Forum civil |
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Le Forum civil de Pompéi était situé dans la partie de la ville la plus voisine de la mer (1). Déblayé de 1813 à 1818, il offrit un parallélogramme dont l'area ou partie découverte n'a pas moins de 157 mètres de longueur sur 33 mètres de largeur. Borné au nord par le temple de Jupiter, il était entouré des trois autres côtés par un portique soutenu par des colonnes qui étaient en double rang au sud, et depuis l'angle S.-E. jusqu'à la rue de la Fontaine. Overbeck pense avec raison que le Forum est d'une date plus récente que les monuments qui l'entourent, et qu'en tous cas il est postérieur à la colonisation romaine, sinon, ajoute-t-il, au tremblement de terre de 63. Nous dirons tout à l'heure ce que nous pensons de cette seconde assertion, qui nous semble démentie par l'examen même des lieux. A l'appui de son opinion, Overbeck fait remarquer que les deux petites rues aboutissant au côté oriental du Forum, entre le temple d'Auguste et la curie, entre le temple de Mercure et l'édifice d'Eumachia, se sont trouvées condamnées et transformées en impasses, lorsqu'en construisant le Forum, on réunit ces divers édifices. De son côté, Dyer a observé que le plan et la disposition du Forum sont entièrement conformes aux règles données par Vitruve, et que les éléments de sa construction, tels que les colonnes de briques et les murailles revêtues de stuc et de marbre indiquent une date beaucoup plus récente que les solides matériaux employés, par exemple, au temple grec du Forum triangulaire. A cet égard, nul doute n'est possible, et d'ailleurs le défaut de parallélisme de presque tous les édifices du Forum suffirait seul à rendre leur antériorité incontestable. D'un examen approfondi de la question, nous croyons pouvoir conclure que, dans le principe, le Forum de Pompéi ne fut qu'un terrain libre, une simple place autour de laquelle étaient groupés sans alignement commun divers édifices, dont un même, le temple de Vénus, était entièrement indépendant, ayant, comme nous l'avons vu, son entrée sur la rue qui le séparait de la basilique. Sous la domination romaine, prenant pour base le temple de Jupiter, on éleva le Forum rectangulaire que nous voyons aujourd'hui, et auquel on raccorda tant bien que mal les édifices déjà existants, soit en modifiant leurs façades, soit en donnant à l'intérieur des portiques des profondeurs inégales, sensibles surtout au côté oriental. Nous aurons occasion de citer encore divers faits qui viennent corroborer notre opinion.
A l'ouest, le temple de Vénus n'était point exactement parallèle au Forum ; nous avons vu comment on avait remédié à cette irrégularité. L'axe de la basilique voisine n'étant pas non plus parfaitement perpendiculaire au Forum, la façade avait été raccordée à l'aide d'une inégalité dans la profondeur de son vestibule. Le portique de ce côté avait donc une largeur uniforme de 8 mètres, tandis que du côté opposé elle variait de 8 mètres devant la Curie à 14 mètres devant l'édifice d'Eumachia.
Les colonnes du portique étaient d'ordre dorique ; mais à leurs bases, à leurs proportions un peu sveltes, il est facile de reconnaître le dorique romain, bien moins sévère que le dorique grec de l'Hécatonstylon, du tribunal ou du temple du Forum triangulaire. Elles étaient cannelées dans les deux tiers supérieurs, et polygonales dans la partie inférieure ; elles s'élevaient sur deux degrés, et dans le premier étaient ménagés des caniveaux couverts pour l'écoulement des eaux.
Le portique était surmonté d'un second ordre formé de colonnes ioniques, mais dont beaucoup de chapiteaux avaient été défigurés par des restaurations. Aucune des colonnes de cet étage n'est en place, et on n'a point retrouvé de traces de l'entablement qu'elles portaient. Cette circonstance ne doit pas étonner, si l'on songe que le Forum, ruiné en grande partie par le tremblement de terre, était en pleine restauration au moment de l'éruption. On ne peut en douter quand on voit sur le sol des chapiteaux et des parties d'entablement seulement ébauchés et qui n'avaient point encore été élevés sur les colonnes qui les attendaient, et aussi quand on remarque que ces colonnes inachevées sont en belle pierre calcaire et destinées à remplacer les anciennes qui sont d'un tuf grossier.
Quatre escaliers très étroits et très raides conduisaient à la galerie formée par le second ordre de portiques. Une particularité assez remarquable est qu'à l'exception d'un seul, tous avaient leur entrée en dehors de l'enceinte du Forum. Peut-être peut-on en conclure que ces galeries étaient réservées dans certaines cérémonies publiques aux femmes, qui se trouvaient ainsi entièrement isolées des hommes ; peut-être aussi, et cette conjecture me paraît plus probable, voulait-on conserver au public la jouissance des galeries supérieures aux heures où le Forum était fermé par les grilles, dont on reconnaît les traces à toutes les issues.
J'avais cru avec tous les archéologues qui m'avaient précédé et j'avais dit dans les premières éditions de ce livre que le Forum était accessible aux voitures et aux chevaux par la rue passant sous le grand arc de triomphe, situé à l'est du temple de Jupiter. Des fouilles récentes, en dégageant le pied de l'arc, ont fait découvrir des marches et même des bornes renversées qui ont été remises en place et qui ont prouvé que de ce côté, comme de tous les autres, l'entrée du Forum n'était permise qu'aux piétons.
Grand arc du Forum et marches
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Les issues, au nombre de sept , débouchaient toutes sous les portiques du Forum, à l'exception des deux ouvertes sous les arcs, aux côtés du temple de Jupiter.
L'aire du Forum était dallée régulièrement en travertin dans toute son étendue ; on y voyait contre les portiques s'élever de nombreux piédestaux, portant les statues des personnages illustres qui avaient été jugés dignes de cet honneur. On en compte encore vingt-deux en place ; cinq portent des inscriptions et conservent leur revêtement de marbre en tout ou en partie ; quatre sont placés au côté occidental du Forum ; ce sont les plus petits, et on y lit les deux inscriptions de Pansa et celles de Lucretius Decidianus. Un piédestal plus grand et composé d'un dé de marbre africain, avec base et corniche de marbre blanc, est situé dans l'angle S.-E. du Forum et porte l'inscription de Salluste. Quelques piédestaux, plus anciens sans doute, sont d'une construction plus grossière ; W. Gell croit, toutefois sans pouvoir l'affirmer, qu'au moment de l'éruption on travaillait à en élever de plus riches pour les remplacer.
Voici quelques-unes des inscriptions qu'on a pu déchiffrer :
M. LVCRETIO DECIDIAN.
RVFO D. V. III QVINQ.
PONTIF. TRIB. MILITVM
A POPVLO PRAEF. FABR.
M. PILONIVS RVFVS.
«A Marcus Lucretius Decidianus Rufus, Duumvir, trois fois Quinquevir, pontife, tribun des soldats élu par le peuple, préfet des ouvriers (2), Marcus Pilonius Rufus». s
M. LVCRETIO DECIDIAN.
RVFO II VIR. III QVINQ.
PONTIF. TRIB. MIL. A POPVLO
PRAEF. FABR. EX D. D.
POST MORTEM.
«A Marcus Lucretius Decidianus Rufus, Duumvir, trois fois Quinquevir, pontife, tribun des soldats élu par le peuple, préfet des ouvriers, érigée après sa mort par décret des Décurions».
On voit que deux statues avaient été érigées au même citoyen, de son vivant par quelque membre de sa famille et après sa mort par l'autorité.
Q. SALLVSTIO P. F.
II VIR. I. D. QVINQ.
PATRONO... D. D.
«A Q. Salluste, fils de Publius, Duumvir chargé de rendre la justice, Quinquevir et patron de la colonie, par décret des Décurions».
C. CVSPIO C. F. PANSAE
II VIR. I. D. QVART. QVINQ.
EX. D. D. PEC. PVB.
«A. Caius Cuspius Pansa, fils de Caius, Duumvir chargé de rendre la justice, quatre fois Quinquevir, monument érigé aux frais du public par décret des Décurions».
Une seconde statue était érigée en l'honneur du même personnage ; l'inscription est à peu près la même, seulement Pansa y est en outre qualifié pontife.
C. CVSPIO. C. F. PANSAE
PONTIFICI II VIR. I. D.
EX D. D. PEC. PVB.
En avant de l'un des piédestaux et devant la basilique, on voit l'ouverture d'une citerne dans la pavé du Forum.
(1) «Si
la ville est sur le bord de la mer, il faudra que
l'endroit où l'on veut bâtir la place
publique soit près du port ; tandis que si la
ville est éloignée de la mer, le Forum
devra se trouver au centre». (VITRUVE, I,
7). |
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(2) Les corps à la suite de l'armée, les ouvriers et conducteurs de chars étaient placés sous le commandement de chefs spéciaux appelés, l'un préfet des ouvriers, praefectus fabrorum, l'autre préfet des chariots, praefectus vehiculorum. |