la cuisine et de l'office des prêtres, se fondant sur ce qu'on y a trouvé une tête de Bacchus qui supportait une table ronde, deux coupes, un mortier et d'autres ustensiles de bronze ; mais ces salles et ces objets nous semblent, d'après l'inscription, devoir avec plus de raison être regardés comme ayant appartenu à l'habitation de la famille Tullia.
Sur une base de marbre blanc, de forme cylindrique, trouvée dans le temple, le 20 février 1826, on lit :
AGATHEMERVS VETTI.
SVAVIS CAESIAE PRIME
POTHVS NVMITORI.
ANTEROS LACVTVLANT.
MINIST. PRIM. FORTVNAE. AVG. IVSS.
M. STAT. RVFI. CN. MELISSAE. D. V. I. D.
P. SILIO. L. VOLVSIO. SATVRN. COS.
«Agathemerus, esclave de Vettius, Suavis, esclave de Cesia Prima, Pothus, esclave de Numitor, Anteros, esclave de Lacutulantus, premiers ministres (1) de la Fortune Auguste, ont élevé ce monument par ordre de M. Statius Rufus et de Cneius Melissa, duumvirs chargés de rendre la justice, sous le consulat de Publius Silius et Lucius Volusius».
Sur une autre base, découverte en même temps dans la cella, est gravée une troisième inscription :
TAVRO STATILIO
TI. PLATILIO AELIAN. COS.
L. STATIVS FAVSTVS PRO
SIGNO QVOD E LEGE, FORTVNAE
AVGVSTAE MINISTORVM PONERE
DEBEBAT REFERENTE Q. POMPEIO AMETHYSTO
QVAESTORE BASIS DVAS MARMORIAS DECREVERVNT
PRO SIGNO PONIRET (2).
«Taurus Statilius et Titus Platilius AElianus étant consuls, Lucius Statius Faustus, qui devait ériger une statue par l'ordre des ministres de la Fortune Auguste, a été, par décision rendue sur le rapport du Questeur (3) Q. Pompeius Amethystus, autorisé à placer au lieu de la statue deux bases de marbre».
Ces inscriptions, rédigées d'ailleurs fort
singulièrement et, la dernière surtout, contre
toutes les règles de la syntaxe, présentent une
particularité difficile à expliquer. Nulle part
dans les fastes consulaires on ne trouve réunis
à la même année les noms de P. Silius et
Lucius Volusius Saturninus, non plus que ceux de Statilius
Taurus et de T. Platilius AElianus ; il est donc impossible
de fixer, d'après ces inscriptions, l'époque
précise des monuments qui les portent.
Revenons au temple lui-même, qui, dépouillé des marbres dont il était revêtu, est un des plus ruinés, mais aussi un des plus pittoresques de Pompéi ; il occupe une surface de 24m 30 de long sur 9m 30 de large ; il n'avait point d'area ni d'enceinte sacrée, et sa façade se présentait sur la rue comme celle du temple de Jupiter sur le Forum. On trouve d'abord deux petits escaliers e e, séparés par un large pulpitum portant un autel rectangulaire f et entouré d'une grille de fer formée de barreaux ronds dont on voit encore en place quelques restes ; puis, après un repos, neuf autres degrés de toute largeur, fort ruinés, mais dont on a restauré l'extrémité de gauche. Ces degrés conduisent au pronaos g, soutenu jadis par quatre colonnes corinthiennes de marbre blanc à la façade, et une colonne et un pilier en retour à chaque aile. Trois des chapiteaux ont été retrouvés et sont déposés sur le sol avec d'autres fragments d'architecture également en marbre blanc. |
Les murs de la cella h, ornés extérieurement de pilastres, s'élèvent encore jusqu'à la hauteur de 4m 50 et forment une enceinte de 7m 10 de largeur sur 10m 85 de profondeur. Ils étaient revêtus de plaques de marbre, sur l'une desquelles on trouva ce fragment d'inscription :
...AVGVSTO CAESARI PARENTI PATRIAE
Le fond du sanctuaire s'arrondit en forme de niche et renferme au milieu le piédestal de la déesse entre deux pilastres corinthiens.
A l'intérieur les murs de la cella, jadis
revêtus de marbre, présentent quatre autres
niches qui contenaient sans doute les statues de divers
membres de la famille Tullia ; on n'en a trouvé que
deux : l'une représentant une matrone portant le long
vêtement appelé tunica talaris, et
l'autre un magistrat couvert d'une toge, que l'on a cru
être Cicéron lui-même. Les cheveux, la
face et les yeux de celle-ci avaient été
peints, et la toge était couleur de pourpre. La
tête de la statue de femme avait été
évidemrnent changée, sans doute afin
d'approprier économiquement une figure
déjà existante à une nouvelle
destination. La tunique avait une bordure rouge et or. Dans
le soubassement du temple est un souterrain qui n'a
été fouillé qu'en janvier 1859, et
où été trouvés quatre fragments
de carapace de tortue.
(1) On
sait que les ministres des temples Camilli,
Flamines, Aeditui, Popae, Victimarii, etc.,
composaient une classe inférieure à
l'ordre des prêtres, et que souvent même
leurs fonctions étaient dévolues à
des esclaves ; il en était ainsi au temple de la
Fortune à Pompéi. D'ailleurs quand, dans
les inscriptions le nom est, comme ici, suivi d'un
génitif sans les lettres F ou L, initiales des
mots filius ou libertus, le mot
sous-entendu était presque toujours
servis, et c'était par une sorte
d'euphémisme qu'on se dispensait de l'indiquer
même par une initiale. |
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(2) Les
fautes ministorum, basis, marmorias et
poniret, doivent être attribuées
à l'ignorance du graveur. |
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(3) Il
n'est pas question ici du magistrat nommé
questeur, mais d'une espèce de receveur
ou de trésorier de la fabrique, comme nous
dirions aujourd'hui. |